1-Elora Danan 9.45
2-Escape From The Tavern 5.04
3-Willow's Journey Begins 5.26
4-Canyon Of Mazes 7.52
5-Tir Asleen 10.47
6-Willow's Theme 3.54
7-Bavmorda's Spell Cast 18.11
8-Willow The Sorcerer 11.52

Musique  composée par:

James Horner

Editeur:

Virgin records CDV
0777 7 86066 2 8

Produit par:
James Horneret
Shawn Murphy

Monteur de la musique:
Jim Henrickson

Artwork and pictures (c) 1988 Lucasfilm ltd. All rights reserved.

Note: ****
WILLOW
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by James Horner
Avec 'Willow', le réalisateur Ron Howard a sorti l’artillerie lourde ! Produit par George Lucas et sa société de production Lucasfilm, 'Willow' est une grosse production d'aventure épique typiquement hollywoodienne d’esprit, réalisée à une époque où les effets spéciaux connaissaient un essor incroyable - il s'agit du tout premier film qui utilisa le procédé du 'morphing', technique révolutionnaire à l’époque développée par Industial Light & Magic (ILM), responsables des effets spéciaux du film. Les effets spéciaux du film sont encore assez vieillots et par moment un peu kitsch dans leur genre (le film date de 1988). On pense surtout à la scène des deux monstres vers la fin du film, animés à l'ancienne, comme au bon vieux temps de Ray Harryhausen : procédé du stop-motion, l'animation image par image. C'est l'acteur nain Warwick Davis qui interprète le héros de l'histoire, Willow Ufgood, un fermier apprenti magicien chargé de protéger Elora Danan, une jeune princesse bébé destiné à contrer les pouvoirs de la Reine Bavmorda. Cette dernière est prête à tout pour retrouver le bébé et l'éliminer pour de bon. Au cours de son périple, Willow va devoir affronter maints obstacles dans un monde peuplé de créatures en tout genre et de magie. Willow croisera alors sur son chemin Madmartigan (Val Kilmer), un aventurier solitaire qui se bat pour son propre compte et qui s’attachera très vite à Elora Danan, faisant tout pour la protéger des attaques des sbires de Bavmorda. Grand classique du cinéma d'heroic-fantasy de la fin des années 80, ‘Willow’ est une pure réussite dans son genre, et c'est avec un certain plaisir que l'on savourera les aventures du célèbre nain apprenti sorcier. Après 'Splash' et 'Cocoon', Ron Howard revient dans le registre du film d'aventure familial (même si le film s’avère être très sombre et particulièrement violent par moment), servi par une mise en scène efficace, des décors grandioses, un déluge de scènes d’action mémorables et une interprétation sans faille des acteurs, le film ayant d’ailleurs été un très grand succès au box-office U.S. de 1988 !

