1-Lord Of The Violin 5.22
2-Afternoon Affair 2.00
3-Murder! 1.32
4-The Imposter 3.15
5-Wrongfully Accused 2.20
6-Enjoy Your Ride 0.36
7-Over The Edge 3.02
8-Manhunt 4.38
9-Searching For Clues 2.21
10-It Was The Bartender 1.28
11-More Manhunt 1.45
12-Sewer Chase 1.47
13-Peek-A-Boo Baby 2.51
14-Even More Manhunt 1.41
15-The Big Jump 3.54
16-The Big Stink 3.03
17-Ryan Harrison, M.D. 0.40
18-Hospital Confrontation 4.56
19-Hanging Around 4.18
20-Airplane Attack 4.02
21-He's Got A Leg! 4.34
22-The Big Finish 2.21

Musique  composée par:

Bill Conti

Editeur:

Intrada Special Collection Vol. 162

CD produit par:
Douglass Fake
Producteur exécutif du CD:
Roger Feigelson
Représentant pour Morgan Creek:
Greg Mielcarz
Assistant de production:
Regina Fake

American Federation of Musicians
Edition limitée à 1500 exemplaires.

Artwork and pictures (c) 1998 Morgan Creek Productions, Inc. All rights reserved.

Note: ****
WRONGFULLY ACCUSED
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Bill Conti
Poursuivant dans sa lignée de films parodiques délirants, l’inénarrable Leslie Nielsen enchaîna en 1998 avec « Wrongfully Accused » (Le Détonateur), parodie déjantée du film « The Fugitive », réalisée par Pat Proft. Dans un registre similaire aux films de Mel Brooks ou de David Zucker, « Wrongfully Accused » met en scène l’acteur comique dans la peau de Ryan Harrison, un violoniste de renommée mondiale au sommet de sa gloire, qui se retrouve du jour au lendemain accusé d’un crime qu’il n’a pas commis. Séduit par la mystérieuse Lauren Goodhue (Kelly LeBrock), Harrison ignore encore que la jeune femme lui a en réalité tendu un piège. Lauren a assassiné son mari (Michael York), après que ce dernier ait découvert que sa femme projetait d’assassiner le secrétaire général de l’ONU. Arrêté et jugé pour terrorisme, Harrison est condamné à la chaise électrique mais réussit, malgré lui, à s’évader du car pénitencier sur le chemin de la prison. Dès lors, il va tout faire pour tenter de prouver son innocence, poursuivi par l’infatigable et entêté lieutenant Fergus Falls (Richard Crenna). « Wrongfully Accused » reprend donc les grandes lignées de « The Fugitive » et multiplie les gags à outrance et les clins d’oeil cinéphiles à vitesse grand V. Tout le film est d’ailleurs constitué d’un amoncèlement de références qui satisferont certainement les fans de Leslie Nielsen et les cinéphiles les plus endurcis : on ne compte ainsi plus les clins d’oeil à « The Fugitive » certes, mais aussi à « Usual Suspects », « North by Northwest », « Patriot Games », « Clear and Present Danger », « Star Wars The Empire Strikes Back », « Dirty Harry », « Braveheart », « Titanic », « Mission : Impossible », « Blue Velvet », etc. Hélas, si les gags fonctionnent bien 10 minutes, difficile de ne pas s’ennuyer au bout d’une heure : Leslie Nielsen en fait des tonnes, tout en restant égal à lui-même, et le réalisateur ne parvient pas à se renouveler dans son humour ou à apporter la moindre idée intéressante pour relancer l’intérêt : trop de gag tue le gag ! Reste un casting sympathique (excellent Richard Crenna qui parodie allègrement le personnage du marshal campé par Tommy Lee Jones dans « The Fugitive ») et un humour omniprésent mais particulièrement lourdingue. Seuls les fans de Leslie Nielsen apprécieront !

