1-The Ghost Writer 1.41
2-Rhinehart Publishing 0.58
3-Travel To The Island 2.28
4-Lang's Memoirs 1.43
5-Chase on the Ferry 2.31
6-Suspicion 2.49
7-Investigation 2.07
8-Hidden Documents 2.09
9-The Old Man 1.17
10-In The Woods 3.40
11-Prints 1.45
12-The Predecessor 2.28
13-Pr Paul Emmett 5.39
14-Bicycle Ride 1.52
15-Lang and the CIA 2.21
16-The Truth About Ruth 4.55
17-The Ghost Writer (Reprise) 1.49

Musique  composée par:

Alexandre Desplat

Editeur:

Varèse Sarabande 302 067 007 2

Score produit par:
Solre Lemonnier
Producteur exécutif:
Robert Townson
Montage musique:
Suzana Peric
Coordination musicale:
Xavier Forcioli

Artwork and pictures (c) 2010 Summit Entertainment. All rights reserved.

Note: ***1/2
THE GHOST WRITER
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Alexandre Desplat
Malgré ses récentes démêlées avec la justice américaine, le réalisateur Roman Polanski a réussi à nous offrir un nouveau long-métrage de choix, une adaptation d’un roman de Robert Harris, « L’homme de l’ombre ». Harris et Polanski collaborèrent d’ailleurs dès 2007 à un projet avorté, « Pompéi ». Suite à l’abandon du film, le réalisateur décida d’adapter le roman de Robert Harris qu’il venait de découvrir à la même époque. Rebaptisé « The Ghost Writer », ce nouveau film permet au cinéaste de s’immerger cette fois-ci dans les coulisses de la politique. Ewan McGregor y interprète le rôle d’un écrivain à succès engagé par l’ex premier ministre britannique Adam Lang (Pierce Brosnan) pour terminer ses mémoires. Devenu le « nègre » de Lang, l’écrivain apprend le décès accidentel du précédent rédacteur et ancien complice de Lang. Très vite, le nègre (Ghost Writer en anglais) ne peut s’empêcher de s’interroger sur la mort de son prédécesseur et commence à découvrir des faits de plus en plus troublants. Lorsqu’il comprend que la situation s’avère bien plus périlleuse qu’elle n’y parait, le nègre commence à faire des recherches de son côté et découvre des secrets enfouis dans le passé d’Adam Lang. Désormais, le nègre n’a plus que quelques semaines pour finir les mémoires de l’ancien premier ministre et découvrir la vérité au sujet du décès de son prédécesseur.

Avec « The Ghost Writer », Polanski nous offre un thriller de bonne facture, qui évite toute surenchère pour jouer sur une atmosphère de paranoïa constante : atmosphère de faux semblants et suspicion de conspiration sont à l’honneur dans un film qui doit beaucoup à Alfred Hitchcock, influence clairement revendiquée par le cinéaste sur ce nouveau long-métrage. Le fait même que toute l’histoire se déroule quasiment entièrement sur une île au bord de la plage renforce le sentiment de « huis-clos » quasi claustrophobique. Polanski évite ainsi toute forme de surenchère et joue uniquement sur l’ambiance et l’interprétation sans faille de ses acteurs - Ewan McGregor, mais aussi Pierce Brosnan, Kim Cattrall et Olivia Williams (sans oublier une apparition furtive du vétéran Eli Wallach, âgé de 93 ans !) - le tout dans une atmosphère de puzzle paranoïaque filmée avec une précision quasi chirurgicale et une sobriété exemplaire dans la mise en scène. A noter que l’ancien premier ministre britannique campé ici par Pierce Brosnan rappelle bien évidemment Tony Blair, et pour cause : l’écrivain Robert Harris est un ancien journaliste anglais qui a été proche de Tony Blair peu de temps avant son élection. Le film ne se veut en aucune façon une critique de la politique, mais nous plonge néanmoins dans l’envers du décor et illustre brillamment l’idée du mensonge d’un ancien dirigeant politique face à un « nègre » censé achever ses mémoires. On se serait peut être attendu à un film un peu moins sage sur le plan formel, avec des idées visuelles plus marquantes, mais qu’importe, même si « The Ghost Writer » n’est certainement pas le meilleur film de Roman Polanski, il n’en demeure pas moins très réussi et assez exemplaire dans son genre - une sorte de retour aux sources pour le cinéaste qui renoue ici avec le style de « Frantic » ou « Chinatown ».

