Disc 1

1-Mon coeur bat trop fort...1.27*
2-Impressed 3.34**
3-Une audition, toi? 0.39*
4-Breathe 4.30***
5-Tu commences à me plaire 0.21*
6-Bach-Toccata en mi mineur,
Bwv914 8.28+
7-Banquet 3.08++
8-Again 0.28*
9-Liszt-Après une lecture
du Dante 1.36+
10-Monkey23 2.56+++
11-Mademoiselle! 0.59*
12-Dance Me 3.32#
13-Mon pognon/Sa fiancée 0.15*
14-Kleiner Dicker Junge 2.46##
15-Minskov? 0.31*
16-Brahms-2ème Rhapsodie 7.03+
17-Te Souviens-Tu ? 2.44###

Disc 2

1-De battre mon coeur s'est arrêté
(Suite pour cordes, piano,
percussions) 23.49

*Dialogues extraits du film
**Interprété par Sporto Kantes
(Benjamin Sportes/B.Sportes)
***Interprété par Télépopmusik
(Cluskey Mac/Dumont, Haeri)
+Piano interprété par Caroline Duris
++Interprété par Bloc Party
(Bloc Party)
+++Interprété par The Kills
(Jamie Hince/Alison Mosshart)
#Interprété par Télépopmusik
(Haeri/Dumont)
##Interprété par Electrocute
(feat Paul PM)
(Miriam Ender/Nicole Morier)
###Interprété par M.Kourtzer (inédit)
(M.Kourtzer).

Musique  composée par:

Alexandre Desplat

Editeur:

Why Not Productions/Naïve
ND 68527

Direction artistique et
production exécutive:
Mrs Love Stream et Fanny Lamothe

(c) 2005 Why Not Productions. All rights reserved.

Note: ***
DE BATTRE MON COEUR S'EST ARRÊTÉ
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Alexandre Desplat
Quatrième long-métrage du surdoué Jacques Audiard – en train de devenir le cinéaste français le plus passionnant de sa génération – « De battre mon coeur s’est arrêté » offre un rôle taillé sur mesure pour Romain Duris, dans un véritable conte moral sur fond de tension psychologique et de quête de la rédemption. Filmé de manière nerveuse et très rythmée caméra à l’épaule, Audiard nous propose un remake très personnel du film américain « Fingers » (Mélodie pour un tueur) de James Toback sorti en 1978, avec Harvey Keitel dans le rôle principal. L’histoire du film d’Audiard est à peu près similaire à celle de « Fingers » : on y suit les péripéties mouvementées de Thomas Seyr (Romain Duris), jeune homme de 28 ans qui travaille, comme son père Robert (Niels Arestrup) en tant qu’agent immobilier véreux à Paris. Il passe une bonne partie de ses journées à virer les squatteurs et n’a aucune pitié envers ceux qu’il expulse des immeubles qu’il doit vendre. Son univers violent et froid est largement entretenu par le chantage affectif et la perversité morale de son père. Un soir, Tom rencontre un certain monsieur Fox (Sandy Whitelaw), qui fut autrefois l’imprésario de sa mère, qui était une grande pianiste. Tom se souvint alors qu’il souhaitait devenir pianiste comme sa mère mais qu’il avait abandonné son projet à la suite du décès de cette dernière. Sa rencontre avec monsieur Fox ranime en lui l’espoir de devenir pianiste : l’imprésario lui propose alors de passer une audition. Tom saisit sa chance et s’entraîne sans relâche avec une jeune étudiante chinoise virtuose, Miao Lin (Linh Dan Pham). Hélas, il doit en attendant continuer son métier d’agent immobilier qui l’écoeure de plus en plus. « De battre mon coeur s’est arrêté » reste le grand vainqueur des Césars en 2006, avec 10 nominations et 8 récompenses (incluant le César du meilleur film et du meilleur réalisateur). Le film vaut autant par la mise en scène virtuose, nerveuse et immersive de Jacques Audiard que par l’interprétation ahurissante de Romain Duris, qui campe un personnage enfermé dans un monde violent et dénué de sentiment, mais qui cherche enfin à redonner un sens à sa vie à travers le piano : le film nous offre ainsi – sans aucune forme de complaisance morale – une magnifique leçon de vie, ou comment la musique peut nous amener à mieux appréhender l’existence et les sentiments humains. Le film (dont le titre est tiré des paroles de la chanson « La fille du Père Noël » de Jacques Dutronc et Jacques Lanzmann) est un modèle de mise en scène, que ce soit dans la multiplication des cadres et des plans très serrés, ou dans la direction d’acteur – en plus de Romain Duris, Niels Arestrup campe avec brio un père oppressant qui dévore psychologiquement son fils – même si l’on regrettera une certaine tendance un brin misogyne à reléguer les personnages féminins au second plan : même l’étudiante chinoise campée par Linh Dan Pham, qui a pourtant un rôle important, paraît en retrait tout au long du film, et que dire d’Emmanuelle Devos, d’Aure Atika ou même de Mélanie Laurent qui n’a droit ici qu’à une brève apparition purement anecdotique ? « De battre mon coeur s’est arrêté » reste un film absolument captivant de bout en bout, dur, poignant et parfois même oppressant, que l’on suit avec intérêt, un film fait avec goût et intelligence, et une belle leçon de cinéma : un film rare, surtout dans un cinéma français de plus en plus décevant !

