1-Welcome To The Suck 1.25
2-Raining Oil 2.18
3-Battery Run 1.14
4-Mirage Bedouin 1.33
5-Don't Worry Be Happy 4.50*
6-No Standard Solution 1.03
7-8 Men, 5 Camels 1.32
8-Full Chemical Gear 2.01
9-Unsick Most Ricky-Tick 1.27
10-Morning Glory 1.32
11-Bang a Gon (Get It On) 4.26**
12-Desert Storm 1.54
13-Desert Sunrise 1.44
14-Zoomies 2.17
15-Horse 1.30
16-Pink Mist 2.15
17-Jarhead for Life 1.28
18-OPP 4.30***
19-Dickskinner 3.35
20-Permission to Fire 4.54
21-Dead Anyway 2.05
22-Scuds 3.00
23-Listen Up 1.42
24-Fight the Power 3.48+
25-Soldier's Things 3.18++


Musique  composée par:

Thomas Newman

Editeur:

Decca Records B0005983-02

Score produit par:
Thomas Newman, Bill Bernstein
Montage musique:
Bill Bernstein

American Federation of Musicians.

Artwork and pictures (c) 2005 Universal Studios. All rights reserved.

Note: ***
JARHEAD
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Thomas Newman
« Jarhead » permet au talentueux Sam Mendes d’évoquer la Guerre du Golfe, le film étant inspiré des mémoires de l’ancien marine Anthony Swofford (Jake Gyllenhaal). Le film se déroule durant l’été 1990. Anthony fait partie d’une longue lignée de militaires, qui vient tout juste de fêter ses 20 ans lorsque l’armée américaine l’envoie dans le désert saoudien. La Guerre du Golfe vient tout juste de commencer alors que le bataillon d’Anthony est le premier à se déployer dans l’immensité du désert. Les jeunes soldats attendent alors un hypothétique ennemi qui tarde à venir. Pour lutter contre l’ennui, ils multiplient les beuveries et les excès en tout genre, entre rock et bière à profusion. Commence alors une épreuve difficile pour ces jeunes, entre la soif, la peur, l’épuisement, l’appréhension et la frustration lancinante, une attente insoutenable qui créera des frustrations extrêmes, des tensions mais aussi des amitiés solides entre certains marines, qui permettront aux plus forts de survivre à ce climat explosif et extrêmement tendu. En évoquant les péripéties d’un groupe de jeunes américains durant l’opération « Tempête du désert » lors de la première guerre du Golfe, le réalisateur Sam Mendes nous livre un film fort et captivant dévoilant une face cachée de ce conflit, celle d’une attente interminable de jeunes marines qui n’ont aucune idée de la situation, bien loin de l’image médiatisée à l’époque d’un conflit éclair aux frappes chirurgicales très pointues. Les acteurs du film se sont véritablement démenés dans ce qui semble avoir été un tournage particulièrement éprouvant, Sam Mendes multipliant les plans rapprochés de ces acteurs afin de conserver une allure un peu intime à hauteur des acteurs. Ici, toute l’histoire repose avant tout sur la psychologie des personnages, le conflit étant vu à travers les yeux de ces jeunes recrues qui subissent plus qu’elles n’agissent. Cette passivité lancinante et douloureuse est au coeur même du récit fiévreux de « Jarhead » (le titre faisant référence à la coupe de cheveux des marines américains), un film extrêmement réaliste, à la limite même du documentaire, un long-métrage passionnant sur la bêtise de la guerre et l’inutilité absurde d’un conflit contre un ennemi invisible, un film totalement dépourvu du glamour « hollywoodien » habituel d’autres films de guerre plus récents, une vraie réussite, à classer parmi les grands classiques du genre comme « Apocalypse Now », « Born on the 4th of July » et « The Deer Hunter ».

