1-Summoning of Evil Light B304 0.46
2-Spider's Threat 3.31
3-Howl from Darkness 2.29
4-Attacked Mystification
Police Department 2.28
5-Love/Katsumi & Fuyuka 2.20
6-Discordance 2.35
7-Emptiness & Demon Bones 1.31
8-Dense Fog-NONE- 4.55
9-Construction to Suffering 3.23
10-Monster Demon/Lucifer Hawk 3.26
11-Bloody Holy Place 3.06
12-Tragedy/Katsumi 1.25
13-Banquet of Battle 2.37
14-Tears & Hopes and
Then Rain...1.39
15-Silent Möbius-Sailing 3.41

Musique  composée par:

Kaoru Wada

Editeur:

Victor VICL-178

Album produit par:
Kaoru Wada

Artwork and pictures (c) 1991 AIC. All rights reserved.

Note: ***1/2
SILENT MöBIUS :
THE MOTION PICTURE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Kaoru Wada
« Silent Möbius » est à l’origine un manga conçu par Kia Asamiya et publié au Japon en 1988. C’est en 1991 que le manga sera finalement adapté à travers un premier long-métrage suivi d’un second long-métrage en 1992, les deux films étant ainsi prévus pour se suivre afin de ne former qu’une seule histoire. Ces deux films permettront d’ailleurs d’introduire l’histoire de la série TV de « Silent Möbius » qui démarrera ainsi quelques années plus tard, en 1998. Autre originalité : l’histoire racontée dans ces deux films est antérieure à celle du manga d’origine. En réalité, il était prévu que d’autres films soient réalisés après ces deux premiers opus mais Kia Asamiya, apparemment déçu par les films, s’opposa à la réalisation des opus suivants. Le réalisateur Kazuo Tomizawa signe ainsi un premier opus plutôt sombre et imposant, relatant les débuts de cette histoire mélangeant démons Lovecraftiens et héroïnes guerrières. L’histoire débute ainsi à Tokyo en 2028. Des policières bataillent contre un monstre qui sème la terreur dans la ville. L’une de ces policières, Katsumi Liqueur, aperçoit le monstre et se souvient où elle l’a vu auparavant. Un flashback nous ramène alors quelques années en arrière, en 2024. Katsumi est une jeune américaine originaire d’Hawaï, venu à Tokyo pour rendre visite à sa mère Fuyuka qui se trouve à l’hôpital. Mais devant les embouteillages sans fin, la jeune femme décide de quitter son taxi et d’emprunter un raccourci à pied. Elle traverse alors sans le savoir une zone protégée par une puissante barrière magique et croise la route d’une policière qui l’arrête brutalement, avant d’être attaquée subitement par une mystérieuse créature. Terrifiée, Katsumi perd connaissance et se réveille en compagnie d’un groupe de femmes policières. Ces dernières appartiennent à l’AMP, l’Attacked Mystification Police, une unité spéciale constituée de femmes policières combattant des créatures maléfiques issues d’un monde nommé Nemesis. Ces créatures sont appelées les Lucifer Hawks. Personne ne sait ce qu’ils recherchent réellement sur Terre, mais Rally Cheyenne, la chef de l’AMP, est convaincue que tout cela a un rapport avec Katsumi. C’est pourquoi Cheyenne demande alors à Katsumi de les rejoindre afin de les aider à combattre les Lucifer Hawks, en lui expliquant qu’elle possède des pouvoirs magiques qu’elle ignore encore. Terrifiée et bouleversée, Katsumi refuse et s’enfuit, ne croyant pas à la magie.

