1-Pestilence 3.04
2-Lovers 2.19
3-Flaggelants 1.46
4-Marsh 2.32
5-Mercy 3.52
6-Banquet 2.01
7-France 1.23
8-Word 1.25
9-Departure 1.52
10-Brotherhood 2.09
11-Fireside 1.34
12-Necromancer 1.34
13-Company 2.42
14-Averil 1.14
15-Dalywag 2.37
16-Reunion 1.49
17-Ulrich 4.44
18-Flight 2.40
19-Osmund 3.49
20-Epilogue 2.33
21-End 2.52

Musique  composée par:

Christian Henson

Editeur:

MovieScore Media MMS-10011

Supervision de la musique:
Alison Wright
Producteur exécutif de l'album:
Mikael Carlsson
Préparation de la musique:
Colin Rae
Album séquencé par:
Mikael Carlsson, Christian Henson

Artwork and pictures (c) 2010 Egoli Tossell Film Aktiengesellschaft. All rights reserved.

Note: ***1/2
BLACK DEATH
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Christian Henson
Film d’horreur médiéval inédit en France, « Black Death » est le quatrième long-métrage du cinéaste britannique Christopher Smith, remarqué pour ses films d’épouvante tels que « Creep » (2005), « Severance » (2006) et « Triangle » (2009). Sorti en 2010, « Black Death » nous plonge dans l’Angleterre médiévale de 1348. Une épidémie de peste bubonique ravage le pays et décime la population britannique. Osmund (Eddie Redmayne), un jeune moine, se voit confier la mission d’escorter un groupe de chevaliers dirigés par Ulric (Sean Bean) afin d’enquêter sur des phénomènes étranges survenus dans un village reculé, miraculeusement épargné par la peste. Des rumeurs prétendent que cela serait l’oeuvre d’un nécromancien. Arrivés au village, Ulric, Osmund et les chevaliers comprennent que quelque chose ne va pas. C’est alors qu’ils font la connaissance de Langiva (Carice van Houten), une jeune femme mystérieuse et séduisante, qui semble en savoir bien plus qu’elle ne le prétend. Pour Osmund, Ulric et ses compères, le périple va très rapidement se transformer en cauchemar, obligeant chacun à faire des choix impossibles. Film médiéval fort et saisissant, « Black Death » évoque avec brio une sombre période d’obscurantisme dans l’Angleterre du 14ème siècle, grâce à un scénario malin, à des rebondissements diaboliques (la fin du film est assez mémorable !), à une photographie froide et désaturée signée Sebastian Edschmid et à un casting impeccable. Mais le film vaut surtout par la sobriété exemplaire de sa mise en scène – le budget étant visiblement très restreint – et la façon dont le récit, qui semble débuter comme un « 13th Warrior » moyenâgeux (un groupe de combattants se rendent dans une contrée lointaine pour combattre une sinistre menace), se transforme très rapidement en un voyage initiatique qui bousculera les convictions des uns et des autres. Là où on se serait attendu à une déferlante de gore, de pluie de sang et d’effets spéciaux, Christopher Smith préfère opter pour une économie de moyens et un travail sur l’atmosphère et la tension, qui va crescendo tout au long du film, et ce jusqu’aux éprouvantes scènes horrifiques finales. Avec un récit viscéral, un twist final ahurissant et une mise en scène intelligemment soignée, « Black Death » pose aussi la question des limites de la foi et du fanatisme religieux, en évoquant la confrontation brutale de la pensée chrétienne et d’un dogme satanique. Une belle surprise, en somme !

