1-Pour Sacha 4.46
2-Yeroushalaim Chel Zahav
(Jérusalem d'Or) 2.27*
3-6 Jours en Juin 4.10
4-Quand on aime, il faut partir 6.10
5-Sheleg Al Iri 2.59**
6-Myriam 2.43
7-Le Mur des Lamentations 2.27
8-Au bord de la rivière
(Toumbalaïka) 2.39***
9-Para et paysan 2.13
10-Kol Nidrai 2.07+
11-Shalom 6.42
12-Laura 3.15

*Interprété par Naomi Shemer
Ecrit par Naomi Shemer
Enregistré en public
**Interprété par
Chocolate Menta Mastik
Ecrit par Naomi Shemer
Enregistré en public
***Folklore, arrangé par Ilan Zaoui
Enregistré en public
+Arrangé par Philippe Sarde.

Musique  composée par:

Philippe Sarde

Editeur:

Columbia COL 468428-2

Album produit par:
Philippe Sarde
Orchestre dirigé par:
Harry Rabinowitz

(c) 1991 Alexandre Films/Canal +/SGGC/TF1 Films Production. All rights reserved.

Note: ***1/2
POUR SACHA
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Philippe Sarde
Avec « Pour Sacha », sorti en 1991, Alexandre Arcady signe là l’un de ses meilleurs films, et peut être aussi son oeuvre la plus personnelle après « Le Coup de Sirocco » (1979). Le film se déroule en Israël en 1967. Trois jeunes étudiants français, Simon, Paul et Michel, viennent rejoindre leur amie d’enfance Laura (Sophie Marceau) dont ils sont tous trois amoureux, pour fêter ensemble son vingtième anniversaire. La jeune femme vit dans le kibboutz Yardena près de la frontière syrienne avec son compagnon Sacha (Richard Berry), ancien professeur de philosophie idéaliste des trois étudiants, qui s’est aujourd’hui engagé dans l’armée israélienne en tant que parachutiste. Paul et Michel parviennent alors à s’intégrer non sans mal parmi les habitants du kibboutz, seul Simon semble réservé et provoque régulièrement ses interlocuteurs en évoquant les injustices que vit régulièrement le peuple palestinien, opprimé par les forces israéliennes. Paul et Michel tentent alors de charmer Laura, mais en vain : la jeune femme n’a d’yeux que pour Sacha, jusqu’au jour où elle découvre que ce dernier la trompe avec une autre femme du kibboutz. Les choses vont empirer le soir de l’anniversaire de Laura : Simon se décide enfin à parler et reproche violemment à Laura d’être responsable du suicide de Myriam, une de leurs amies d’enfance qui s’était tuée le jour de son propre anniversaire. La tension monte d’un cran le lendemain, alors que la guerre des Six Jours éclate en Israël : Sacha part sur le champ de bataille. Désormais, chacun sait que plus rien ne sera comme avant. « Pour Sacha » évoque donc l’histoire de la fameuse guerre des Six Jours qui opposa l’armée Israélienne à celle de l’Egypte, de la Jordanie, de la Syrie et de l’Irak entre le 5 et le 10 juin 1967, et qui se termina avec la victoire de Tsahal et l’annexion de certains territoires arabes par Israël (dont la fameuse bande de Gaza, qui appartenait autrefois à l’Egypte). Le film d’Alexandre Arcady mélange d’ailleurs la grande histoire avec la petite en évoquant des passions tragiques autour de la belle Sophie Marceau, fille de rêve inaccessible qui fait tourner tous les coeurs dans le film.

« Pour Sacha » contient aussi quelques éléments autobiographiques rappelant la jeunesse d’Alexandre Arcady, qui vécut lui-même les événements de la guerre des Six Jours durant son enfance dans un kibboutz israélien. L’atmosphère pastorale et délicatement ensoleillée du kibboutz dans le film contraste brillamment avec les états d’âme et les tourments des différents personnages, chacun cherchant à donner un but à son existence dans une région soumise aux tensions d’une guerre imminente. Le film doit beaucoup à l’interprétation pleine de justesse de Sophie Marceau, qui irradie chacune des scènes où elle apparaît, tandis que Richard Berry campe avec brio un professeur de philo idéaliste qui nous offre quelques monologues poétiques d’une grande beauté lors de la séquence de la bataille finale à Jérusalem. La mise en scène spontanée et sans artifice d’Alexandre Arcady reproduit avec une passion évidente les événements historiques qui secouèrent la région en 1967, tandis qu’il évoque le destin agité de ces jeunes gens en temps de guerre. Seul reproche, de taille : le film s’avère être un peu trop partial pour convaincre totalement quand à son contenu historique. Effectivement, Arcady prend la défense des israéliens qu’il montre comme un peuple opprimé en offrant systématiquement le mauvais rôle aux arabes, mais il oublie de mentionner les horreurs commises contre les palestiniens à la même époque. Seules quelques répliques de certains personnages rappellent la réalité - que ce soit dans les interventions provocatrices de Simon, ou la réplique de Dam vers la fin du film au sujet de la nécessité de vivre tôt ou tard avec les arabes. Dommage, car on aurait aimé un traitement plus complexe, moins simpliste et moins manichéen du conflit israélo-palestinien ! Malgré son parti pris partial assez douteux et un manque de recul plus qu’évident, « Pour Sacha » n’en demeure pas moins très réussi et aussi assez poignant, servi par des interprètes de qualité, des personnages attachants et des dialogues soignés.

