1-Prólogo 2.32
2-Créditos 1.07
3-Una luz Mágica 1.22
4-El Juego del Tesoro 1.55
5-Un Día de Fiesta 4.38
6-Atropello 1.54
7-Tomás 2.10
8-Dos Kilillos 2.03
9-Una Regresión 4.53
10-Crea, Entonces Verá 2.19
11-Sola en la Casa 3.31
12-La Casita de Tomás 5.00
13-Reunión y Final 3.59
14-Créditos Finales 4.41
15-Propuesta Inicial (Maqueta) 2.21*
16-Tema Principal (Coro) 3.01*

*Bonus Track.

Musique  composée par:

Fernando Velázquez

Editeur:

Rhino 5144250582

Album produit par:
Fernando Velázquez
Production musicale:
Juanan Ros
Assistant de production:
Amaia Arizti
Musique interprétée par:
The Bulgarian Symphony Orchestra
SIF 309.

Manager de production:
Asen Kanchev
Manager orchestre:
Elena Chouchkova
Choeur:
KUP Taldea

(p) 2007 Telecinco Cinema & Rodar y Rodar. (c) 2007 Warner Music Spain, S.A. All rights reserved.

Note: ***1/2
EL ORFANATO
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Fernando Velázquez
« El Orfanato » (L’Orphelinat) est un film fantastique espagnol réalisé par le jeune cinéaste barcelonais Juan Antonio Bayona et produit par Guillermo Del Toro, sorti en 2007. Il s’agit d’ailleurs du tout premier long-métrage du cinéaste espagnol, grand gagnant du festival Fantastic’arts de Gérardmer en 2008. L’action de « El Orfanato » se déroule quasi exclusivement à l’intérieur d’un vieil orphelinat espagnol. Laura (Belén Rueda) a passé une bonne partie de son enfance dans cet orphelinat, en compagnie d’autres enfants. Devenue adulte, Laura est retournée à l’orphelinat avec son mari et leur fils adoptif de sept ans, Simon (Rober Princep), afin de restaurer la vieille demeure pour en faire un nouveau lieu d’accueil pour enfants handicapés. Mais le comportement de Simon change alors brusquement : le jeune enfant va commencer à se livrer à des jeux étranges avec ses amis invisibles. Peu de temps après, alors qu’a lieu l’inauguration du nouvel orphelinat, Laura se dispute avec Simon. Ce dernier refuse de descendre pour saluer les nouveaux arrivants, prétextant qu’il souhaite montrer à sa mère la maison de son ami invisible Thomas. Laura refuse de céder au caprice de l’enfant et finit par le laisser seul à la maison pour partir s’occuper des enfants handicapés. Mais à son retour, Laura découvre avec effroi que Simon a disparu : malgré des recherches intensives, le jeune enfant reste introuvable. Désespérée, Laura se rend compte qu’elle n’a pas accordé assez de crédit aux histoires d’amis invisibles du petit Simon : elle retourne alors à l’orphelinat et finit par être convaincue qu’il existe une explication surnaturelle à la disparition de l’enfant. « El Orfanato » est une bien jolie réussite dans son genre, un premier essai réussi pour le jeune Juan Antonio Bayona - il s’agit aussi de l’un des plus grand succès du cinéma espagnol. Certes, l’ensemble reste assez impersonnel et inégal, truffé d’influences multiples et diverses (on pense tout autant au « Saint Ange » de Pascal Laugier qu’au « Darkness » de Jaume Balaguero ou au « Dark Water » d’Hideo Nakata, tandis que la séquence avec le médium rappelle fortement « Poltergeist » de Tobe Hooper, sans oublier des influences de Paco Plaza ou du « Los Otros » d’Alejandro Amenábar), et la mise en scène est un peu trop académique pour permettre au film de s’épanouir pleinement, mais l’ensemble reste malgré tout maîtrisé malgré quelques inégalités - le début, un peu trop long, met du temps à décoller, et le scénario est un peu cliché par moment - Evitant tout artifice et autre effet gore trop souvent utilisé dans le cinéma fantastique, « El Orfanato » privilégie davantage l’ambiance aux effets grand-guignolesques. Le film repose ainsi sur une atmosphère de suspense gothique immersive et pesante, une grande réussite qui doit tout autant aux interprètes qu’à la qualité d’une mise en scène soignée - bien qu’un brin trop sage et conventionnelle - et d’une musique riche et élaborée. Suite au succès colossal du film en Espagne, Hollywood s’est rapidement emparé du phénomène et vient déjà de mettre en chantier son propre remake, prévu d’ici fin 2011 sous la direction de Mark Pellington (« Arlington Road ») et toujours produit par Guillermo Del Toro.

