Disc 1-1978 Soundtrack Album

1-Saint-Saëns: Aquarium
(Le Carnaval des Animaux) 2.05*
2-We Used to Do Things 0.49**
3-Enderlin 3.14***
4-Harvest 2.59
5-Threshing 2.05
6-Happiness 2.13
7-The Honeymoon 1.26
8-Swamp Dance 3.32+
9-The Return 2.31
10-The Chase 2.00
11-The Fire 7.48
12-Ashes & Dust 2.17
13-Days of Heaven 3.26

Cues Used in Picture

14-Main Theme (7m1 tk8) 1.02
15-The Farmer and the Girl
(Theme 18-Piano Version) 1.53
16-In the Field (Theme 5
Long Version, cf. Harvest) 2.59
17-Bad News (3M1 tk3) 2.35
18-Non-Stop Work
(2M1 2nd part) 0.36
19-Main Theme (2M1 1st part) 1.18
20-Bad News (4M3) 0.36
21-After Wedding (5M2 2nd part) 0.56
22-Empty House (5M3,
cf. The Honeymoon) 1.24
23-On the Road (1M2 for 5M4) 1.41
24-They Should Leave
(6M1, cf.Ashes & Dust) 2.16
25-On the Road (8M1 long version,
cf. Happiness) 2.13
26-Bill Returns
(8M2, cf. The Return) 2.30
27-The Locusts and Fire
(9M1, cf. The Fire) 7.29
28-The Farmer and the Girl
(11M3 2nd version) 2.26
29-His Death (5M2 1st part) 1.27
30-The Farmer and the Girl
(10M3, cf.Days of Heaven) 2.46

Disc 2-Extended Score Program

1-1M1 (Main Title) 2.00
2-1M2 (Train Ride) 1.44
3-1M3 (Main Theme) 1.47
4-Theme 18 (Love Theme,
long version) 1.22
5-2M1 1st part
(Main Theme, alternate take) 1.20
6-2M2 (Main Theme) 0.53
7-2M3 (Threshing, alternate mix) 2.05
8-3M1 (Bad News, longer version) 2.42
9-3M2 (Work Theme) 1.46
10-3M3 (Love Theme) 1.00
11-4M1 (Intro to Love Theme,
2 versions) 0.39
12-5M1 (Love Theme) 1.17
13-5M2 (Insect Noises
With Main Theme) 1.45
14-5M3 (The Honeymoon,
with piano) 1.26
15-6M1 (Intro to Love Theme/
Ashes to Dust) 2.42
16-6M2/7M2/7M3
(Suspense Theme/Main Theme,
2 versions/Suspense Theme) 2.27
17-8M1 long version (Happiness) 2.16
18-8M2 (The Return,
piano version) 2.33
19-Ghost Voices 2.33
20-9M1 (The Fire) 7.31
21-10M1 (Pursuit Theme) 1.26
22-10M2 (The Killing) 1.06
23-10M3 (Days of Heaven) 2.47
24-11M1 version 1 (The Chase) 2.01
25-11M1 version 2 (Love Theme) 2.06
26-11M2 (Main Theme) 1.03
27-11M3 version 2 (Main Theme) 2.36
28-11M3 version 1 (Love Theme) 2.29

Bonus Tracks

29-4M2 (Intro to Love Theme) 0.22
30-5M2 1st track (Insect Noises
With Main Theme, alternate) 1.51
31-5M2 2nd track
(Main Theme, 1st mix) 1.23
32-5M2 2nd track
(Main Theme, 2nd mix) 1.22
33-Theme 18 (Love Theme,
Short Version) 0.49

*Composé par Camille Saint-Saëns
Piano: Alfons et Aloys Kontarsky
Wiener Philharmoniker
dirigé par Karl Böhm
Produit par Wemer Mayer
**Interprété par Linda Manz
***Ecrit et interprété par
Leo Kottke
+Interprété par Doug Kershaw
Paroles et musique de
Doug Kershaw.

