1-Trademark and Prologue 0.43
2-Alert and Main Title 2.13
3-Carmody A.F.B. 1.22
4-Grand Tour 2.26
5-The Titan 0.46
6-Green Flash Alert 3.40
7-Victoria's Arrival 2.01
8-Do Not Disturb 3.16
9-Fueling Around 3.29
10-Out of Contact 3.41
11-Flaps Up Landing 2.19
12-Aggravation 1.10
13-Surprise Encounter 1.32
14-Making Up 2.08
15-Broken Date 1.42
16-Fowler's Accident 3.02
17-Victoria's Plea 1.03
18-Therapy 3.56
19-It's An O.R.I. 1.31
20-Seating It Out 1.37
21-Hospital Beat 2.18
22-End Title 1.33

Musique  composée par:

Jerry Goldsmith

Editeur:

Varèse Sarabande CD Club
VCL 0910 1110

Album produit par:
Robert Townson
Musique supervisée et conduite par:
Joseph Gershenson

American Federation of Musicians
Edition limitée à 3000 exemplaires.

Artwork and pictures (c) 1963/2010 Universal Studios. All rights reserved.

Note: ***1/2
A GATHERING OF EAGLES
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Jerry Goldsmith
« A Gathering of Eagles » (Le téléphone rouge), sorti en 1963 et réalisé par Delbert Mann, évoque le destin d’un officier de l’U.S. Air Force à la tête du commandement du SAC (Strategic Air Command) en pleine ère de la guerre froide. Rock Hudson interprète ici le rôle du colonel Jim Caldwell, récemment promu commandant du SAC après le limogeage du précédent commandant suite à des scores décevants à la suite d’une procédure d’inspection surprise baptisée ORI (Operational Readiness Inspection). Cette procédure a pour but de tester les aptitudes et la rapidité des hommes en cas d’attaque. D’abord euphorique à l’idée de diriger le SAC, Caldwell va très vite déchanter lorsqu’il se rendra compte des difficultés que représente le poste de commandant du Strategic Air Command. Tourmenté par le poids de ses responsabilités, Caldwell sera amené à prendre des décisions difficiles, dévoilant ainsi un tout nouveau visage à ses proches, et plus particulièrement à son vice commandant et ami de longue date, le colonel Hollis Farr (Rod Taylor), et à sa propre femme, Victoria Caldwell (Mary Peach). « A Gathering of Eagles » réunit donc un casting de qualité pour un film qui évoque la vie des membres d’une base aérienne atomique américaine au début des ‘sixties’. Hélas, malgré une mise en scène soignée et quelques séquences aériennes réussies (la scène où l’avion de Caldwell doit atterrir d’urgence après avoir rencontré un grave problème de fuite de carburant), « A Gathering of Eagles » a été un solide échec au box-office 1963. Pour certaines critiques, le film n’est malheureusement pas sorti au bon moment : la même année, les Etats-Unis étaient confrontés à la crise des missiles de Cuba, et pour le public américain, le film de Delbert Mann ne pouvait pas soutenir la comparaison avec d’autres productions, plus anti-militaristes et subversives envers l’armée américaine – ce qui explique d’ailleurs le succès de deux films plus satiriques sortis l’année d’après, en 1964, et nettement moins élogieux envers le monde militaire U.S., « Dr. Strangelove » et « Fail-Safe » (des films qui ont d’ailleurs été de grands succès au cinéma). « A Gathering of Eagles » possède pourtant bon nombre de qualité, que ce soit dans l’interprétation solide de Rock Hudson, Rod Taylor ou la charmante Mary Peach, ou dans la mise en scène de Delbert Mann, qui décrit de façon extrêmement réaliste (voire quasi pédagogique) le quotidien des officiers d’une base aérienne stratégique et la complexité des différentes procédures militaires et des longues périodes d’entraînement.