« Silent Möbius The Motion Picture » pose ainsi les bases de l’intrigue de la saga et nous permet de découvrir ainsi les héroïnes policières de l’AMP et la belle Katsumi Liqueur, une jeune femme troublée qui souffrira tout le long de la perte tragique de sa mère, qui s’est sacrifiée pour elle en détruisant un Lucifer Hawks qui était sur le point de la tuer. Katsumi refusera constamment d’admettre qu’elle possède des pouvoirs magiques puissants. Elle refusera aussi d’admettre qu’elle est la clé dans ce combat acharné contre les monstres du monde de Nemesis. L’originalité du film de Kazuo Tomizawa vient surtout de sa très courte durée : à peine 54 minutes seulement. Evidemment, pour une histoire aussi complexe et ambitieuse, c’est bien trop court, si bien que certains personnages sont mal développés et certains éléments de l’histoire bien trop vite expédiés. L’animation est quand à elle tout à fait satisfaisante pour un anime de 1991, avec des couleurs plutôt sombres retranscrivant clairement l’ambiance oppressante et dramatique du film. « Silent Möbius » contient aussi son lot de scènes gore (les profusions de sang lorsque les Lucifer Hawks se font attaquer) et même d’un zest d’érotisme (l’attaque de Katsumi sous la douche) mais c’est surtout la complexité de l’histoire qui réussit à nous tenir ici en haleine, sans oublier l’excellent design des Lucifer Hawks, des créatures monstrueuses et cauchemardesques manifestement inspirées du Cthulhu de H.P. Lovecraft. Quand aux décors futuristes du film, ils sont très clairement inspirés du « Blade Runner » de Ridley Scott, qui semble avoir servi de principale source d’inspiration aux concepteurs du manga et du film. « Silent Möbius » s’avère donc être au final un premier opus de qualité qui attire clairement notre curiosité sur cet univers sombre et fascinant, bien que le film reste beaucoup trop court pour pouvoir réussir à nous convaincre totalement. Une vision du « Silent Möbius 2 » sera donc nécessaire pour pouvoir enfin avoir une vue d’ensemble correcte sur l’histoire de cette saga épique et mouvementée, les deux films étant ainsi censés n’en faire qu’un.

La musique de « Silent Möbius The Motion Picture » a été confiée à Kaoru Wada, ancien apprenti du célèbre Akira Ifukube, auteur d’une partition mythique pour le « Godzilla » de 1954, et plus connu pour ses musiques d’anime japonais tels que « Ninja Scroll » ou la série « Gunnm ». Le score de « Silent Möbius » utilise toutes les ressources d’un orchestre symphonique traditionnel en arborant un certain classicisme d’écriture très éloigné de l’univers futuriste du film. Wada articule sa partition autour d’un thème poignant associé à Katsumi Liqueur dans le film et à l’AMP, un thème aux variations multiples. On le découvre ainsi sous la forme d’une marche héroïque et triomphante dans le très cuivré « Attacked Mystification Police Department », thème quasi chevaleresque qui n’est pas sans rappeler par moment certaines musiques épiques de Masamichi Amano pour la série « Giant Robo ». Le morceau est d’ailleurs entendu pour la scène où Katsumi arrive dans les bureaux de l’AMP, lorsque Rally Cheyenne tente de convaincre l’héroïne de rejoindre les forces de son unité spéciale. Le thème est alors repris dans sa forme plus intime et émouvante dans « Love - Katsumi & Fuyuka », pièce poignante introduite par un cor solitaire et quelques cordes. Le thème est ici repris sous une forme plus lente et apaisée évoquant l’amour familial entre Katsumi et sa mère Fuyuka, développé ici par une flûte et les cordes : un morceau simple et de toute beauté, dont la fraîcheur mélodique n’est pas sans rappeler par moment les oeuvres de Joe Hisaishi pour les films de Miyazaki. Les Lucifer Hawks possèdent à leur tour leur propre thème, un motif mystérieux et entêtant entendu dans « Discordance » (motif que Kaoru Wada reprendra en grande partie dans sa partition pour « Ninja Scroll » en 1993), morceau plus sombre aux orchestrations très soignées. Le compositeur utilise ici un style plus atonal qui rappelle par moment la noirceur de certaines partitions de Béla Bartók (avec ses motifs mélodiques ondulants et hypnotisants).