Bill Conti signe pour « Wrongfully Accused » une partition symphonique éminemment classique d’esprit. Le parti pris musical voulu par le compositeur sur le film de Pat Proft s’explique avant tout par l’idée simple que le personnage principal campé par Leslie Nielsen dans le film n’est rien d’autre qu’un violoniste classique. Après le mouvement de concerto pour violon classique que Bill Conti a écrit pour la séquence d’ouverture du film, le reste du score s’inspire de ce répertoire classique que le musicien imitera tout au long de son score, délaissant par moment l’approche hollywoodienne traditionnelle pour un style résolument symphonique au classicisme étonnant. Le résultat à l’écran est assez épatant, la musique de Bill Conti étant très présente à l’écran tout en restant relativement libre sur les images. Dans le livret de l’album publié par Intrada Records, Bill Conti explique qu’il souhaitait ainsi aborder le registre de la parodie et du pastiche en évoquant ainsi un style classique relié aux grandes heures passées du Golden Age hollywoodien, et plus particulièrement des grands élans symphoniques romantiques de Max Steiner, Franz Waxman ou Hugo Friedhofer – un style orchestral rétro déjà établi par Elmer Bernstein dans des films parodiques hollywoodiens des années 80 tels que « Airplane », et qui sera suivi des travaux d’Ira Newborn sur « The Naked Gun » ou de Maurice Jarre dans « Top Secret ! ». Exit donc le pastiche des musiques d’action hollywoodiennes sérieuses que l’on trouve bien trop souvent dans ce type de film parodique (cf. « Hot Shots ! » de Sylvester Levay par exemple), place à une partition ample, majestueuse et élégante, aux thèmes riches et élaborés, servis par des orchestrations solides et soignées. Dès les premières notes de la musique, « Lord of the Violin » impose clairement le ton exubérant, passionné (et aussi redoutablement fantaisiste) de la partition de Bill Conti avec un mouvement de concerto pour violon qui évoque clairement les grandes pages du classique (on pense à Mendelssohn ou Tchaïkovski ici) et qui rappelle aussi les grandes heures de Miklos Rozsa - on pense par exemple au concerto de « The Private Life of Sherlock Holmes » (1970) - concerto écrit par Conti lui-même et qui accompagne la scène introductive du concert brillamment interprétée par un Leslie Nielsen totalement déjanté : cf. la partie de guitare électrique « trash » qui joue l’hymne américain, et qui jure complètement avec l’orchestre à la fin du morceau, un pur moment de folie musicale ! Les premières notes de « Lord of the Violin » introduisent déjà le ton plus sombre et massif du score avec un ensemble de cuivres, cordes et percussions pour la partie ‘action’ du récit, lors du générique de début.

Conti dévoile déjà brièvement un premier thème dans cette introduction, thème qu’il reprend ensuite dans « Afternoon Affair », un bref Love Theme aux notes mélancoliques, rêveuses et passionnées, interprétées par un cor anglais, un clavecin et quelques cordes, et dont les contours mélodiques ne sont pas sans rappeler, curieusement, la musique espagnole de Joaquin Rodrigo et de son fameux mouvement central du « Concerto d’Aranjuez ». C’est aussi l’occasion pour Bill Conti de renouer ici avec le style des grandes mélodies romantiques de l’âge d’or hollywoodien. Dans « Murder ! », la pièce classique du début cède rapidement la place à un premier bref morceau d’action pour la scène du meurtre (loufoque) au début du film. C’est l’occasion pour Conti de reprendre les orchestrations musclées du générique de début avec son lot de caisse claire martiale, de cuivres et de cordes vigoureuses typiques du compositeur – avec toujours ce classicisme d’écriture élégant et cette prédominance des parties mélodiques aux instruments. L’action cohabite avec le suspense dans « Imposter », que n’aurait certainement pas renié Bernard Herrmann. Dans « Wrongfully Accused », Ryan est accusé du meurtre et arrêté, tandis que Fergus (alias Richard Crenna) fait son entrée fracassante avec un nouveau thème, martial et cuivré, sur fond de cuivres amples et caisse claire – un thème martial qui n’est pas sans rappeler Korngold voire John Williams. L’action domine alors dans « Over the Edge » et « Manhunt » pour la scène où Ryan réussit à s’échapper – parodiant une séquence similaire dans « The Fugitive ». Bill Conti poursuit ses développements thématiques dans l’excellent « Manhunt » et « More Manhunt », véritables courses poursuite musicales qui alternent entre le thème martial/guerrier de Fergus et les accents plus staccatos des instruments (pizzicati des violons, bois sautillants) pour rappeler que tout ceci n’est rien d’autre qu’une gigantesque farce. On notera, comme souvent, l’écriture éminemment classique du compositeur dans « Searching for Clues », évoquant l’enquête de Fergus et ses collègues policiers, traquant Ryan Harrison sans relâche : l’écriture des cordes n’est pas sans rappeler par moment le style des passages fugués quasi baroque que l’on entend parfois chez Bill Conti (on pense à la fugue finale de « Rocky » par exemple). Conti s’essaie même au romantisme hollywoodien suave et raffiné dans « It Was the Bartender » qui rappelle parfois Rozsa.

