'Three Kings' (Les rois du désert) de David O. Russel peut paraître plutôt joyeux voire comique en regardant la bande-annonce du film: des soldats américains décident, à la fin de la guerre du golfe, de mettre la main sur des lingots d'or enfermés dans un bunker irakien appartenant au troupes de Saddam Hussein (le film s'inspire de 'Kelly's Heroes' de Brian G. Hutton - 1970). Mais détrompez vous! Si le film se laisse aller par moment à quelques joyeuses déconnades, il reste très sérieux et aborde un sujet grave et touchant: la connerie de la guerre, la cruauté et la méchanceté de l'homme, mais aussi l'histoire d'un petit groupe de soldats américains à la fin de la guerre du Golfe qui vont découvrir leur humanité et apprendre à aider les autres, au lieu de ne penser qu'à eux et leur or (d'où le côté un peu moralisateur et démagogique du film). C'est ainsi que les soldats américains vont venir en aide à un groupe de civils arabes qui tentent d'échapper aux troupes Irakiennes pour rejoindre la frontière de l'Iran. Les soldats risquent ainsi la cour martiale pour une seule raison: obéir à leur sens de l'humanité et ne pas laisser des innocents se faire tuer par les Irakiens.

Ceci dit, le principal atout du film, c'est qu'il ne glorifie pas l'Amérique, et ne fait jamais véhiculer l'idée que les américains sont les gentils et les irakiens les méchants (même si les stéréotypes U.S. sont toujours présents). Premièrement, le film souligne bien le côté ultra-médiatique du film, puisqu'une journaliste passe son temps à suivre les soldats américains (avec Georges Clooney en tête!). Deuxièmement, le réalisateur a abordé ce film avec un esprit plutôt neutre. Si d'un côté on nous montre des bunkers irakiens remplis de matériel volé au Koweït et des soldats irakiens maltraitant des civils du Koweït prisonniers et torturés, David O.Russel tient aussi à nous rappeler que les américains ont bombardés des villages irakiens entier et tués plusieurs civils irakiens innocents, simplement au nom de la défense de la soi-disant 'liberté'. Bref, un sujet assez délicat puisque aujourd'hui encore, on continue d'entendre beaucoup d'histoires sur la guerre du Golfe sans vraiment toujours connaître les détails sur tout ce qui s'y est vraiment passé.

Fermons cette longue parenthèse pour en arriver finalement à ce qui nous intéresse ici: la musique de 'Three Kings'. La BO se divise en deux éléments traditionnels: les chansons d'un côté, le score de l'autre. Carter Burwell, qui a composé notamment les musiques de 'Fargo', 'Miller's Crossing', 'The Jackal', 'The Big Lebowski' ou bien encore 'Conspiracy Theory', a fait pour 'Three Kings' une BO assez intéressante. Il n'y a pas de véritable thème, mais la musique suit constamment l'ambiance et l'atmosphère du film, 'The Gold' par exemple, uniquement composé que de percussions arabes, soulignant le décor du désert Irakien, là où les américains mettent la main sur les lingots d'or d'un Bunker. 'The Gold' décrit une superbe ambiance de musique arabe entraînante et efficace à l'écran, lorsque les américains s'emparent des lingots d'or, le morceau est un mélange entre musique arabe et rythmique de percussions orientales mélangé à une rythmique plus occidentale dans l'âme, plus "branché", avec notamment la présence du synthé et de samplers de guitare électrique donnant un caractère un peu 'chaud' à une aventure se passant dans le désert. 'The Truck' est une pièce d'action, séquence dans laquelle les américains embarquent les civils à bord de leur camionnette pour échapper aux irakiens déchaînés. Burwell semble donc très à l'aise dans une écriture folklorique du plus bel effet et très spontané de caractère. Sa musique décrit le combat des américains/arabes contre les soldats de Saddam, et la tentative désespérée d'emmener ces civils à la frontière de l'Iran. Ce que j'ai noté, c'est que la musique se fait par moment assez discrète, elle n'écrase jamais le film et elle est toujours présente au bon moment, ce qui donne un atout de plus à la musique du film.

Notons que Burwell fait intervenir une chanteuse arabe dans la pièce accompagnant le sauvetage des civils à la frontière, morceau qui rappelle ce qu'a fait Trevor Jones pour les morceaux arabes intervenant pour les scènes du désert dans 'GI Jane'. 'The Drive to the Border' fait intervenir une guitare et des cordes chaleureuses/synthé, lorsque les civils passent la frontière et font leurs adieux aux soldats qui les ont sauvés, pièce très touchante. Burwell souligne aussi la solidarité naissante entre les hommes avec un morceau présent notamment pour la scène où Clooney tente de marchander avec son allié arabe pour prendre des voitures, morceau aux apparences plus triomphantes et solennelles, court et discret, mais qui valait quand même la peine d'être noté.

Finalement, l'ambiance musicale de Burwell réussit très bien au film, même si il manque probablement un bon thème à un ensemble musical tout de même assez moyen. Le reste de la BO est constitué de chansons, pour une fois présentes dans le film, et notamment le très cool 'I Just Want to Celebrate' de Rare Earth, chanson pendant laquelle les soldats américains fêtent la fin de la guerre du Golfe, ou bien 'I Get Around', célèbre tube des Beach Boys que Clooney diffuse dans sa voiture, et qui installe l'ambiance de bonne humeur plus ou moins présente au début du film - aura t'on tout de même le courage de sourire en voyant un soldat américain tuer un irakien alors qu'il faisait simplement des signes de sa main avec son arme? Par moment, le film frôle l'humour noir de très mauvais goût, ou est-ce simplement une manière astucieuse pour faire réagir le spectateur sur la bêtise de la guerre et montrer que tuer des ennemis pendant une guerre n'a rien de réjouissant?

Pour conclure, nous dirons 'Three Kings' n'est pas un chef-d'oeuvre, ni la BO de l'année. Les chansons collent bien à l'atmosphère du film de David O. Russel, l'ambiance arabe/orientale du score de Carter Burwell réussit très bien au film, mais la partition manque d'un thème qui aurait put permettre à la musique de s'épanouir musicalement de façon plus convaincante dans le film. Carter Burwell a néanmoins accouché d'une composition honnête et parfaite pour le film. Une BO qui s'avère être intéressante, mais loin d'être indispensable!


---Quentin Billard