1-In The Electric Mist 2.57
2-Score vs. Airboat 0.56
3-Post Coital Investigating 1.49
4-Baby Feet's Limo 1.22
5-The Confederate Dead 3.30
6-Fishing With Dave 1.03
7-Adonis Brown 1.09
8-Out With The N Word 2.34
9-Kelly's Service 1.52
10-Shipwrecked 2.31
11-Dina Kills Again 2.38
12-Past Meets Present 2.50
13-Maybe Babyfeet 1.16
14-Knife Planting 1.32
15-Dave Robicheaux 2.48
16-La Terre Tremblante 4.17*

*Ecrit par Marco Beltrami
et Dirk Powell.

Musique  composée par:

Marco Beltrami

Editeur:

Varèse Sarabande 302 064 202 2

Produit par:
Marco Beltrami
Score co-produit par:
Buck Sanders
Producteur exécutif:
Robert Townson
Montage musique:
Johnny Caruso
Consultant musique cajun:
David Greely

Edition limitée à 1000 exemplaires.
American Federation of Musicians.

Artwork and pictures (c) 2007 Electric Mist Joint Venture LLC. All rights reserved.

Note: ***
IN THE ELECTRIC MIST
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Marco Beltrami
Pour son nouveau long-métrage, Bertrand Tavernier décide de passer outre-Atlantique et signe son premier film américain avec « In The Electric Mist » (Dans la brume électrique), adaptation cinématographique du roman noir de James Lee Burke. Le résultat est à la hauteur du projet, et le film s’est vu récompenser du Grand Prix du premier festival international du film policier de Beaune en 2009. Rappelons que Bertrand Tavernier s’est déjà intéressé à plusieurs reprises à la culture américaine, puisqu’il fit tourner Harvey Keitel dans « La mort en direct » en 1980 et que son film « Coup de torchon » (1981) était une adaptation d’un roman policier américain de Jim Thompson. « In The Electric Mist » nous transporte dans la petite ville de New Iberia en Louisiane. Ancien flic reconverti, Dave Robicheaux (Tommy Lee Jones) aide la police locale à enquêter sur le meurtre sadique d’une jeune prostituée de 19 ans, une nouvelle victime d’un serial killer qui sévit depuis quelques temps dans la région et ne s’en prend qu’à de très jeunes femmes. Pendant son enquête, Dave arrête pour conduite en état d’ivresse Elrod Sykes (Peter Sarsgaard), star hollywoodienne alcoolique venue en Louisiane pour y tourner son nouveau film, produit par un parrain de la mafia locale, Julius « Baby Feet » Balboni (John Goodman). Dave soupçonne alors Balboni d’être le meurtrier de la jeune prostituée. Elrod finit par sympathiser avec l’inspecteur, et l’acteur lui révèle alors qu’il a aperçu il y a un certain temps des ossements humains dans le bayou du delta de l’Atchafalaya, ossements qui auraient ainsi refait surface suite à l’ouragan Katrina en 2005. Cette découverte fait très vite ressurgir des souvenirs du passé de Dave, qui a ainsi assisté il y a 35 ans au meurtre d’un homme noir à cet endroit. « In The Electric Mist » permet enfin à Bertrand Tavernier de réaliser un vieux rêve, tourner son premier grand film américain. Pari plus que réussi pour un cinéaste qui est resté conforme à sa vision et à sa grande connaissance de la culture américaine (Tavernier a coréalisé « Mississipi Blues » avec Robert Parrish, documentaire sur la musique blues de la Louisiane). Le film se présente avant tout comme un thriller psychologique plutôt dense et haletant, servi par un script complexe et une mise en scène à la fois sobre, minimaliste et brillante.

Ici, pas de grands effets hollywoodiens ni d’artifices visuels, Tavernier reste fidèle à son esthétique narrative habituelle et son goût pour les intrigues littéraires complexes et déroutantes. « In The Electric Mist » reste d’ailleurs un film déroutant de bout en bout, servi par la performance remarquable de Tommy Lee Jones dans le rôle d’un flic qui doit combattre ses propres démons (l’alcool, un souvenir particulier qui le hante depuis 35 ans, des hallucinations dans lesquelles il se voit en train de parler à un général confédéré et ses troupes, tous décédés pendant la Guerre de Sécession américaine, etc.). Tommy Lee Jones s’est d’ailleurs beaucoup investi sur ce film, allant même jusqu’à remanier certaines scènes lui-même (au grand dam du réalisateur !). Son personnage de Dave Robicheaux rappelle ses rôles désabusés et cyniques de « The Three Burials of Melquiades Estrada », « No Country for Old Men » ou « In The Valley of Elah ». Quand au reste du film, il se résume surtout à une sorte de grand puzzle psychologique plutôt dense et complexe, où la trame scénaristique évite tout fil conducteur linéaire et préfère perdre le spectateur en proposant différentes pistes (le meurtre de la jeune prostituée au début du film n’est qu’un prétexte au prologue du film et reste irrésolu par la suite !). La mise en scène est renforcée par l’ambiance moite, sombre et brumeuse des bayous de la Louisiane, avec quelques accès de violence subite qui déstabilise davantage le spectateur et renforce ce sentiment d’instabilité et d’imprévisibilité - tout comme le personnage de Tommy Lee Jones - comme si tout pouvait basculer d’un moment à l’autre. « In The Electric Mist » est un thriller rare et complexe, clairement anti-hollywoodien, sombre, atmosphérique et violent, un projet de rêve pour Bertrand Tavernier et Tommy Lee Jones qui se voit offrir ici l’un des meilleurs rôles de sa carrière, épaulé par un casting de choix - Peter Sarsgaard, John Goodman, Mary Steenburgen, Kelly MacDonald, Ned Beatty, Pruitt Taylor Vince et même un petit rôle pour le célèbre bluesman Buddy Guy ! En bref, un film d’une qualité rare à ne surtout pas manquer !