Musique  composée par:

Ennio Morricone

Editeur:

Film Score Monthly Vol.14 No.12

Producteur exécutif album:
Lukas Kendall
Producteur exécutif pour
Screen Archives Entertainment:
Craig Spaulding
Direction de la musique pour
Paramount Pictures:
Randy Spendlove
Coordination album:
Kim Seiniger
Coordinateurs musique:
Gabriella Belloni,
Enrico De Melis, Denny Bruce

Supervision production album 1978:
Ann Newhuis Schwartz
Assistance de production CD:
Jeff Eldridge, Frank K. DeWald,
Neil S.Bulk

Artwork and pictures (c) 1978 Paramount Pictures. All rights reserved.

Note: ****
DAYS OF HEAVEN
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Ennio Morricone
Cinq ans après « Badlands » (1973), son premier long-métrage pour le cinéma, Terrence Malick revint à la réalisation avec « Days of Heaven » (Les moissons du ciel), drame romantique sorti en 1978 mettant en scène Richard Gere, Brooke Adams et Sam Shepard, d’après un scénario du réalisateur lui-même. L’histoire se déroule dans l’Amérique de 1916. Bill (Richard Gere), modeste ouvrier dans une fonderie de Chicago, quitte la ville avec sa fiancée Abby (Brooke Adams) et sa jeune soeur Linda (Linda Manz), après avoir tué l’un de ses employeurs à la suite d’une bagarre. Ils décident alors de s’installer dans la région du Texas Panhandle où ils réussissent à décrocher un modeste emploi pour faire les moissons. Abby est alors remarquée par le riche fermier (Sam Shepard), qui tombe amoureux de la jeune femme. Voyant une opportunité de sortir de la misère, Bill pousse alors Abby à céder aux avances du fermier, en sachant que l’homme en question est atteint d’une maladie incurable et qu’il lui reste à peine un an à vivre selon les médecins. Peu de temps après avoir épousé le fermier, Abby finit alors par tomber réellement amoureuse de lui, ce qui contrarie radicalement les plans de Bill et provoquera jalousie, haine et trahison. Pour son second long-métrage, Terrence Malick décida de résumer dans « Days of Heaven » une bonne partie de son art en s’appliquant à raconter une histoire simple à partir d’images d’une beauté incroyable, tournée quasiment en lumière naturelle, pendant l’heure bleue – le moment dans la journée situé entre le jour et la nuit, où le ciel, grâce à la lumière du soleil couchant, se teinte d’un bleu pâle plus foncé que le bleu ciel du jour. Du coup, le tournage du film fut rendu extrêmement compliqué par le fait qu’il força l’équipe du film à ne tourner qu’à peine 20 minutes par jour pour pouvoir conserver cette lumière unique. « Days of Heaven » doit d’ailleurs beaucoup au travail du directeur de la photographie Néstor Almendros qui obtint sur ce film l’Oscar de la meilleure photographie en 1978. Malick souhaitait ainsi que les images racontent l’histoire en elle-même, plus que les personnages ou les dialogues. On retrouve aussi un tic habituel du réalisateur : l’utilisation d’une voix-off, qui semble tout savoir sur l’histoire et accompagne le récit de manière quasi littéraire, un truc qui était déjà présent dans « Badlands ».

Le film a été aussi acclamé pour son caractère poétique et métaphorique, évoquant l’idée du paradis perdu où se mêlent les passions dévorantes et les faiblesses de la nature humaine, à travers un triangle amoureux impossible qui débouchera sur une série de drames inexorables. Hélas, le film a connu bien des déboires, en partie dû au fait que Malick était quelqu’un de très distant sur le tournage, et qu’il fut si déçu par les rushes du film qu’il décida de changer radicalement sa manière de tourner et filma de nombreuses heures, suscitant l’agacement de Richard Gere qui déclara par la suite que le réalisateur ne savait pas diriger ses acteurs correctement et ne savait pas se décider clairement sur ce qu’il voulait. La tension fut telle que Gere envisagea même de quitter le tournage. Par la suite, la production prit un tel retard que le budget initial alloué par la Paramount sur le film fut allègrement dépassé, et pour Malick, le film fut une série de déceptions, à commencer par le casting (le réalisateur voulait John Travolta au départ mais il ne fut malheureusement pas disponible) et ses nombreuses difficultés à choisir son montage final qui le rendirent si indécis que le tournage de « Days of Heaven » s’éternisa dangereusement pour tout le monde. Au final, le film est une oeuvre poétique évidemment belle et visuellement très inspirée, mais malheureusement desservie par un scénario fade et une direction d’acteur quelconque – il paraît évident en regardant le film que Richard Gere semble peu à l’aise à l’écran. A trop vouloir tout miser sur la photographie, Malick a oublié de soigner son histoire, aboutissant à un résultat assez mitigé, très riche visuellement grâce à son atmosphère contemplative et son intrigue de déchéance humaine, mais fade et sans profondeur lorsqu’il s’agit du scénario ou du jeu des acteurs. Terrence Malick fut d’ailleurs si déçu de ne pas avoir pu concrétiser totalement tous ses desideratas sur « Days of Heaven » qu’il tournera complètement le dos à Hollywood pendant près de 20 ans avant de revenir enfin au cinéma en 1998 avec son plus grand chef-d’oeuvre à ce jour, « Thin Red Line ».

