1-L'instinct de Mort 3.17
2-Jacques Mesrine 3.06
3-Sale Boulot 2.12
4-La Mort du Père 1.13
5-Le Départ 2.07
6-Broussard 1.41
7-Kidnapping De Deslauriers 0.56
8-En Attendant la Rançon 2.51
9-En Planque 3.20
10-Humeur Noire 2.05
11-Jacques et Janou 1.04
12-Plan D'Evasion 3.44
13-L'armée 1.12
14-Aveuglé 1.38
15-Un Plan Diabolique 2.25
16-Le Livre 0.48
17-Evasion 3.02
18-Le Casino de Deauville 1.03
19-Fusillade Dans La Prison 4.50
20-L'interview 2.40
21-Dallier 4.27
22-Nos Jours Sont Comptés 1.51
23-2 Novembre 1979 7.49
24-Porte De Clignancourt 1.58
25-Le Prix à Payer 2.22

Musique  composée par:

Marco Beltrami/Marcus Trumpp

Editeur:

EMI Music France 50999 2655692 5

Album produit par:
Marco Beltrami, Marcus Trumpp
Musique additionnelle de:
Dana Niu

Artwork and pictures (c) 2008 La Petite Reine. All rights reserved.

Note: ***
MESRINE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Marco Beltrami/Marcus Trumpp
Diptyque ambitieux réalisé par Jean-François Richet, « Mesrine » raconte le parcours chaotique de Jacques Mesrine, célèbre gangster français qui sévit dans les années 70 et considéré à l’époque comme l’ennemi public N°1. A l’origine, le projet est né de l’envie du cinéaste français d’adapter à l’écran deux autobiographies de Jacques Mesrine, « L’instinct de mort » et « Coupable d’être innocent ». C’est ainsi que Jean-François Richet signera les deux films censés se suivre dans l’ordre chronologique : « L’instinct de mort » et « L’ennemi public n°1 ». Le premier film relate la jeunesse de Mesrine des années 50 à 60 et sa quête d’identité, tandis que le deuxième opus s’apparente davantage à un thriller psychologique se déroulant dans les années 70 jusqu’à l’issue tragique finale annoncée au début de ce diptyque. Le producteur Thomas Langmann déclarait à la sortie du film en 2008 que le mythe de Jacques Mesrine était toujours intact, même 30 ans après sa mort, et que le personnage continuait de fasciner les gens. Les deux films reposent avant tout sur les épaules d’un Vincent Cassel assez exceptionnel, qui campe un Mesrine plus vrai que nature, formidable de bout en bout (Cassel semble avoir trouvé là l’un de ses meilleurs rôles, taillé sur mesure !). Même sa ressemblance physique avec le Mesrine d’origine est assez troublante. Pour ce qui est du scénario d’Abdel Raouf Dafri, il retrace les grandes lignes de la vie de Mesrine, son retour d’Algérie puis son départ pour le Québec en 1968, ses nombreuses rencontres (amicales ou sentimentales), ses combines en tout genre, sa spectaculaire évasion de prison puis son exécution par la brigade antigang près de la Porte de Clignancourt à Paris le 2 novembre 1979 dans sa BMW. Le casting est quand à lui tout bonnement hallucinant et réunit quelques grandes stars du cinéma français comme - outre Cassel - Mathieu Amalric, Ludivine Sagnier, Samuel Le Bihan, Anne Consigny, Olivier Gourmet, Gérard Lanvin, Michel Duchaussoy, Myriam Boyer, Gérard Depardieu, Gilles Lelouche, Cécile de France, etc. La mise en scène de Jean-François Richet sait ménager habilement le suspense psychologique et l’action, tout en jouant sur la complexité et l’ambigüité du personnage de Mesrine (antihéros ? Faussaire ? Artiste du crime ? Génie incompris ?). Ici, pas de glorification du gangster ou de la violence, Richet a préféré opter pour une mise en scène plus habile et réaliste, navigant entre le polar et le film biographique sérieusement documenté. « Mesrine » révèle ainsi de façon plus ambitieuse les différentes facettes de son protagoniste principal. Le personnage ne cesse d’évoluer d’un film à l’autre - prenant une dimension plus politique dans « L’ennemi public n°1 » - et ce jusqu’à l’inexorable dénouement final. Avec une ambiance rappelant par moment les polars urbains italiens des années 70, « Mesrine » réussit son coup et nous livre un portrait sans concession du plus célèbre criminel français des seventies, un diptyque d’une intensité incroyable, captivant de bout en bout !

