1-God's Country Music 1.27
2-Road To Antarctica 2.41
3-Into The Cave 0.39
4-Eye Of The Survivor 2.25
5-Meet and Greet 2.55
6-Autopsy 3.08
7-Cellular Activity 1.32
8-Finding Filling 3.25
9-Well Done 1.32
10-Female Persuasion 4.51
11-Survivors 3.28
12-Open Your Mouth 4.20
13-Antarctic Standoff 3.03
14-Meating Of The Minds 4.28
15-Sander Sucks At Hiding 2.22
16-Can't Stand The Heat 2.10
17-Following Sander's Lead 2.39
18-In The Ship 2.39
19-Sander Bucks 0.45
20-The End 2.33
21-How Did You Know? 2.29

Musique  composée par:

Marco Beltrami

Editeur:

Varèse Sarabande 302 067 116 2

Score produit par:
Buck Sanders
Producteur exécutif:
Robert Townson
Direction de la musique pour
Universal Pictures:
Mike Knobloch
Music Business Affairs
Universal Pictures:
Philip M.Cohen
Coordination production musicale
pour Universal Pictures:
Tiffany Jones
Monteur musique:
Mark "Vordo" Wlodarkiewicz
Wind Sound FX crée par:
Scott Hecker, Bruce Barris,
Elliot Koretz

Glass Winds interprétés par:
Giampiero Ambrosi

American Federation of Musicians.

Artwork and pictures (c) 2011 Universal Studios. All rights reserved.

Note: ***1/2
THE THING
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Marco Beltrami
« The Thing » nous permet de nous replonger dans l’atmosphère terrifiante et paranoïaque du film culte de John Carpenter sorti en 1982, dans une nouvelle mouture qui se propose ainsi de revenir sur les origines de l’histoire tragique du campement norvégien décrit au début du premier film. On retrouve ainsi les somptueux décors de l’Antarctique en plein milieu de l’année 1982. La paléontologue américaine Kate Lloyd (Mary Elizabeth Winstead) est contactée un jour par le scientifique Sander (Ulrich Thomsen) pour faire partie d’une importante expédition en Antarctique, là où une équipe de scientifiques norvégiens ont découvert par hasard un vaisseau extra-terrestre emprisonné profondément dans la glace, et qui se serait vraisemblablement écrasé il y a des millénaires sur la terre. Les scientifiques découvrent aussi, à quelques mètres du vaisseau, un organisme alien qui semble s’être éteint, lui aussi prisonnier de la glace. Les scientifiques norvégiens, épaulés par Kate Llyod et deux américains, Carter (Joel Edgerton) et Jameson (Adewale Akinnuoye-Agbaje), ramènent le bloc de glace contenant la créature à la station scientifique. Mais une manipulation provoque alors accidentellement la fonte de la glace et la chose réussie à s’échapper dans la station. Capable de reproduire n’importe quel être vivant qu’elle touche, la chose sème alors la désolation dans toute la base, décimant un par un les membres de l’équipe scientifique. Prisonniers de cet enfer, les survivants n’ont pas d’autre choix que de combattre la chose, qui peut désormais se cacher en n’importe quel membre de l’équipe. Le scénario est donc entièrement calqué sur le film de Carpenter, le long-métrage de Matthis van Heijningen Jr. (dont il s’agit ici du tout premier film pour le cinéma) étant finalement un décalque du film de 1982, sans grande nouveauté particulière. L’histoire sert de prélude au premier film, mais ce n’est qu’un prétexte des producteurs pour livrer un remake déguisé en préquel. Effectivement, si vous vous attendez ici à des surprises ou de la nouveauté, vous serez fort déçu : toutes les situations et péripéties du film d’origine ont été reproduites fidèlement ici, mais sans grande imagination. Du coup, on a bien souvent l’impression de voir une pâle copie du premier film, d’où l’ironie du film, qui évoque les ravages d’un organisme qui copie et imite ce qu’elle touche, tout comme cette version 2011 copie et imite la version 1982 (c’est un peu le concept dans le concept !). Encore une fois, à trop vouloir rendre hommage au film original et à satisfaire les fans, « The Thing » version 2011 échoue dans la catégorie des suites réalisées aujourd’hui plus de 15 ou 20 ans après le premier film : ce qui fonctionnait dans les années 80 n’a plus du tout le même impact aujourd’hui (c’était déjà le même problème qui touchait « Predators » de Nimrod Antal, et qui risque peut être aussi de concerner Ridley Scott sur son très attendu « Prometheus » en 2012). Et pourtant, le film de Matthis van Heijningen Jr. fonctionne parfaitement dans son atmosphère de terreur paranoïaque : la créature, fruit de la collaboration des géniaux Tom Woodruff Jr. et Alec Gillis (qui s’y connaissent en aliens !), est toujours aussi monstrueusement cauchemardesque, l’atmosphère de paranoïa du premier film est toujours aussi intense et immersive, et le casting norvégien est très réussi, sans oublier les effets spéciaux, plutôt réussis, même si l’utilisation d’images numériques déçoit un peu – ce qui faisait le charme du premier film, c’était le caractère étrangement réaliste et spectaculaire des trucages artisanaux de Rob Bottin – Au final, malgré ses bons points, on reste très mitigé devant ce prélude peu imaginatif du chef-d’oeuvre de John Carpenter : tout a été respecté et reproduit à la lettre, sans grande prise de risque. Du coup, malgré son mélange fort de suspense paranoïaque et de terreur sanguinolente, « The Thing » n’offre aucune surprise particulière et conviendra essentiellement aux fans pas trop exigeants et aux aficionados de film de monstre à l’ancienne.

