1-Qui es-tu? 3.06*
2-Arsène Lupin 2.14
3-Le Grand Café 6.27
4-Arsène Deserted 3.14
5-Casino 1.36
6-The Needle of Etretat 2.50
7-Clarisse et Arsène 1.43
8-Arsène Escapes 2.09
9-Goodbye Mother 3.07
10-Countess Cagliostro 3.29
11-Underwater 3.27
12-Arsène et Beaumagnan 2.04
13-The Ballroom 2.08
14-Theft of the Crucifix 4.13
15-Under the Spell 4.18
16-The Mask of Prince Sernine 2.34
17-Fields of Lupin 4.14
18-The Eight Star Will Be Divine 4.53
19-The Hollow Needle 1.48
20-Fooled By A Newcomer 3.08
21-Clarisse Wakes 3.34
22-The Blue Lupin 2.38
23-Secret Passage 4.51

*Interprété par M
Ecrit par Debbie Wiseman,
Sébastien Martel, Piers Faccini
et Marcel Kanche.

Musique  composée par:

Debbie Wiseman

Editeur:

EMI France 7243-8636282-7

Album produit par:
Debbie Wiseman,
James Fitzpatrick

Artwork and pictures (c) 2004 Hugo Films/TF1 Films Production. All rights reserved.

Note: ***
ARSÈNE LUPIN
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Debbie Wiseman
Personnage récurrent dans le monde du cinéma et de la télévision, le célèbre gentleman cambrioleur Arsène Lupin est né sous la plume de Maurice Leblanc à travers toute une série de romans qui furent adaptés pour la plupart au cinéma. Pour cette nouvelle version 2004, le réalisateur Jean-Paul Salomé nous offre un véritable blockbuster à la française, réunissant un casting prestigieux - Romain Duris, Robin Renucci, Eva Green, Pascal Greggory, Kristin Scott Thomas - une déferlante d’effets numériques (plus de 400 plans, chose rare pour une grosse production française de ce genre !) et bien sûr, une interprétation solide de Romain Duris dans le rôle d’Arsène Lupin. L’acteur apporte une réelle consistance à son personnage, un charmeur audacieux et culoté pour ce cambrioleur hors paire, dont l’unique credo est de ne jamais tuer pour accomplir ses menus larcins. Ainsi donc, Arsène Lupin détrousse l’aristocratie parisienne en usant de ses talents de séducteur invétéré. Il cède alors au charme de sa cousine, la belle Clarisse de Dreux-Soubise (Eva Green) et continue de multiplier ses méfaits, jusqu’à ce qu’il finisse par rencontrer la comtesse de Cagliostro (Kristin Scott Thomas), une ensorcelante aventurière qui va le manipuler et le lancer sur la piste du trésor perdu des rois de France, que convoient à leur tour une mystérieuse confrérie à laquelle appartient le duc de Dreux-Soubise (Robin Renucci), le père de Clarisse. Beaumagnan (Pascal Greggory), l’un des membres de la confrérie, s’avère être l’un des plus redoutables adversaires d’Arsène Lupin dans cette course au trésor. Le jeune cambrioleur va donc devoir user de tout son potentiel et de tout son savoir-faire pour affronter toutes les épreuves qui s’offriront à lui. Hélas, sa tâche va devenir très vite perturbée par sa passion aveugle pour la cruelle comtesse de Cagliostro, qui cache décidément bien son jeu.

« Arsène Lupin » déballe donc l’artillerie lourde et nous offre un grand divertissement populaire avec son lot de morceaux de bravoure et d’exploits en tout genre. Hélas, malgré tous les moyens mis en place, le film de Jean-Paul Salomé échoue à susciter la moindre émotion, à installer le moindre enjeu dramatique : tout est ici trop lisse, trop rapide et expédié n’importe comment. Pire encore, le montage du film s’avère être fort hasardeux et le scénario bien trop confus pour pouvoir captiver notre attention durant les quelques 2 heures 10. Le problème vient surtout du fait que Jean-Paul Salomé a voulu faire une grosse production capable de rivaliser avec les machineries hollywoodiennes, mais comme pour son « Belphégor », ce « Arsène Lupin » déçoit par son histoire alambiquée et son montage confus. Dommage, car le film est pourtant visuellement époustouflant et les acteurs plutôt à l’aise, avec la superbe Kristin Scott Thomas, et la beauté incommensurable d’Eva Green, révélée au grand public grâce à ce film, après s’être fait remarquer dans « Les Innocents » de Bernardo Bertolucci en 2003. Une déception, en somme !