La partition minimaliste et inventive de Thomas Newman reste à n’en point douter l’un des éléments-clé du film de Sam Mendes. Le compositeur retrouve donc son réalisateur fétiche pour la troisième fois après avoir écrit les musiques de « American Beauty » (1999) et « Road to Perdition » (2002). Le score de « Jarhead » utilise un ensemble de guitares électriques, percussions et synthétiseurs pour représenter cette histoire de jeunes marines face à un ennemi invisible. Dans « Welcome To The Suck », Thomas Newman dévoile un premier morceau dominé par des riffs de guitares saturées rock et de quelques guitares additionnelles évoquant vaguement quelques couleurs musicales du désert saoudien. La musique tente alors d’évoquer la tension et la chaleur écrasante avec ces guitares et ces rythmes évoquant les jeunes marines américains, le tout agrémenté de quelques sonorités électroniques pour situer l’histoire dans un contexte moderne et contemporain. C’est ce que tente ainsi de suggérer un morceau rythmé et atmosphérique comme « Raining Oil », alors qu’un morceau comme « Battery Run » mélange de façon plus claire sonorités orientales et rythmes électro modernes pour personnifier la présence des marines dans le désert saoudien. La musique devient même plus troublante et pesante dans « Mirage Bedouin », où l’idée de la chaleur écrasante du désert devient plus palpable et présente dans le score de Thomas Newman - en particulier grâce à un travail plus prononcé autour des différentes nappes synthétiques atmosphériques.

Dans « No Standard Solution », Newman développe à nouveau ces rythmes électro modernes par le biais de loops et autres percussions arabisantes/synthétiques en tout genre, alors que la tension semble plus présente dans le sombre et atmosphérique « 8 Men, 5 Camels ». La musique crée à son tour ce sentiment d’attente interminable, entrecoupé de ces passages plus rythmés évoquant la détermination et la fougue des marines, prêts à tout pour affronter l’ennemi. Les tenues synthétiques de « 8 Men, 5 Camels » renforcent aussi bien la sensation d’attente que l’impression d’être perdu en plein milieu de l’immensité désertique, écrasé par le poids de la chaleur. Plus intéressant encore, « Full Chemical Gear » nous propose un travail de sonorités déformées électroniquement, avec son lot de loops modernes, de guitares et d’instruments orientaux. Thomas Newman utilise ici des effets de filtre pour recréer à l’écran des sonorités plus étranges et quasi expérimentales (notamment à partir des instruments arabes). Sa musique suggère alors un sentiment de trouble et de malaise psychologique dans « Morning Glory » où les synthétiseurs deviennent plus sombres et obscurs. On retrouve un Thomas Newman plus familier dans « Desert Storm », morceau absolument typique du compositeur, et qui passe ici par l’utilisation de quelques percussions martiales discrètes avec des cordes, des guitares et une pléiade de synthétiseurs. Le morceau évoque autant dans le film la détermination des marines que la mise en place de l’opération tempête du désert. On appréciera aussi les expérimentations du compositeur sur des morceaux atmosphériques/orientaux tels que « Desert Sunrise » (superbe évocation du monde du désert) ou l’étrange « Zoomies » et ses samples de voix d’hommes sur fond de guitares électriques rock extrêmement saturées.

Conservant son goût pour une approche inventive et assez intuitive des instruments et des couleurs sonores, Thomas Newman aborde la dernière partie du film avec une série de morceaux oscillant entre l’atmosphérique pur (« Horse »), le rock/électro moderne (« Pink Mist », « Listen Up ») et même l’intimité contemplative dans l’émouvant « Jarhead for Life », retranscrivant les sentiments des jeunes marines dans le film. Newman va même jusqu’à suggérer l’ironie grinçante des marines dans l’étrange et pseudo-comique « Dickskinner » avec ses sifflements bizarres, un morceau qui fait un peu tâche dans le sérieux de la partition de « Jarhead ». Enfin, le sentiment d’attente et de tension atteint son climax lors de la scène où Anthony et son complice attendent l’autorisation de tir à l’intérieur d’une tour, vers la fin du film. Dès lors, la partie finale devient plus sombre et pessimiste comme le rappelle l’atmosphérique « Dead Anyway », le sinistre « Scuds » (dans lequel les cordes deviennent plus présentes). Vous l’aurez donc compris, Thomas Newman signe une nouvelle partition de qualité pour le film de Sam Mendes, une musique assez inventive mais pas toujours facile d’accès, en raison du caractère parfois très atmosphérique et un brin abstrait du score dans le film. A défaut d’apporter quoique ce soit de nouveau dans l’univers musical assez particulier de Thomas Newman, la partition assez singulière de « Jarhead » apporte néanmoins une ambiance adéquate au film de Sam Mendes et retranscrit parfaitement ce mélange complexe d’attente, de détermination, de malaise et de chaleur écrasante, un score à recommander avant tout aux inconditionnels du compositeur !



---Quentin Billard