1-The Informant 5.05
2-Meet Mark 2.16
3-Car Meeting 1.40
4-The Raid 2.50
5-Multi-Tasking 2.28
6-Polygraph 1.43
7-Boxes 2.25
8-After Car 2.15
9-Trust Me
(Instrumental Version) 3.57
10-Sellout 2.46
11-Triplets 1.13
12-Golf 1.21
13-Trust Me 3.36*
14-The Informant (Solo Piano) 2.42

*Interprété par Steve Tyrell
Composé par Marvin Hamlisch
Paroles de Alan et Marilyn Bergman
Produit par Steve Tyrell
Co-produit par Jon Allen
Arrangé par Jon Kubis

Musique  composée par:

Marvin Hamlisch

Editeur:

Silva Screen SILCD1298

Monteur musique:
Missy Cohen, MPSE
Direction de la musique pour
Warner Bros. Pictures:
Doug Frank
Direction de la musique pour
New Line Records:
Jason Linn
Album business affairs:
Keith Zajic, Lisa Margolis
Administration de la musique pour
Warner Bros Pictures:
Debi Streeter

Artwork and pictures (c) 2009 Warner Bros. Entertainment. All rights reserved.

Note: ***1/2
THE INFORMANT!
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Marvin Hamlisch
C’est pendant le tournage de « Ocean’s Eleven » que Steven Soderbergh exprima le souhait de porter à l’écran le roman « The Informant ! » du journaliste américain Kurt Eichenwald publié en 2000. Le film est une sorte de comédie dramatique inspirée de faits réels rapportés par l’auteur original dans le roman « The Informant ! ». Matt Damon interprète ici le rôle de Mark Whitacre, jeune cadre ambitieux qui travaille pour une grande société agroalimentaire, Archer Daniels Midland (ADM) dans les années 90. C’est au cours du mois de novembre 1992 que Whitacre décide de contacter le FBI pour révéler à l’agent Brian Shepard (Scott Bakula) que les dirigeants de ADM sont régulièrement en contact avec de nombreux concurrents pour tenter de fixer de manière illégale les prix de la lysine, un additif utilisé dans les produits alimentaires industriels. Mais pour pouvoir profiter pleinement de ces informations, le FBI a besoin de preuves concrètes afin d’arrêter les dirigeants d’ADM et de mettre fin à leurs manoeuvres illicites. C’est pourquoi Mark Whitacre devient un informateur pour le compte du FBI et doit régulièrement porter un micro, être constamment sur écoute téléphonique et poser des caméras miniatures dans les bureaux où il se rend pour ses réunions d’affaire. Le problème, c’est que Whitacre lui-même a participé aux magouilles de son entreprise, et a reçu plusieurs financements illicites qui risquent fort de compromettre son témoignage et le travail du FBI. Dès lors, l’agent Brian Shepard et ses collègues ne savent plus s’ils peuvent réellement faire confiance à cet homme étrange à l’imagination débordante, qui semble ne jamais réellement dire la vérité. « The Informant ! » vaut donc pour la qualité de son scénario (un brin complexe) et l’interprétation remarquable de Matt Damon, qui a dû prendre une dizaine de kilos pour interpréter le rôle de Mark Whitacre. Le film est entièrement porté par les monologues off de Matt Damon, qui commente quasiment chaque scène du film à la manière d’un roman, l’un des principaux atouts du film de Soderbergh – et pour certains, son plus grand défaut – tandis que le scénario évolue sur un rythme plutôt lent et posé. « The Informant ! » reste avant tout un film d’acteur, un brin bavard, avec un protagoniste principal absolument remarquable, une sorte d’affabulateur qui ment comme il respire, et qui va créer une situation extrêmement complexe et labyrinthique à force d’accumuler les mensonges. Steven Soderbergh traite son sujet avec sérieux (Mark Whitacre souffre quand même d'un grave désordre bipolaire) mais apporte un véritable humour noir dans les répliques parfois décalées de la voix-off ou l’utilisation loufoque de la musique joyeuse et exubérante de Marvin Hamlisch, une vraie comédie à l’ancienne pleine d’ironie et de dérision, et un personnage principal remarquable, la plus improbable des « taupes » perdue dans les méandres d’une conspiration industrielle aux multiples ramifications.