'Willow' marque la deuxième collaboration entre James Horner et Ron Howard après le sympathique 'Cocoon' (1985). 'Willow' est de loin l'une des partitions les plus populaires du compositeur à la fin des années 80. Il s'agit aussi de l'un de ses scores les plus controversés notamment à cause des nombreux emprunts malhonnêtes du compositeur à des oeuvres musicales du répertoire classique, comme il le fait assez souvent depuis ses débuts. Grande partition d'aventure épique bourrée d'action, 'Willow' est une oeuvre à laquelle on s’attache facilement dès les premières écoutes. Ecrite pour l'orchestre traditionnel (ici, le prestigieux London Symphony Orchestra) avec un choeur d'enfants (un élément récurrent dans les partitions de James Horner) sans oublier l'utilisation d'instruments ethniques avec la shakuhachi (flûte japonaise), la flûte de pan, la kena du groupe 'Incantation' (avec les musiciens Tony Hennigan et Mike Taylor, les deux solistes fétiches d’Horner), la cornemuse et une harpe celtique, ces différents instruments solistes évoquant dans le film l'exotisme des paysages grandioses de ce monde magique et féerique. Rappelons d’ailleurs qu’Horner a déjà utilisé ces instruments sur certaines de ses oeuvres précédentes (‘When The River Runs Black’ par exemple, ou ‘Uncommon Valor’). Composé de deux grands thèmes, suivi par un motif paisible pour le personnage de Willow et un motif menaçant pour les sbires de Bavmorda, la partition d’Horner débute sur le superbe 'Elora Danan', introduction assez grandiose démarrant sur un mystérieux choeur d'enfants qui évoque le caractère à la fois fantastique, magique et féérique du film de Ron Howard. Très vite, Horner illustre ensuite le caractère maléfique et menaçant de la Reine Bavmorda et de son fidèle Général Kael en utilisant ce qui est devenu aujourd'hui sa 'signature' musicale, le très fameux obsédant motif de 4 notes surnommé « motif du danger » inspiré du début de la « 1ère Symphonie » de Rachmaninov, et que Horner a repris dans des scores tels que ‘Star Trek II' (1982) et surtout 'Brainstorm' (1983) et 'Project X' (1987), sans parler de tous les usages excessifs que le compositeur en fera dans ‘Enemy at the Gates’ par exemple. Ce motif obsédant de trompettes évoque à merveille le caractère menaçant et dangereux des grands méchants de l'histoire, sans oublier le fait que le compositeur associe à ce thème un deuxième motif de cors en demis tons ascendants pour renforcer le sentiment de menace du dit thème, très présent au début du film dans 'Elora Danan'. L'orchestration est extrêmement soignée, servie par un classicisme d’écriture d’une grande richesse, privilégiant à part égale tous les pupitres de l'orchestre. Puis, après quelques passages harmoniques mineurs, le très beau thème principal se dévoile enfin pour le générique de début du film, interprété par des cordes amples doublées par la shakuhachi, un très beau thème mélodique associé dans le film au personnage de la jeune Elora Danan et qui évoque la magie et la prophétie annonçant la venue de la jeune princesse qui sera amenée un jour à renverser Bavmorda. Après un passage d'action assez brutal (traque des chiens lancés à la poursuite du bébé) au cours duquel Horner utilise de nouveau le thème de 4 notes, on découvre enfin l'univers plus paisible et pastoral des Nelwyns où Willow et sa famille s'affairent dans leur champ avant de découvrir le bébé flottant dans un panier sur la rivière. James Horner utilise ici le petit motif associé à Willow interprété par la kena, motif paisible suggérant la vie paysanne du héros et que le compositeur développera surtout durant cette première scène qui permet d’introduire le héros du film - notons aussi l'utilisation d'un motif grotesque de tuba assez amusant, soutenu par un clavecin très discret pour le côté plus fantaisiste de la musique de ‘Willow’.

'Escape from the Tavern' nous amène enfin dans l'action pure et dure lors de la séquence où Willow et Madmartigan s'échappent de la taverne, poursuivis sur un chariot par les soldats de Bavmorda. Orchestre déchaîné et virtuose, 'Escape from the Tavern' permet aussi de découvrir le superbe thème chevaleresque de Willow, thème d'aventure héroïque et cuivré associé au personnage de l'aventurier Madmartigan (pourtant baptisé ‘Willow’s Theme’ sur l’album). Ici aussi, on ne pourra pas passer à côté d'un autre problème conséquent dans la partition d’Horner, un emprunt carrément très culoté au thème du premier mouvement de la « 3ème Symphonie Rhénane » de Robert Schumann. Impossible de ne pas entendre Schumann en entendant le début du 'Willow's Theme'. Une simple analyse musicale montrerait d’ailleurs sans grande difficulté la façon avec laquelle Horner a repris note pour note le thème d’origine pour nous proposer ici une réadaptation arrangée pour les besoins de sa partition. Certes, ceci n'est pas nouveau chez Horner et encore moins dans la musique de film en général, mais il faut savoir faire la différence -importante- entre citation et plagiat. Chacun interprétera cela comme il le sent même si Horner lui même dit qu'il ne fait simplement que 'perdurer' son héritage musical européen, le compositeur ayant probablement vu dans l'oeuvre qu'il emprunte à Schumann un parallèle musical pour suggérer l'héroïsme de Willow et Madmartigan. Quoiqu’il en soit, ce superbe thème fonctionne à merveille dans le film et petit à petit, le compositeur ne va cesser de le développer pour le rendre de plus en plus excitant et entraînant.

