1-Look Who's Talking 1.38
2-Somewhere In The Night 1.27
3-The Count Of Monte Cristo 2.33
4-Jailhouse Rock 1.55
5-In A Lonely Place 3.28
6-It's Alive! 2.35
7-The Searchers 3.28
8-Look Back In Anger 2.09
9-Vivaldi "Four Seasons"
Concerto RV.297 3.05*
10-Room At The Top 1.34
11-Cries And Whispers 3.30
12-Out Of Sight 0.59
13-For Whom The Bell Tolls 2.44
14-Out Of The Past 1.28
15-Breathless 4.20
16-The Old Boy 3.43
17-Dressed To Kill 1.59
18-Frantic 3.27
19-Cul-De-Sac 1.31
20-Kiss Me Deadly 3.55
21-Point Blank 0.27
22-Farewell, My Lovely 2.45
23-The Big Sleep 1.31
24-The Last Waltz 3.21

*Interprété par
Saint Luke Chamber Orchestra.

Musique  composée par:

Yeong-wook Jo

Editeur:

Virgin Records TOCT-25539

Album produit par:
Yeong-wook Jo

Artwork and pictures (c) 2003 Egg Films/Show East. All rights reserved.

Note: ***1/2
OLDBOY
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Yeong-wook Jo
Grand succès du cinéma sud-coréen de l’année 2003, « Oldboy » est l’adaptation cinématographique d’un manga de Minegishi Nobuaki et Tsuchiya Garon sorti en 1997, réalisé par Park Chan-wook. « Oldboy » est le deuxième opus du triptyque sur la vengeance entamé par le réalisateur en 2002 avec « Sympathy for Mister Vengeance » et clôturé en 2005 avec « Lady Vengeance ». L’histoire de « Oldboy » raconte les mésaventures de Oh Dae-Su (Choi Min-sik), un homme modeste qui s’apprêtait à fêter l’anniversaire de sa fille lorsqu’il fut arrêté en pleine nuit par la police pour ivresse sur la voie publique. Son ami d’enfance Joo-hwan arrive alors tardivement et réussit à convaincre la police de le laisser repartir. Oh Dae-Su n’est pourtant pas au bout de ses peines, car sur le chemin du retour, il est enlevé et séquestré. Le pauvre homme ne sait pas qui l’a enlevé et pourquoi il a été séquestré. Son unique lien avec l’extérieur reste une télévision. Relâché quinze ans plus tard sans aucune explication, Oh Dae-Su est alors contacté par son ravisseur. Celui-ci lui propose alors un jeu diabolique : découvrir les raisons de son incarcération, avec comme seul indice un mystérieux proverbe : « le caillou et le rocher coulent dans l’eau de la même façon ». Oh Dae-Su aura alors cinq jours pour découvrir la terrible vérité, et il sera accompagné dans sa quête par la timide Mi-Do (Kang Hye-jeong), une jeune vendeuse de sushi dont la romance avec Dae-Su sera au coeur même de l’intrigue du film. Avec un scénario complexe et torturé, « Oldboy » est une pure réussite dans son genre genre, un thriller psychologique captivant, violent et passionnant, récompensé par le Grand Prix du Festival de Cannes 2004. « Oldboy » vaut surtout par son mélange assez unique d’humour noir, de dérision, de mélancolie, de soudaines explosions de violence et d’exacerbation extrême des sentiments. Le film s’apparente ainsi à une sorte de conte tragique et bouleversant sur le thème de la vengeance, une vengeance implacable, minutieusement préparée de la façon la plus mécanique et la plus froide qui soit par un sinistre ravisseur tapis dans l’ombre. Virtuose et osé, « Oldboy » rappelle encore une fois la grande vitalité du cinéma sud-coréen contemporain, tout en dynamitant un par un les codes du genre pour mieux les retourner de façon totalement imprévisible. Construit à la manière d’un gigantesque puzzle démoniaque, l’intrigue de « Oldboy » laisse pantois et fascine, une oeuvre cinématographique étrange, atypique, complexe et moderne, que n’aurait certainement pas renié Alfred Hitchcock ou Brian De Palma, sans aucun doute l’un des meilleurs films sud-coréen de ces 10 dernières années : un classique du genre incontournable, donc !

La musique du compositeur coréen Yeong-wook Jo apporte à son tour une atmosphère très particulière et étrange au film de Park Chan-wook. Le score de « Oldboy » utilise l’orchestre symphonique habituel, qui se limite ici à un ensemble à cordes avec un piano, un violon et une trompette, le tout accompagné de rythmiques électroniques plus modernes et de quelques touches synthétiques pour le côté urbain du film. Le score de « Oldboy » est surtout réputé pour son utilisation brillante d’une valse mélancolique et entêtante, dévoilée dans « Cries and Whispers » et reprise dans « Breahtless », « Farewell My Love » et « The Last Waltz », une très belle valse classique (vaguement inspirée de Chostakovitch) illustrant l’idée de la vengeance implacable. Dans le film, ce morceau est rattaché au personnage de Lee Woo-Jin (Yu Ji-Tae), et deviendra très rapidement le leitmotiv entêtant et mélancolique du personnage responsable de l’enlèvement et de la séquestration d’Oh Dae-Su. De par son rythme entêtant et son lyrisme poétique, classique et mélancolique, la valse principale de « Oldboy » apporte une émotion particulière au film de Park Chan-wook, un décalage non dénué d’humour noir entre la beauté de la valse et la rudesse des images. Cette valse sera définitivement l’atout majeur du score de « Oldboy », témoignant ici du savoir-faire classique du compositeur Yeong-wook Jo. On notera au passage que la plupart des titres des pistes de l’album font référence à des grands noms du cinéma américain et plus particulièrement des films noirs : « Look Who’s Talking », « The Count of Monte Cristo », « It’s Alive », « Jailhouse Rock », « In A Lonely Place », « Out of Sight », « Breathless », « The Searchers », « Dressed To Kill », « Cul De Sac », « Frantic », « Point Blank », « The Big Sleep », « Kiss Me Deadly », « The Last Waltz », etc.

