1-Outset 1.11
2-Theme for Patlabor 2.19
3-Portent 1.13
4-Wyvern 6.11
5-Unnatural City I 3.53
6-Asia 4.42
7-Unnatural City II 2.21
8-...With Love 2.34
9-Outbreak 10.17
10-Zoom Down 2.04
11-"IXTL" 6.10
12-At Parting 2.51
13-Hallucination 4.33

Musique  composée par:

Kenji Kawai

Editeur:

VAP VPCG-84206

Album produit par:
Kenji Kawai

Artwork and pictures (c) 1993 Production I.G./Bandai Visual Company. All rights reserved.

Note: ***
PATLABOR 2 THE MOVIE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Kenji Kawai
Quelques années après l’excellent « Patlabor The Movie », le réalisateur Mamoru Oshii rempila sur un second opus intitulé tout simplement « Patlabor 2 The Movie », toujours inspiré de la célèbre série animée japonaise de la fin des années 80. Si le premier opus s’imposait par son mélange détonnant d’action, de robots géants, d’humour et même d’un zeste de touches philosophiques, « Patlabor 2 The Movie » va encore plus loin et crée la surprise en délaissant l’intrigue des Labors - les robots géants - pour se concentrer essentiellement sur les différents personnages du film, placés au coeur d’une histoire plus complexe et surtout bien moins manichéenne que dans le premier opus. L’histoire se déroule un an après les évènements survenus dans le premier épisode. Tokyo est de nouveau en état d’alerte, suite à un tir de missile ayant entraîné la destruction d’un pont de Tokyo. Le missile est supposé avoir été tiré depuis un avion américain. Plusieurs indices permettent alors aux enquêteurs de conclure que cet incident est l’oeuvre d’organisations militaires et gouvernementales. C’est le début d’une grande crise diplomatique opposant le Japon et les Etats-Unis, de nouvelles tensions entre les deux pays qui risquent fort d’entraîner une guerre. Le capitaine Goto de la Division 2 des Patlabors mène à son tour sa propre enquête, avec l’aide de sa collègue Nagumo, et découvre que cet acte terroriste est l’oeuvre de Tsuge, un ancien instructeur militaire avec qui Nagumo entretint une liaison autrefois. Tsuge manipule les ficelles dans l’ombre et profite de la corruption politique et militaire ambiante pour mener à bien ses sinistres plans visant à déstabiliser le gouvernement en place en menaçant de faire éclater une nouvelle guerre. Dans « Patlabor 2 The Movie », Mamoru Oshii confirme ce qu’il nous avait déjà permis d’entrevoir brièvement dans le premier film de 1989 : un regard philosophique mature sur le monde et l’humanité, et une illustration saisissante de la nature et de la civilisation urbaine (qui ne s’opposent pas dans ce film mais semblent se compléter sans disgrâce). Moins orienté sur l’action et les méchas, « Patlabor 2 The Movie » est avant tout une enquête policière sur fond de corruption politique et de tensions diplomatiques. Ceux qui s’attendent à retrouver ici une déferlante d’action et de batailles entre robots géants risquent fort d’être déçus : le film de Mamoru Oshii s’avère être à contrario extrêmement lent, contemplatif et introspectif.

Comme dans « Ghost in the Shell », « Patlabor 2 The Movie » jette un regard symbolique sur un monde oscillant entre l’urbanisation et la nature, la froideur des grandes villes (de nombreuses scènes montrant des usines désaffectées, des ports isolés, des rues désertes, etc.) et le monde vivant qui l’entoure - les nombreux plans du film incluant les vols d’oiseaux (parfois vus sur des écrans de télévision), les chiens et plus particulièrement le basset, animal symbolique fétiche chez Mamoru Oshii (que l’on retrouvera notamment dans « Avalon » et « Ghost in the Shell Innocence »), sans oublier l’eau et le monde de la mer, et d’une façon générale, de nombreuses symboliques animalières se rapportant de façon intrinsèque à la religion bouddhiste. Bien avant « Ghost in the Shell » et « Avalon », Oshii frappait très fort avec « Patlabor 2 The Movie » et réussissait un véritable tour de maître d’une grande rareté : personnifier la ville de Tokyo en en faisant un personnage à part entière du récit (d’où l’importance de ces nombreux plans contemplatifs associés au monde urbain). Mais ici, ce n’est plus l’homme qui est au coeur des réflexions du cinéaste mais bien le sujet de la guerre et de la paix, avec une question essentielle et digne d’intérêt : faut-il mieux une paix injuste ou une guerre juste ? Partant de ce principe, Oshii construit toute son intrigue sous la forme d’une longue enquête policière pour tenter d’arrêter les terroristes responsables de la crise diplomatique avant qu’il ne soit trop tard (dommage cependant que la multiplication de références à des organisations militaires dans le film devienne parfois très confus dans le scénario !). Placé entre les mains d’un réalisateur hollywoodien, une intrigue pareille aurait certainement donné naissance à un film d’action high-tech ultra speedé, mais pas chez Oshii ! A contrario, le film s’avère donc être extrêmement lent, plus ambigu dans sa description des différents rapports humains (les sentiments de Nagumo qui l’empêche de poursuivre Tsuge, son ancien amant) et aussi bien plus profond dans son propos, à tel point que le réalisateur oublie l’action et l’univers des robots géants qu’il avait mis en place dans le premier épisode. On retrouve ici quelques touches d’humour héritées du premier film, mais l’histoire s’avère être malgré tout bien plus sérieuse et surtout bien plus complexe qu’elle n’y paraît, entre manipulations politiques, lutte de pouvoir et jeu d’influence (des sujets assez rares dans le cinéma d’animation japonais !). Il est cependant assez regrettable d’être obligé d’attendre les 20 dernières minutes du film pour pouvoir enfin voir les fameux Labors de la Division 2 à l’oeuvre - Oshii nous offrant d’ailleurs une scène de combat final plutôt intense et réussie, bien qu’un peu trop brève. Au final, « Patlabor 2 The Movie » s’avère être une très belle réussite et un film bien plus personnel de la part de Mamoru Oshii, qui signe là un bijou de l’animation japonaise, un long-métrage plutôt complexe et exigent, bourré de détails en tout genre et de réflexions essentielles sur la guerre et la paix. Un must, en somme !