Prévue à l’origine pour Howard Shore, la musique de « Mesrine » a été finalement confiée à Marco Beltrami et son complice Marcus Trumpp, qui a en réalité signé une bonne partie du score des deux films de Richet - Beltrami n’ayant officié qu’en tant que producteur et superviseur de la musique. Trumpp a donc écrit plus de 75% de la musique du film, alors que Beltrami n’a signé qu’à peine 25% du reste de la partition de « Mesrine », épaulé par la compositrice Dana Niu à la musique additionnelle (plus connue pour avoir signé les orchestrations de partitions de Marco Beltrami, Brian Tyler, Christopher Lennertz, David Julyan, etc.). Le résultat est tout à fait à la hauteur des attentes, sans pour autant briller d’une grande originalité. Trumpp et Beltrami ont opté pour une approche clairement symphonique, agrémentée de quelques touches électroniques d’usage pour tenter de rendre l’histoire plus moderne et plus proche de notre époque (les deux films se déroulant entre les années 50 et 70 !). Le score repose avant tout sur un thème principal associé tout au long du film à Mesrine, dévoilé dans « L’instinct de Mort », un thème de cordes plutôt sombre et dramatique évoquant l’issue tragique de Mesrine. Il règne dans ce morceau un sentiment d’inexorabilité et de tragédie, sans en faire des tonnes pour autant : quelques cordes suffisent ici à insuffler un ton morose, froid et dramatique au thème de Mesrine dans le film. Dans « Jacques Mesrine », le thème est repris avec un cymbalum solitaire et des cordes, la musique conservant ici aussi ce côté froid, sombre et tragiquement résigné. La musique ne cherche pas à dramatiser la situation du personnage et encore moins à prendre position pour lui : elle conserve à contrario un ton plutôt froid, sombre et latent, qui reflète davantage la psychologie torturée et ambiguë du personnage plutôt que sa destinée tragique.

Dans « Sale Boulot », Trumpp et Beltrami dévoilent le deuxième thème principal du score, un thème de 7 notes plutôt sombre et lent, associé à l’idée du suspense et des crimes commis par Mesrine. Ce thème reviendra lui aussi de façon plus entêtante tout au long du film, toujours dominé par des cordes latentes et minimalistes sur fond de quelques touches électroniques plus atmosphériques et froides (les producteurs souhaitaient une approche clairement minimaliste pour la musique du film, afin de conserver le ton réaliste de l’histoire). A noter que Marcus Trumpp précise même qu’il a écrit une bonne partie des morceaux dans la tonalité de Ré mineur, considérée selon le musicien comme la tonalité la plus triste de l’harmonie tonale. C’est la froideur de cette musique qui domine ici l’ensemble de la partition - plutôt généreusement mixée et bien mise en valeur dans le film - comme le rappelle un morceau comme « La mort du père » ou « Le Départ », dans lequel on retrouve le motif de suspense et les loops électro modernes. La musique est porteuse d’une atmosphère de tension constante durant les deux films, comme le suggère sans équivoque « Broussard » et son mélange entre cordes agitées, cuivres sombres et loops électro habituels. Trumpp et Beltrami applique donc toutes les recettes du genre à la lettre, sans apporter quelque chose de particulier à la musique : le résultat reste néanmoins assez impressionnant à l’écran, la musique apportant un rythme soutenu et une véritable tension au film. Même chose pour « En attendant la rançon » qui nous offre une très solide montée de tension avec des rythmes électroniques, des cordes agitées, des percussions, un piano et une harpe. Ici aussi, la musique joue malgré tout sur une certaine retenue minimaliste, même dans les montées de tension, et conserve ce côté froid, terne et désincarné qui crée une ambiance assez particulière à l’écran.