« El Orfanato » doit donc beaucoup à la somptueuse partition symphonique du jeune compositeur espagnol Fernando Velázquez, qui signe pour le film de Juan Antonio Bayona l’une de ses meilleures partitions musicales pour le cinéma - c’est la seconde fois que Velázquez compose la musique d’un film de Bayona après « El Hombre Esponja » en 2002. Le réalisateur a d’ailleurs accordé des moyens conséquents à Velázquez pour concevoir la musique de « El Orfanato », conscient que la bande originale jouerait un rôle fondamental dans l’élaboration de l’atmosphère gothique et psychologique du film. Le musicien a donc utilisé toutes les ressources mises à sa disposition pour composer sa musique : l’enregistrement s’est effectué en Bulgarie, à la radio de Sofia, avec les musiciens du Bulgarian Symphony Orchestra, sans oublier l’apport du groupe vocal KUP Taldea, dont les voix mystérieuses et envoûtantes apportent une ambiance onirique et inquiétante à la musique du film. Au premier abord, le travail de Velázquez rappelle tout autant les partitions d’Amenábar pour « Los Otros » que celles de Javier Navarrette pour « El Laberinto del fauno » et « El Espinazo del Diablo », sans oublier des influences hollywoodiennes évidentes, de Danny Elfman à Christopher Young, en passant par James Newton Howard (« The Sixth Sense »). Guillermo Del Toro, producteur du film, souhaitait ainsi renouer avec ce style orchestral horrifique et mystérieux plus classique d’esprit, alternant écriture symphonique conventionnelle et effets orchestraux avant-gardistes, hérités de la musique savante contemporaine du 20ème siècle. Le score évolue ainsi tout au long du film, alternant passages mélodiques lyriques poétiques et morceaux à suspense claustrophobiques, mystérieux et angoissants. Dès le brillant « Prologo », Velázquez impose un ton incroyablement lyrique à sa partition avec une instrumentation reposant essentiellement sur un joli mélange cordes/bois/harpe du plus bel effet. Le thème principal est alors exposé en toute délicatesse par une flûte légère et nostalgique, et illustre parfaitement l’histoire de Laura et sa quête pour retrouver Simon dans l’ancien orphelinat. Avec « Creditos », on entre enfin dans l’obscurité et le suspense avec une reprise du thème principal sur fond d’orchestrations riches et élaborées : les instruments semblent agités, sur la corde raide, prêts à bondir, comme pour rappeler les mystères et les secrets lointains de l’orphelinat – on pense clairement ici à l’inventivité orchestrale de John Ottman comme influence majeure sur « Creditos ». Dès lors, la musique reste particulièrement proche du personnage de Belén Rueda dans le film, suggérant chacune de ses émotions en les extériorisant avec les moyens musicaux mis en oeuvre par Fernando Velázquez dans le film : plus qu’un simple faire-valoir du suspense ou de l’angoisse, la musique de « El Orfanato » témoigne avant tout d’un solide travail d’ambiance et de tension psychologique assez saisissant dans le film – la mise en scène de Juan Antonio Bayona repose d’ailleurs en grande partie sur les interventions de la musique dans le film, interventions toujours très justes et bien pensées, qui évitent d’alourdir les images comme c’est trop souvent le cas dans les productions horrifiques hollywoodiennes, mais qui, au contraire, participent à l’atmosphère singulière du film en devenant une sorte de personnage à part entière dans le récit – c’est tout l’art de la musique de film espagnole moderne qui se retrouve ici dans le travail de Velázquez !

