1-The Hurt Locker 1.52
2-Goodnight Bastard 4.09
3-The Long Walk 1.43
4-Hostile 3.25
5-B Company 2.29
6-Man in the Green Bomb Suit 2.03
7-There Will Be Bombs 2.07
8-Body Bomb 2.34
9-Bleeding Deacon 1.16
10-Oil Tanker Aftermath 3.32
11-A Guest in My House 3.08
12-The Way I Am 2.29

Musique  composée par:

Marco Beltrami/Buck Sanders

Editeur:

Lakeshore Records LKS34120

Score produit par:
Marco Beltrami, Buck Sanders

Artwork and pictures (c) 2008 Kingsgate Films/Summit Entertainment. All rights reserved.

Note: ***
THE HURT LOCKER
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Marco Beltrami/Buck Sanders
« The Hurt Locker » (Démineurs) marque le grand retour de la réalisatrice Kathryn Bigelow (« Point Break », « Strange Days ») derrière la caméra pour un nouveau film dur et fort se déroulant entièrement à Bagdad, en plein coeur du conflit irakien. Après des films tels que « Jarhead » ou « In The Valley of Elah », « The Hurt Locker » est une énième production évoquant la Guerre en Irak, vue cette fois-ci à travers les yeux d’un groupe de soldats américains appartenant à une brigade de démineurs, spécialisés dans le désamorçage à haut risque des bombes. Après le décès du sergent Matt Thompson (Guy Pearce), tué pendant une opération de déminage qui a mal tourné, l’équipe de démineurs de Sanborn (Anthony Mackie) et Eldrige (Brian Geraghty) se voit attribuer un nouveau chef, le sergent William James (Jeremy Renner), véritable tête-brulée impulsif qui semble prendre goût à son job. La mission de cette prestigieuse unité de déminage de l’armée américaine consiste donc à désamorcer toutes les bombes trouvées dans des quartiers civils de Bagdad ou des lieux de guerre aux alentours, et ce au péril de leur vie. Leur mission est rendue compliquée par la situation locale et l’hostilité de certains habitants qui ne voient pas d’un très bon oeil la présence des G.I. américains sur leur terre. On serait très vite tenté de se dire « encore un film sur la Guerre en Irak ? », mais à la vision du film de Kathryn Bigelow, on se dit que nous sommes bel et bien ici en présence d’un véritable grand film, évoquant la vie de tous les jours de ces jeunes soldats entraînés dans une guerre qu’ils n’ont pas choisi. « The Hurt Locker » vaut surtout par son souci constant de réalisme, avec le script de Mark Boal (« In The Valley of Elah »), la photographie de Barry Ackroyd (« United 93 ») et la mise en scène ultra réaliste de Kathryn Bigelow, qui n’hésite pas à tourner certaines scènes caméra à l’épaule au format super-16 dans un style pris sur le vif qui frôle le documentaire (un peu comme chez Paul Greengrass).

Néanmoins, certains ont reproché au film de ressembler à une sorte de jeu vidéo sur la guerre, une critique qui s’explique surtout par le choix de la réalisatrice d’avoir voulu placer les spectateurs à la place des soldats pour vivre de façon viscérale une expérience de la guerre (cf. l’impressionnante et quasi anthologique séquence du duel de snipers en plein désert irakien, vers le milieu du film, entièrement filmée de façon réaliste et sans musique !). Ce parti pris peut être critiquable, mais il apporte néanmoins un souci d’authenticité assez impressionnant au film de Kathryn Bigelow (à noter que, toujours dans un souci de réalisme, le film utilise très peu de musique !). Niveau casting, on notera quelques guest-stars furtives comme Ralph Fiennes, Guy Pearce, Evangeline Lilly ou bien encore David Morse. Enfin, la critique ne s’est pas trompée et le film a reçu pas moins de 6 statuettes lors de la cérémonie des Oscars 2010 contre trois pour l’autre challenger, « Avatar » de James Cameron (comble de l’ironie, Kathryn Bigelow est l’ex-femme du réalisateur !). A noter que c’est la première fois qu’une femme obtient l’Oscar de la meilleur réalisatrice pour un film, et que c’est aussi l’une des premières fois où un film obtient autant de récompenses après avoir été un flop total au box-office au cinéma lors de sa sortie en 2009. Autre fait rare, le succès du film aux Oscars fait que « The Hurt Locker » ressortira de nouveau au cinéma le 10 mars 2010 !