« A Gathering of Eagles » offrit l’occasion au jeune Jerry Goldsmith de signer en 1963 une de ses premières grandes partitions symphoniques pour un film militaire, un genre qu’il exploitera à de nombreuses reprises dans des films tels que « Seven Days in May », « In Harm’s Way », «Von Ryan’s Express », « The Blue Max », « Morituri » ou bien encore « The Sand Pebbles », sans oublier les classiques « Patton » et « MacArthur ». La partition de « A Gathering of Eagles » est typique du Jerry Goldsmith des années 60 : ample, massive, cuivrée, rythmée, elle illustre parfaitement le quotidien du colonel Jim Caldwell au commandement du SAC et les épreuves qu’il va devoir affronter tout au long du film. Jerry Goldsmith retrouve ainsi Delbert Mann sur « A Gathering of Eagles » après avoir travaillés ensemble sur un ancien épisode de la série TV « Playhouse 90 » produite par la CBS, épisode intitulé « The Tunnel » (1959). Rappelons qu’en 1963, Goldsmith venait déjà de percer au cinéma en signant deux partitions majeures en 1962 : « Lonely Are the Brave » et le sublime « Freud » (qui lui valut sa première nomination aux Academy Awards). Pour « A Gathering of Eagles », le maestro californien utilise toutes les ressources du Hollywood Studio Symphony, réunissant un pupitre de cuivres assez massif (5 cors, 6 trompettes, 4 trombones, 1 tuba) pour souligner le caractère martial de sa musique à l’écran. Le score de « A Gathering of Eagles » repose essentiellement sur deux idées mélodiques principales : un premier thème de fanfare, constitué d’une série de sept notes ascendantes, associées dans le film au colonel Caldwell et à son équipe du SAC. Goldsmith nous le dévoile immédiatement au début du film dans « Trademark and Prologue » avec ses trompettes amples et solides. L’autre thème contraste radicalement avec la fanfare, puisqu’il s’agit du « Love Theme » évoquant la romance entre Caldwell et Victoria dans le film : ce magnifique thème romantique est dévoilé en toute beauté dans « Victoria’s Arrival », thème de cordes lyrique dans la plus pure tradition des mélodies romantiques du Golden Age hollywoodien. Avec ses deux thèmes, Jerry Goldsmith bâtit ainsi une partition symphonique ample et généreuse, qui, plutôt que de choisir de glorifier musicalement le monde militaire, souligne à contrario ses faiblesses et ses erreurs, avec un sens de l’ambiguïté propre au compositeur.

Cette ambiguïté transparaît ainsi pleinement lors du générique de début dans le tendu « Alert and Main Title », où l’exercice d’alerte au début du film est accompagné par une série de rythmes pressants de caisse claire militaire sur fond de trilles de cordes, de ponctuations de trompettes/timbales, avant de céder la place au thème principal de sept notes, développé ensuite, lors d’une seconde partie, par des cordes amples doublées par les cors (à l’image, les violons accompagnent les plans aériens des avions, sur fond d’ostinato martial de caisse claire). Comme d’habitude, Goldsmith nous offre un « Main Title » impeccable et puissant, dont lui seul en possède les secrets, servi par des orchestrations solides et judicieusement pensées (bien que sans réelle prise de risque ni originalité étant donné le sujet). Goldsmith développe ensuite son thème principal, malléable à souhait, dans « Carmody A.F.B. », où il devient plus intimiste, surtout avec l’ajout des bois qui alternent avec le groupe des cordes/cuivres/percussions martiales. Le thème revient ensuite dans « Grand Tour » avec ses roulements de caisse claire omniprésent qui maintiennent une certaine tension à l’écran, tandis que la mélodie principale passe brièvement du pupitre des cordes aux cuivres, sans oublier une coda plus ambiguë annonçant clairement l’idée des ennuis à venir pour l’équipe du SAC dirigée par Caldwell. Cette idée des percussions utilisées comme moyen de prolonger la tension – comme une sorte de tic-tac d’horloge ou de compte à rebours – revient au début de « The Titan » et dans le frénétique « Green Flash Alert », premier grand morceau d’action du score et superbe déchaînement orchestral martial et incroyablement intense. Goldsmith nous prouve avec « Green Flash Alert » qu’il était déjà, en 1963, un maître de la musique d’action orchestrale, avec un sens très prisé du rythme et des développements thématiques : toute la quintessence même du style action de Jerry Goldsmith transparaît tout au long des 3minutes40 de « Green Flash Alert », lors de la scène du décollage des avions à la suite de l’alerte verte (qui s’avère être un exercice réalisé dans l’urgence). Cette idée d’urgence et de tension est largement véhiculée encore une fois par l’omniprésence des percussions militaires, mais aussi par les notes staccatos rapides et répétées des cuivres et des cordes : ici aussi, les cuivres ne sont pas utilisées dans un but de glorification mais bien comme synonymes de l’action et du danger, avec ce même sentiment d’ambiguïté sous-jacente qui apparaissait déjà dans les premiers instants de la musique.

