1-Panoramic 7.11
2-Outland 3.07
3-The Journey 4.26
4-Amen 1.50
5-The Convoy 1.50
6-Solara Violated 1.04
7-Safe 1.22
8-Human 2.06
9-Meant To Be Shared 2.45
10-The Passenger 1.55
11-Den Of Vice 2.14
12-Gattling 1.23
13-Blind Faith 2.00
14-Convoy Destruct 4.54
15-Movement 3.04
16-Carnegie's Demise 3.36
17-The Purpose 1.59

Musique  composée par:

Atticus Ross

Editeur:

Reprise Records 523107-2

Produit et arrangé par:
Atticus Ross
Producteurs exécutifs de l'album:
Allen Hughes, Albert Hughes
Supervision musicale:
Deva Anderson
Supervision montage musique:
Joseph Debeasi
Préparation de la musique:
Jill Streater
Music Legal Services:
Christine Bergren
Coordination musicale:
Delphine Robertson
Assistant musique:
Bo Stevenson

Artwork and pictures (c) 2009 Warner Bros. Entertainment Inc. All rights reserved.

Note: ***
THE BOOK OF ELI
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Atticus Ross
Nouveau long-métrage d’Albert et Allen Hugues (auteur du mémorable « From Hell »), « The Book of Eli » (Le livre d’Eli) met en scène Denzel Washington dans un nouveau film d’action post-apocalyptique. Alors que l’Amérique du futur n’est plus une vaste terre hostile et recouverte de ruines, Eli (Denzel Washington) erre seul dans les plaines désertiques avec ses armes et son précieux livre. Le mystérieux voyageur se protège régulièrement des attaques des criminels qui tentent de l’agresser pour trouver de quoi survivre. Un jour, Eli arrive dans ce qui reste de la Californie, et fait la connaissance de Carnegie (Gary Oldman), le chef d’une bande de criminels qui impose sa volonté à la petite communauté qu’il dirige. Eli est capturé et découvre que Carnegie s’intéresse d’un peu plus près au précieux livre que le voyageur transporte sur lui. Eli parvient alors à s’échapper grâce à la complicité de la belle Solara (Mila Kunis) mais Carnegie et ses hommes le prennent alors en chasse. Solara finit quand à elle par retrouver Eli et continue sa route à ses côtés. La jeune femme comprend alors qu’Eli est plus qu’un simple voyageur/guerrier solitaire, il est l’espoir qu’attend l’humanité pour retrouver enfin son souffle et renaître de ses cendres, et cet espoir se trouve dans le mystérieux livre d’Eli. « The Book of Eli » permet ainsi aux frères Hughes de nous offrir une série-B d’action post apocalyptique dans la lignée de « Mad Max », doté d’un style visuel fort reposant sur une photographie à base de couleurs délavées en noir et gris et des décors désertiques dominés par des villes en ruine et des paysages sauvages. Le scénario reste classique et sans surprise, avec cette histoire de héros/messie sauveur de l’humanité, une sorte de moine guerrier du futur porteur de la bonne nouvelle. Les références bibliques sont donc légion ici : le héros s’appelle Eli, en référence au nom d’un prophète de l’Ancien Testament. Il y a aussi l’idée que Dieu dicta à Eli sa quête le jour où ce dernier entendit une voix, etc. On apprend même au cours du film que l’apocalypse qui a ravagé notre monde a probablement été déclenché par une guerre religieuse, et l’on retrouve encore une fois le stéréotype habituel du héros prophète censé sauver l’humanité et redonner de l’espoir à tous, sans oublier le fait que le sacrifice final du héros possède un côté christique plus qu’évident. En appuyant de façon un peu lourdingue son message religieux, « The Book of Eli » échoue finalement dans la catégorie de la série-B post-apocalyptique/religieuse un peu ringarde, surtout pour un film de 2010. Ici, tous les clichés habituels du genre ont été recyclés sans grande imagination (westerns, films d’arts martiaux, films post-apocalyptiques des années 80, etc.). On retiendra surtout les excellentes performances de Denzel Washington et du trop rare Gary Oldman, parfait dans le rôle du grand méchant de service, comme d’habitude.

La musique de « The Book of Eli » a été confiée à Atticus Ross, musicien britannique ayant produit et collaboré avec quelques groupes tels que Nine Inch Nails ou Trent Reznor, et qui a aussi joué dans des groupes tels que Error ou Tapeworm. Atticus Ross signa sa première partition pour un film des frères Hughes en 2004 avec la série TV « Touching Evil », alors écrite en collaboration avec sa femme Claudia Sarne et son frère Leopold Ross. Le compositeur a aussi écrit la musique du segment des frères Hughes pour le long-métrage collectif « New York, I Love You » en 2009, avant de retrouver finalement le duo sur « The Book of Eli » l’année suivante. Le score de « The Book of Eli » délaisse d’emblée l’approche orchestrale hollywoodienne habituelle et privilégie davantage un style plus électronique et atmosphérique, dans lequel les mélodies et les thèmes semblent ne pas avoir leur place. Ainsi donc, Atticus Ross opte davantage pour une série d’ambiances musicales diverses plutôt que de développer un thème à proprement parler (une tendance actuelle dans le cinéma hollywoodien moderne). Dans « Panoramic », Ross introduit le film avec une série de nappes synthétiques planantes et de cordes latentes sur fond de guitare électrique lointaine et d’effets électroniques étranges. Il règne dans ce morceau un climat d’apaisement mais aussi de mélancolie distante et de résignation. Le côté un peu onirique et étrange du morceau offre un bel aperçu du travail d’Atticus Ross sur la partition de « The Book of Eli », avec ses synthétiseurs new-age brumeux et son atmosphère efficace et planante. « Panoramic » évoque aussi l’univers désertique et post-apocalyptique du monde dans lequel évolue le personnage de Denzel Washington sans pour autant tomber dans le cliché habituel des musiques apocalyptiques ou élégiaques (à noter néanmoins que le morceau introduit un début de mélodie, que le compositeur choisira ensuite de ne pas reprendre). L’utilisation de l’électronique et ses nombreux effets de filtre apporte ici un côté froid et atmosphérique à la musique - une sensation étrange de temps suspendu, l’immensité d’un vide désertique - qui rappelle parfois Tomandandy ou Cliff Martinez.

