1-Main Titles 2.18
2-Mourning 3.24
3-Beach 2.34
4-Knife 2.25
5-Burning 2.40
6-Diogenes 3.35
7-Pursuit 3.39
8-Hit & Run 1.55
9-Nightflower 2.16
10-Senator 2.00
11-Emma 2.39
12-Captured 2.16
13-Killing 2.52
14-Reunited 2.25
15-Edge of Darkness 2.07
16-You're My Girl 2.38

Musique  composée par:

Howard Shore

Editeur:

Silva Screen SILCD1314

Produit par:
Howard Shore

(c) 2010 Warner Bros Pictures/BBC Films/GK Films/Icon Productions. All rights reserved.

Note: ***
EDGE OF DARKNESS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Howard Shore
Adaptation cinématographique de la mini-série éponyme britannique produite par la BBC en 1986 (et avoisinant les six heures), « Edge of Darkness » (Hors de contrôle) permet au réalisateur Martin Campbell d’adapter lui-même sa propre mini-série qu’il signa en 1986, pour un nouveau film d’1h48. Bien évidemment, adapter une histoire de plus de six heures en un long-métrage de presque deux heures n’était guère chose aisée, mais c’est pourtant le défi qu’a tenu à relever personnellement le réalisateur pour ce thriller sombre et violent. « Edge of Darkness » marque par la même occasion le retour de Mel Gibson devant la caméra, l’acteur/réalisateur étant devenu très rare depuis quelques années au cinéma. Il incarne ici Thomas Craven, un inspecteur vétéran de la brigade criminelle de Boston. Un jour, sa fille de 25 ans Emma (Bojana Novakovic) est de retour à la maison. Thomas est veuf et retrouve sa fille qu’il a toujours élevée seul, mais qui a bien grandi depuis. Un soir, Emma tente de dire quelque chose à son père mais il est trop tard : la jeune femme est assassinée sur les marches de sa maison. La police pense alors que les tueurs visaient Thomas, mais ce dernier n’y croit pas et décide alors de mener sa propre enquête afin de découvrir qui a tué sa fille. Pour cela, l’inspecteur Craven va devoir se plonger dans le monde des affaires et de la politique. Lorsqu'il découvre que sa fille travaillait pour un conglomérat du nom de Northmoor, une gigantesque entreprise d’exploitation nucléaire dirigée par un certain Jack Bennett (Danny Huston), Craven finit par comprendre que sa fille a été la victime d’une gigantesque conspiration nucléaire à laquelle se sont associés Bennett et certains hommes politiques américains influents. Désormais, Craven est prêt à tout pour venger la mort de sa fille, quitte à mener son enquête jusqu’aux frontières de la loi. Scénario classique et réalisation hyper classique pour ce polar mou-du-genou qui vaut surtout par les accès de fureur d’un Mel Gibson vieillissant mais en pleine forme (niveau casting, on notera un fait rare : le rôle tenu dans le film par Ray Winstone était prévu à l’origine pour Robert DeNiro, qui décidera finalement de quitter le projet pour cause de différends artistiques !). Martin Campbell n’apporte donc rien de bien neuf au genre, et le film accuse même une sérieuse baisse de rythme vers le milieu du film (on attend pendant longtemps que le héros explose, mais il faudra au moins patienter jusqu’aux 15 dernières minutes pour le voir se transformer en héros de vigilant-movie façon Charles Bronson). En bref, si vous êtes un inconditionnel de Mel Gibson, « Edge of Darkness » est fait pour vous, mais les autres risquent fort de s’ennuyer devant ce polar totalement alimentaire qui ne laissera aucun souvenir particulier.

Prévue à l’origine pour le compositeur de musique contemporaine John Corigliano - bien trop rare au cinéma - la musique de « Edge of Darkness » sera finalement confiée à Howard Shore, un autre spécialiste du langage musical avant-gardiste savant devenu très prisé au cinéma depuis son succès sur la saga « Lord of the Rings » au début des années 2000. A noter que la mini-série d’origine de 1986 avait été mise en musique par le regrettée Michael Kamen, en collaboration avec le guitariste Eric Clapton. Pour « Edge of Darkness », Howard Shore signe une partition thriller dans la lignée de ses précédents opus symphoniques du même genre, mélangeant ainsi suspense, sursauts orchestraux dissonants et ambiances plus intimes et mélancoliques. Dès « Titles », le ton est donné avec un style symphonique très classique d’esprit, des cordes sombres, des harmonies de cuivres, une harpe, et un premier sursaut orchestral dissonant et très agressif, pour la scène de l’assassinat d’Emma au début du film. « Mourning » et « Beach » permettent à Shore de développer une atmosphère plus mélancolique et amère, alors que Craven se souvient de sa fille et commence à enquêter sur son passé et sa mort. « Mourning » mélange cordes et bois avec une certaine délicatesse, tout comme « Beach », qui prend des allures d’adagio funèbre poignant pour l’ensemble de l’orchestre, toujours largement dominé par les cordes.