La partition orchestrale d’Alexandre Desplat – récompensée elle aussi du César de la meilleure musique en 2006 – reste l’un des atouts du film de Jacques Audiard. Pour sa quatrième collaboration à un film du cinéaste, le compositeur français nous propose une partition plutôt sombre, froide et mystérieuse, évoquant la psychologie torturée de Thomas et son envie de changer radicalement d’existence et d’atteindre la rédemption par la musique. C’est pourquoi Desplat utilise une formation instrumentale restreinte tout au long du film, reposant essentiellement sur un ensemble à cordes avec piano et percussions. Pour Alexandre Desplat, le challenge était assez corsé sur le film de Jacques Audiard, car la musique devait se glisser de manière quasi subliminale entre la musique source et la Toccata de Jean-Sébastien Bach que Thomas répète au piano tout au long du film. Comme il est question de musique dans « De battre mon cœur s’est arrêté », la partition originale d’Alexandre Desplat ne devait surtout pas paraphraser l’image ni même illustrer ou renforcer la tension ou l’action, à contrario, le score se devait de suivre le personnage de Romain Duris et d’évoquer son monde intérieur afin de révéler au public son état d’esprit, sa psychologie et ses sentiments intérieurs cachés derrière son apparente agressivité. Audiard parle d’ailleurs lui-même de « musique psychologique » dans une note du livret du double album consacré à la bande originale du film : c’est une assez bonne définition de l’ambiance assez particulière du score de « De battre mon coeur s’est arrêté ». Du coup, l’essentiel du travail de Desplat est entièrement associé au point de vue de Thomas dans le film. Refusant toute forme de thématique ou de mélodie particulière, le score de Desplat se distingue ainsi par son approche résolument atmosphérique et assez libre sur les images. Le compositeur décrit lui-même le challenge musical du film de Jacques Audiard dans le livret du double CD :

« Comment la partition peut-elle faire apparaître l’invisible, dire l’indicible ? Quelle route de traverse va-t-elle emprunter afin d’éviter les pièges du pléonasme, de la redondance ? Créer un « ailleurs » musical. Ne jamais accompagner l’action, la déplacer. Le personnage de Tom, malgré l’étau des névroses, dans lequel il est pris, demeure d’une hyper sensibilité. Il est hanté par le personnage disparu de sa mère « artiste » et tente encore et toujours de fuir, tel un adolescent, la trivialité d’un père dominateur. C’est cette fuite, cette douleur suspendue que je voulais associer à la lumière qui vient soudain briller au lointain, créer un tremblement d’où une nouvelle vie pourra enfin émerger. »