La partition symphonique de Philippe Sarde reste à coup sûr l’élément clé de « Pour Sacha ». Le film marque en 1991 la toute première collaboration entre Sarde et Arcady, collaboration qui se prolongera par la suite avec « Dis-moi oui » (1995), « K » (1997), « Là-bas...mon pays » (1999) et « Entre chiens et loups » (2002). La musique de « Pour Sacha » a été confiée au prestigieux London Symphony Orchestra, qui apporte ses sonorités et ses couleurs uniques à une interprétation sans faille de la magnifique partition orchestrale de Philippe Sarde, mélangeant thèmes d’origine juive et mélodies lyriques avec un savoir-faire remarquable. La musique de « Pour Sacha » porte un lyrisme classique cher au compositeur, avec son très beau thème principal aux accents de mélodie populaire juives. Le thème principal est entendu dans « Pour Sacha » au début du film, avec son écriture classique et lyrique des cordes, des cuivres, des bois et de la harpe. Comme toujours avec Sarde, l’écriture de l’orchestre est très riche et élaborée, à la manière des grands maîtres classiques du 19ème siècle : les harmonies raffinées et élégantes sont renforcées ici par le jeu suave des instruments et la richesse des orchestrations, avec une brillante utilisation d’une trompette soliste et d’un duo violon/violoncelle réussi. Philippe Sarde développe son superbe thème principal tout au long du morceau, la mélodie passant d’un instrument à un autre avec une fluidité exemplaire : bois, cordes, violon/violoncelle, hautbois, flûte, etc. Le lyrisme brillant et étoffée de Sarde apporte une véritable émotion au film d’Alexandre Arcady, le thème juif de « Pour Sacha » annonçant par moment le travail de John Williams sur « Schindler’s List » de Steven Spielberg en 1993. A noter que la BO du film nous propose une très belle version pour choeurs masculins/féminins et guitare sèche du chant traditionnel « Yeroushalaim Chel Zahav » (Jérusalem d’Or), associé dans le film aux paysages israéliens des années 60 tout en évoquant la ville symbolique de Jérusalem. Cette chanson coïncide parfaitement avec le sujet du film d’Arcady puisqu’elle a été écrite à la veille de la guerre des Six Jours par Naomi Shemer en 1967, et devient rapidement l’un des hymnes israéliens les plus populaires de son temps. Dans « 6 Jours en Juin », Sarde évoque le contexte de la guerre en utilisant des orchestrations plus massives, à base de cordes entêtantes qui scandent un rythme plus urgent et menaçant, avec des bois, des cuivres et quelques timbales suggérant la tension d’un conflit imminent. Le thème est alors repris dans la dernière partie de « 6 Jours en Juin » de manière plus sombre et quasiment dissonante, Sarde conservant ici aussi une approche très classique dans l’écriture de sa partition.

« Quand on aime il faut partir » apporte à son tour une atmosphère plus dramatique et romantique à la partition de « Pour Sacha », évoquant avec émotion le destin du couple Laura/Sacha séparés par la guerre dans le film. Sarde nous propose ici un magnifique Love Theme poignant et mélancolique pour hautbois, cordes et harpe. L’atmosphère plus élégiaque de « Quand on aime il faut partir » est accentuée par l’utilisation remarquable des solistes – violoncelle, hautbois – tandis que la musique prend rapidement une tournure plus dramatique dans la seconde partie. La musique s’écoute d’ailleurs aussi bien avec que sans les images du film, Sarde ayant composé sa partition à la manière d’une symphonie en plusieurs mouvements, une approche extrêmement classique d’un raffinement rare mais si cher au compositeur français. L’ajout d’une guitare sèche à la fin de « Quand on aime il faut partir » apporte un ‘plus’ à la partition, suivie d’une flûte alto aux sonorités chaudes et profondes, pour ce qui reste à n’en point douter l’un des plus beaux morceaux de la partition de Philippe Sarde. Le compositeur prolonge son exploration d’un lyrisme savoureusement classique et élégant dans « Myriam », où la musique résonne de manière plus dramatique, entre le jeu de l’orchestre et celui des solistes, associés dans le film aux sentiments des protagonistes principaux de l’histoire. « Le mur des lamentations » illustre quand à lui la scène où Sacha et ses camarades débarquent à Jérusalem et s’arrêtent près du mur des lamentations. Sarde nous propose pour cette séquence une magnifique reprise du thème principal pour quatuor à cordes et orchestre, un style concertant qui, encore une fois, semble avoir quelque peu influencé le « Schindler’s List » de John Williams, écrit deux ans après « Pour Sacha ». Avec « Quand on aime il faut partir », « Le mur des lamentations » est à n’en point douter le deuxième morceau-clé de la partition de Sarde. Le thème est repris à la guitare et aux cordes dans le très beau « Para et Paysan », tandis que le violoncelle apporte une mélancolie poignante à « Kol Nidrai ». Le Love Theme de Laura et Sacha revient dans « Shalom », pour évoquer encore une fois l’inéluctable destinée tragique du couple dans le film. Ici aussi, le lyrisme élégiaque de Phillipe Sarde fait mouche à l’écran, évoquant la fin de la guerre avec une envolée orchestrale grandiose pour choeurs et orchestre, les voix étant associées ici au peuple d’Israël qui célèbre sa victoire à la fin du conflit, pour ce qui reste un autre morceau-clé de la bande originale de « Pour Sacha ». Philippe Sarde nous offre donc une partition de qualité pour le film d’Alexandre Arcady, une oeuvre symphonique écrite à la manière des grands maîtres classiques d’antan, évoquant le drame de la guerre, les sentiments des personnages et la terre d’Israël en pleine période de la guerre des six jours. Sans être le chef-d’oeuvre de la collaboration Sarde/Arcady, « Pour Sacha » n’en reste pas moins une oeuvre de choix dans la filmographie 90’s du compositeur, une très belle partition classique écrite avec intelligence, passion et sensibilité !




---Quentin Billard