La musique de Marco Beltrami et son complice Buck Sanders apporte une ambiance un peu particulière au long-métrage de Kathryn Bigelow, tout en restant relativement discrète et utilisée avec parcimonie dans le film. L’introduction du score (« The Hurt Locker ») permet au duo Beltrami/Sanders de mettre en place les sonorités principales de la musique du film, avec une utilisation efficace de sonorités électroniques sombres, d’une voix arabisante élégiaque et d’un sound design plutôt inquiétant et mystérieux (incluant des sonorités saturées de guitare électrique). La musique évoque la tension de certaines scènes de désamorçage de bombes avec quelques touches orientales très discrètes. On retrouve un sound design tout aussi moderne et atmosphérique dans « Goodnight Bastard », parsemé de quelques arpèges de guitares et de sonorités synthétiques plus typiques du style musical de Beltrami sur des films plus indépendants (tendance « Three Burials of Melquiades Estrada »). Le compositeur développe ici un thème associé dans le film aux soldats américains, et qui paraît plus apaisé et quasi nostalgique - notamment par le biais de la guitare - et ce alors que la seconde partie du morceau bascule dans du sound design et de l’atmosphérique pur, avec des nappes synthétiques inquiétantes, synonymes de menace et de danger. La musique évoque clairement ce sentiment de danger constant, d’appréhension : les soldats risquent tous les jours leur vie sur le terrain, et la musique, bien que très discrète dans le film, rappelle constamment ce fait véridique.

A noter une utilisation souvent très expérimentale des sonorités électroniques, et notamment ces textures sonores difformes, glaciales et métalliques sur la fin de l’impressionnant « The Long Walk ». Ce travail de sonorités synthétiques expérimentales rappelle parfois ce qu’a fait le musicien sur le score du film « Max Payne ». Avec « Hostile », on retrouve une ambiance assez similaire avec des rythmiques électroniques discrètes et quelques sonorités arabisantes rappelant les décors de Bagdad, et toujours ces textures sonorités expérimentales et ces longues plages atmosphériques atonales au suspense latent. Un morceau comme « B Company » bascule quand à lui dans de l’expérimentation pure, avec ses différentes sonorités électroniques difformes, métalliques, brumeuses qui créent une tension adéquate sur les images du film, et renforce l’approche clairement anti-conventionnelle de Marco Beltrami et Buck Sanders sur « The Hurt Locker ». On retrouve les sonorités arabisantes sur le sombre et atmosphérique « Man In The Green Bomb Suit », tandis que « There Will Be Bombs » est un clin-d’oeil plutôt efficace et inattendu au film « There Will Be Blood » de Paul Thomas Anderson : chose rare, Beltrami va même jusqu’à imiter carrément le morceau introductif du score de « There Will Be Blood » de Jonny Greenwood, pour la séquence où le sergent James désamorce les bombes reliées à des fils multiples en pleine rue de Bagdad - « There Will Be Bombs » est une pièce 100% atonale avec des glissandi dissonants de cordes hérité de Penderecki. L’atmosphère brumeuse et chaude des morceaux précédents revient dans « Body Bomb » avec son mélange efficace entre textures électroniques expérimentales et violons aux sonorités arabisantes. Ici aussi, la tension est omniprésente, Beltrami et Sanders allant même jusqu’à incorporer furtivement des chants de muezzin musulman. Même chose pour le sinistre et dissonant « Bleeding Deacon » et l’intense « Oil Tanker Aftermath » et ses sonorités menaçantes et expérimentales, délaissant encore une fois toute approche orchestrale conventionnelle pour utiliser au maximum toutes les possibilités du sound design et des différentes sonorités électroniques que manipulent Beltrami et Sanders sur « The Hurt Locker ». On retrouve enfin le thème des soldats dans « The Way I Am », en guise de conclusion plus intime et nostalgique - avec une utilisation très réussie des synthétiseurs et des guitares - un thème mélancolique typique des mélodies dramatiques habituelles de Marco Beltrami, avec un soupçon de western dans l’âme.

Marco Beltrami et Buck Sanders signent donc pour « The Hurt Locker » une partition sombre et atmosphérique à la fois atonale et expérimentale, bien que pas vraiment révolutionnaire dans le fond. Refusant l’approche orchestrale habituelle, les deux compositeurs optent donc pour un travail de sound design plutôt intéressant et assez intense sur les images du film, et ce bien que la musique soit utilisée avec parcimonie tout au long du récit. Du coup, l’intérêt dramatique des passages où la musique intervient enfin s’en trouve largement décuplé, une affirmation sur laquelle devrait se pencher sérieusement les artisans hollywoodiens qui pensent trop souvent que « plus on met de musique dans un film, mieux c’est » ! Certes, la musique ne laissera pas un grand souvenir après la vision du film, mais qu’importe, la musique remplit parfaitement son rôle dans le film et apporte une ambiance assez particulière aux images de « The Hurt Locker », illustrant les sentiments de danger, de menace omniprésente et de chaleur du désert irakien à travers cet ensemble de plages sonores électroniques parfois étranges et clairement expérimentales. Un score à découvrir, en même temps que le très bon film de Kathryn Bigelow !



---Quentin Billard