Le thème martial de Fergus revient dans « More Manhunt », sans oublier la poursuite des égouts dans « Sewer Chase » (morceau d’action non dénué de touches d’humour). Dans « Peek-A-Boo Baby », Conti cite la musique du film « Casablanca » (1942) de Max Steiner, et recrée l’ambiance du morceau « As Time Goes By » pour une scène entre Ryan et Cass (Melinda McGraw) : ici aussi, place à un romantisme suave et raffiné hérité clairement du Golden Age hollywoodien des années 30/40 – on pense aussi à la partition de « Rebecca » (1940) de Franz Waxman. Le thème martial et entêtant de Fergus Falls revient ensuite en grande pompe dans « Even More Manhunt » pour une nouvelle scène de chasse à l’homme, sans oublier les accents martiaux/action de « The Big Jump » avec ses rythmes syncopés complexes, ou la reprise du thème de Fergus dans « The Big Stink », autre morceau d’action-clé du score de « Wrongfully Accused ». Dans « Ryan Harrison M.D. », Conti dévoile une marche majestueuse et robuste pour Ryan Harrison, alors que ce dernier s’est déguisé en médecin à l’hôpital et assume pleinement son rôle, malgré une série de catastrophes qu’il va entraîner parmi ses patients. L’action reprend le dessus dans l’énergique « Hospital Confrontation » avec ses rythmes entêtants de caisse claire militaire, sans oublier « Hanging Around », qui pastiche une scène célèbre du « Mission : Impossible » de Brian DePalma (1996), alors que l’on voyait Tom Cruise suspendu à un câble au dessus d’une salle remplie de capteurs ultra sensibles. C’est l’occasion pour Bill Conti de parodier brièvement ici la musique de Danny Elfman pour le film de DePalma, ainsi que la musique de Lalo Schifrin, notamment dans l’emploi d’un xylophone évoquant le son d’un compte à rebours. Le morceau se conclut d’ailleurs de façon ironique sur une brève citation à la Neuvième Symphonie de Beethoven. Poursuivant sur son jeu de citation, Conti imite dans « Airplane Attack » un style qui rappelle parfois la musique de « North by Northwest » (1959) de Bernard Herrmann pour la séquence parodiant la célèbre attaque de l’avion dans le film d’Hitchcock. L’action culmine dans le frénétique et excitant climax d’action de « He’s Got A Leg ! », dominé par des cuivres guerriers et des percussions martiales, morceau dans lequel Bill Conti cite James Horner, imitant ainsi la musique de la scène de l’attaque de la voiture au bazooka de « Clear and Present Danger » (1994). Conti parvient d’ailleurs à éviter les citations mélodiques faciles et préfère opter pour une recréation originale du style des musiques auxquelles il fait (parfois subtilement) référence dans « Wrongfully Accused », ne perdant jamais de vue ses propres développements thématiques (cf. le thème martial développé durant les 4 minutes de l’excellente bataille finale de « He’s Got A Leg ! »). « The Big Finish » conclut alors l’aventure en beauté, avec une brève citation à « La Marseillaise » reprise du final de « Casablanca » de Max Steiner, que Conti parodie ici judicieusement, tandis que son superbe Love Theme passionné revient une dernière fois à travers une envolée romantique des cordes, sans oublier le retour du concerto pour violon introductif, lors de la séquence parodiant une scène de « Titanic » (1997). Le film se conclut d’ailleurs sur cette touche de romantisme rétro typique de l’âge d’or hollywoodien des années 40.

Pour Bill Conti, « Wrongfully Accused » marque donc l’occasion rêvée de faire référence à un style symphonique classique hérité des grandes heures du Golden Age hollywoodien et des grands maîtres romantiques du 19ème siècle. Impressionnante et maîtrisée de bout en bout, la partition de Bill Conti apporte non seulement un humour mais aussi une force et une énergie exubérante au film de Pat Proft – elle s’avère même être extrêmement élégante, riche et passionnée pour un film parodique aussi loufoque et déjanté. Le compositeur signe donc avec « Wrongfully Accused » l’un de ses meilleurs travaux de sa filmographie années 90, et nous rappelle à quel point il était à l’époque l’un des piliers de la musique de film hollywoodienne, un compositeur dont la quasi absence des grands écrans se fait aujourd’hui cruellement ressentir. Sa partition exemplaire pour « Wrongfully Accused » est une grande réussite et un pur régal pour tous les fans de musique de film et les amateurs de Golden Age hollywoodien et de musique classique : avec son écriture relativement souple vis-à-vis des images du film, la partition s’écoute aussi agréablement sur l’album d’Intrada, avec une approche quasi opératique qui rappelle là aussi la manière dont on concevait les musiques au cinéma dans les années 30/40. Sans être pour autant passéiste, Bill Conti n’oublie pas pour autant son propre style musical – notamment à travers de solides morceaux d’action aux rythmes martiaux et musclés - et signe ainsi un score parfaitement cohérent et personnel, malgré ses clins d’oeil musicaux et autres références astucieuses. Une grande réussite donc, et un score incontournable de Bill Conti, à redécouvrir grâce à l’album d’Intrada !



---Quentin Billard