1-A Tyrant's Dinner 3.55
2-Another World Calls 2.39
3-A Levitating Cat &
A Strange Journey 4.37
4-Nobody Believes Me! 5.05
5-Our Saviour 1.19
6-The Golden Stones 1.45
7-Duel with Zotanians,
Next to the Fridge 1.44
8-Les Deux Mondes Theme 0.40
9-The Eve of Battle 3.32
10-7 Women...For Me? 1.31
11-The Heat of Combat 3.25
12-3000 Soldiers and
a Tree Trunk 2.32
13-Building a Kingdom 2.12
14-Van Gogh Paint La Gioconda 4.09
15-Reign and Revolution 4.17
16-Back to Paris at Night 0.53
17-Final Duel with Zotan 3.33
18-Both Worlds are
Dangerous Now 3.06
19-Maleedja and
Le Pont d'Asnieres 1.48
20-The Beach and the Totem 2.38
21-Les Deux Mondes End Titles 3.35
22-Call to Arms of
the Begamenians 2.58

Musique  composée par:

Richard Harvey

Editeur:

MovieScore Media MMS-10017

Score produit par:
Richard Harvey
Album produit par:
Mikael Carlsson

Artwork and pictures (c) 2007 Gaumont. All rights reserved.

Note: ****
LES DEUX MONDES
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Richard Harvey
Comédie fantastique française signée Daniel Cohen et sortie en 2007, « Les Deux Mondes » met en scène l’infatigable Benoît Poelvoorde dans le rôle de Rémy Bassano, modeste restaurateur d’oeuvres d’art qui vit une existence terne et anonyme à Paris, avec sa femme Lucile (Natacha Lindinger) et ses deux enfants. Rémy se laisse marcher très souvent sur les pieds et ne parvient pas à se faire respecter. Un jour, son atelier se retrouve complètement inondé, l’obligeant à sauver désespérément tout ce qu’il peut récupérer. C’est alors qu’il se retrouve mystérieusement aspiré vers un autre monde, dans le village de Bégameni, où vit une tribu dominée par l’oppression d’un tyran géant nommé Zotan (Augustin Legrand). La tribu croit dur comme ferme à une prophétie qui annonce l’arrivée d’un sauveur venu d’un autre monde, et qui viendra pour leur redonner la liberté. Ce premier passage vers Bégameni n’est alors que de courte durée, et les choses se compliquent pour le pauvre Rémy lorsque sa femme lui apprend qu’elle le quitte, tandis que son assureur lui apprend qu’il n’est pas couvert pour les dégâts occasionnés. Rejeté par tous, Rémy part finalement se réfugier chez sa famille, qui ne semble guère s’intéresser à ses tracas, jusqu’à ce que, partant chercher du café pour ses frères et soeurs, notre héros malmené se retrouve à nouveau aspiré dans le sol vers Bégameni, où il sera alors accueilli comme un héros et un sauveur du peuple. « Les Deux Mondes » conjugue alors de façon étonnante comédie et film de science-fiction, avec un Benoît Poelvoorde égal à lui-même, et un mélange d’humour décalé et d’effets spéciaux assez étonnants - le film, produit par la Gaumont et MNP, la société de production de Mathieu Kassovitz, a coûté relativement cher pour une production française (environ 18 millions d’euros). Le réalisateur Daniel Cohen a tenu à soigner tout particulièrement l’univers fictif crée pour le village de Bégameni, à l’aide de décors grandioses et d’effets spéciaux numériques capables de rivaliser avec les plus grandes productions hollywoodiennes du moment - la scène où Benoît Poelvoorde disparaît dans le sol de la cuisine est assez ahurissante, visuellement - mais le mélange de comédie satirique et de film de science-fiction ne fonctionne pas vraiment, donnant parfois l’impression de voir deux films différents et non pas un seul long-métrage. L’interprétation n’est pas vraiment à remettre en question, en revanche, niveau scénario, on n’est guère convaincu par l’entreprise, malgré des moyens évidents et des ambitions initiales honorables. Restent quelques bonnes idées et de bonnes scènes, mais on a du mal à croire à cette idée de deux mondes et à ce mélange de genres et d’idées disparates (la propension de chacun à réaliser son potentiel caché, la satire sur l’exercice du pouvoir, etc.) : dans le genre de la comédie hors du temps, on préfèrera amplement « Les Visiteurs » de Jean-Marie Poiré. Un gros gâchis, en somme !

