The Thing from Another World

1-Main Title 1.48
2-Flying Saucer Sequence Part 1 2.14
3-Flying Saucer Sequence Part 2 5.47
4-Melting Sequence 1.40
5-Dog Fight 1.49
6-The Hand 0.50
7-Greenhouse Sequence 1.10
8-The Thing at Door 0.40
9-Plasma #1 2.26
10-Plasma Plants #2 1.06
11-Fire Sequence 2.04
12-Electrocution Sequence 4.11
13-End Title 0.35

Take the High Ground!

14-Lion Head/Prologue/
Main Title/Foreword 3.19
15-Holt's Opening Adress 0.57
16-Footlockers/Mattresses/Siking
Teeth Bridge/First Day Recap 2.04
17-Platoon Breakup 2.35
18-Julie 2.02
19-Julie Faints 1.08
20-Obstacle Montage/Gas Chamber/
Platoon Drill 2.48
21-Letters from Home 2.32
22-Julie's Theme 2.23
23-Julie's Distress/Holt Comes Home/
Naglaski and Chaplain 2.43
24-Infiltration Course/Mock Battle 3.36
25-Julie 2.53*
26-William Tell Tolliver 1.13
27-Neon Lighted Love 3.17
28-Let Me Alone 0.55
29-Dover Awol/Dover Returns 2.38
30-Goodbye Julie/Buddies Again 2.32
31-Dress Parade/
America's Fighting Men 1.22
32-Ryan Takes Over 2.02
33-End Title 0.49
34-Julie's Theme
(Key Club Version) 1.32
35-Take the High Ground 3.08**
36-Julie's Theme (Alternate) 2.24

*Interprété par Bill Lee
**Cond. Johnny Green

Musique  composée par:

Dimitri Tiomkin

Editeur:

Film Score Monthly FSM0801

Producteur exécutif pour
Turner Entertainment:
George Feltenstein
Producteur de l'album:
Lukas Kendall

Artwork and pictures (c) 1951 RKO Pictures, Inc. All rights reserved.

Note: ****
THE THING FROM ANOTHER WORLD
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Dimitri Tiomkin
Grand classique du cinéma d’épouvante américain des années 50, « The Thing from Another World » (La chose d’un autre monde) semble avoir posé les bases du genre dès sa sortie en 1951 : produit par Howard Hawks et réalisé par Christian Nyby d’après le roman « Who Goes There ? » de John W. Campbell publié en 1934, « The Thing from Another World » a posé toutes les formules du cinéma d’épouvante/science-fiction hollywoodien pour toutes les décennies à venir : et pourtant, ce film est à la base une modeste série-B réalisée avec peu de moyens, mais son influence sur certains films à venir est assez incontestable (le compteur Geiger utilisé pour détecter la présence de la créature, idée plus ou moins reprise dans le « Alien » de Ridley Scott en 1979). L’histoire se déroule en Alaska, en plein mois de novembre 1951 : un OVNI s’écrase en plein milieu de l’Arctique. Le capitaine Patrick Hendry (Kenneth Tobey) est alors chargé par le haut commandement militaire U.S. d’enquêter sur le crash du mystérieux appareil. Il est alors accompagné par un groupe de scientifiques, de militaires et un journaliste (Douglas Spencer) qui se trouvent dans une base localisée à proximité du crash. Hendry et ses compagnons découvrent alors les restes d’un vaisseau spatial pris dans la glace, et détruisent malencontreusement l’OVNI en tentant de l’extraire de la glace. Mais ils réussissent néanmoins à extraire son pilote, prisonnier lui aussi de la glace. La créature (James Arness) est ramenée à la base afin d’être étudiée d’un peu plus près par les scientifiques. Ils comprennent alors que le métabolisme du mystérieux extra-terrestre est très proche de celui des végétaux, et que rien ne semble l’arrêter, même pas les balles. Mais la créature finit par se libérer de la glace, semant la panique et le chaos dans la base. Après la mort de plusieurs membres de l’équipe, les militaires décident de détruire la chose, alors que les scientifiques cherchent au contraire à la protéger afin de l’étudier. Quand au journaliste, ce dernier sait déjà qu’il tient là le scoop de sa carrière.

