1-Une famille heureuse 2.44
2-La séductrice de la jungle 3.10
3-Tentative nocturne 5.24
4-Le radeau 2.27
5-"La vergine degli angeli"
(La forza del destino) (Verdi) 4.41*
6-Du miel et du lait 3.15
7-A la poursuite du camion rouge 1.58
8-La chasse au tigre 3.15
9-Comment on casse un tigre 1.47
10-Le petit tigre et l'enfant 3.00
11-La poursuite infernale 1.23
12-Le tournant au destin 2.47
13-L'adulte et l'enfant 3.15
14-Dans l'arène 3.23
15-L'embuscade des incendiaires 1.50
16-Le bond à travers les flammes 3.01
17-Liberté chérie 3.10
18-La paix, enfin 2.57
19-Au revoir 6.59

*Composé par Verdi
Interprété par Ezio Pinza,
Padre Guardino, Rosa Ponselle
& Leonara
Plaisir d'amour (trad.)
Arrangement de Nick Cooper.

Musique  composée par:

Stephen Warbeck

Editeur:

Universal France 986 2124 32 DH

Supervision musique:
Becky Bentham & Nyree Pinder
Monteurs musique:
Dina Eaton & Peter Clarke
Orchestrations:
Stephen Warbeck,
Nick Ingman, Paul English

Orchestrations additionnelles:
Nick Cooper, Andrew Green
Assistant compositeur:
Andrew Green
Directeurs de la musique pour
Universal Pictures:
Kathy Nelson, Harry Garfield
Direction, Universal Classics Group:
Chris Roberts
Music business affairs
pour Universal Pictures:
Philip M.Cohen
Music business affairs
pour Universal Classics Group:
Sheryl Gold
Coordination album:
Jennifer Allan & Meredith Friedman

Artwork and pictures (c) 2004 Pathé-Renn Production. All rights reserved.

Note: ***1/2
DEUX FRÈRES
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Stephen Warbeck
Avec « Deux Frères », Jean-Jacques Annaud renoue avec l’univers du drame animalier qu’il avait déjà brillamment mis en scène dans le célèbre « Ours » en 1988. Le film se déroule en Indochine durant les années 1920, en pleine colonisation française, et suit les péripéties agitées de deux jeunes tigres, Koumal et Sangha, qui naissent dans les ruines d’un temple abandonné en pleine jungle indochinoise. Les jeunes tigres grandissent alors en toute sérénité avec leurs parents, jusqu’au jour où des pilleurs débarquent pour récupérer des statues asiatiques, pilleurs dirigés par le chasseur Aidan McRory (Guy Pearce). L’expédition tourne à la catastrophe pour les tigres : le mâle est abattu par le chasseur, tandis que la femelle est blessée à l’oreille par un tir. Quand à Koumal et Sangah, ils sont capturés puis vendus respectivement à un cirque et à un prince local. Un an plus tard, les tigres se retrouvent dans l’arène du cirque, où ils vont devoir s’affronter dans un combat sauvage et sanglant. Mais les deux frères se reconnaissent et réussissent finalement à s’échapper ensemble afin de retrouver la liberté et de rejoindre la jungle. « Deux Frères » est une très belle fable écologique sur l’importance de protéger les tigres et leur environnement naturel. Le film est entièrement tourné en caméra numérique qui offre un grain très particulier à l’image, et s’apparente à un mélange parfois un brin bancal entre documentaire animalier et film d’aventure exotique. Si les scènes de jungle et les séquences avec les deux tigres sont les atouts principaux du long-métrage de Jean-Jacques Annaud, « Deux Frères » nous offre aussi de magnifiques décors dépaysants et un scénario plus banal, avec un casting quelconque et des personnages plutôt décevants, car à part Guy Pearce qui reste crédible dans le rôle d’un chasseur en quête de rédemption, le reste du casting (Jean-Claude Dreyfus, Freddie Highmore, Philippine Leroy-Beaulieu) accumule les personnages caricaturaux et monolithiques de manière plutôt frustrante. En revanche, le film atteint des sommets d’émotion dans la manière dont il évoque les brutalités et les mauvais traitements commis contre les tigres. Annaud parvient même à apporter une vraie dimension romanesque à son récit en filmant les tigres comme on les a rarement vu au cinéma : difficile de ne rien ressentir face aux nombreuses injustices et mauvais traitements que vont subir les deux félins tout au long du film, faisant de « Deux Frères » un drame parfois assez bouleversant, brutal et réaliste – un peu comme le fut « L’Ours » à son époque – Du coup, les scènes avec les humains paraissent bien plus creuses et décevantes par rapport aux scènes avec les tigres. Mais au final, « Deux Frères » reste une jolie réussite, un solide drame animalier au message écologique évident servi par une histoire poignante et remarquable.