Le Love Theme de « Victoria’s Arrival » et « Do Not Disturb » permet à Goldsmith de nuancer son propos en apportant un soupçon de romantisme et de lyrisme à la musique de « A Gathering of Eagles » avec son utilisation suave et raffinée du violoncelle, des bois et des cordes pour la romance entre les personnages de Rock Hudson et Mary Peach. On appréciera ici la façon dont Goldsmith évite judicieusement toute envolée sirupeuse et joue au contraire sur une certaine retenue touchante pour la romance des deux personnages à l’écran, une retenue qui contraste avec les rythmes pressants de « Green Flash Alert » ou « Fueling Around ». L’action est donc à nouveau au rendez-vous dans « Out of Contact » et « Flaps Up Landing », lors de la séquence où l’avion bombardier de Caldwell a un problème de fuel et doit atterrir d’urgence, au risque d’exploser à tout moment. Ici aussi, on retrouve les rythmes pressants et « dangereux » de « Green Flash Alert », Goldsmith nous offrant ainsi une série de morceaux d’action sombres et martiaux particulièrement réussis. Et si les choses semblent se calmer temporairement dans « Aggravation », c’est pour mieux renforcer l’idée du poids des responsabilités du poste de Caldwell, qui va devoir prendre une série de décisions graves et importantes (le renvoi d’un membre-clé de son équipe, etc.). Le romantisme enjoué et léger de « Surprise Encounter » et la retenue touchante du Love Theme dans « Making Up » renforcent la trame plus humaine et sentimentale du film de Delbert Mann, tout comme « Broken Date » et son utilisation plus ambiguë des trompettes au milieu des bois et des cordes (comme pour rappeler l’idée que la romance se déroule dans un milieu militaire très strict et difficile). La musique devient même poignante dans « Fowler’s Accident » avec son écriture plus élégiaque des cordes et ses quelques touches instrumentales (vers 2:02 environ) qui rappellent par moment les notes torturées de « Freud ». Quand à la trompette solitaire et mélancolique qui parcourt le morceau, elle semble annoncer le style du futur « Chinatown » (1974). Un sentiment de gravité règne même dans « Victoria’s Plea », qui annonce les répercussions dramatiques des choix de Caldwell sur son propre couple. « Therapy » reste quand à lui l’un des morceaux les plus sombres du score, avec ses notes brèves de piano, ses cordes torturées et ses effets de bois inquiétants. Les rythmes pressants militaires reviennent dans « It’s An O.R.I. » et « Hospital Beat », pour la séquence finale de l’O.R.I. à la fin du film. Jerry Goldsmith calme enfin le jeu dans le superbe « End Title » qui reprend une dernière fois le Love Theme et le thème principal au cours d’une parfaite conclusion de près de 4 minutes, plus enjouée et humaine que réellement militaire ou solennelle. « A Gathering of Eagles » reste donc une solide partition de la part de Jerry Goldsmith, un score qui, sans être une oeuvre majeure de sa filmographie 60’s, n’en demeure pas moins une belle réussite et la preuve incontestable du talent du jeune maestro au début des sixties, apportant une tension et une émotion certaine au film de Delbert Mann. Voilà un très bon score un peu oublié de Jerry Goldsmith, que l’on pourra enfin redécouvrir grâce à l’impeccable édition CD-Club publiée par Varèse Sarabande, et qui présente pour la première fois l’intégralité du travail du compositeur dans un son tout à fait propre pour l’époque !



---Quentin Billard