Marvin Hamlisch est surtout connu pour ses nombreuses musiques de comédie des années 70 et sa collaboration à certains films de Woody Allen – « Take the Money and Run » (1969) - Parmi ses principaux titres de gloire, on pourra citer ses musiques pour « The Sting » (1973), « The Way We Were » (1974), un James Bond « The Spy Who Loved Me » (1977) ou bien encore « Ordinary People » (1980), « Sophie’s Choice » (1982) ou « DARYL » (1985). C’est en s’intéressant aux musiques de certaines comédies ‘seventies’ de Woody Allen que Steven Soderbergh eut l’idée d’employer Marvin Hamlisch sur « The Informant ! », pour lequel le compositeur – injustement tombé dans l’oubli ces deux dernières décennies et qui n'avait plus rien composé depuis 1996 – nous livre une partition redoutablement kitsch et résolument jazzy, à la manière de ses musiques de comédie des années 60/70. Elément intéressant ici : la musique joue radicalement la carte de l’humour et de l’exubérance naïve et insouciante alors que le film s’avère être relativement sérieux dans son propos. La musique d’Hamlisch crée donc un décalage intéressant par rapport aux images, et plutôt rare de nos jours dans un film américain de ce genre. A vrai dire, tout l’aspect comédie du film de Soderbergh est quasiment entièrement véhiculé par la musique, qui possède donc un rôle majeur à l’écran. Marvin Hamlisch fait appel aux musiciens du Hollywood Studio Symphony en réunissant un ensemble instrumental incluant guitares acoustiques/électriques/banjo, guitare basse, saxophones, basson, clarinette, clarinette basse, hautbois, flûte, piccolo, harmonica, batterie, vibraphone, harpe, piano, synthétiseur, orgue hammond, 3 trompettes, 3 cors, 2 trombones, 2 violons, 3 violoncelles et même un sifflement pour les besoins de la partition. Dès les premières minutes du film, Hamlisch débute en introduisant un motif plutôt sombre de piano et basson dans « The Informant ». Le caractère mélancolique du basson contraste d’ailleurs radicalement avec ce qui va suivre, car, quelques minutes après, le piano entame une mélodie jazzy rétro à la manière des musiques de polar des années 50/60, avec trompette et harmonica. La musique devient alors plus légère et rafraîchissante, arborant un style jazz frais et décomplexé qui semble surgir de la musique d’une comédie écrite 40 ans auparavant. Dans une note du livret de l’album, Steven Soderbergh avoue d’ailleurs avoir eu l’idée d’engager Marvin Hamlisch sur « The Informant ! » après avoir vu « Bananas » de Woody Allen et apprécié la musique joyeuse et rafraîchissante du compositeur, qui correspondait tout à fait à ce qu’il recherchait sur son film. Pour Marvin Hamlisch, le long-métrage de Soderbergh représente l’occasion rare de renouer avec un univers musical rétro qu’il connaît bien, abordé ici avec un amour sincère et un humour rafraîchissant. L’orientation kitsch et parodique de la musique prend véritablement tout son sens avec « Meet Mark », thème jazzy joyeux et sautillant confié à un piccolo insouciant à la manière d’un ragtime à l‘ancienne façon Scott Joplin. Ce thème de ragtime gentiment insouciant est associé dans le film au personnage de Matt Damon et apporte au personnage un côté sympathique et décalé, qui correspond d’ailleurs parfaitement aux réflexions pseudo-philosophiques et parfois décalées de la voix-off du film.

Rarement aura-t-on pris autant de plaisir à écouter une musique de comédie américaine qui, pour une fois, évite le côté orchestral habituel pour une approche jazzy/lounge parodique pleine d’humour et de malice. Impossible par exemple de ne pas sourire devant l’easy-listening/jazzy/lounge ‘sixties’ incroyablement kitsch de « The Raid », ponctué par son piccolo sautillant, sa batterie et ses deux notes répétés de kazoo, censé accompagner l’intervention du FBI lorsque les agents décident d’interpeller les responsables d’ADM. Difficile d’imaginer une scène d’interpellation d’agents du FBI sur une musique aussi joyeuse et kitsch que « The Raid » (qui rappelle un peu les musiques de Neal Hefti dans les années 60), et pourtant, à l’écran, le décalage est remarquable et totalement assumé ! Dans « Car Meeting », Hamlisch va même jusqu’à parodier le style de sa musique pour « The Spy Who Loved Me » en renouant avec l’esthétique jazzy des musiques de film d’espionnage 70’s tendance 007, à grand renfort de guitare électrique, batterie et section de cuivres. Dans le film, ce motif d’espionnage est associé à Mark lorsque ce dernier devient une taupe pour le compte du FBI, un motif de guitare que l’on retrouvera d’ailleurs à plusieurs reprises dans le film. Dans « Multi-Tasking », Hamlisch développe le ton insouciant/easy-listening déjà amorcé dans « Meet Mark » et « The Raid », et son atmosphère musicale joyeuse et exubérante héritée des années 60, agrémenté de quelques notes d’orgue hammond, de flûte et de piano, et même d’allusions au thème d’espionnage à la James Bond. Dans « Polygraph », Mark doit passer au détecteur de mensonges pour prouver sa bonne foi aux agents du FBI : la scène est entièrement accompagné par un banjo, un harmonica, une batterie, une basse et deux violons dans un style emprunté à la musique country américaine traditionnelle. Ici aussi, humour et décalage garanti sur les images ! La musique de « The Informant ! » sait aussi se faire plus intime et douce, comme dans la reprise du thème jazzy introductif de « Car Meeting » dans « Boxes », avec son hautbois mélancolique sur fond d’harmonies élégantes des cordes et du piano. On retrouve le thème sombre de basson qui apporte enfin un peu de sérieux au film, rappelant les ennuis qui attendent Mark Whitacre lors du dénouement final, et l’accumulation invraisemblable de mensonges qui le conduiront à sa perte. Enfin, Marvin Hamlisch nous offre aussi une chanson originale écrite pour les besoins du film, « Trust Me », brillamment interprétée par le chanteur de jazz Steve Tyrell et écrite à la manière des chansons jazzy 70’s du compositeur.

Au final, si la partition de « The Informant ! » tient effectivement plus de l’exercice de style que de la musique de film, l’ensemble reste très réussi et brillamment exécuté sur les images, avec un goût sûr. La musique s’écoute aussi bien avec que sans le support visuel, l’album étant extrêmement agréable, diversifié et présentant plusieurs ambiances musicales typiques de l’atmosphère du film de Steven Soderbergh. Marvin Hamlisch nous rappelle avec « The Informant ! » une époque lointaine et révolue, pleine d’insouciance, d’humour et de légèreté, une musique jazzy fun et exubérante au charme rétro totalement irrésistible, héritée des années 60 – à condition de ne pas être allergique à ce type de musique très datée – apportant un humour radical au film de Soderbergh : une très belle surprise, en somme !



---Quentin Billard