1-The Widow 3.27
2-Ondine's Curse 5.07
3-Investigation 2.32
4-No Evidence 4.49
5-Chasing After Phantoms 3.55
6-Hawaii 5.09
7-No Air 6.22
8-Seduction 6.32
9-She's Deadly 8.00
10-The Truth 4.07
11-Knowing When To Stop 6.34

Musique  composée par:

Michael Small

Editeur:

Intrada Special Collection Vol. 29

Album produit par:
Nick Redman, Douglass Fake
Producteur exécutif de l'album:
Roger Feigelson
Direction de la musique pour
20th Century Fox:
Tom Cavanaugh

American Federation of Musicians
Edition limitée à 1200 exemplaires

This disc is dedicated to Michael Small
(1939-2003), whose mordant music
for dark, political thrillers helped
define the sound of 1970's cinema.

Artwork and pictures (c) 1987/2006 Twentieth Century Fox Film Corporation. All rights reserved.

Note: ***1/2
BLACK WIDOW
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Michael Small
« Black Widow » (La Veuve Noire) est le second long-métrage réalisé par Bob Rafelson dans les années 80, après le célèbre et sulfureux « The Postman Always Rings Twice » (1981), connu pour sa fameuse séquence érotique centrale assez troublante entre Jack Nicholson et Jessica Lange. Le réalisateur n’en était pas à son premier coup d’essai puisque son premier film, la comédie psychédélique « Head », date de 1968. Avec « Black Widow », Bob Rafelson nous offre un polar intrigant mélangeant suspense psychologique, tension érotique et femme fatale. L’histoire se centre autour de deux femmes : Catherine (Theresa Russell), une mangeuse d’hommes dont le véritable nom n’est jamais dévoilé, qui multiplie les identités et dont ses maris finissent par mourir mystérieusement. L’autre femme est Alexandra Barnes (Debra Winger), agent fédéral du Département de la Justice qui enquête sur cette série de morts suspectes. Tout commence avec le décès de Sam Petersen, un riche industriel new-yorkais qui meurt brutalement d’un arrêt cardiaque. Quelques semaines après, c’est au tour d’un riche fabricant de jouet de mourir dans des conditions similaires. Enfin, le responsable d’un grand musée décède lui aussi quelques mois après. Point commun : ces trois hommes ont légué une grosse somme d’argent à leurs épouses respectives. Au cours de son enquête, Alexandra Barnes découvre que toutes ces morts sont reliées entre elles par une seule et même personne : l’épouse qui, à chaque fois, était en réalité la même personne, cachée sous différentes identités. Bien décidée à retrouver cette femme et à l’arrêter, Alexandra part pour Hawaï afin de rentrer en contact avec Catherine, dont la prochaine victime n’est autre que Paul Nuytten (Sami Frey), un riche hôtelier international et célèbre anthropologue. Débute alors un jeu de manipulation pervers et sensuel entre Alexandra et la redoutable Catherine. « Black Widow » est un thriller typique de Bob Rafelson : on retrouve par moment l’atmosphère noire et la tension érotique de « The Postman Always Rings Twice », mais sans grand éclat, car cette fois-ci, le réalisateur déçoit et nous livre une série-B à suspense dont la platitude de la mise en scène, la maigreur des dialogues, le montage douteux et les ellipses grossières (et trop nombreuses) échouent à faire de « Black Widow » un nouveau modèle du genre. Pire encore, on a parfois l’impression de regarder un téléfilm du mercredi soir, tant la réalisation ne contient aucun souffle, aucun brio, aucune passion particulière. Dommage, car l’intrigue est bien ficelée (avec un rebondissement final bien trouvé) et l’interprétation assez remarquable : le duo Theresa Russell/Debra Winger fonctionne parfaitement à l’écran, l’une en mante religieuse/femme fatale dont la beauté envoûtante cache une terrible manipulatrice, l’autre en enquêtrice acharnée et obsessive au regard profond. La tension érotique qui naît entre les deux femmes – à la limite de l’homosexualité – transparaît clairement entre deux baisers furtifs échangés dans le film, l’un sur la plage, l’autre lors du mariage vers la fin du film, un dernier baiser symbolique, symbolisant une mort annoncée (à noter quelques seconds rôles intéressants, dont Terry O’Quinn, le français Sami Frey et Dennis Hopper, qui n’apparaît curieusement qu’à peine cinq minutes dans le film !). Hélas, toutes ces bonnes idées sont gâchées par une réalisation impersonnelle et vide, faisant de « Black Widow » un thriller décevant, qui ne parvient pas à concrétiser pleinement tout son potentiel !

