‘U.S. Marshals’ offre à nouveau l’occasion à Jerry Goldsmith de nous livrer une énième partition d’action énergique et prenante pour cette suite de ‘The Fugitive’, réalisée par Stuart Baird, avec lequel Goldsmith travailla précédemment sur ‘Executive Decision’. Le score de ‘U.S. Marshals’ s’inscrit donc parfaitement dans la continuité des précédentes partitions action du maestro : on y retrouve le même type d’orchestration, un goût toujours très prononcé pour les formules rythmiques à la fois simples et élaborées, une utilisation très personnelle des synthétiseurs couplés à l’orchestre, parfaitement choisis par le compositeur pour souligner l’ambiance du film. A noter que parmi les sons synthétiques choisis par le compositeur sur ‘U.S. Marshals’, on retrouve ici des sons métalliques déjà présents dans ‘Star Trek First Contact’ (1996) et qui étaient associés dans ce film aux Borgs.

Goldsmith base l’essentiel de sa partition sur un thème principal ascendant et énergique (un intervalle de quarte ascendante et une autre quarte ascendante – apportant un certain punch à la mélodie). Ce thème d’action plutôt ample et musclé résume parfaitement tout l’univers de course poursuite et de conspiration du film de Stuart Baird. Il reste associé tout au long du film à Mark Sheridan, le héros interprété par Wesley Snipes et qui, comme Harrison Ford dans le premier film, est accusé à tort d’un crime qu’il n’a pas commis, poursuivi par l’infatigable Marshal Samuel Gerard (Tommy Lee Jones). Le thème principal demeure donc omniprésent tout au long du film, soumis à un travail de développement toujours remarquable de la part du compositeur (un point fort de ses musiques d’action des années 90). ‘Nuggets & Bullets’ dévoile ainsi sans surprise ce thème interprété par des cuivres musclés, sur fond d’un ostinato rythmique couplant timbales, piano, caisse claire et rythmes synthétiques traditionnels. Pour un peu, on pourrait presque penser par moment à l’esprit de la partition de ‘Capricorn One’ pour l’utilisation que fournit ici Goldsmith des percussions dans ‘Nuggets & Bullets’.

Si ‘Nuggets & Bullets’ permet de poser les bases thématiques de la partition de ‘U.S. Marshals’, ‘Sinking Plane’ développe de façon plus radicale l’entêtant thème principal à travers un premier morceau d’action pour la scène où l’avion transportant Sherdian vers la prison s’écrase dans des marécages. Goldsmith maintient habilement la tension pendant plus de 4 minutes en jouant sur son thème à travers diverses formules rythmiques chères au compositeur – rythmes syncopés, changements de mesures, ostinati rythmiques entêtants, etc. Les rythmes électroniques restent très présents, tandis que la majeure partie des orchestrations se résume à un contrepoint habile entre cordes, cuivres et percussions (incluant le traditionnel « piano thriller »). Un morceau comme ‘Heading For The Swamp’ est absolument typique de l’ambiance de la partition de ‘U.S. Marshals’, accentuant la sensation de course poursuite/traque dans les marécages avec une excitation certaine.

Le Marshal et ses hommes décident alors de fouiller les marécages à la recherche de Sheridan dans ‘Swamp Search’, dans lequel le thème reste une fois de plus très présent, varié à travers différentes formules toujours plus efficaces les unes que les autres. L’omniprésence du thème développé plus intensément ici permet de retranscrire à l’écran l’entêtement infatigable du Marshal Gerard à mettre la main sur Sheridan, et ce coûte que coûte. ‘Swamp Search’ apporte un petit plus grâce à son atmosphère de suspense misant davantage ici sur le « piano thriller » à la ‘L.A. Confidential’, et ses sonorités électroniques plus atmosphériques et inquiétantes. Goldsmith lance à nouveau un rythme action effréné vers le milieu du morceau dans un style qui rappelle beaucoup ‘Chain Reaction’ et ‘Star Trek Insurrection’. A noter deux changements de tempo/mesure particulièrement efficaces ici à l’écran: à 2:39 (amené subtilement par des petites percussions synthétiques répétées) et à 3:32, où le tempo ralenti subitement sous l’impulsion d’un piano rythmique menaçant.

‘Eyes of the City’ se veut à contrario plus lent et atmosphérique, maintenant l’utilisation du piano et de sonorités électroniques plus sombres. Le morceau est quand à lui plus représentatif de l’ambiance suspense de la partition de ‘U.S. Marshals’, ambiance qui se rapproche davantage ici du style de ‘Executive Decision’. Idem pour ‘Airport Locker’ qui maintient la tension alors que le Marshal bloque les accès dans l’aéroport pour piéger Sheridan. ‘Following Chen’ reprend le thème principal dans un nouveau morceau de suspense assez tendu, une atmosphère de filature de plus de 5 minutes assez intense dans le film. ‘The Front Gate’ nous permet d’entendre un dernier morceau d’action repris ici d’un segment de ‘Swamp Search’, avec un motif qui annonce clairement le thème du méchant dans ‘Star Trek Nemesis’ (2002). ‘The Front Gate’ vaut surtout ici par son incroyable partie de percussions virtuoses et frénétiques du plus bel effet, accompagnant intensément la capture de Sheridan. ‘Free To Go’ reprend une dernière fois le thème principal dans une variante plus triomphante et apaisée lorsque le réel coupable a été éliminé et que Sheridan a enfin été innocenté. On pense clairement ici au style du final de ‘L.A. Confidential’, avec cette même sensation de victoire idéal pour conclure le film en beauté.

Aucune surprise à la clé dans ce nouveau score d’action intense mais hélas toujours aussi routinier. Jerry Goldsmith met à nouveau à contribution ses formules musicales habituelles et apporte son lot d’action et de suspense au film de Stuart Baird avec une efficacité redoutable, comme à l’accoutumée. La musique de ‘U.S. Marshals’ rappelle encore une fois toute l’étendue du savoir-faire du compositeur, que ce soit dans le développement des thèmes, l’utilisation habile des synthétiseurs ou la qualité rythmique des morceaux d’action.

Hélas, la très courte durée de l’album publié par Varèse Sarabande (à peine 30 minutes) empêche la partition de s’épanouir progressivement tout au long de l’écoute, d’autant qu’il manque ici beaucoup de morceaux d’action/suspense qui auraient pourtant permit à l’album d’offrir une écoute plus généreuse et compréhensive de la musique de Goldsmith. Comme pour ‘Deep Rising’, ‘Chain Reaction’ ou ‘Executive Decision’, le label de Robert Townson doit à nouveau se heurter aux inconvénients des tarifs élevés pratiqués par les musiciens syndiqués AFM (American Federation of Musicians) et la volonté de Jerry Goldsmith lui-même de ne mettre que très peu de musique sur ses albums. Au final, on appréciera ce nouveau score d’action de Jerry Goldsmith qui, bien loin d’égaler le monumental ‘Air Force One’ composé un an auparavant, confirme une fois encore le statut de maître de la musique d’action du compositeur californien!



---Quentin Billard