Succéder à la partition mythique d’Ennio Morricone sur le film de 1982 relevait de la pure gageure pour Marco Beltrami, engagé par la production pour signer la musique de « The Thing ». Le compositeur, spécialiste des musiques d’épouvante, était le choix parfait pour ce film – et ce bien que Beltrami a déclaré dans une récente interview qu’il n’est pas du tout fan de films d’horreur, et qu’il regrette qu’on l’ait trop longtemps enfermé dans ce registre. Ces dernières années, le musicien s’est montré de moins en moins inventif et investi dans le registre de la musique horrifique, lui qui se fit pourtant connaître au milieu des années 90 grâce à sa partition splendide, singulière et virtuose pour « Scream » de Wes Craven (1996). Beltrami a pourtant enchaîné tout au long des années 2000 une série de partitions horrifiques/thriller toujours plus décevantes les unes que les autres (« Cursed », « Joy Ride », « Red Eye », « Resident Evil », « The Omen » ou le calamiteux et récent « Scream 4 »), sombrant dans une routine orchestrale à des années lumières de son talent créatif si singulier, qui lui permit de briller dans ses deux partitions incontournables que sont « Scream » et « Mimic ». Et c’est avec surprise que Marco Beltrami semble enfin sortir de sa torpeur sur « The Thing », pour lequel il livre sans aucun doute sa meilleure partition horrifique à ce jour – sans être pour autant son nouveau chef-d’oeuvre. Visiblement très inspiré par l’atmosphère terrifiante et paranoïaque du film de Matthis van Heijningen Jr, Marco Beltrami nous livre une composition symphonique sombre, oppressante et immersive pour « The Thing », qui rend par la même occasion un subtil hommage à la musique culte d’Ennio Morricone pour le premier film. Le score s’articule sur deux thèmes principaux, un motif de 4 notes, ample et dramatique, associé aux scientifiques, et un motif plus surprenant, constitué de deux glissandi de cordes – l’un ascendant, l’autre descendant – qui finissent par se rejoindre à l’unisson, associé dans le film à la créature protéiforme. Ce motif, obsédant et entêtant, sera repris constamment tout au long du film pour suggérer l’omniprésence du danger et de la menace du monstre. Le motif est d’ailleurs suffisamment malléable pour permettre à Beltrami de le développer à loisir et à profusion tout au long de sa partition, à l’instar même de cet organisme qui imite d’autres organismes vivants, et ce à la perfection. Le principe des deux glissandi qui se rejoignent à l’unisson est, en plus d’être judicieux et bien trouvé, un « truc » emprunté au célèbre « Thrène pour les victimes d’Hiroshima » de Krzysztof Penderecki, chef-d’oeuvre de la musique contemporaine du XXe siècle écrite en Pologne à la fin des années 50, et qui a servi de base à toute une série de partitions horrifiques/suspense hollywoodiennes de ces 30/40 dernières décennies.