Dans « The Thing from Another World », tout est déjà mis en place : un huis-clos claustrophobique, un groupe de survivants, un scientifique qui cherche à étudier la chose, une créature monstrueuse que rien ne semble arrêter, etc. Toutes ces formules seront constamment reprises tout au long des années à venir et influenceront bon nombres de productions à venir. « The Thing from Another World » est aussi connu pour sa fameuse réplique culte conclusive « Watch the Skies ! », le film ayant été tourné en pleine ère de la Guerre Froide. Ainsi donc, la créature symbolise dans l’histoire la menace du communisme et le fait même que le film semble faire l’apologie d’une certaine forme de militarisme U.S. pourrait être un témoignage du maccarthysme ambiant qui sévit alors à l’époque aux Etats-Unis. Certains considèrent parfois le film de Christian Nyby et Howard Hawks comme un film de propagande, mais il faudrait mieux voir cette histoire d’invasion extra-terrestre comme une sorte de témoignage d’un sentiment de paranoïa très vivace en pleine époque de la Guerre Froide. Le film ne paie pas de mine avec sa créature en costume et son rythme mou et mal entretenu (beaucoup de scènes de dialogues interminables, aucune scène qui montre les morts, trop peu de séquences d’affrontement contre la créature, etc.), mais malgré cela, il reste un classique incontournable du cinéma de science-fiction/épouvante américain, une série-B cheap culte à laquelle John Carpenter répondra favorablement en nous proposant son propre remake en 1982, « The Thing », autre grand classique du cinéma d’épouvante/science-fiction, plus proche quand à lui du roman d’origine de John W. Campbell.

La musique du compositeur russe Dimitri Tiomkin reste sans aucun doute l’atout majeur du film d’Howard Hawks et Christian Nyby : plus connu pour ses partitions mélodiques et ses grandes musiques de western du Golden Age hollywoodien, Tiomkin signa en 1951 un score symphonique extrêmement sombre, violent, atonal et moderne pour « The Thing from Another World », une oeuvre assez audacieuse pour l’époque, qui posa les bases de la musique de science-fiction/épouvante hollywoodienne dès le début des années 50 : tout comme le film lui-même, l’influence de la partition musicale de « The Thing from Another World » se fera même ressentir tout au long des décennies à venir. Composée à la même époque que le non moins fameux « The Day The Earth Stood Still » de Bernard Herrmann pour le film de Robert Wise, le score de « The Thing from Another World » témoigne de tout le savoir-faire du compositeur russe et révéla un style avant-gardiste et moderne peu connu dans l’oeuvre de Tiomkin : il paraît ainsi évident qu’un film pareil ne pouvait pas être mis en musique d’une façon conventionnelle, car si le compositeur utilise toutes les ressources d’un orchestre symphonique traditionnel, c’est bel et bien dans ses choix d’orchestration et dans son écriture que la musique se révèle être plutôt étonnante pour une musique d’un film de 1951 : rarement aura-t-on entendu à l’époque une oeuvre aussi violente, chaotique et profondément agressive - voire quasi nihiliste - dans le paysage musical souvent très codifié du Golden Age hollywoodien, en pleine époque des sieurs Steiner, Korngold, Rozsa ou Newman ! C’est bien simple : Tiomkin n’a jamais plus écrit de partition de ce genre par la suite, « The Thing from Another World » restant une oeuvre assez insolite et un peu à part dans la filmographie du compositeur.

Pour « The Thing from Another World », Dimitri Tiomkin a écrit à peine 26 minutes de musique, ce qui paraît peu mais suffit néanmoins à capter l’essentiel de l’esprit du film. En plus de l’orchestre symphonique habituel, Tiomkin utilise ici un théremin, instrument électronique alors très à la mode à cette époque, et déjà utilisé par Bernard Herrmann la même année sur « The Day The Earth Stood Still ». Le théremin est associé dans le film à la créature végétale que combattent les militaires et les scientifiques, instrument associé à un thème principal qui parcourt l’ensemble de la partition de Tiomkin et répété à profusion tout au long du film : omniprésent du début jusqu’à la fin du score, le thème principal évoque clairement le sentiment d’une menace inexorable et impossible à arrêter. Après la fanfare d’ouverture, le « Main Title » dévoile ainsi le thème avec des orchestrations puissantes (bois virevoltants, cuivres massifs et notes ondulantes et mystérieuses du théremin). Ce sont les cuivres qui ressortent plus particulièrement ici, Tiomkin ayant décidé de supprimer les cordes de son orchestre afin de conserver essentiellement percussions, bois, cuivres et théremin pour arriver à ses fins. Dès le « Main Title », la musique s’impose par son côté atonal et ses dissonances rugissantes et assez agressives pour l’époque. La séquence où les héros découvrent l’OVNI coincé dans la glace permet au compositeur de développer ses principaux éléments musicaux mis en place dès l’ouverture : « Flying Saucer Sequence Part 1 et 2 » développent ainsi le thème principal avec son théremin entêtant, ses orchestrations sombres et ses cuivres graves et massifs. On ressent dans la musique ce côté infernal et oppressant qui peut certes paraître un brin vieillot aujourd’hui mais qui s’avère pourtant être très moderne pour l’époque. A noter l’utilisation du piano dans l’orchestre et de quelques petites percussions diverses (incluant des cloches) pour ponctuer cette scène, sans oublier quelques effets instrumentaux avant-gardistes comme l’utilisation de flatterzunges agressifs aux trompettes. Un morceau comme « Flying Saucer Sequence Part 2 » s’impose radicalement par son côté sombre, oppressant et résolument froid et agressif, un morceau aux rythmes entêtants et inquiétants qui apporte une certaine puissance aux images.