La partition symphonique des « Deux Mondes » a été confiée au compositeur britannique Richard Harvey, qui signe un score ample et épique pour le film de Daniel Cohen. Le score des « Deux Mondes » illustre à la fois l’aventure déjantée et loufoque de Rémy Bassano et le monde étrange de Bégameni. C’est pourquoi Richard Harvey utilise ainsi une instrumentation plus ethnique/orientale pour évoquer le monde parallèle dans « A Tyrant's Dinner», agrémenté de choeurs épiques aux consonances quasi religieuses, de voix « Zotaniennes » évoquant une sorte de rituel ancien, et d’orchestrations très riches et soignées, le tout sur fond de percussions et de quelques touches synthétiques. « A Tyrant's Dinner » est une solide entrée en matière, assez riche et grandiose, soutenue par une écriture orchestrale somme toute assez exigeante et maîtrisée, qui fait davantage penser au grand symphonisme épique hollywoodien qu’à la musique d’une comédie française. « Another World Calls » nous propose ensuite une ambiance plus légère avec ses touches de mickey-mousing sautillants et ses sursauts orchestraux non dénués d’humour noir, évoquant les péripéties surréalistes de Rémy, qui enchaîne les aller-retours entre Bégameni et le monde réel. Harvey évoque dans « A Levitating Cat and a Strange Journey » les déboires d’un pauvre Rémy, totalement dépassé par la situation : ici aussi, le compositeur suggère l’humour décalé de la situation à travers un mélange de sonorités mystérieuses/sombres et de touches mickey-mousing rappelant les musiques de comédie hollywoodienne habituelles (ou de film animé). L’approche est certes prévisible et ultra conventionnelle, mais le résultat est impressionnant à l’écran, surtout pour une comédie française de ce genre – on sent que le compositeur a eu pas mal de moyens pour écrire la musique des « Deux Mondes ». Les quelques ponctuations rythmiques/martiales de la fin de « A Strange Journey » sont tout bonnement impressionnantes, notamment dans la façon dont Richard Harvey écrit pour l’orchestre, avec un vrai souci du détail et une utilisation remarquable de rythmes complexes et d’envolées de cuivres grandioses. Visiblement, malgré les quelques touches d’humour de sa partition, Richard Harvey a pris son travail très au sérieux sur « Les Deux Mondes » et met les bouchées doubles, du début jusqu’à la fin. La musique se veut aussi plus intimiste dans « Personne ne me croira » où le piano évoque, par ses notes délicates, la solitude de Rémy, qui se retrouve seul face à ses mésaventures surréalistes dans le monde de Bégameni. A noter l’utilisation d’une voix féminine éthérée qui évoque ici aussi le monde parallèle avec justesse.

Les dernières minutes de « Nobody Believes Me! » introduit le thème solennel associé à Rémy, qui deviendra le héros et sauveur de Bégameni, un thème ample, noble et héroïque, qui apporte un vrai sentiment d’espoir et une grande force à la musique des « Deux Mondes ». Ce sentiment d’espoir et de noblesse d’âme revient dans « The Golden Stones », accompagné de choeurs solennels et d’orchestrations toujours aussi riches et soignées – à noter que le thème solennel des « Rochers d’Or » n’est pas sans rappeler par moment les hymnes britanniques façon Elgar. Plus inventif, « Duel with Zotanians, Next to the Fridge » utilise un ensemble d’instruments ethniques évoquant le maléfique Zotan tandis que le compositeur met ici l’accent sur des cuivres amples (et toujours ces omniprésentes touches de mickey-mousing). Le thème principal est dévoilé dans son intégralité dans « Les Deux Mondes Theme », mélodie solennelle et pleine d’espoir associé au personnage de Benoît Poelvoorde dans le film, et qui possède aussi un côté assez touchant, à l’image du héros malgré-lui qu’incarne l’acteur belge à l’écran. L’humour est aussi présent, comme c’est le cas dans « The Eve of Battle » et le caractère comique et léger de l’écriture des bois et des cuivres sur fond de brèves ponctuations de caisse claire/cymbales et de pizzicati sautillants. « 7 Women For Me ? » reprend ensuite le thème principal de quatre notes dans une version plus sensuelle à base de voix féminine et d’orchestrations quasi impressionnistes (cordes, harpe, etc.), un très beau morceau qui confirme le talent de Richard Harvey et son goût sûr pour une écriture orchestrale exigeante et de solides développements thématiques. La séquence de la bataille (« The Heat of Combat ») permet ensuite au compositeur de nous offrir un solide morceau d’action épique et solide, traversé de quelques ponctuations comiques, de choeurs grandioses, de rythmes martiaux et de couleurs orchestrales inventives (à noter les bassons sautillants du début). Le thème solennel du sauveur de « The Golden Stones » revient en grande force au milieu de « The Heat of Combat » pour une envolée thématique grandiose et prenante, avec les instruments ethniques et les voix féminines épiques. On appréciera aussi l’enthousiasme et les rythmes survoltés et dansants du fantaisiste « 3000 Soldiers and a Tree Trunk » pour la scène où Rémy se fait poursuivre par les soldats de Zotan – accompagné à nouveau d’une grande envolée solennelle et héroïque qui rappelle parfois Klaus Badelt. Le thème du sauveur est repris dans « Building a Kingdom », avec ce même sentiment d’espoir et de courage typique de la partition des « Deux Mondes », un hymne vibrant et solennelle de toute beauté.

Enfin, la dernière partie du film permet à Richard Harvey de développer ses idées et de conclure ses thèmes avec brio, qu’il s’agisse de la bataille contre Zotan dans le sombre et guerrier « Final Duel with Zotan » avec ses choeurs sombres et sa coda triomphante, ou la légèreté plus poétique de « Both Worlds are Dangerous Now », sans oublier la grande reprise thématique et grandiose de « The Beach and the Totem » ou l’excellent générique de fin (« Les Deux Mondes End Titles »), qui reprend les différents thèmes du score dans une conclusion mémorable. Le résultat est donc tout simplement remarquable, Richard Harvey signant là l’une des plus impressionnantes partition musicale qu’il nous ait été donné d’entendre depuis bien longtemps pour une production cinématographique française. Si l’ensemble n’a rien de follement original, la musiques des « Deux Mondes » séduit essentiellement par son incroyable énergie, ses orchestrations généreuses et ses thèmes mémorables. Richard Harvey fait preuve d’un savoir-faire indiscutable et multiplie les grands moments de bravoure épiques et les touches plus comiques et sautillantes. Voilà donc une grande surprise, une musique riche d’une qualité rare pour une production de ce genre, et qui apporte une force et une puissance incontestable aux images du film de Daniel Cohen, une BO en passe de devenir une référence du genre dans la musique de film française contemporaine, et ce malgré le côté un peu impersonnel du score et ses influences hollywoodiennes plus qu’évidentes. Quoiqu’il en soit, la musique des « Deux Mondes » reste une belle et grande réussite, à découvrir grâce à l’excellent album publié par Movie Score Media !



---Quentin Billard