Avec « Knife », l’action débute enfin avec son lot de percussions, de cordes agitées et de cuivres agressifs et dissonants. On retrouve ici la noirceur de « Panic Room » ou la tension de « Se7en », avec une atmosphère de suspense glauque typique d’Howard Shore, et des orchestrations toujours très soignées. Le score reste très impressionnant dans le film lors de ses sursauts orchestraux extrêmement violents et intenses à l’écran, accompagnant la plupart des scènes violentes du film. « Knife » est ainsi très représentatif de ce style thriller/suspense typique du compositeur canadien. La tension qui se dégage à l’écran reste parfaitement perceptible d’un bout à l’autre de la partition d’Howard Shore. A noter que le motif de cordes/harpe de l’introduction revient dans le sombre « Burning », lorsque Craven fait bruler des objets ayant appartenus à sa fille dans son jardin. On retrouve ici un mélange entre la tension du début et l’amertume mélancolique et pesante de « Beach ». Un morceau comme « Diogenes » est assez représentatif quand à lui du style plus atmosphérique d’Howard Shore, avec des tenues de cordes sombres, mystérieuses et latentes qui, à défaut de laisser un souvenir quelconque sur l’album, apportent une ambiance assez intense aux images du film.

L’action reprend ses droits dans l’excitant « Pursuit », pour illustrer l’une des scènes de poursuite du film, évoquant un Craven déterminé et prêt à tout. On retrouve ici aussi les percussions martelées de « Knife », avec les fameux sursauts orchestraux d’une grande intensité. La musique bascule dans de l’atonalité pure, avec ses cordes stridentes et dissonances synonyme de haine, de vengeance et de violence. « Pursuit » s’impose aussi par son accélération rythmique impressionnante à l’écran, et ses nombreux clusters instrumentaux chaotiques à souhait (on retrouve encore une fois ici l’intensité des passages les plus agressifs et les plus noirs du score de « Panic Room »). Les percussions restent quand à elle très présente, comme pour personnifier dans le film la détermination quasi aveugle de Craven à découvrir la vérité sur le meurtre de sa fille, et ce coûte que coûte. Enfin, « Pursuit » se conclut sur un grand cluster strident de cordes que ne renierait certainement pas un Krzysztof Penderecki. On retrouve ce même cluster strident dans l’extrêmement brutal et impressionnant « Hit & Run » (c’est d’ailleurs lors de ces passages les plus dissonants et les plus avant-gardistes que l’on s’imagine aisément ce qu’aurait été capable d’écrire le grand John Corigliano dans un style similaire !). Les passages plus atmosphériques comme « Nightflower » n’apportent pas grand chose à la partition et demeurent figés dans un style fonctionnel difficile à apprécier hors des images, mais des passages plus violents comme « Captured » nous permettent immédiatement de retrouver le Howard Shore atonal/dissonant des thrillers de David Fincher ou des films d’épouvante de David Cronenberg. Le morceau accompagne la scène où Craven est capturé par les hommes de main de Bennett, qui tentent alors de le réduire au silence.

La fusillade finale de « Killing » permet à la partition de « Edge of Darkness » d’aboutir à son point culminant, avec un crescendo de dissonances pures et de cuivres survoltés. On retrouve ici aussi le cluster de cordes stridentes de « Pursuit » et « Hit & Run », « Killing » restant sans aucun doute l’un des morceaux les plus enragés de la partition d’Howard Shore, celui qui résume sans aucun doute le mieux l’état d’esprit dans lequel se trouve Craven à la fin du film, lorsqu’il fait enfin face au meurtrier de sa fille. Les fans du Shore avant-gardiste atonal et dissonant des films de Cronenberg apprécieront sans aucun doute ce morceau réellement impressionnant, autant sur l’album que dans le film. Ce sont ces montées de violence qui permettent réellement à la musique d’Howard Shore de s’imposer dans le film. Le compositeur n’en oublie pas pour autant la partie plus humaine avec des morceaux plus intimes et touchants tels que « You’re My Girl », « Emma » ou l’émouvant « Reunited », deux pièces dans lesquelles Shore développe le thème d’Emma, confié à un piano délicat accompagné de quelques cordes et vents. « Reunited » suggère d’ailleurs clairement un sentiment de paix retrouvée, de conclusion apaisée, le calme après la tempête. Le motif de harpe/cordes introductif revient encore une fois pour le générique de fin, « Edge of Darkness », qui synthétise les principales idées musicales de la musique du film de Martin Campbell.

Howard Shore signe donc pour « Edge of Darkness » une nouvelle partition thriller à la fois violente, sombre, glauque et parfois même touchante. La musique oscille ainsi tout au long du film entre la rage et la mélancolie, une dualité parfaitement représentée dans la musique d’Howard Shore, sans grande originalité particulière. On regrettera notamment le côté quelconque des deux thèmes présents dans la musique du film, thèmes qui ne laissent aucun souvenir particulier. Décidément, force est de constater que depuis « Lord of the Rings », Shore semble avoir bien du mal avec les mélodies. Peut-être est-ce son côté avant-gardiste qui reprend le dessus et le pousse de plus en plus à adopter une approche quasi athématique dans ses musiques ? Toujours est-il que le compositeur n’a rien perdu de son talent dans le maniement des atmosphères atonales lugubres et brutales, chose qu’il nous prouve encore une fois avec « Edge of Darkness », partition thriller sombre et violente qui, à l’instar de laisser un souvenir impérissable, confirme encore une fois le goût du musicien canadien pour les ambiances noires, sombres et chaotiques, au bord des ténèbres, comme l’indique le titre même du film !



---Quentin Billard