Dans le superbe 'Escape from The Tavern' (probablement l'un des morceaux d'action/aventure le plus excitant de tout le score), Horner amorce les bases de ce climat d'aventure introduit par le pupitre des percussions (cymbales, caisse claire, timbales, enclumes) et des cordes virtuoses qui illustrent l'excitation de l'aventure et la frénésie de la course poursuite en chariot, qui commence alors avec une brève allusion aux trompettes du thème héroïque de ‘Willow’s Theme’. On notera ici l'écriture des cors/trombones qui sont mis constamment à rude épreuve tout au long de ce véritable déchaînement orchestral parfait dans cette scène d'action assez spectaculaire. On remarquera ici un tic d'écriture important chez James Horner, l'utilisation des coups d'enclumes, percussion déjà fièrement utilisée par Horner dans les passages d'action frénétiques d'Aliens (1986) et que l'on retrouvera aussi dans la plupart de ses passages d'action des scores des années 90 (‘Titanic’, ‘Jumanji’, ‘Ransom’, ‘Patriot Games’, etc.). Le morceau permet ainsi au compositeur de développer le thème héroïque - à noter d’ailleurs la manière dont le compositeur minorise son thème dans certains de ses développements thématiques - et de diriger son orchestre dans un mouvement symphonique déchaîné et particulièrement virtuose : un grand moment dans la partition de ‘Willow’ !

Le héros commence alors son voyage avec ses amis et la jeune Elora Danan dans 'Willow's Journey Begins' alors qu’il va devoir traverser une bonne partie du pays. Le nain fait ses adieux à sa femme et ses enfants avec une reprise lente et émouvante du thème principal aux cordes. C'est lors de leur première traversée à travers les magnifiques paysages du pays qu'Horner utilise une petite cornemuse avec deux flûtes de pan et un petit motif enjoué très inspiré de la 'Danse Arabe' du 'Peer Gynt' d'Edward Grieg. Après la reprise du très beau thème principal aux cordes/shakuhachi, Willow et ses amis arrivent enfin dans un coin abandonné où traîne les restes d'anciens aventuriers (notons ces effets de glissandos rapides de cordes, d'effets de 'gargouillis' sonores et autres effets de col legno empruntés à l’esthétique de la musique atonale savante du 20ème siècle que James Horner connaît très bien grâce à l’enseignement de son ancien professeur, Györgi Ligeti). C'est alors que le héros et ses amis croisent la route de Madmartigan qui est resté enfermé dans une cage. Dans 'Canyon of Mazes', Horner illustre la poursuite entre Willow/Madmartigan et Elora Danan avec les soldats du général Kael, avec le retour du motif du danger et de quelques sonorités manifestement inspirées de ‘Aliens’.

Dans 'Tir Asleen', les trois héros et leur jeune protégé (suivis de la magicienne transformée en oiseau) se sont réfugiés dans le château de Tir Asleen où ils découvrent les habitants transformés en blocs de pierre. Après un passage assez mystérieux, la musique évoque une fois encore l'arrivée menaçante des soldats du Général Kael (leitmotiv de 4 notes développé aux trompettes pour évoquer leur arrivée avec des cors guerriers et dissonants). Percussions brutales, orchestre agressif et virtuose, 'Tir Asleen' s’apparente encore une fois à un déchaînement orchestral dans la lignée de 'Escape from The Tavern', encore plus long et plus complexe sur le plan de l'écriture orchestrale. Horner illustre alors l'affrontement qui s'ensuit entre les soldats de Kael et les guerriers qui viennent soutenir Willow et Madmartigan pour combattre les hommes du général - notons à 5 minutes 23 une allusion au thème d'Aliens - inspiré de Khatchatourian - en version rapide aux cordes. Morceau d'action riche et intense, 'Tir Asleen' permet à l'action d’atteindre un véritable climax au sein d’une masse orchestrale particulièrement chaotique. Le thème héroïque des trompettes revient encore une fois pour évoquer les exploits de Madmartigan. Dommage cependant que le morceau soit un peu trop long - plus de 7 minutes - un problème d’ailleurs récurrent dans la partition de ‘Willow’.

'Bavmorda's Spell is Cast' et 'Willow The Sorcerer' illustrent tous deux la confrontation finale entre Willow et Bavmorda qui a mis la main sur Elora Danan et se prépare à la supprimer dans un rituel maléfique. Le morceau prend une tournure résolument plus sombre et lorgne davantage ici sur le côté atonal et agressif de ‘Aliens', notamment lors de la scène où Bavmorda jette son sort et transforme tous les soldats en cochons. Les soldats contre-attaquent finalement après que la magicienne Fin Raziel ait rompu le sort de Bavmorda. Horner accompagne cette séquence d'une reprise musclée du thème héroïque amorcé par un passage très cuivré qui rappelle beaucoup le score de 'Krull' (1983), surtout au niveau de l'écriture des cuivres. Willow et ses amis s'introduisent alors à l'intérieur du palais de Bavmorda dans un style atonal toujours très proche d'Aliens afin de sauver Elora Danan et de défaire une bonne fois pour toute la reine maléfique. On ressent particulièrement bien ici l'intensité de l'affrontement et l’univers maléfique de la reine, univers qu'Horner retranscrit de façon plus terrifiante par le biais de nombreux passages d'atonalité agressive, qui rompt un peu avec le style aventure/action plus accessible du reste du score.