Le score de Yeong-wook Jo repose sur trois thèmes principaux associés aux trois principaux protagonistes de l’histoire : ainsi, on retrouve la magnifique valse de Woo-Jin dans « Cries and Whispers », puis un thème de trompette mélancolique sur fond de loops électro moderne pour Oh Dae-Su dans « The Old Boy », les rythmes suggérant ici la détermination du personnage, prêt à tout pour découvrir la vérité concernant son incarcération, puis une valse plus douce et intime pour Mi-do dans « The Last Waltz », confié à une clarinette solitaire et des cordes. Ici aussi, le compositeur révèle un classicisme d’écriture évident tout en oscillant entre minimalisme et retenue, sans jamais en faire de trop dans le film. Ainsi, à la violence parfois extrême et les sentiments exacerbés du film, Yeong-wook Jo répond par une musique souvent retenue et plus intime. « Look Who’s Talking » introduit ainsi le film par le biais d’une rythmique électronique moderne avec guitare électrique, posant le ton et les décors sud-coréens d’aujourd’hui. « Somewhere In Light » évoque l’incarcération de Dae-Su avec une série de notes répétées par des cordes synthétiques sombres et un piano. Le compositeur utilise d’ailleurs à plusieurs reprises des samples orchestraux pour apporter un côté plus froid et déshumanisé à ma musique du film. Même chose pour « The Big Sleep » avec le thème de trompette de Dae-Su et quelques loops électro entêtants, dans un arrangement plus déterminé, émouvant et quasi solennel, et qui illustre parfaitement le long plan-séquence anthologique du violent combat dans le tunnel de la prison, sans aucun doute l’un des plus grands moments de cinéma asiatique de ces 10 dernières années. Dans « The Count of Monte Cristo », la musique retrouve les cordes live et le piano baignant dans une atmosphère musicale à la fois sombre, dramatique et pesante pour rappeler l’intrigue énigmatique entourant la séquestration d’Oh Dae-Su pendant plus de 15 ans. « Jailhouse Rock » s’oriente quand à lui davantage vers des synthétiseurs et des rythmiques hip-hop/électro plus modernes, apportant ici un relief plus éclectique au travail de Yeong-wook Jo dans le film.

La musique demeure à la fois minimaliste et retenue dans des morceaux tels que l’émouvant « It’s Alive » et son écriture très classique et soignée pour cordes et piano. Yeong-wook Jo prolonge néanmoins le côté décalé et ironique de sa musique dans « The Searchers » et son violon soliste éminemment classique d’esprit, où le compositeur confronte la violence du film à des mélodies plus intimes, douces et empruntes d’une certaine mélancolie. Dommage cependant que les passages synthétiques comme « Room At The Top » ou « Look Back In Anger » n’apportent pas grand chose à la partition et déçoivent un peu par le côté artificiel des cordes synthétiques. Certains morceaux comme « Out Of Sight » et ses pizzicati de cordes évoquent davantage la détermination du personnage principal à découvrir la vérité, alors qu’un morceau comme « For Whom The Bell Tolls » utilise encore un rythme de valse sur fond de cordes et d’un basson soliste synthétique. Les cordes synthétiques et répétitives de « Somewhere In The Light » reviennent dans « Out Of The Past » pour évoquer les sombres secrets provenant du passé de Woo-Jin et d’Oh Dae-Su. On appréciera la reprise de la valse de Woo-Jin dans « Breathless » et que Yeong-wook Jo développe entre les cordes synthétiques, le violon et le piano (dommage qu’ici aussi, les instruments synthétiques desservent plus la musique qu’autre chose !). Les cordes restent très mystérieuses et sombres dans « Dressed To Kill », avec ses notes répétitives qui pourraient presque faire penser par moment à du Philip Glass, un style que l’on retrouve aussi dans le non moins mystérieux « Frantic ». « Kiss Me Deadly » apporte alors un souffle plus dramatique à la partition par le biais d’un jeu de cordes plus chaleureux, alors que Dae-Su se rapproche enfin de la terrible vérité qui le détruira à jamais, idée reprise dans le climax tragique de « Point Blank » et la très belle reprise de la valse de Woo-Jin dans « Farewell My Love » et celle de Mi-Do dans « The Last Waltz ».

Avec « Oldboy », le compositeur Yeong-wook Jo signe donc une oeuvre éclectique, intime et mélancolique, qui joue tour à tour sur la retenue et sur le décalage avec un certain second degré subtil. Le musicien a ainsi recours à un style classique assez appréciable, avec l'idée de la valse comme thème musical central de la vengeance, et qui apporte une certaine chaleur et une émotion particulière au film de Park Chan-wook. Refusant toute forme d’agressivité ou de dissonances, le compositeur coréen a donc opté pour une approche plus classique, émotionnelle, minimaliste et humaine de son sujet, en se plaçant essentiellement du point de vue des personnages - d’où la présence des trois thèmes principaux associés aux trois personnages au coeur de cette intrigue torturée d’une vengeance implacable. A découvrir donc, en même temps que l’indispensable film de Park Chan-wook !



---Quentin Billard