1-Main Title/The Jungle 5.24
2-Maria and Friend/After Dinner/
Doctor's Study 4.18
3-On The Beach/More Questions 5.40
4-Forest Murmurs/Dr. Moreau's Zoo/
Moreau Explains 5.28
5-Maria and Andrew 3.05
6-Bear Man/To The Cave/
In The Garden/Tiger Fight/
Dead Tiger 7.32
7-To The House of Pain/
Funeral Pyre 4.33
8-Involution 3.44
9-Braddock's Cage/
The Humanimals 3.57
10-Moreau's Death 2.41
11-Man and Beast 2.18
12-The Holocaust 1.30
13-The Real Maria/End Credits 2.41
14-Jungle Pursuit (alternate) 1.34
15-To The House of Pain
(alternate) 2.44

Musique  composée par:

Laurence Rosenthal

Editeur:

La La Land Records
LLLCD 1085

Producteurs exécutifs de l'album:
MV Gerhard, Matt Verboys
Produit pour La-La Land Records par:
Ford A. Thaxton
Musique produite par:
Laurence Rosenthal
Superviseur musique:
Bodie Chandler
Montage musique:
Bill Caruth

Artwork and pictures (c) 1977 Orion Pictures Corporation. All rights reserved.

Note: ****
THE ISLAND OF DR. MOREAU
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Laurence Rosenthal
Réalisé par Don Taylor en 1977, « The Island of Dr. Moreau » (L’île du Docteur Moreau) est l’adaptation cinématographique du célèbre roman de H.G. Wells. A noter que c’est la seconde fois que le cinéma américain s’intéresse de près au chef-d’oeuvre du romancier britannique, la première version du film remontant à 1933 avec Erle C. Kenton à la réalisation et le duo Charles Laughton/Bela Lugosi dans les rôles principaux (le titre de ce film était « Island of Lost Souls »). N’oublions pas non plus la version de John Frankenheimer en 1996, avec Marlon Brando dans le rôle du scientifique mégalomane. Pour la version de Don Taylor, c’est Burt Lancaster qui a été choisi pour incarner le Docteur Moreau, un scientifique qui s’est mis en tête de créer une nouvelle race de créatures hybrides en mélangeant de l’ADN humain avec celui d’animaux sauvages. Andrew Braddock (Michael York) est l’unique survivant, avec un compagnon d’infortune, du naufrage du « Lady Vain » qui s’est échoué en pleine mer. Après avoir passé plusieurs jours à dériver sur la mer, Braddock et l’autre survivant échouent sur les rivages de la mystérieuse île tropicale du Dr. Moreau, en plein milieu du Pacifique. Moreau recueille alors les deux survivants et les ramène dans son campement, où il travaille d’arrache-pied sur une série d’expériences scientifiques secrètes avec son associé le Dr. Montgomery (Nigel Davenport), le domestique mi-humain mi-animal M’Ling (Nick Cravat) et la charmante Maria (Barbara Carrera). Très vite, Braddock comprend que quelque chose ne tourne pas rond sur cette île, et que ses occupants sont des créatures bien étranges qui n’ont plus rien d’humains. Il comprend alors que ces individus sont le fruit des expériences hybrides de Moreau et que ce dernier est un mégalomane qui se prend pour Dieu en essayant de créer une nouvelle race d’êtres vivants en menant des expériences terribles sur des humains.

« The Island of Dr. Moreau » est un classique du cinéma fantastique américain des années 70, sans aucun doute la meilleure adaptation du roman de H.G. Wells. Le réalisateur Don Taylor (à qui l’on doit des classiques tels que « Escape from the Planet of the Apes », « The Final Countdown » ou bien encore « Damien : Omen II ») nous livre un film sombre et déroutant sur la création d’un nouveau monde, le pouvoir des idéologies et l’asservissement des êtres humains par la science. Avec la trame scénaristique du roman d’H.G. Wells comme fil conducteur, « The Island of Dr. Moreau » propose avant tout une interrogation inquiétante sur les limites de la science, le pouvoir dictatorial des dogmes religieux et la frontière entre l’humanité et le monde animal, des thèmes très avant-gardistes pour l’époque, fruit de l’imagination fertile d’un écrivain visionnaire bien en avance sur son temps lorsqu’il écrivit ce roman en 1896. Seule ombre au tableau, la réalisation totalement impersonnelle de Don Taylor et son manque d’originalité empêchent le film d’atteindre véritablement son potentiel. Restent les excellentes performances de Michael York et Burt Lancaster, qui campe un Dr. Moreau froid, machiavélique et calculateur, un dictateur mégalomane à des années lumières du vieillard sénile et gâteux campé par Marlon Brando dans la version de 1996. Le film nous propose aussi quelques bonnes scènes d’action comme la séquence de la chasse dans la forêt ou la révolte finale des animaux à la fin du film, oscillant entre suspense, terreur et réflexion avec une intensité assez constante, et ce même si le film de Don Taylor a un peu mal vieilli (les maquillages sont très kitsch et peu crédibles !), une version somme toute très solide du classique d’H.G. Wells, à ne pas manquer !