Visiblement inspiré de la musique savante contemporaine du 20 ème siècle, Marco Beltrami fait preuve d’un immense savoir-faire et concocte pour « The Thing » une partition orchestrale qui imite parfaitement la sensation d’un organisme en continuel mouvement, malléable à souhait. A l’instar de Jerry Goldsmith dans « Alien » en 1979, Marco Beltrami imite ici la créature en jouant sur les différentes textures sonores de l’orchestre, travaillant le son avec une rare intelligence (en tout cas très rare de nos jours, pour une musique de film d’horreur !). Les sonorités instrumentales évoluent ainsi au fil des morceaux pour suggérer la masse organique en constante évolution, un peu comme Beltrami le fait à la fin de « Finding Filling » ou dans des pièces impressionnantes telles que « Meet and Greet », « Meating of the Minds » ou « Antarctic Standoff ». On admirera la façon dont Beltrami travaille parfois autour d’une même note répétée à travers différentes combinaisons sonores ou nuages de sons, un travail sur la composante sonore qui rappelle parfois les oeuvres savantes de Giacinto Scelsi ou de György Ligeti. Si Ennio Morricone avait opté pour une approche résolument lente et minimaliste, privilégiant une tension latente et retenue, Marco Beltrami fait quand à lui dans le massif et les déchaînements orchestraux virtuoses. L’ouverture « God’s Country Music » débute avec le son lointain du vent de l’Antarctique et introduit d’emblée le motif en glissandi du monstre, avant d’enchaîner avec le thème de quatre notes des humains. Mais la plus belle surprise vient ici du final de « God’s Country Music », qui incorpore judicieusement le célèbre thème synthétique entêtant d’Ennio Morricone, pour faire le lien avec la musique du premier opus. Le thème est finalement assez peu cité tout au long du score, mais ses rares incorporations sont toujours la bienvenue et apportent un véritable plus à la partition de Beltrami, qui suit alors son propre chemin plutôt que de se contenter de copier bêtement l’oeuvre du maestro italien (en ce sens, le score de « The Thing » ne commet heureusement pas les mêmes erreurs que celui du « Predators » de John Debney, qui imitait note pour note la partition originale d’Alan Silvestri !). Le thème des humains prend une proportion plus grandiose dans « Road To Antarctica » tandis que « Eye of the Survivor » illustre la découverte du vaisseau spatial de façon ample et massive, tout en utilisant des sonorités électroniques atmosphériques qui seront associées au vaisseau alien (et parfois même à la chose) tout au long du film. Ces sonorités électroniques rappellent parfois très subtilement les sons synthétiques utilisés par Ennio Morricone sur le film de 1982, une filiation discrète et bien trouvée qui trouve aussi écho au tout début de l’excellent « Finding Filling ». Ces détails sont quasiment inaudibles dans le film – la musique est souvent mal mixée et peu mise en valeur sur les images – mais sont néanmoins très présents sur l’album généreusement rempli de Varèse Sarabande. On appréciera aussi le retour du thème paranoïaque et obsédant de Morricone dans « Open Your Mouth » et lors de l’impressionnant générique de fin du film, qui sert de transition avec celui de Carpenter. La filiation avec Morricone se traduit parfois même dans des détails inattendus comme dans la façon dont Beltrami utilise de lents arpèges ascendants de harpe au début de « Road To Antarctica », qui rappellent par moment certains passages orchestraux du « The Thing » version 1982 : ici aussi, il faudra creuser un peu plus en profondeur pour repérer ces discrètes allusions au maestro italien.