C'est dans 'Willow The Sorcerer' que le héros et la magicienne Raziel affrontent Bavmorda et sa magie noire. Le morceau débute ainsi au son d’un ostinato de cordes rappelant étrangement le début de l'Introïtus du 'Requiem' de Mozart. Le côté sombre et atonal de cette dernière partie du score aboutit ici à un véritable point culminant. On est bien loin ici du style action entraînant de 'Escape from The Tavern'. James Horner utilise quelques sonorités électroniques mélangées à des orchestrations plus sombres et des effets instrumentaux agressifs (coups incisifs de timbales d’une grande violence) pour cet ultime affrontement contre Bavmorda, la musique apportant une certaine sensation de terreur quasiment surréaliste à l'écran - à noter d’ailleurs l’astuce du compositeur pour accentuer ici la violence des coups de timbales, puisque l’orchestre joue piano ce moment là et s’oppose au contrastes brutaux des fortissimo de percussions. Les choses se calment enfin après la défaite de la reine maléfique. On retrouve alors le petit motif pastoral de Willow après que ce dernier ait sauvé Elora Danan et vaincu la sorcière maléfique grâce à l'aide de ses amis. Le thème principal revient aussi aux cordes pour marquer cette conclusion heureuse et la fin d'une aventure très agitée (reprise grandiose du thème principal avec cordes et shakuhachi). Les Nelwyns fêtent alors le retour de leur héros au son de leur musique locale écrite par James Horner avec des petites cornemuses, une basse, quelques guitares, des flûtes et la shakuhachi en fond rythmique. On enchaîne ensuite sur le générique de fin reprenant dans toute sa splendeur le thème héroïque sous la forme d'une chevauchée entraînante tandis que l'orchestre prépare progressivement le retour du thème principal, symbolisant le personnage d'Elora Danan. Ce sont finalement les choeurs d'enfants qui ouvraient le film qui permettent au compositeur de conclure son score en beauté, les voix s'en allant au loin de façon plus paisible.

'Willow' reste donc la partition classique par excellence dans la filmographie de James Horner, une partition incontournable que tout les béophiles citent régulièrement parmi les oeuvres les plus influentes et les plus célèbres du compositeur. Si la musique apporte un souffle d'aventure épique incontestable dans le film de Ron Howard, c'est la musique en elle même qui a souvent été très discutée, surtout en ce qui concerne les 'emprunts' à la musique classique. Faut-il voir ici une copie éhontée ou un hommage ? Disons simplement que la reprise quasi texto du thème de la Symphonie de Schumann est la chose la plus osée qu'Horner ait fait dans ses musiques de film des années 80 (même s'il reprenait déjà du Prokofiev dans 'Battle Beyond The Stars', du Ives dans 'Wolfen', du Goldsmith dans 'Deadly Blessing' ou bien encore du Khatchatourian et du Penderecki dans 'Aliens'). C'est à cause de ce genre de choses que le compositeur fut constamment critiqué par ses nombreux détracteurs, certains prétextant même qu'Horner jouait sur le fait que tout le monde ne connaissait pas forcément ces oeuvres qu'il 'copie' afin de pouvoir le faire en toute impunité sans que quelqu’un vienne le lui reprocher - génie pour les uns, imposteur pour les autres, le débat est sans fin et peu intéressant en soi. Ne devrait-on pas plutôt acclamer la qualité et l’émotion unique de ces grandes oeuvres de James Horner ? Rappelons simplement que les emprunts d’Horner aux œuvres classiques sont toujours très cohérents dans le film bien que peu subtil en soi. 'Willow' est bel et bien un accomplissement dans la carrière de James Horner, une BO d'aventure très solide qui démontre une fois de plus le talent du compositeur pour maîtriser une écriture orchestrale souvent très virtuose, et ce malgré la longueur fastidieuse de certains morceaux. Avec son sens personnel et virtuose de l'action, James Horner donne le ton juste dans le film de Ron Howard pour qui il écrira quelques unes de ses plus grandes musiques de film des années 90. 'Willow' reste donc encore aujourd’hui une partition de référence dans la carrière de James Horner, une partition monumentale et splendide, un grand classique que l'on aura toujours plaisir à redécouvrir et à apprécier, et ce pour notre plus grand plaisir !



---Quentin Billard