La musique de « In The Electric Mist » a été confiée à Marco Beltrami, qui nous offre là une partition orchestrale à la fois sombre, lente et atmosphérique, représentant à la fois les tourments du personnage principal, l’enquête difficile qu’il mène et les décors locaux de la Louisiane, par le biais d’une instrumentation évoquant la musique cajun traditionnelle de cette région des Etats-Unis. Dans le livret de l’album publié par Varèse Sarabande, Bertrand Tavernier explique que c’est après avoir vu « The Three Burials of Melquiades Estrada » de Tommy Lee Jones qu’il décida de confier la musique de « In The Electric Mist » à Marco Beltrami, en précisant au compositeur qu’il souhaitait ainsi une musique plutôt atmosphérique et discrète, qui puisse écarter certains stéréotypes habituels afin d’opter pour une approche musicale plus minimaliste et psychologique, en se centrant essentiellement autour du personnage de Dave Robicheaux (ses tourments intérieurs, sa culpabilité, son penchant pour la violence, etc.). Pour mener à bien la tâche qui lui a été confiée, Marco Beltrami s’est rendu en Louisiane afin d’étudier d’un peu plus près la musique cajun et son instrumentation traditionnelle (fiddle, washboard, banjo, accordéon, triangle, etc.), avec la complicité du musicien Dirk Powell - qui interprète plusieurs parties instrumentales cajun dans la musique du film. Marco Beltrami s’est livré à un véritable travail d’ethnomusicologue, puisqu’il est même allé jusqu’à noter des mélodies cajun traditionnelles qu’il a ensuite réutilisé dans sa propre partition pour les besoins du film de Tavernier (un peu à la manière des travaux musicaux de Bartók ou de Stravinsky au 20ème siècle !). A ces instruments s’ajoutent une petite formation de chambre enregistrée avec les musiciens du Skywalker Symphony Orchestra (orchestre avec lequel Marco Beltrami avait déjà travaillé sur « Hellboy » en 2004). La formation orchestrale choisie par Beltrami inclut ainsi quelques cordes (dont un violoncelle soliste), un accordéon, deux clarinettes, un saxophone baryton, un trombone et quelques percussions - sans oublier le groupe des instruments cajun. Le résultat est à l’image du film lui-même : atmosphérique, sombre, troublant, latent.

La musique utilise deux thèmes principaux tout au long du film. Le premier est dévoilé au début du film dans « The Electric Mist », introduit par des cordes mystérieuses sur fond d’ostinato rythmique de washboard et interprété par un fiddle et une guitare. L’esthétique musicale et l’instrumentation assez originale choisie par Beltrami nous renvoie clairement à son travail sur « The Three Burials of Melquiades Estrada ». Beltrami évoque l’univers brumeux des bayous et les scènes surréalistes des visions avec le général John Bell Hood en utilisant des sonorités mystérieuses, oniriques et fantomatiques, sans jamais en faire de trop ou tomber dans le cliché de la musique fantastique/surréaliste. Les sonorités choisies par le compositeur oscillent en particulier autour d’effets de cordes (dont un jeu sur les glissements d’harmoniques entre les différentes cordes des violons), et le thème principal introduit dans « The Electric Mist » est associé tout au long du film au personnage de Tommy Lee Jones. A noter que cette mélodie est en fait reprise de la chanson « La Terre Tremblante » que Beltrami a écrit pour le générique de fin du film, sur des paroles de Dirk Powell, dans la tradition des chansons cajun traditionnelles. Cette mélodie restera donc l’élément-clé de la musique de « In The Electric Mist », une sorte de refrain populaire un brin mélancolique, nostalgique et rêveur, indissociable du personnage de Dave Robicheaux dans le film : une grande réussite de la part de Marco Beltrami ! L’autre thème majeur de la partition apparaît dans « Post Coital Investigation », un motif mystérieux de quelques notes introduit ici par un vibraphone et que Beltrami a adapté de la chanson cajun traditionnelle « Les Filles de Vermillion ». Ce motif est associé ici aux meurtres des jeunes femmes et à l’enquête difficile que mène Dave Robicheaux au début du film. « Post Coital Investigation » marque ainsi le début de l’enquête, avec des cordes à la fois mystérieuses et porteuses d’une étrange mélancolie planante et solitaire.