Beltrami ménage aussi le suspense et le mystère dans des morceaux sombres et lents tels que « Autopsy » ou « Cellular Activity », où il mélange adroitement orchestre, rappels thématiques et sonorités électroniques discrètes et brumeuses. Idem pour des morceaux sinistres et oppressants tels que « Well Done », « Survivors » ou le très intense « Open Your Mouth », qui semble donner l’impression d’être sur le point d’exploser à n’importe quel moment dans le film (il s’agit de la séquence où Kate teste les membres de l’équipe en vérifiant leurs plombages dentaires pour enfin savoir qui est qui). « Open Your Mouth » est d’ailleurs sans aucun doute le passage à suspense le plus impressionnant du score, que ce soit dans la façon dont Beltrami insiste sur les textures graves de l’orchestre, le sound design glauque ou le bref rappel à Ennio Morricone lors de cette scène-clé du film. Le motif de la créature reste toujours très présent, comme pour rappeler l’idée de la paranoïa et de la méfiance au coeur même de cette séquence. Tout le milieu du film permet d’ailleurs à Beltrami de développer un suspense paranoïaque et une tension à couper au couteau, des passages parfois un brin fonctionnel mais redoutablement efficace et d’une intensité rare dans le film. C’est d’ailleurs la musique qui véhicule en grande partie toute la tension de ces scènes à suspense dans à l’écran. Les amateurs de grands déchaînements orchestraux virtuoses en auront aussi pour leur argent avec de grands moments de terreur pure tels que « Meet and Greet » (scène de la toute première attaque de la chose), « Finding Filling », « Female Persuasion », « Sander Sucks at Hiding », « Meating of the Minds » ou la brillante confrontation finale de « Sander Bucks » (NB : il s’agit d’un subtil jeu de mot sur le nom de l’assistant de Marco Beltrami, Buck Sanders). Ces passages de terreur totalement survoltés sont nombreux, à l’image des attaques de la créature dans le film, et permettent à Beltrami de renouer avec le style horrifique de « Scream » et « Mimic », le tout servi par une écriture orchestrale brillante, riche en détails et en effets virtuoses. On retrouve ici une véritable intelligence dans l’écriture de l’orchestre symphonique et des orchestrations, à des années lumières des musiques horrifiques cacophoniques et lourdingues que l’on entend bien trop souvent aujourd’hui, que ce soit chez Steve Jablonsky (« Texas Chainsaw Massacre ») ou chez Brian Tyler (« Final Destination », « AVP-R »). Même si certains morceaux comme « Can’t Stand The Heart » frôle parfois la cacophonie assourdissante, les passages illustrant les attaques du monstre restent maîtrisés et réfléchis, incluant des rappels thématiques et des orchestrations toujours très détaillées. On appréciera aussi les textures sonores électroniques du glauque « In The Ship », pour la séquence dans le vaisseau vers la fin du film : Beltrami évoque ici l’univers surréaliste et futuriste du vaisseau extra-terrestre par le biais d’un impressionnant travail autour des sonorités synthétiques et du sound design, frôlant l’abstraction pure (on se croirait presque ici chez Akira Yamaoka !). Enfin, le lyrique « The End » et le dramatique « How Did You Know » concluent le film de façon tragique et fataliste en reprenant une dernière fois le thème des humains, annonçant clairement un futur cauchemar pour l’équipe suivante qui recueillera malheureusement à son tour la créature dans le film de John Carpenter.

Marco Beltrami signe donc une partition horrifique extrêmement impressionnante et immersive pour « The Thing » version 2011. L’auteur de « Scream » et « Mimic » renoue ici avec un style orchestral brutal, avant-gardiste et sans concession, qui fit sa gloire à ses débuts, et qu’il transpose admirablement bien dans l’univers cauchemardesque du film de Matthis van Heijningen Jr. Si la musique de « The Thing » version 2011 n’a ni le génie unique ni le charme incomparable de la composition originelle d’Ennio Morricone pour le film de John Carpenter, elle n’en demeure pas moins très réussie et constitue enfin un nouveau succès de Marco Beltrami dans le domaine de la musique horrifique, un genre dans lequel il s’était pourtant montré de moins en moins inspiré au cours de ces 10 dernières années. « The Thing » semble avoir radicalement inspiré le compositeur d’origine italienne, qui, conscient de passer derrière un grand chef-d’oeuvre de la musique d’épouvante des années 80, nous propose sa propre vision musical de cet univers terrifiant et paranoïaque, dans une partition orchestrale d’une grande violence, intense et immersive, parfaitement maîtrisée de bout en bout. Certes, à l’instar du film lui-même, la musique de Beltrami n’offre aucune surprise particulière, mais elle a au moins le mérite de proposer une musique absolument terrifiante, puissante, organique, ample et conçue avec intelligence, dont le principal défaut dans le film (outre un manque évident d’originalité) est d’avoir été malheureusement sous mixée sur les images, gâchée par une avalanche de bruitages et d’effets sonores en tout genre. Dommage, car cette superbe composition aurait certainement méritée un bien meilleur traitement dans le film. Voilà donc un score parfait pour se réconcilier enfin avec le grand Marco Beltrami des musiques d’épouvante !



---Quentin Billard