La musique du compositeur britannique Christian Henson apporte à son tour une atmosphère assez particulière et intense au film de Christopher Smith. Le musicien anglais s’est fait remarquer pour des partitions diverses telles que « Triangle », « Severance », « The Secret of Moonacre » ou bien encore les bandes originales des films français « La Rafle » et « Les Fils du Vent ». Pour « Black Death », Christian Henson nous plonge dans une atmosphère musicale sombre et immersive, évoquant à la fois l’ambiance médiévale du film et le mystère occulte entourant le village qui a résisté aux méfaits de la peste. Henson utilise ainsi tout un ensemble d’instruments solistes incluant un quatuor de guitares, des percussions, un violon, un violoncelle, un tuba aux sonorités détournées et des choeurs aux résonances religieuses (le RSVP Voices), imitant parfois le chant grégorien traditionnel de l’église catholique au Moyen-âge. Ainsi donc, « Pestilence » nous plonge d’emblée dans l’atmosphère sombre de « Black Death » avec son martèlement rythmique quasi métronomique suggérant une ambiance d’urgence et de tension sur fond de violes, cordes dissonantes et choeurs religieux. « Lovers », quand à lui, évoque la romance impossible entre le jeune Osmund et Averill (Kimberley Nixon). Christian Henson développe ici un Love Theme mélancolique avec les cordes et le duo violon/violoncelle (utilisés comme des violes traditionnelles), qui deviendra d’ailleurs le thème principal de la partition de « Black Death », tandis qu’une corne antique est utilisée au début de « Flaggelants » avec son martèlement guerrier des choeurs masculins et des effets instrumentaux originaux, comme notamment une technique intéressante consistant à chanter dans l’embouchure d’un tuba, ou une série de pizzicati graves/col legno des cordes martelés indéfiniment (technique instrumentale consistant à frapper les cordes des violons avec le bois de l’archet). Ces effets de martèlement rythmiques des cordes et des voix serviront d’ailleurs de ciment à la partition de Christian Henson, tout comme le thème principal, définitivement très présent tout au long du film. Le compositeur illustre parfaitement ici l’atmosphère guerrière/médiévale du long-métrage de Christopher Smith, dans une utilisation très réussie et originale de ses différentes couleurs instrumentales, mélangeant atmosphères sombres et rythmes entêtants avec inventivité. La chorale masculine du début revient dans « Marsh » en évoquant encore une fois le poids de la religion – l’un des thèmes majeurs du film – le tout sur fond de tenues instrumentales sombres et oppressantes (à noter ici l’apport des sonorités synthétiques atmosphériques). Mais c’est dans la façon dont Henson insiste sur les martèlements rythmiques des voix (en psalmodie grégorienne traditionnelle ou en murmures guerriers) et des effets percussifs des cordes qui attirent ici notre attention, une approche relativement non conventionnelle qui sied parfaitement au film de Christopher Smith.

Le parti pris instrumental voulu par Christian Henson reste parfaitement cohérent du début jusqu’à la fin, instaurant rapidement une tension et un sentiment latent d’urgence et de danger à l’écran, comme le rappelle les entêtantes ponctuations percussives de « Mercy » et les bourdons instrumentaux des cordes, le tout englobé de voix éthérées. Ces martèlements de « col legno » évoquent clairement dans le film l’avancée des guerriers, en route vers leur propre destinée. Le thème principal est toujours présent, comme pour rappeler l’obsession d’Osmund pour la jeune femme qu’il aime secrètement, malgré son voeu de chasteté, une obsession qui le conduira d’ailleurs jusqu’à sa perte à la fin du film. Henson ne délaisse pas pour autant l’approche médiévale de sa musique et le rappelle brillamment dans « Banquet », où il détourne le violon et le transforme, dans son jeu, en une sorte de viole antique, une brillante idée qui aboutit à un résultat fort intéressant, aussi bien sur l’album qu’à l’écran. A noter la façon dont Henson utilise encore une fois le tuba qu’il détourne selon la technique du « talking tuba », et qui se rapproche étrangement du son d’un didgeridoo australien traditionnel, apportant un caractère primitif/antique assez intéressant à la musique du film. Même le violon, détourné à travers l’emploi de sourdine dans « Word », imite le caractère des violes médiévales, et c’est à travers cette façon de détourner des instruments habituels de l’orchestre que Christian Henson apporte une véritable singularité à la musique de « Black Death », telle qu’on en entend rarement de nos jours. Le grandiose et dramatique « Brotherhood » renforce à son tour la dimension tragique du film à travers un rappel du martèlement rythmique des cordes et des choeurs grandioses, symbolisant la fraternité qui unit ces guerriers à travers une cause commune. Le « talking tuba » est repris au début du sinistre « Necromancer » pour renforcer l’idée primitive des forces occultes qui secouent le village maudit, tandis que les obsédants martèlements métronomiques associés aux guerriers (« Company ») rappellent le danger qui pèse sur eux. Enfin, des morceaux comme « Flight », « Osmund », « Epilogue » et « End » concluent brillamment le film sur un ton résolument tragique, sombre et amer.

Christian Henson signe donc une partition riche et inventive pour « Black Death », utilisant des instruments habituels détournés de façon inhabituelle – un peu comme certains musiciens le font parfois dans la musique savante contemporaine au 20ème et 21ème siècle. Le compositeur apporte ainsi un véritable point de vue musical au film de Christopher Smith, assumant d’un bout à l’autre de sa partition tous ces choix musicaux et ses partis pris instrumentaux. Audacieuse et originale, la musique atmosphérique et médiévale de « Black Death » pêche uniquement par son caractère très répétitif et monotone, qui, à force de tourner constamment autour des mêmes techniques instrumentales, finit par lasser l’auditeur à la longue, et ce même si ce défaut n’apparaît pas vraiment dans le film mais davantage sur l’album publié par Movie Score Media. Reste que le score de « Black Death » est sans aucun doute l’un des meilleurs travaux réalisé à ce jour par Christian Henson pour le cinéma, une partition intéressante et originale qui annonce en tout cas un compositeur très prometteur et inventif, dont on attend beaucoup dans les années à venir !



---Quentin Billard