On retrouve une instrumentation plus éclectique et inventive typique de Beltrami dans « Score Vs. Airboat » pour la scène où Dave se déplace dans le marais au début du film. Les instruments cajun sont ici bien plus présents, avec quelques ostinatos rythmiques un brin entêtants évoquant la détermination du personnage principal. « Baby Feet’s Limo » introduit dans le film le personnage de John Goodman avec une instrumentation toujours très inventive et rafraîchissante - à noter ici l’utilisation de pizzicati un peu ironiques et grinçants, avec le saxophone baryton de James Dukey une clarinette basse, un trombone, un vibraphone et quelques instruments cajun. « The Confederate Dead » est quand à lui un morceau plus important, car il illustre avec brio la première scène d’apparition du général John Bell Hood en détournant les sonorités habituelles des cordes pour aboutir à des textures sonores plus étranges, planantes et éthérées, à base de jeu sur les harmoniques des cordes (trémolos, glissements, tenues, etc.). Beltrami apporte ainsi un éclairage un peu surnaturel et étrange à ces scènes de vision sans tomber dans les excès hollywoodiens, le tout avec une retenue et un certain minimalisme exemplaire. « The Confederate Dead » résume d’ailleurs parfaitement à lui tout seul toute l’essence même du travail de Marco Beltrami sur le film de Bertrand Tavernier. Le temps semble figé à l’écoute de ce morceau, comme si le personnage de Tommy Lee Jones s’était retrouvé dans un autre univers, dans une autre époque. La musique sait aussi se faire plus intime comme dans l’émouvant « Fishing With Dave » avec sa guitare solitaire sur fond d’accordéon et de cordes pour la scène avec Tommy Lee Jones et Buddy Guy. Des morceaux comme « Adonis Brown » ou « Out With The N Word » permettent au compositeur de développer son ambiance à la fois sombre et étrange, sans oublier ce recours à des pizzicati un peu ironiques et grinçants dans « Out With The N Word », plus typiques du style musical habituel de Beltrami. Un morceau comme « Kelly’s Service » est porteur quand à lui d’une certaine mélancolie un peu froide, distante et sombre, tandis que « Past Meets Present » évoque les fantômes du passé avec un mélange d’amertume et de regret assez subtil et tout en retenue. La musique frôle même le suspense atmosphérique dans le sombre et latent « Dina Kills Again » et surtout « Maybe Babyfeet », où Beltrami utilise quelques effets électroniques pour maintenir une certaine tension, alors que Dave commence à suspecter Balboni d’avoir assassiné les jeunes femmes. Même chose pour le sombre « Knife Planting », aboutissant à un « Dave Robicheaux » plus intime et mélancolique.

La partition de « In The Electric Mist » nous permet ainsi d’entendre Marco Beltrami dans un registre plus minimaliste et quelque peu différent de ce qu’il fait sur les blockbusters hollywoodiens habituels qu’il met régulièrement en musique. Certes, le compositeur semble avoir été très inspiré par son sujet, mais sa musique ne révolutionne pourtant en rien le genre, surtout pour ceux qui connaissent déjà son travail sur « The Three Burials of Melquiades Estrada ». Comme sur le film de Tommy Lee Jones, la musique de « In The Electric Mist » part d’une bonne intention et nous propose des trouvailles sonores/instrumentales intéressantes, mais on aimerait simplement entendre le compositeur se lâcher davantage, expérimenter un peu plus, dans des directions un peu moins prévisibles. Ici, la musique reste trop sage, trop plate et un peu uniforme dans le film pour susciter un véritable intérêt (surtout sur l’album, et ce même si la musique s’écoute de façon fluide et agréable). Peut-être le problème vient-il aussi des thèmes qui, comme souvent chez Beltrami, restent assez plats et peu intéressants en soi - le principal point faible des musiques du compositeur en général. Et pourtant, avec « La Terre Tremblante », Beltrami nous offre une mélodie populaire d’une grande beauté, bien utilisée et développée tout au long du film, à défaut de laisser un souvenir impérissable. Au final, Marco Beltrami nous offre une partition minimaliste, atmosphérique et lente d’une grande qualité pour le film de Bertrand Tavernier, une musique assez riche et réfléchie en adéquation parfaite avec l’ambiance si particulière du film, mais qui ne laissera pas un grand souvenir pour autant. En revanche, les inconditionnels du compositeur devraient apprécier vivement son nouvel opus musical !



---Quentin Billard