L’excellente partition symphonique de Laurence Rosenthal apporte une atmosphère assez pesante et intense au film de Don Taylor, une musique à la fois classique et quelque peu avant-gardiste, qui rappelle parfois le style de certaines grandes partitions 70’s de Jerry Goldsmith. Le compositeur déclarait dans une interview datant de 1983, et partiellement publiée dans le livret édité par La La Land Records : « il (le film) m’a vraiment offert une chance d’exprimer musicalement une sorte de profonde primitivité. J’ai essayé de produire un style mélodique qui était à la fois primitif et sauvage, comme pour suggérer le fait que ces humains-animaux luttaient et essayaient de devenir des êtres humains, en utilisant, par exemple, une combinaison d’un basson qui joue dans le registre aigu et d’un cor anglais qui joue lui aussi dans le registre aigu, produisant un son agonisant et tendu ». Orchestré par le compositeur lui-même et Alexander Courage, le score de Laurence Rosenthal doit évidemment beaucoup ici au style de Jerry Goldsmith (rappelons que le maestro californien a déjà écrit la musique de précédents films de Don Taylor comme « Escape from the Planet of the Apes » par exemple). Le caractère sauvage et primitif de l’univers musical crée ici par Laurence Rosenthal aurait même certainement conquis l’auteur de la musique de « Planet of the Apes ». Le score de « The Island of Dr. Moreau » est construit autour de deux thèmes majeurs. Le premier, associé au Dr. Moreau, est introduit dès le générique de début du film (« Main Title/The Jungle ») et possède déjà un côté très Goldsmithien dans sa structure : un mystérieux motif ondulant bâtit en deux phrases mélodiques, introduit ici par une trompette et repris ensuite par un cor anglais. Très vite, le « Moreau’s Theme » devient plus impressionnant, plus effrayant aussi, avec une montée orchestrale annonçant clairement la tonalité sombre et tendue de la musique de « The Island of Dr. Moreau ». Cette ouverture possède en tout cas cette atmosphère de mystère et de tension palpable, soutenue par des orchestrations solides et très soignées, et le classicisme d’écriture cher à Laurence Rosenthal. Le tutti orchestral qui accompagne l’arrivée de Braddock près de l’île de Moreau apporte une certaine puissance aux images, nous faisant clairement comprendre que quelque chose de terrifiant attend le naufragé sur cette mystérieuse île tropicale perdue en plein milieu du Pacifique. Le morceau se conclut sur un premier passage d’action agressif et sauvage, pour la scène où Braddock est alors poursuivi par une créature dans la jungle. On retrouve ici un style action riche, complexe et syncopé, dominé par un travail impressionnant autour des cuivres, des bois (piccolos) et des percussions primitives/boisées évoquant l’univers de la jungle.

Le deuxième thème majeur du score de « The Island of Dr. Moreau » est entendu dans « Maria and Friend/After Dinner/Doctor’s Study », un magnifique « Love Theme » très classique d’esprit, rappelant les grandes mélodies romantiques du Golden Age hollywoodien. Le Love Theme accompagne ici la romance entre Braddock et Maria, confié à des cordes et des bois sur fond de harpe, un thème rêveur et lyrique qui rappellerait presque le romantisme exacerbé de Gustav Mahler. A noter que le motif de Moreau reste toujours très présent, suggéré ici très brièvement par un basson aigu vers le milieu du morceau, un élément intéressant qui rappelle, dans le film, que le grand maître des lieux est omniprésent sur cette île. A noter qu’un bref passage pour basson et cor anglais, développé dans le morceau, n’est pas sans rappeler par moment le style de certains motifs du « Sacre du Printemps » de Stravinsky, des références classiques qui paraissent quelque peu évidente ici. Dans « On the Beach/More Questions », Rosenthal développe à la fois le mystérieux et inquiétant thème de Moreau à la trompette et le magnifique Love Theme pour Braddock et Maria. Ici aussi, le compositeur rappelle sa grande maîtrise d’un classicisme d’écriture très 19èmiste (Mahler) bien que non dénué de références à la musique savante du 20ème siècle (et plus particulièrement à Stravinsky). Avec « Forest Murmurs/Dr. Moreau’s Zoo/Moreau Explains », la musique devient subitement plus agressive et enragée, illustrant la scène de la poursuite dans la jungle. On retrouve ici le style de la coda furieuse du « Main Title », avec ses rythmes et ses orchestrations complexes que n’aurait pas renié Jerry Goldsmith. La musique devient alors plus atonale et dissonante avec des cordes synonymes de suspense et de tension, alors que Braddock découvre les cages dans le laboratoire du Dr. Moreau. Dès lors, la musique de Laurence Rosenthal va s’enfoncer progressivement dans une atmosphère de plus en plus sombre et oppressante, car même la reprise flamboyante du Love Theme dans « Maria and Andrew » (pour la scène d’amour) paraît plus nuancée et incertaine, alors que Moreau est toujours dans les parages et que le danger reste omniprésent.