Dans « Outland », la musique utilise quelques voix lointaines sur fond de piano et de nappes synthétiques diverses pour rappeler l’idée d’une humanité perdue. Les loops électro deviennent ici plus présents, avec l’utilisation de la guitare électrique filtrée afin d’obtenir une série de sonorités détournées et plus étranges - parfois même un brin expérimentales. Le sentiment de désolation du début trouve écho dans « The Journey », où les différentes textures synthétiques sonores deviennent plus abstraites et expérimentales, avec un style parfois proche du trip-hop. Une voix mixée de façon lointaine intervient dans « The Journey », comme pour rappeler ici aussi les restes d’une humanité sur le bord du déclin, tandis que l’orchestre (principalement les cordes) fait ici son apparition dans ce très bon morceau électronico-orchestral, reflétant l’inventivité du musicien et son goût pour le maniement de sonorités électroniques disparates et étranges. La musique évoque dans le film le voyage d’Eli et apporte un côté un peu mélancolique au personnage du guerrier/moine solitaire campé par Denzel Washington dans le film. L’orchestre devient plus présent dans le sombre « Amen » avec son mélange cuivres/cordes et ses quelques nappes synthétiques inquiétantes. L’action commence avec « The Convoy » et ses rythmes plus pressants. Les nappes synthétiques restent ici de mise, avec un mélange entre batterie et loops électros typiques de ce genre de production musicale. La partie orchestrale évoque alors la détermination d’Eli et son combat contre les sbires de Carnegie : dommage cependant que les sonorités électroniques se montrent un brin envahissantes et un peu faciles dans ces passages d’action plus agités.

Les morceaux plus sombres et atmosphériques permettent à Atticus Ross de nous offrir un travail plus expérimental et totalement abstrait autour de l’électronique, comme le confirme les sinistres « Den Of Vice » (qui pourrait presque faire penser aux travaux d’Akira Yamaoka sur les jeux vidéos « Silent Hill ») ou « Solara Violated », alors même qu’un morceau plus apaisé comme « Safe » témoigne là aussi du savoir-faire du musicien britannique dans le domaine de l’électro. On appréciera l’apport du piano dans « Human » qui rappelle l’humanité des personnages principaux du film, tandis que « Meant To Be Shared » illustre la détermination machiavélique de Carnegie avec un mélange entre nappes synthétiques obscures et cuivres graves. Les amateurs de musiques atmosphériques modernes apprécieront sans aucun doute un morceau comme « The Passanger » avec sa mélodie de piano sur fond de loops électros modernes et de vocalises féminines, un style atmosphérique qui rappelle quelque peu les musiques de certaines séries-TV policières d’aujourd’hui. La tension monte alors subitement dans l’agité « Gattling », où la musique bascule dans l’atonalité agressive plus proche d’une musique de thriller/suspense. La musique conserve ensuite cette approche atmosphérique et lente dans « Blind Faith » où il est question de la foi du personnage de Denzel Washington, une fois exprimée ici avec un mélange entre des cordes plus chaleureuses et des nappes synthétiques new-age plus froides et distantes.

La confrontation dans la maison vers la fin du film est illustrée par un « Convoy Destruct » assez sombre, dominé par des cordes plus présentes et des sonorités électroniques rappelant clairement ici l’ouverture (« Panoramic ») : ici aussi, on regrettera le côté envahissant et systématique du sound design électro, qui a parfois tendance à noyer la partie orchestrale. Plus étonnant, un morceau comme « Movement » pourrait presque évoquer une musique à caractère arabisant avec ses cordes un brin connotées, le tout sur fond de loops électro habituels. « Movement » dégage à l’écran une ambiance assez particulière, annonçant la fin de l’histoire qui débute avec le sombre « Carnegie’s Demise » et se conclut avec le poignant « The Purpose », dans lequel l’orchestre occupe enfin une place de choix (les sonorités électroniques semblant avoir mystérieusement disparues), comme pour évoquer une sorte de retour à l’humanité, un nouvel espoir pour le monde, suggéré ici par un solide travail autour de cordes élégiaques et d’un violoncelle soliste. La partition d’Atticus Ross pour « The Book of Eli » reste donc plutôt réussie dans son genre, un score idéal pour proposer une alternative aux grosses partitions orchestrales habituelles que l’on entend souvent sur ce type de film. Le compositeur signe donc ici une partition électro un brin expérimentale dans laquelle l’orchestre est présent mais volontairement mis en retrait, afin de privilégier une série d’atmosphères plus troublantes, planantes et sombres. La musique d’Atticus Ross apporte donc une ambiance assez particulière aux images du film des frères Hughes, une musique qui, malheureusement, ne laissera aucun souvenir particulier, la faute à une absence totale de thème qui aurait néanmoins permis de rendre l’écoute plus intéressante (autant dans le film que sur l’album). On regrettera aussi ce recours quasi systématique à un travail de sound design parfois un brin fastidieux et envahissant, une facilité très critiquable qui apporte malgré tout une couleur très particulière à la musique de « The Book of Eli », sans pour autant apporter quoique ce soit de nouveau au genre.



---Quentin Billard