Toujours dans l’optique de concurrencer les grosses machineries hollywoodiennes, le réalisateur Jean-Paul Salomé décida de confier la musique de « Arsène Lupin » à la compositrice britannique Debbie Wiseman, dont le style symphonique éminemment classique d’esprit convient parfaitement à ce côté « Golden Age hollywoodien » que le cinéaste recherchait pour les besoins de son film - avec la complicité de l’inépuisable Edouard Dubois, superviseur musical sur la plupart des grosses productions françaises du moment. La partition de « Arsène Lupin » s’articule autour d’un thème principal brillamment exposé dès l’ouverture du film (« Arsène Lupin »), une sorte de valse élégante et mystérieuse associée au héros incarné par Romain Duris dans le film. Cette mélodie envoûtante évoque clairement le caractère séducteur et insaisissable d’Arsène Lupin. Les orchestrations sont ici très élaborées, Debbie Wiseman démontrant un talent évident pour une écriture symphonique 19èmiste du plus bel effet, mélangeant les influences avec brio (on pense par moment au « Batman » de Danny Elfman). A noter qu’en plus de l’orchestre, Wiseman ajoute aussi quelques touches de glass harmonica et de cymbalum au sein de sa partition. Dans « Le Grand Café », le thème est développé entre les bois, les cordes et des choeurs qui interviendront tout au long du film pour renforcer le caractère grandiose de cette course au trésor effrénée. « Le Grand Café » affirme une certaine ampleur orchestrale assez puissante à l’écran. La partie finale du « Grand Café » prend très vite une tournure action indissociable de la partition de « Arsène Lupin ». A l’image du film de Jean-Paul Salomé, Debbie Wiseman ne fait dans la dentelle, et ce pour notre plus grand plaisir (saluons au passage la superbe interprétation du Royal Philharmonic Orchestra et du Crouch End Festival Chorus). Il s'agit d'ailleurs sans aucun doute de l'une des partitions les plus ambitieuses et les plus démesurées de la compositrice anglaise, plutôt habituée jusqu'ici aux productions britanniques indépendantes ou modestes.

La musique se veut plus intime et romantique dans « Arsène Deserted » avec ses variantes mélodiques inspirées du thème principal et ses orchestrations plus boisées et très réussies. Même chose pour « Clarisse and Arsène » avec sa mélodie de flûte inspirée ici aussi du thème d’Arsène Lupin, et associé dans le film à la romance entre le jeune cambrioleur et sa cousine Clarisse. Un morceau comme la scène du « Casino » nous permet d’entendre une Debbie Wiseman plus légère, avec des vents sautillants pour évoquer la roublardise d’Arsène au casino, dérobant discrètement les bijoux des belles aristocrates de la haute société parisienne. On retrouve une ambiance similaire dans « The Hollow Needle » et « Fooled By A Newcomer », qui frôle par moment le mickey-mousing (qui jure un peu avec le reste de la partition !). A noter que le cymbalum est toujours présent, instrument indissociable d’Arsène Lupin dans le film. « The Needle of Etretat » développe quand à lui une atmosphère plus sombre et mystérieuse, à l’aide d’un piano et d’un orchestre sombre dominé par des cuivres massifs, associés ici à l’énigme des croix que convoitent héros et bad guys dans le film. On appréciera ici un nouveau morceau d’action tonitruant avec son motif d’action de cuivres dérivé du thème d’Arsène Lupin, morceau musclé associé aux exploits du gentleman cambrioleur dans le film. On retrouve une ambiance similaire dans « Arsène Escapes » avec ses rythmes martiaux enlevés pour la scène où Arsène échappe aux policiers vers le début du film. A noter le retour des choeurs dans « Countess Cagliostro », qui évoquent le côté maléfique/sorcière de la comtesse de Cagliostro, une utilisation brillante d’une partie chorale parfaitement adaptée à l’ambiance sombre de l’histoire, et indissociable dans le film du personnage de Kristin Scott Thomas. Les choeurs rendent son personnage particulièrement inquiétant à l’écran et laissent planer le doute sur la réelle nature de cette mystérieuse femme (une idée reprise dans le sombre et envoûtant « Under the Spell »).