Alexandre Desplat a décidément le vent en poupe ces derniers temps, partagé entre le cinéma européen et américain (le compositeur français a été choisi pour écrire la musique du dernier opus de la saga Harry Potter, « The Deathly Hallows », dont la première partie est prévue pour novembre 2010 !). Pour « The Ghost Writer », le frenchy cher aux américains nous offre une partition symphonique mêlant suspense, mystère et atmosphère de suspicion. Le thème principal est exposé dès le début du film dans « The Ghost Writer », et se distingue par sa mesure à 3 temps, son accompagnement de clarinettes mécaniques et une utilisation assez inventive d’une ligne mélodique synthétique un brin étrange, apportant une couleur « suspense » plutôt intéressante à la musique. Desplat ajoute à cela une ligne staccato de clarinettes, de trompette en sourdine et de timbales agressives symbolisant l’idée d’une poursuite, alors que les synthétiseurs froids et mécaniques pourraient évoquer l’idée de la paranoïa et du sentiment de conspiration. Le thème principal de « The Ghost Writer » est plutôt bien trouvé et, chose assez rare chez Desplat, on le retient assez facilement dès la première vision du film (le compositeur n’a jamais particulièrement brillé dans ses mélodies !). Si la musique reste encore relativement neutre dans « Rhinehart Publishing » (lorsque l’écrivain rencontre son patron et apprend qu’il est engagé pour finir les mémoires d’Adam Lang), avec des orchestrations privilégiant cordes, bois et glockenspiel, elle devient plus inquiétante et mystérieuse dans « Suspicion ».

Le thème principal est repris dans « Travel To The Island », avec son ostinato rythmique de cordes et son développement du thème pour l’arrivée du nègre sur l’île. Desplat utilise assez régulièrement le glockenspiel pour apporter une couleur plus ambiguë et faussement « légère » à sa musique. A l’instar même de la mise en scène de Polanski, la musique fonctionne ici sur l’idée des faux semblants, de la suspicion et de l’ambigüité. A noter un morceau aux harmonies tonales plus brillantes assez savoureuses dans « Lang’s Memoirs » qui distille un parfum de douce nostalgie quasi innocente lorsque le nègre lit le début des mémoires de Lang et plus particulièrement sur les origines familiales de l’ancien premier ministre. On relèvera ici une brève allusion au thème principal, qui reste toujours présent malgré tout, comme pour rappeler de façon quasi inconsciente que quelque chose ne va pas malgré les apparences. Desplat nous offre un solide morceau d’action avec « Chase On The Ferry », pour la poursuite sur le ferry vers la fin du film. On retrouve ici les sonorités instrumentales/électroniques du début, avec des rythmes plus trépidants et des traits instrumentaux staccatos frénétiques. Néanmoins, ceux qui s’attendent à des déchaînements orchestraux risquent fort d’être déçus, car Alexandre Desplat a préféré opter, comme pour le film, sur une certaine sobriété. Ainsi, un morceau plus atmosphérique comme « Investigation » permet au compositeur de développer des orchestrations de qualité - cordes, clarinettes, glockenspiel - en sélectionnant judicieusement ses sonorités instrumentales, mais sans jamais en faire de trop. Même chose pour des passages tels que « Hidden Documents » ou « The Old Man ». Desplat reprend ensuite le thème principal dans une version ‘paranoïa’ plus agressive similaire à l’ouverture dans « In The Woods », lorsque le nègre tente de retrouver la trace du professeur Paul Emmett (Tom Wilkinson), une ancienne connaissance de Lang. Ici aussi, on retrouve le mélange cordes/clarinettes/synthétiseurs mécaniques/timbales/glockenspiel et quelques cuivres (incluant une trompette en sourdine quasi jazzy, qui rappellerait presque par moment le « Chinatown » de Jerry Goldsmith).

La musique devient plus déterminée dans « Prints » avec des orchestrations plus étoffées mais toujours choisies judicieusement par le compositeur, tandis que l’on retrouve le glockenspiel mystérieux de la suspicion dans l’inquiétant « The Predecessor ». Même chose pour la conclusion dans le mystérieux « The Truth About Ruth » pour la révélation finale, marquée par le retour du thème de la suspicion repris du morceau « Suspicion ». L’intrigue avance avec un « Pr Paul Emmett » plus dense dans lequel le thème principal revient de nouveau, tandis que la musique devient plus pressante dans « Bicycle Ride » et renoue avec l’atmosphère de suspicion et de mystère dans « Lang and the CIA ». Alexandre Desplat signe donc pour « The Ghost Writer » une partition à suspense plutôt intéressante et de très bonne facture bien que sans grande originalité particulière. Desplat y démontre encore une fois un savoir-faire orchestral évident et un talent certain dans le maniement des orchestrations et des choix instrumentaux - surtout dans son utilisation souvent très intéressante des bois, ici la clarinette. Desplat n’hésite pas non plus à utiliser des instruments parfois trop souvent délaissés dans ce type de musique comme le glockenspiel ou le célesta, sans oublier quelques choix instrumentaux intéressants comme l’utilisation d’une trompette en sourdine ou de quelques synthétiseurs discrets pour la plupart des apparitions du thème principal. Desplat jouer ainsi sur ses différentes couleurs instrumentales pour évoquer à l’écran l’idée de la suspicion et de la paranoïa, un peu comme le faisait Bernard Herrmann à son époque (surtout dans l’utilisation des clarinettes et des quelques cuivres). Sans être un chef-d’oeuvre du genre, la musique d’Alexandre Desplat pour « The Ghost Writer » reste très réussie bien qu’assez sage dans son genre : comme le film lui-même, on se serait attendu à un peu plus de folie, d’audace dans la forme comme dans le fond. Cela reste donc du travail très propre et très soigné mais sans ce petit « plus » qui permet de distinguer une oeuvre ordinaire et un chef-d’oeuvre du genre.



---Quentin Billard