« Bear Man/To The Cave/In The Garden/Tiger Fight/Dead Tiger » permet au compositeur de développer une atmosphère plus sombre et primitive en utilisant ici une instrumentation plus inventive, à base de cuivres en sourdine, de notes de piano furtives et de diverses percussions boisées (incluant des woodblocks) pour la scène où Braddock tombe nez à nez avec l’homme-ours. La partie finale du morceau (pour la mort du tigre) reprend pour la troisième fin le style du final du « Main Titles » et évoque à nouveau l’idée de la chasse avec une intensité saisissante. Dès lors, la musique bascule dans une atmosphère de terreur et de noirceur avec un « To The House of Pain/Funeral Pyre » plus sombre et agressif. « Involution » nous fait comprendre que les choses ne vont pas tarder à s’aggraver, et c’est avec « Moreau’s Death » que l’action reprend enfin le dessus avec des cuivres plus imposants et agressifs, révélant l’ampleur du désastre : Moreau est tué par ses propres créations, et l’île est en proie à l’anarchie la plus totale, avec la révolte des humains-animaux, idée reprise dans le barbare et agressif « Man and Beast » (lui aussi très inspiré de Jerry Goldsmith) avec ses percussions exotiques/ethniques du plus bel effet et ses rythmes syncopés complexes, aboutissant au sombre « The Holocaust », marquant la fin du règne de Moreau et de son empire maléfique. Enfin, « The Real Maria/End Credist » marque la fin du film avec une ultime reprise du Love Theme dans une version plus sombre et torturé. Chose étonnante, le morceau accompagne de façon très sombre le happy end du film, chose qui s’explique par le simple fait que la fin d’origine a été modifiée car jugée trop sombre (Maria révélait sa véritable nature animale à Braddock sur le radeau à la fin du film), mais que les producteurs n’avaient plus suffisamment de budget pour pouvoir faire modifier et réécrire la musique de fin - et ce au grand dam du compositeur lui-même qui déplora le fait que son ancien morceau ne colle absolument pas à la nouvelle fin du film. Le générique de fin reprend donc le mystérieux et inquiétant motif de Moreau, qui s’éloigne alors au loin avec la trompette solitaire.

Partition tour à tour sombre, agressive, primitive et romantique, « The Island of Dr. Moreau » reste sans aucun doute l’une des partitions-clé de la carrière de Laurence Rosenthal, une musique qui apporte une atmosphère pesante parfaite dans le film de Don Taylor, avec ses orchestrations complexes, ses rythmes syncopés enragés et ses percussions exotiques illustrant l’univers inquiétant crée par Moreau sur son île tropicale. En brassant les références avec un savoir-faire plus qu’évident (Stravinsky, Mahler, Goldsmith), Laurence Rosenthal signe une partition à la fois classique et moderne pour « The Island of Dr. Moreau », très inspirée de Jerry Goldsmith - mais sans le génie mélodique et rythmique de ce dernier. On pourrait même s’imaginer ce que le maestro californien aurait pu écrire sur un film pareil, un sujet qui aurait certainement conquis le compositeur de « Planet of the Apes » et « Escape from the Planet of the Apes ». Au final, la musique de « The Island of Dr. Moreau » pêche un peu par son côté très impersonnel mais apporte néanmoins une noirceur et une intensité musicale parfaite pour cette adaptation du grand classique d’H.G. Wells. Voici donc un score riche et complexe à redécouvrir par le biais de l’excellente édition CD publiée par La La Land Records, qui présente l’intégralité de la partition de Laurence Rosenthal accompagnée d’un livret contenant quelques précieuses informations sur le film et sa musique !



---Quentin Billard