La partition de « Deux Frères » fut confiée au compositeur britannique Stephen Warbeck, révélé en 1998 suite à son Oscar pour la musique du film « Shakespeare in Love », et qui a signé depuis les musiques de « Billy Elliot », « Quills », « Charlotte Gray », « Un Balcon sur la mer » ou bien encore « Captain Corelli’s Mandolin » ou le récent « Polisse » La musique de « Deux Frères » s’impose d’emblée par son style symphonique très classique d’esprit, servie par l’interprétation soignée de l’orchestre londonien agrémenté d’une pléiade d’instruments solistes (la flûte, l’erhu, le sheng, le gong circle, la pipa, mais aussi le violoncelle, le saxophone, l’accordéon, le banjo, etc.) qui apportent à la musique une couleur ethnique remarquable sans jamais tomber dans la caricature. Le film offrit l’occasion à Stephen Warbeck de s’exprimer assez librement, étant donné qu’une bonne partie du film ne contient quasiment aucun dialogue (lors des scènes avec les tigres), permettant ainsi à sa partition de s’épanouir de manière généreuse à l’écran, soulignant l’aventure, le danger et l’émotion du film de Jean-Jacques Annaud. Le score de « Deux Frères » repose essentiellement sur une série de thèmes de qualité, à commencer par le thème familial des deux frères introduit dans « Une famille heureuse » lors de l’ouverture du film. Le thème est alors confié aux cordes et aux bois alors qu’on aperçoit les animaux et l’immense jungle de l’Indochine. Les instruments ethniques - xylophone, flûte ethnique – sont mis en place ici pour évoquer l’univers de la jungle et de l’Indochine, tandis que la mélodie principale est développée par la flûte et le violon avec une certaine tendresse et un enthousiasme dans la musique qui souligne ici les jours heureux de Koumal et Sangah. « la séductrice de la jungle » développe d’ailleurs les sonorités ethniques associées à la jungle avec tambours, flûte et même saxophone, le tout sur fond d’orchestrations riches et élaborées, typiques de Stephen Warbeck. La musique reste très riche, colorée, vivante et pleine d’idées. Le compositeur développe ici l’ambiance majestueuse de « une famille heureuse » avec ses cuivres amples, ses cordes généreuses et ses nombreux solistes pour cette séquence dans la jungle, avec ses traits instrumentaux quasi impressionnistes évoquant la beauté et la grandeur de la végétation luxuriante de la jungle indochinoise. On notera l’utilisation remarquable du sheng dans « Tentative nocturne », une sorte d’orgue à bouche traditionnel très utilisé dans la musique chinoise depuis l’antiquité et qui produit un son suave et particulier. Le sheng développe ici le très joli thème des deux frères avec une infime douceur qui doit beaucoup aux timbres raffinées de l’instrument. Très vite, l’orchestre rejoint l’instrument pour développer le thème partagé cette fois-ci entre la clarinette, les cordes et la flûte.

La dernière partie de « Tentative nocturne » annonce la tonalité plus sombre et dramatique du récit en mettant davantage l’accent sur des cordes agitées, des percussions et des cuivres imposants, alors que McRory et son équipe arrivent dans les ruines du temple et menacent la tranquillité des tigres. Le morceau se conclut sur un premier passage d’action massif et tonitruant qui dévoile le second thème de la partition, thème dramatique qui reviendra à plusieurs reprises dans le film, dominé ici par des cuivres imposants et musclés sur fond de percussions quasi guerrières. Dans « Le radeau », le troisième thème du score est enfin entendu, thème de saxophone mélancolique associé au cirque dans lequel se retrouvera Koumal pendant plus d’un an. Le thème de saxophone est accompagné ici par des arpèges de banjo et quelques notes d’accordéon associés au monde du cirque, un magnifique thème qui possède un lyrisme et une émotion évidente – impossible de ne pas ressentir quelques frissons lors de la poignante reprise de la mélodie à partir de 1:52 aux cordes/flûte, d’une grâce incroyable. Incontestablement, l’émotion est le maître mot de la très belle partition de Stephen Warbeck. Dans « Du miel et du lait », le compositeur développe le joli thème des tigres à la flûte ethnique, alors que le jeune Koumal est recueilli par McRory, tandis que l’action domine dans le puissant et frénétique « A la poursuite du camion rouge », pour la scène où la femelle tigre poursuit le camion dans lequel sont enfermés Koumal et Sangah. Stephen Warbeck se montre décidément très à l’aise dans les passages d’action, dominés par des percussions et une écriture de cuivres titanesques et puissants assez virtuose. Le thème du cirque est repris au saxophone à la fin de « A la poursuite du camion rouge » comme pour annoncer le destin peu optimiste des deux tigres. Le thème dramatique est réentendu quand à lui au début de « La chasse au tigre », autre passage d’action sombre et agité traversé d’instruments ethniques, de percussions, de cuivres musclés et de dissonances. Cette approche agressive/dissonante se retrouve d’ailleurs au début du sombre « Comment on casse un tigre », illustrant les mauvais traitements infligés à Koumal au cirque. On notera ici le retour du thème de saxophone sur fond de cordes et de bois furtifs. La musique de « Deux Frères » contient même quelques moments plus légers et enjoués comme le sautillant « la poursuite infernale » avec ses flûtes bondissantes sur fond d’instruments ethniques, de glissandi de trombone ou de woodblocks ou le sympathique et naïf « liberté chérie », reprenant le thème des deux tigres avec le sifflement de Mr. Jean-Jacques Annaud en personne, sur fond de banjos/accordéon/guitares/percussions, lorsque les deux frères retrouvent enfin la liberté à la fin du film. Et si vous n’êtes pas convaincu par le style action virtuose et musclé de Stephen Warbeck, vous serez probablement subjugués par la puissance des cuivres et des percussions dignes de David Arnold dans « dans l'arène » ou « le bond à travers les flammes ». Le compositeur britannique nous offre ainsi une magnifique partition symphonique classique, poignante et élégante pour « Deux Frères », servie par une émotion palpable à chaque instant, des orchestrations très riches et une utilisation remarquable d’instruments solistes et de touches ethniques/exotiques, apportant une émotion sincère au film de Jean-Jacques Annaud : une partition somme toute très attachante, à recommander à tous ceux qui s’intéressent aux travaux de Stephen Warbeck pour le cinéma !



---Quentin Billard