Plus l’histoire avance, et plus l’action devient présente au sein de la partition de Debbie Wiseman, comme le confirme un morceau cuivré et massif comme « Arsène & Beaumagnan » avec son motif de cordes qui rappelle incontestablement un passage du « Frankenstein » de Patrick Doyle (probablement issu des temp-tracks d’origine du film ?). Le morceau illustre l’affrontement entre Arsène et l’énigmatique Beaumagnan dans le train vers le milieu du film, sans aucun doute l’un des meilleurs morceaux d’action du score de « Arsène Lupin », avec ses orchestrations toujours très soignées et soutenues. Debbie Wiseman se fait plaisir et nous offre même un peu de ‘source music’ originale avec « The Ballroom », scène de bal vers la dernière partie du film dans laquelle la compositrice a écrit une très belle valse classique et élégante à la manière des valses viennoises du 19ème siècle, associé ici au monde traditionnel de la haute société parisienne. Enfin, l’action repart de plus belle dans l’excitant « Theft of the Crucifix » avec ses cuivres tonitruants et ses percussions endiablées (utilisation habile ici d’enclumes !). A noter l’utilisation d’un orgue religieux au début de « The Mask of Prince Sernine », pour la scène où Arsène refait son apparition en société sous la peau d’un autre homme. Enfin, la dernière partie du film nous permet d’entendre quelques déchaînements orchestraux de qualité, comme « Fields of Lupin » et ses choeurs épiques, « The Eight Star Will Be Divine » et le puissant « The Blue Lupin ». A noter pour finir que le générique de fin est illustré par la chanson « Qui es-tu ? » interprétée par le chanteur M : les fans du chanteur français apprécieront certainement cette chanson, mais les autres risquent fort de grincer des dents devant le timbre de voix parfois très agaçant de l’interprète !

« Arsène Lupin » s’avère être au final une partition symphonique extrêmement massive, gothique, grandiose et élégante, une musique qui apporte un souffle d’aventure quasi épique au film de Jean-Paul Salomé. A l’image du réalisateur, Debbie Wiseman a sorti l’artillerie lourde et illustre parfaitement les exploits d’Arsène Lupin dans le film. On regrettera simplement le manque d’originalité et de surprise de cette partition et le caractère très répétitif de l’oeuvre de Debbie Wiseman. Le fait même que le score ne repose que sur un seul thème unique empêche la musique de se renouveler tout au long de l’histoire : du coup, on a parfois l’impression d’entendre les mêmes morceaux tourner en boucle tout au long du film (d’autant qu’en plus, il y a beaucoup trop de musique dans le film !). Voilà en tout cas une production française « à l’américaine » qui s’assume comme telle, avec ses envolées orchestrales hollywoodiennes qu’apprécieront les inconditionnels du genre mais qui risquent fort de décevoir ceux qui s’attendaient à une partition plus européenne d’esprit, plus proche d’un George Delerue ou d’un Philippe Sarde. Avec « Arsène Lupin », le cinéma français est bel et bien rentré dans l’ère des musiques de films à l’hollywoodienne. Cette uniformisation de style devient de plus en plus inquiétante aujourd’hui, car elle a tendance à tuer la créativité et à occulter tout le travail des compositeurs français qui ne demandent qu’à officier sur ce genre de grosse production « frenchy », sans oublier de parler du système de temp-tracks importé là aussi des Etats-Unis : le fait même que certains réalisateurs français aient aujourd’hui besoin d’un superviseur musical (l’omniprésent Edouard Dubois, en l’occurrence) pour conceptualiser la musique de leurs films prouve bien qu’il existe un vrai problème de créativité et d’ambition artistique dans la musique de film française d’aujourd’hui ! La faute en incombe tout autant à l’industrie cinématographique française qu’aux goûts des réalisateurs et superviseurs musicaux qui ne font que reproduire un schéma calqué sur un point de vue typiquement américain. Ce n’est certes pas une généralité, mais cette tendance finit par devenir lassante et particulièrement inquiétante, surtout à une époque où les musiciens de la jeune génération comme Philippe Rombi, Bruno Coulais, Alexandre Desplat ou Krishna Levy sont capables de proposer quelque chose de bien plus personnel et de mieux adapté au cinéma français. En définitive, tout cela n’enlève en rien les grandes qualités de la partition de Debbie Wiseman pour « Arsène Lupin », même si, encore une fois, on était en droit d’attendre autre chose qu’un simple resucé des formules musicales hollywoodiennes de maintenant !



---Quentin Billard