Le théremin devient plus présent dans « Melting Sequence » avec ses bois virevoltants qui pourraient faire penser à la tempête de neige qui s’abat sur la base scientifique vers le début du film. Tiomkin profite pleinement de toute l’étendue des sonorités du théremin pour créer une atmosphère mystérieuse et inquiétante assez impressionnante dans le film : la musique devient même encore plus brutale et agressive dans la scène de l’affrontement avec les chiens dans « Dog Fight », où l’on ressent encore plus le sentiment de menace et de danger. Les orchestrations s’avèrent être d’une richesse incroyable, constituées d’une multitude de détails instrumentaux en tout genre. Le thème principal est constamment répété au théremin tout au long de ces morceaux, comme le rappelle le bref mais mystérieux « The Hand » ou « Greenhouse Sequence » pour la séquence dans la serre : à noter ici la façon dont Tiomkin martèle la même percussion boisée tout le long du morceau d’une façon quasi obsédante et hypnotisante, un petit détail qui ne ressort hélas pas bien dans l’enregistrement de l’album publié par FSM, malheureusement gâché par une qualité sonore douteuse - l’enregistrement provenant en réalité d’un vieux disque conservé à l’époque par Tiomkin lui-même dans sa propre collection personnelle, les masters d’origine ayant été malheureusement perdus. Le mystère reste très présent dans « Plasma 1 » et « Plasma Plants 2 » avec ses tenues inquiétantes de théremin sur fond d’harmonies atonales plutôt modernes, mais c’est avec la séquence du feu dans « Fire Sequence » que les choses se gâtent : la musique plonge alors dans la terreur et l’agressivité pure lorsque les militaires affrontent la créature avec le feu (sans aucun doute la scène la plus impressionnante du film !). La musique devient ici plus dissonante, agressive et chaotique, atteignant un climax de terreur et de chaos dans l’affrontement final pour « Electrocution Sequence ». Le score se conclut finalement sur une ultime reprise du thème principal au théremin avec une fanfare conclusive similaire à celle de l’ouverture, la boucle étant ainsi bouclée.

Dimitri Tiomkin signe donc pour « The Thing from Another World » une partition avant-gardiste et terrifiante plutôt moderne pour l’époque, d’une agressivité et d’une noirceur rare. Avec ses orchestrations extrêmement riches et sophistiquées, ses choix instrumentaux intéressants (suppression des cordes, mise en valeur des percussions, des cuivres graves, omniprésence du théremin, etc.) et ses harmonies atonales et angoissantes, la partition de « The Thing from Another World » reste un coup de maître curieusement mal connu dans la carrière très riche de Dimitri Tiomkin. Difficile d’accès à la première écoute, car assez répétitive et un peu trop dense pour pouvoir être digérée du premier coup, la musique de « The Thing from Another World » apporte une tension et un suspense intense aux images du film de Christian Nyby et Howard Hawks, avec ses morceaux de terreur pure d’une grande virtuosité (et aussi d’une grande violence). Moins connue et généralement moins appréciée que le « The Day The Earth Stood Still » de Bernard Herrmann, la partition musicale de « The Thing from Another World » reste malgré tout un grand classique du genre, probablement l’oeuvre la plus atonale, la plus complexe et la plus avant-gardiste de toute la filmographie de Dimitri Tiomkin : un sommet du genre !



---Quentin Billard