Le film marque les retrouvailles entre Bob Rafelson et le compositeur Michael Small, qui avait déjà écrit en 1981 la musique de « The Postman Always Rings Twice ». Small est plus connu en tant que collaborateur régulier sur les films d’Alan J. Pakula (« Klute », « The Parallax View », « Comes A Horseman », etc.). Le compositeur est aussi un spécialiste de l’action et du suspense, genre dans lequel il s’est particulièrement immergé dans des partitions telles que « Marathon Man » (1976), « Klute » (1971), « The Driver » (1978) ou bien encore « The Star Chamber » (1983). C’est donc sans surprise que Michael Small signa la musique de « Black Widow », pour lequel il livre une composition orchestrale sombre et envoûtante, à l’image du personnage diabolique de Theresa Russell dans le film. Small utilise un orchestre dans lequel dominent les cordes : 22 violons, 10 altos, 10 violoncelles et quatre contrebasses, avec une section de bois, 4 cors, un vibraphone, une harpe, des percussions et quelques parties synthétiques (à noter que le compositeur a choisi de ne pas utiliser les trombones et les trompettes dans son orchestre !). Dès les premières minutes du générique de début, « The Widow » introduit le ton sombre de la partition à l’aide d’effets d’échoplex de ‘col legno’ de cordes, un effet instrumental emprunté au « Alien » de Jerry Goldsmith (1979), un compositeur qui semble d’ailleurs avoir largement servi de modèle à Michael Small sur « Black Widow » - rappelons qu’en 1987, Jerry Goldsmith était devenue une référence incontournable dans le domaine des musiques de thriller/action. Small explique dans une note du livret de l’album publié par Intrada que cet effet d’échoplex a été enregistré en mélangeant de façon insolite trois techniques différentes de jeu sur les cordes : pizzicato (technique habituelle de pincement des cordes), col legno (on frappe les cordes avec le bois de l’archet) et pizzicato claqué (on soulève la corde avec le doigt pour la faire claquer sur l’instrument). Ces trois techniques combinés, mélangés à l’effet d’écho, crée un son particulier dans la musique et indissociable du film. Après ces effets mystérieux et inquiétants d’échoplex de cordes au début de « The Widow », la musique devient plus envoûtante, lyrique et sensuelle à travers l’utilisation de cordes plus mélancoliques et suaves, alors que l’on aperçoit une Catherine en pleurs au début du film, peu de temps après le décès de son mari, riche homme d’affaire new-yorkais. Le jeu sensuel et raffiné des cordes et les quelques notes synthétiques glissées entre deux parties de cordes et de violoncelle soliste traduisent clairement la partie plus noire et inquiétante de Catherine. Cette orientation musicale ambiguë revient clairement dans « Ondine’s Curse », évoquant l’enquête menée par Alexandra Barnes. Small développe ici un motif sombre de cordes et de bois, alors que les orchestrations s’épaississent soudainement, s’orientant ainsi davantage vers une véritable atmosphère de suspense psychologique typique du film de Bob Rafelson. On retrouve d’ailleurs ici aussi les effets d’échoplex percussifs de « The Widow », traduisant le danger que représente la sinistre Catherine. Michael Small introduit ici aussi quelques éléments électroniques typiques des années 80, des éléments qui restent néanmoins discrets et qui ne prennent jamais vraiment le pas sur l’orchestre, mais qui renforcent efficacement la tension à l’écran.