Avec ces quelques mots, Alexandre Desplat résume l’essentiel de sa partition pour « De battre mon coeur s’est arrêté ». Cette idée de suspension latente, de lumière dans l’obscurité apparaît dès le début du film, alors qu’un premier motif est introduit rapidement dans les 20 premières minutes du film : il est dominé par ses notes ascendantes et obsédantes de violons aigus qui jouent très lentement en harmoniques sur fond de notes vaporeuses de piano. Ce thème central, purement atmosphérique, crée une sensation latente et assez inquiétante à l’écran, comme pour évoquer les tourments intérieurs et la psychologie houleuse du personnage de Romain Duris dans le film. La froideur des cordes apporte au film une ambiance très particulière. Ce thème de notes ascendantes sera d’ailleurs très présent tout au long du film, présenté sur la deuxième galette du double album de la BO du film sous la forme d’une longue suite orchestrale de 23 minutes – un choix un brin curieux, qui rend l’écoute assez laborieuse sur l’album. Desplat développe par la suite ce thème non mélodique en utilisant encore une fois le registre aigu des cordes, qui crée un sentiment de suspension étrange à l’écran. Les notes s’étirent longuement, la musique prend son temps pour tisser une toile sonore immersive où les mouvements de notes sont plus intériorisés dans un contrepoint judicieux, peu démonstratif mais très subtil. L’idée de Desplat était aussi de développer ce motif central associé à Thomas de manière quasi imperceptible tout au long du film. Le registre aigu des cordes domine une bonne partie du score durant les 30 premières minutes du film, puis, progressivement, les cordes descendent de plus en plus dans le grave de manière là aussi assez subtile et parfois très abstraite, au fur et à mesure que le récit avance. Aux cordes et au piano dont les notes résonnent parfois en écho (comme pour rappeler le côté intériorisé de la musique), Alexandre Desplat propose aussi un jeu plus intéressant de frottement d’archet subtil sur des crotales, qui créent une série de sonorités cristallines plus mystérieuses et étranges dans le film.

La musique sait aussi se faire parfois plus intime et quelque peu optimiste lorsqu’elle utilise brièvement quelques harmonies majeures plus délicates, bien que les instruments conservent malgré tout à l’écran cette sensation de suspension, d’hésitation, de latence inquiétante. La dernière partie de la suite orchestrale du score propose quelques notes de cordes plus rythmées, suggérant la fuite en avant de Thomas qui tente d’échapper à la perversion de son père. Le thème de cordes/piano/crotales revient vers la fin du film, tandis que l’orchestre devient plus sombre lors de la scène finale où Thomas agressive Minskov, suivant la logique de la descente instrumentale progressive dans le registre grave. Ce sont les passages aigus avec le motif principal qui rappellent quand à eux la psychologie torturée et la souffrance latente de Tom dans le film. Au final, Alexandre Desplat nous propose une partition de qualité pour « De battre mon coeur s’est arrêté », un score qui confirme la bonne tenue de la collaboration Audiard/Desplat, bien que le résultat final soit largement moins inspiré que ce qu’a fait le compositeur sur d’autres films du réalisateur : la musique reste ici résolument atmosphérique et extrêmement minimaliste et retenue. Si elle reste assez réussie et impressionnante à l’écran de par son ambiance psychologique particulière et son atmosphère obsédante, froide, sombre et parfois même plus optimiste, l’écoute isolée n’est guère aussi convaincante et la partition de Desplat survit bien difficilement hors des images, même si l’ensemble est présenté ici à la manière d’une suite orchestrale classique. Le fait même que la musique ne décolle véritablement jamais et retient difficilement notre attention trahit rapidement les limites du concept musical de Desplat sur « De battre mon coeur s’est arrêté ». Pour faire simple : le résultat est superbe à l’écran, mais l’écoute isolée paraît plus terne, plus fade. Mais au final, le score d’Alexandre Desplat reste quand même très réussi et nous donne envie d’en voir/entendre plus de la part du duo Audiard/Desplat, sans aucun doute l’une des plus passionnantes collaboration réalisateur/compositeur du cinéma français contemporain !



---Quentin Billard