Une bonne partie de la musique conserve cette approche sombre, lente et atmosphérique comme « En planque » ou « L’humeur noire », reflétant les sinistres pensées de Mesrine tout au long du film. L’action pointe enfin le bout de son nez dans « Jacques et Janou » où la musique devient plus agressive et percussive avec son lot de cuivres massifs, de cordes agitées, de piano et de percussions diverses. Ici aussi, les cordes restent privilégiées, associées à la psychologie complexe et torturée du gangster. La détermination du criminel devient plus présente dans « Plans d’évasion » et ses développements du thème de suspense. Les rythmes martiaux de « L’armée » ne font que renforcer la tension ambiante, tandis que « Un plan diabolique » oscille entre un piano intime, des cordes sombres et des loops électroniques atmosphériques synonymes de tension - on appréciera au passage une très solide reprise de l’entêtant thème de suspense aux cors, dans un arrangement plus orienté vers l’évocation du mal. La musique casse un peu cette logique de suspense atmosphérique dans « L’évasion », déchaînement orchestral solide pour la scène de l’évasion de Mesrine soutenu par des percussions agressives (acoustiques/électroniques), des cuivres massifs et des cordes agitées. L’action devient plus présent dans « Le casinon de Deauville » et surtout l’excellent « Fusillade dans la prison », sans aucun doute l’un des morceaux-clé de la partition de « Mesrine ». Trumpp et Beltrami développent sur plus de 4 minutes d’une grande intensité des rythmes syncopés et martelés entre des cuivres massifs, des cordes sombres et un ensemble de percussions diverses (incluant un ensemble de toms rappelant le style des musiques d’action hollywoodiennes des années 90). On appréciera ici une superbe reprise du thème principal de Mesrine dans une version déterminée et assez puissante, lorsque le gangster se lance dans une fusillade pour aider l’un de ses complices à s’évader de prison - on notera ici quelques rythmes syncopés qui rappellent par moment le style action de Jerry Goldsmith.

La musique redevient plus intime et retenue dans « L’interview », lorsque Mesrine est interviewée par une journaliste et offre son point de vue et sa pensée sur la société dans laquelle il vit et sa propre situation en tant qu’ennemi public n°1. Le morceau est confié à une guitare solitaire sur fond de cordes, sans aucun doute l’un des plus beaux morceaux du score de « Mesrine », et qui tente d’apporter un peu plus de chaleur humaine et d’émotion à une partition somme toute très sombre et particulièrement froide. « Dallier » oscille quand à lui entre de l’action agressive et du suspense glauque avec une tension et une intensité quasi constante, tandis que « Nos jours sont comptés » apporte un sentiment d’inexorabilité et de résignation pesante et sinistre, débouchant sur le climax de tension de « 2 novembre 1979 » et l’action du tonitruant « Porte de Clignancourt », sans oublier « Le prix à payer » et sa conclusion plus tragique et amère. Marcus Trumpp et Marco Beltrami signent donc une partition orchestrale solide pour « Mesrine », une musique plutôt atmosphérique et minimaliste qui nous offre deux thèmes de qualité et participe activement à l’ambiance tendue psychologique et intense du diptyque de Jean-François Richet. La musique de « Mesrine » ne révolutionne en rien la musique de film mais s’impose avant tout par sa froideur extrême, son minimalisme troublant et son atmosphère sombre et latente, une musique qui sait se faire tour à tour agressive, violente, sinistre et tendue, toute à l’image du personnage de Vincent Cassel dans les deux films. A découvrir donc, en même temps que l’excellent diptyque de Richet !



---Quentin Billard