La musique véhicule d’ailleurs quasiment à elle seule toute l’atmosphère sensuelle et inquiétante de « Black Widow », d’autant qu’elle reste très présente et bien utilisée par le réalisateur à l’écran. L’écriture des cordes devient plus torturée et complexe vers la fin de « Ondine’s Curse », avec ce contrepoint des synthétiseurs, des bois (clarinette, flûte, hautbois), de la harpe et des cordes, et toujours ces fameux martèlement de cordes en échoplex, secs et menaçants, aiguisés comme des lames de rasoir. De par son atmosphère sombre, parfois lyrique et sensuelle, la musique de « Black Widow » parvient difficilement à cacher ses influences, qu’il s’agisse de Jerry Goldsmith ou de Bernard Herrmann, les deux modèles musicaux de Michael Small sur la musique du film de Bob Rafelson – qui a d’ailleurs cherché à reproduire l’atmosphère des films à suspense d’Alfred Hitchcock sur « Back Widow », ce qui explique les références à Bernard Herrmann dans la musique de Michael Small. Ces modèles se confirment dans « Investigation » et « No Evidence », qui traduisent la détermination obsessionnelle d’Alexandra Barnes à retrouver Catherine. On retrouve dans « Investigation » le motif ascendant de synthétiseur de « Ondine’s Curse », associé dans le film au personnage de Debra Winger. On notera ensuite l’apport remarquable des cordes et le retour du thème principal (doublé par des synthétiseurs à partir de 0:47 dans « No Evidence »), associé à Catherine dans le film, symbolisant le mystère et l’obsession par le biais de notes répétées sur fond de notes furtives et lyriques de violoncelle soliste. L’idée de la manipulation et de l’obsession revient dans « Chasing After Phantoms », où les bois, les synthétiseurs et les cordes alternent les notes furtives - et parfois curieusement staccatos - avec un mystère et une tension de plus en plus palpable, qui ne cesse d’aller crescendo tout au long du film. Le thème principal revient dans « Hawaii » et représente clairement le jeu de manipulation sensuel et ambigu entre Alexandra et Catherine, avec ses cordes sombres et passionnées, et son atmosphère dense et inquiétante, où les différents motifs s’entrecroisent de façon entêtante – on retrouve clairement ici l’atmosphère des musiques de thriller paranoïaque composées par Michael Small dans les années 70.

La séquence de l’incident lors de la plongée sous-marine permet au compositeur de nous offrir un solide passage à suspense complexe et intense. « No Air » développe ainsi, pendant plus de 6 minutes, une ambiance noire et inquiétante à base de cordes latentes, nappes synthétiques et notes staccatos de contrebasses. La musique, jusqu’ici plutôt retenue, devient plus massive à l’occasion de quelques brefs sursauts orchestraux lors de la scène de l’incident. On appréciera à 3:33 l’écriture aigue et contrapuntique des cordes clairement héritées du « Psycho » de Bernard Herrmann (on pense aussi à un passage du « The Thing » d’Ennio Morriconne), et qui renforce la tension psychologique (et quasi érotique) entre les deux femmes à l’écran. « No Air » se conclut d’ailleurs de façon dissonante et agressive avec une série de clusters avant-gardistes des cordes, à la manière des grandes pages de la musique contemporaine des années 50/60, un autre passage agressif et noir des cordes que n’aurait pas renié un Herrmann en mode Hitchcock. Dans « Seduction », Michael Small élabore une atmosphère sensuelle et établit le son de la séduction avec un mélange ambiguë de cordes romantiques et passionnées, et de pizzicati brefs et rapides des contrebasses, qui contrastent avec les notes longues des violons et des altos. On retrouve ici l’atmosphère contemplative et mélancolique de la dernière partie de « The Widow », associée à Catherine, atmosphère qui trouve écho dans l’intense et psychologique « She’s Deadly », et dans le climax de tension des oppressants « The Truth » et « Knowing When To Stop », entendu pour la révélation finale du film. A noter le retour du thème principal vers le milieu de « Knowing When To Stop », ainsi que du motif de cordes de Catherine et des effets d’échoplex, un récapitulatif thématique et conclusif qui nous fait clairement comprendre que tout est enfin terminé. Michael Small signe donc une partition ténébreuse, sensuelle et mystérieuse pour « Black Widow », une partition prenante et dense, qui élabore une atmosphère de tension psychologique assez saisissante à l’écran. Certes, l’ensemble reste quelque peu prévisible et soumis à des influences évidentes (Herrmann, Goldsmith), mais parfaitement cohérent et maîtrisé de bout en bout, bien qu’un brin répétitif et monotone par moment. Voilà en tout cas une excellente partition thriller de Michael Small à redécouvrir grâce à l’excellente édition CD d’Intrada !



---Quentin Billard