En plus de la photographie exceptionnelle de Néstor Almendros, « Days of Heaven » doit aussi beaucoup à la très belle partition d’Ennio Morricone, qui, sans être ce que le maestro italien a écrit de mieux pour sa période hollywoodienne, n’en demeure pas moins très réussie et aussi très riche et assez inspirée. Le film a été entièrement temp-tracké à l’origine à partir de musiques tirées de la BO du film « 1900 » d’Ennio Morricone, accompagné d’extraits du fameux « Aquarium » du « Carnaval des Animaux » de Camille Saint-Saëns. C’est ce qui explique certainement pourquoi Terrence Malick décida de faire appel à Morricone sur « Days of Heaven », qui composa l’intégralité de la musique du film en Italie. La partition de « Days of Heaven » repose sur trois thèmes principaux, le thème principal (« Harvest ») aux cordes, le thème du bonheur avec sa mélodie élégante de flûte et ses harmonies majeures (« On the Road ») et le superbe thème romantique (« The Farmer and the Girl », « Days of Heaven »), qui se caractérise par sa mélodie de piano/célesta aux allures de refrain populaire ancien. Le film débute au son de la célèbre pièce classique de Saint-Saëns et se poursuit avec le thème principal de Morricone (« Harvest »). Le maestro italien conçut d’emblée son thème comme une alternative à la pièce de Saint-Saëns, au cas où Malick aurait choisi de ne pas la retenir pour la version finale du film. C’est pourquoi le thème de « Harvest » possède quelques vagues similitudes harmoniques/mélodiques avec « Aquarium », notamment dans l’alternance des deux notes au début de la mélodie sur une mesure à 12/8 et de deux accords majeurs en tierce, alternance harmoniquement très particulière qui apporte une vraie personnalité au thème totalement indissociable de l’ambiance du film de Terrence Malick. Ce thème, empreint d’une certaine nostalgie rêveuse, évoque le lien humain et spirituel entre cette population de travailleurs modestes et la terre qu’ils cultivent pour le compte des propriétaires. On retrouve ici le lyrisme cher à Ennio Morricone, et que l’on entend régulièrement dans ses partitions italiennes, françaises et même américaines. Le second thème, « Happiness », se distingue par sa mélodie de flûte sur fond de cordes et de bois. Il s’agit encore une fois d’un thème lyrique et émouvant fidèle à la tradition Morriconienne : le thème accompagne la vie de mariage d’Abby et du fermier en évoquant les jours heureux du couple avec une insouciance touchante. Ici aussi, Morricone soigne sa mélodie et l’accompagne d’harmonies élégantes et raffinées, avec un classicisme intemporel typique du maestro italien. Enfin, le Love Theme de « Days of Heaven » illustre la romance entre le fermier et Abby avec sa mélodie simple et populaire aux notes circulaires, une magnifique mélodie du compositeur italien elle aussi indissociable du film de Malick.