La partition de « Silent Möbius » est très largement dominée par ces ambiances plus sombres et dissonantes comme l’annonce très clairement l’ouverture du film, « Howl from Darkness » et ses effets avant-gardistes et dissonants des cordes qui rappellent Penderecki ou Ligeti - une ouverture annonçant clairement toute la noirceur de l’histoire. Kaoru Wada semble d’ailleurs particulièrement à l’aise dans ces passages atonaux qui reflètent une véritable connaissance de l’esthétique de la musique savante du 20ème siècle, à mi-chemin entre Bartók, Penderecki et Lutoslawski. Un morceau comme « Emptiness & Demon Bones » confirme clairement l’orientation sombre et oppressante de la partition de « Silent Möbius » pour illustrer les méfaits des sinistres Lucifer Hawks. Wada développe ici un motif de cordes aux notes rapides et constamment répétées pour accompagner l’une des scènes de bataille du film contre les redoutables créatures du monde de Nemesis. Ce motif de cordes frénétique apporte une excitation certaine à ces scènes de bataille tout en faisant la part belle aux timbales et aux cuivres. « Monster Demon/Lucifer Hawk » développe de façon plus intense cette atmosphère sombre et oppressante à l’aide d’un orchestre dominé ici par des cuivres massifs, des timbales agressives et des cordes dissonantes. Le motif mystérieux des Lucifer Hawks est de retour, développé ici de façon plus intense et menaçante. « Bloody Holy Place » développe quand à lui quelques rythmes guerriers pour une autre scène d’affrontement du film, largement dominé ici par les percussions. L’affrontement prend une tournure résolument épique lors de la bataille finale contre le Lucifer Hawk dans « Banquet of Battle ». Ce morceau utilise ici des choeurs aux sonorités quasi médiévales pour apporter un souffle épique certain à cette bataille finale (morceau repris dans le grandiose « Spider’s Thread »).

Kaoru Wada n’en oublie pas pour autant la facette plus dramatique de l’histoire, avec « Dense Fog/NONE », chanson basée sur le très beau thème principal du score entendu dans « Love - Katsumi & Fuyuka » et interprétée par Naoku Matsui. Un morceau comme « Tragedy -Katsumi » s’impose quand à lui avec sa voix féminine élégiaque et ses cordes plus sombres, tandis que « Tears & Hopes and The Rain » utilise un motif d’accompagnement entêtant de synthétiseur agrémenté de quelques vents et cordes plus poignantes. Le morceau évoque ici la souffrance de Katsumi, bouleversée par la mort de sa mère et son refus d’accepter l’idée qu’elle possède elle-même des pouvoirs magiques. Dommage cependant que ces morceaux soient bien souvent trop courts et pas assez développés dans le film (qui reste lui-même un peu trop court pour s’épanouir complètement - 54 minutes !). Au final, la partition de « Silent Möbius The Motion Picture » s’affirme comme une partition tout à fait soignée et inspirée de la part de Kaoru Wada. Le compositeur nous rappelle qu’il maîtrise avec brio l’esthétique « contemporaine » savante des musiciens occidentaux du 20ème siècle, apportant au film de Kazuo Tomizawa un mélange très réussi entre tension, héroïsme et émotion. La partition s’avère être très courte et finalement peu aboutie : c’est pourquoi il est nécessaire d’écouter à la suite la musique de « Silent Möbius The Motion Picture 2 », dans lequel Wada reprend une bonne partie de ses thèmes et ambiances du premier score afin de nous proposer quelques développements intéressants, bien trop rares dans ce premier score. Malgré cela, « Silent Möbius » n’en demeure pas moins une partition de qualité, un des opus majeurs du compositeur dans le domaine des musiques d’anime japonais !



---Quentin Billard