Si « Une luz magica » et « El Juego del tesoro » suggèrent une ambiance encore un brin mystérieuse mais pourtant non dénuée de charme – avec quelques brefs rappels thématiques pour conserver l’identité mélodique de la musique dans le film – avec les bois et les cordes bondissantes de « El Juego del tesoro » qui suggèrent l’insouciance enfantine du jeune Simon lors de son jeu de piste au début du film, « Un dia de fiesta » assombrit considérablement l’atmosphère générale de la musique en utilisant des cordes dissonantes et sournoises à base de lents glissandi aléatoires et de notes mystérieuses de harpe, avec le lot habituel de ponctuations agressives de cuivres ou de trilles de bois. Les orchestrations restent encore une fois l’un des points forts de la musique de « El Orfanato », témoignant d’un véritable savoir-faire de la part du jeune Fernando Velázquez, visiblement très à l’aise dans le registre des grandes musiques symphoniques au classicisme d’écriture évident. Les cordes deviennent alors les portes-parole de l’angoisse dans « Un dia de fiesta » et nous font clairement comprendre que quelque chose de grave est en train d’arriver, et que rien ne semble aller comme prévu, le jour de la fête d’inauguration de l’orphelinat. La dernière partie de « Un dia de fiesta » traduit alors un sentiment d’urgence avec des cordes plus agitées et des cuivres déterminés, reprenant le thème principal dans une forme plus massive et imposante. Dès lors, les portes de l’enfer sont ouvertes, la terreur et le suspense devenant les principaux mots d’ordre jusqu’au dénouement final. Ainsi, « Atropello » impose un registre atonal et dissonant typique des oeuvres avant-gardistes du 20e siècle, accompagné ici d’un choeur qui fait son apparition, semblant surgir de l’obscurité comme pour suggérer des voix provenant de l’au-delà, le tout sur fond de clusters de cordes et de harpe mystérieuse. Si la musique devient plus nuancée dans le film à l’occasion d’un « Tomas » plus intriguant que réellement angoissant – bien que se concluant de manière assez terrifiante – le score sait aussi rappeler les pensées et les sentiments de Laura, l’héroïne du film, dans « Dos Kilillos », où Velázquez fait appel à un jeu de soliste plus minimaliste et touchant, avec une flûte et une harpe pleine de délicatesse. Et pourtant, comme dans « Tomas », l’intimité ne tarde pas à être interrompue brusquement par les dissonances de l’orchestre et les effets avant-gardistes instrumentaux, comme pour rappeler un danger permanent à l’intérieur de l’orphelinat, véritable lieu de perdition désincarné où errent des âmes en quête de paix.

La musique traduit d’ailleurs clairement le passage entre le passé et le présent dans « Una regresion », servie par une superbe utilisation de l’orchestre – et plus particulièrement ici des cordes - et de brillantes montées de tension. L’atmosphère psychologique est ici plus que jamais présente, la musique n’hésitant pas à basculer dans la terreur avec le retour des choeurs ténébreux dont l’atmosphère résolument gothique ne déplairait pas à un Christopher Young (à noter l’écriture des cordes à la fin de « Una regresion », qui rappellent parfois le « Sixth Sense » de James Newton Howard). La musique s’évertue alors à renforcer ce sentiment constant de mystère et de quête de la vérité, comme le rappelle « Sola en la casa », illustrant la détermination de Laura à retrouver Simon tout en perçant les secrets de l’orphelinat. Le thème principal est repris brièvement ici par les cordes tandis que se mélangent ponctuations de timbales, cuivres et traits rapides et bondissants des bois. Ici aussi, impossible de ne pas mentionner la richesse remarquable des orchestrations, l’écriture orchestrale de Velázquez restant constamment détaillée, riche et fournie, multipliant les couleurs instrumentales et les combinaisons sonores avec un savoir-faire impressionnant. Le violoncelle final de « Sola en la casa » suggère quand à lui le caractère funeste et tragique des secrets de l’orphelinat, tandis que « La casita de Tomas » bascule dans un suspense sombre et oppressant – à l’image de la descente de Laura dans les sous-sols de la maison - avant une coda brillante et grandiose sous forme de révélation. Enfin, le film touche à sa fin avec une dernière reprise du thème principal pour « Reunion y final », où règne alors un sentiment de paix retrouvée, avec une utilisation plus lyrique des cordes et des bois. Le thème principal, constamment malmené tout au long de la partition, trouve enfin ici son aboutissement légitime, à travers une mélodie élégante et poignante (accompagnée par des choeurs plus lumineux), suggérant l’émotion du twist final, une magnifique conclusion qui fait mouche et ravira l’auditeur après quelques passages particulièrement sombres et oppressants. Le générique de fin est lui aussi une très belle réussite dans son genre, développant le thème principal avec une écriture alternant solistes (flûte, harpe) et passages plus lyriques pour cordes et choeurs, qui confèrent à cette coda une aura quasi religieuse et spirituelle, notamment à travers la reprise ultime et poignante du thème de « Reunion y final ». A noter que Fernando Velázquez nous offre même en guise de bonus une brillante reprise du thème dans une version pour choeur a cappella. Vous l’aurez donc compris, c’est un travail de haute tenue que nous offre Fernando Velázquez sur « El Orfanato », une partition sombre et lyrique extrêmement cohérente et viscérale dans le film, et qui reste à ce jour l’un de ses meilleurs travaux pour le cinéma, même si la partition pêche par un manque évident de personnalité, de surprise et d’originalité. « El Orfanato » reste en tout cas une superbe partition à suspense dont l’atmosphère psychologique et intimiste reflète le talent d’un compositeur en passe de devenir une valeur sûre de la musique de film espagnole.



---Quentin Billard