Kenji Kawai retrouve à nouveaux l’univers de « Patlabor » après un premier score plutôt réussi pour l’opus de 1989. Avec « Patlabor 2 The Movie », Kawai prolonge son travail autour des synthétiseurs et renoue avec un style assez kitsch, dans l’esprit de son premier score. Dès « Outset », Kawai impose un style radicalement plus atmosphérique, avec des nappes sonores plus mystérieuses et éthérées sur fond de sonorités électroniques brumeuses et de choeurs samplés. Le traditionnel générique de début est accompagné du thème principal, « Theme of Patlabor 2 », un thème mélodique plutôt agréable et rythmé, typique des musiques d’anime japonais de Kenji Kawai, avec rythmiques synthétiques et claviers un brin kitsch, plus proche des musiques 90’s du compositeur. La musique crée ensuite une certaine tension à l’écran dans « Portent », où Kawai suggère clairement le début de la tension entre le Japon et les Etats-Unis à l’aide de rythmiques synthétiques pressantes et de nappes sonores glauques et inquiétantes, synonymes de danger. Le compositeur en profite ainsi pour mettre en place les sonorités principales de sa partition, qu’il développe ensuite plus amplement dans le premier morceau d’action, « Wyvern », pour la scène de la poursuite en avion vers le début du film - après l’incident du missile sur le pont de Tokyo. Ici aussi, Kenji Kawai suggère un sentiment de menace, de tension et d’urgence, qui colle parfaitement à l’écran. A noter qu’en plus des synthétiseurs, Kawai utilise aussi quelques cordes qu’il incorpore parfaitement à ses sonorités électroniques. Les cordes apportent tout au long du morceau une partie mélodique plutôt réussie, qui permet de nuancer un peu le style atmosphérique de « Wyvern » à l’écran (et toujours, comme pour l’ouverture, une utilisation de choeurs samplés plus dramatiques sur les images).

Les scènes contemplatives évoquant le monde de la ville sont accompagnées par des morceaux aux ambiances plus oniriques et éthérées - quasi surréalistes - comme c’est le cas dans « Unnatural City II », où les synthétiseurs new-age et les choeurs samplés apportent un côté froid et surréaliste aux décors urbains du film. A noter que ce morceau - déjà apparu dans « Outset » - reviendra à plusieurs reprises dans le film, comme une sorte de leitmotiv sonore du monde de la ville. Dans « Asia », Kawai suggère un conflit imminent à l’aide de percussions ethniques samplées typiques de ses musiques plus japonaises d’esprit pour les films d’Oshii. Le compositeur en profite alors pour développer un thème de cordes/choeurs plus dramatique assez saisissant à l’écran. Kawai varie les ambiances et nous offre même un morceau plus intime et romantique dans « With Love », avec sa très belle partie de piano sur fond de synthétiseurs new-age du plus bel effet, un autre morceau évoquant une atmosphère plus contemplative et retenue, qui renvoie à l’introspection philosophique de la mise en scène de Mamoru Oshii (sans aucun doute l’un des plus beaux morceaux de la partition de « Patlabor 2 The Movie » !). Le thème dramatique de « Asia » et « Wyvern » revient dans le très long « Outbreak » (plus de 10 minutes), climax d’action incontournable de la musique du film, gouverné par ses rythmes électroniques répétitifs et ses motifs de cordes/synthé cycliques et entêtants. Même chose pour « Zoom Down » qui traduit une certaine urgence à l’aide des choeurs, tandis que « IXTL » s’impose par ses rythmes électroniques/new-age très 90’s. Le leitmotiv atmosphérique de la ville revient ensuite dans le mystérieux « Parting » avec ses nappes synthétiques brumeuses et éthérées, débouchant sur le rythmé et conclusif « Hallucination ».

Moins kitsch que « Patlabor The Movie », la musique de « Patlabor 2 The Movie » s’impose par son style plus contemplatif et atmosphérique, et ce même si l’action reste toujours très présente. Mais à l’inverse du premier opus, les passages d’action de « Patlabor 2 The Movie » semblent bien moins cheap et nettement moins orienté vers le style manga/anime japonais 80’s du compositeur. Kenji Kawai signe un score plus personnel sur « Patlabor 2 The Movie », oscillant entre la tension des scènes d’action et le caractère plus lent et philosophique du film de Mamoru Oshii. En ce sens, le score de « Patlabor 2 The Movie » est un parfait condensé du style musical de Kenji Kawai et annonce déjà très clairement les futures partitions des deux « Ghost in the Shell ». Les amateurs des musiques d’anime de Kenji Kawai apprécieront donc sans aucun doute ce nouveau travail de qualité pour l’excellent film de Mamoru Oshii, et ce même si l’on regrettera - comme dans le premier opus - le manque de développement d’un thème fort (et ce alors que le thème principal était pourtant annoncé dès le début du film). A découvrir, donc !



---Quentin Billard