Avec trois thèmes mémorables d’une beauté incontestable, Ennio Morricone élabore lentement mais sûrement sa partition tout au long du film, bien que le contenu original du score soit finalement assez différent du travail initial du compositeur : la musique a ainsi été entièrement reséquencée sur les images, certains morceaux ayant été éliminés du montage tandis que d’autres ont été simplement replacés sur d’autres scènes du film. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le label FSM de Lukas Kendall a décidé de présenter l’intégralité du travail d’Ennio Morricone sur un double album, le premier présentant l’enregistrement initial de 1978 incluant des morceaux non utilisés dans le film et quelques extraits de dialogues/sons tirés de la bande son, le tout suivi de la version film du score (pistes 14 à 30), tandis que la seconde galette inclut le score quasi complet avec le séquençage d’origine tel que le compositeur l’avait prévu à l’origine, incluant les « slate numbers » originaux (1m1, 2m2, etc.) qui permettent de suivre l’évolution originelle de la musique scène par scène. En plus des trois thèmes, la partition de « Days of Heaven » propose d’autres idées mélodiques toutes aussi brillantes, comme le thème sombre et dramatique de « Threshing », avec sa mélodie lente de cordes/flûte et ses accords martelés de manière mécanique au piano. Entendu brièvement dans le film, « Threshing » évoque les conditions de travail difficiles dans les champs, apportant un sentiment plus oppressant au film, sentiment qui culminera d’ailleurs lors d’une scène-clé : l’incendie du champ à la fin du récit. « The Fire » est de loin l’un des plus impressionnants morceaux de la partition de « Days of Heaven », et illustre toute l’intensité dramatique de la scène où tout bascule tragiquement. Pendant plus de 7 minutes, Morricone maintient la tension à travers l’utilisation atonale et dissonante des cordes, des ponctuations agressives de timbales, piano et cymbales, des cordes et des bois/cuivres aigus menaçants. « The Fire », qui rappelle parfois la pièce « The Desert » du score de « The Good, the Bad and the Ugly », est une énième démonstration du savoir-faire de Morricone dans le domaine des musiques avant-gardistes/atonales qu’il maîtrise à la perfection, bien que le morceau conserve malgré son caractère dissonant une approche résolument mélodique (Morricone demanda personnellement au réalisateur à ce que ce morceau ne change pas de place par rapport aux autres pièces de la partition). La partie plus dramatique et tragique du récit trouve écho dans « The Chase » avec son ostinato rythmique entêtant de claviers et cordes typique du compositeur, pour la poursuite avec les policiers à la fin du film Le morceau n’a malheureusement pas été retenu, mais il présente une variation intéressante et torturée du Love Theme au hautbois et aux synthétiseurs sur fond d’ostinato rythmique implacable et agressif – rappelant les musiques de thriller de Morricone pour le cinéma français, comme « Peur sur la ville » par exemple. Un morceau comme « Bad News » utilise quelques arpèges descendants de célesta/cordes qui renvoie ici aussi au fameux « Aquarium » de Saint-Saëns, mais avec des harmonies plus sombres et torturées typiques du compositeur. On appréciera aussi l’utilisation plus élégiaque des cordes dans « Bad News (4M3) » ou « Empty House (5M3) » et ses cordes torturées et dramatiques.

Ennio Morricone signe pour « Days of Heaven » l’une de ses plus belles partitions de sa période hollywoodienne, une partition mélodique, lyrique et dramatique indissociable de l’ambiance particulière du film de Terrence Malick et typique de ce que le maestro italien composa à la fin des années 70 et au début des années 80 à Hollywood – et ce bien avant ses classiques américains comme « The Mission » ou « The Untouchables ». Utilisée partiellement dans le film, la superbe partition d’Ennio Morricone mérite d’être entièrement redécouverte grâce à la somptueuse réédition complète en 2CD de FSM, qui présente tous les aspects du travail de Morricone sur le film, qu’il s’agisse des passages inédits ou de ceux utilisés dans le film, sans oublier la « source music » et la pièce classique de Saint-Saëns, elle aussi indissociable de l’univers musical de « Days of Heaven ». Sans être un chef-d’oeuvre absolu dans la carrière extrêmement vaste d’Ennio Morricone, la musique de « Days of Heaven » perdit en originalité ce qu’elle gagna en charme mélodique et en lyrisme, une partition émouvante et mémorable qui apporte une véritable émotion au film de Terrence Malick, et qui témoigne encore une fois du talent de l’un des plus grands maîtres de la musique de film, à redécouvrir d’urgence grâce à la réédition CD de FSM !



---Quentin Billard