1-Sam 3.56
2-Vers les cimes 2.50
3-Le mur 2.28
4-Paris-Berlin 4.49
5-Echec et mat 2.55
6-Kaddich 2.10
7-Motele fun varshever geto 3.50
8-Killer 3.38
9-Les enfants trahis 5.44
10-Je crois que je t'aime 2.59
11-Father 4.49
12-Hôtel du lac 2.13
13-La maison des Stein 3.09
14-Alexander Platz 1.22
15-Oh Jerusalem 2.27
16-Topographie des terreurs 2.22
17-Emma 2.32

Musique  composée par:

Philippe Sarde

Editeur:

EMI 21339

Album produit par:
Philippe Sarde

(c) 1997 Alexandre Films/TF1 Films Production. All rights reserved.

Note: ****
K
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Philippe Sarde
Polar français signé Alexandre Arcady, « K » s’inspire du roman « Pas de Kaddisch pour Sylberstein » de l’écrivain/journaliste français Konop et nous propose un suspense haletant sur fond de chasse au nazi et de vengeance. Samuel Bellamy (Patrick Bruel) est un jeune inspecteur de police parisien, qui s’est lié d’amitié avec Joseph Katz (Pinkas Braun), un vieux brocanteur juif qui a survécu dans sa jeunesse aux camps de la mort nazis. Samuel et Jospeh jouent régulièrement ensemble aux échecs, qui est devenu leur passe-temps fétiche. Un jour, un vieil allemand entre dans la boutique de Joseph. Ce dernier reconnaît alors Rudi Guter (Hans Meyer), un ancien officier SS qui a massacré sa famille durant la 2de Guerre Mondiale. De son côté, Guter reconnaît Joseph grâce à un trait physique particulier. Une bagarre opposant les deux hommes éclate alors dans la brocante de Joseph, tandis que Samuel s’empresse de rejoindre la boutique pour tenter de les arrêter. Mais alors que Guter tente d’appeler à la rescousse ses compagnons, Joseph sort une arme et abat le vieil allemand sous le regard impuissant de Samuel. Joseph est alors arrêté par la police et escorté par Samuel jusqu’au commissariat le plus proche. Samuel se laisse alors attendrir par son vieil ami et décide de le libérer en le confiant à son père qui doit partir sous peu pour Israël. Peu de temps après, les hommes de Rudi Guter retrouvent Joseph Katz dans le magasin du père de Samuel et parviennent à le supprimer après avoir fait exploser la boutique. Epaulé par Emma (Isabella Ferrari), la fille de Guter, qui s’avère être en réalité un communiste et non un nazi, Samuel se lance finalement dans une enquête difficile pour tenter de découvrir la vérité au sujet de la mort de son vieil ami Joseph, une enquête agitée entre secrets du passé et manipulation. « K » marque la quatrième collaboration entre Patrick Bruel et Alexandre Arcady après « Le coup de Sirocco », « Le Grand Carnaval » et « L’Union Sacrée », en abordant des thèmes chers au réalisateur : les souffrances de la communauté juive mais aussi la trahison, la manipulation, les douleurs du passé, la Shoah, etc. « K » vaut surtout pour son intrigue complexe qui mélange les rebondissements et multiplie les personnages de manière assez dense. Dommage que le film manque cruellement de souffle et s’étire un peu trop en longueur dans la deuxième partie, plus inégale et décevante. Patrick Bruel est plutôt convaincant en jeune inspecteur de police prêt à tout pour découvrir la vérité, tandis que l’impressionnant Pinkas Braun domine ici le film par son interprétation froide, charismatique et machiavélique. Le film a un peu vieilli et manque parfois d’énergie, mais le scénario reste suffisamment captivant et complexe pour nous maintenir en haleine jusqu’au coup de théâtre final.

« K » marque la troisième collaboration entre Alexandre Arcady et le compositeur Philippe Sarde après « Pour Sacha » (1991) et « Dis-moi oui » (1995). La bande originale de « K » est de loin l’une des plus impressionnantes partitions musicales écrites par Philippe Sarde pour un film d’Arcady, et reste à ce jour l’un des sommets de la collaboration entre les deux hommes. A l’instar de « Pour Sacha », Philippe Sarde explore à nouveau dans « K » les consonances musicales juives traditionnelles à travers une partition orchestrale mettant en avant des choeurs lugubres, quelques instruments solistes et une écriture à la fois classique et plus atonale voire avant-gardiste. Les amateurs du Sarde atonal/dissonant tendance « Le Locataire » ou « Les seins de glace » apprécieront certainement les efforts du compositeur français sur « K », accentuant le suspense et la tension du film tout en créant une atmosphère à la fois mystérieuse et immersive à l’écran, mais non dénuée de lyrisme et d’émotion. Le thème principal est dévoilé dans « Sam », associé tout au long du film au personnage de Patrick Bruel : le thème se distingue par sa mélodie de violon plaintive et élégiaque aux consonances juives sur fond de cordes, bois et cithare, un thème lyrique et poignant écrit à la manière d’un somptueux concerto pour violon et orchestre, dans la lignée du fameux « Schindler’s List » de John Williams (à noter que les connaisseurs du compositeur reconnaîtront le thème principal, tiré en réalité d’un ancien thème de Philippe Sarde écrit pour le film « Le Fils »). Comme toujours avec Sarde, l’écriture de l’orchestre est extrêmement riche et soignée, avec des harmonies raffinées, des orchestrations élaborées et un classicisme d’écriture cher au compositeur français. « Le Mur » introduit quand à lui la dimension plus atonale et dissonante de la partition de « K » avec une entrée remarquable des choeurs qui résonnent comme des voix d’outre-tombe. Dans le film, les choeurs renforcent le suspense et créent une ambiance lugubre à l’écran. Mais ces voix ne pourraient-elles pas tout simplement évoquer les complaintes des victimes de l’holocauste juif, ou surgir tout simplement d’un passé lointain et douloureux, à l’instar du personnage de Joseph Katz, qui possède dans le film un lourd secret lié à son passé. On appréciera l’utilisation des percussions dans « Le Mur » qui créent un rythme d’action trépidant et soulignent la tension qui va crescendo jusqu’à la fin du film. On retrouve ces harmonies plus dissonantes dans « Paris-Berlin », qui s’avère être quelque peu contrasté, entre tonalité et atonalité. Philippe Sarde mélange ainsi deux axes harmonies principaux, la tonalité (plutôt mineure ici) et les dissonances pour créer une atmosphère à la fois ambiguë et immersive très impressionnante à l’écran.

On notera l’utilisation réussie d’instruments solistes dans la partition, car, en plus du violon élégiaque de « Sam », le thème principal est repris à la guitare dans « Paris-Berlin » accompagné par un basson mélancolique et solitaire sur fond de cordes sombres. Sarde utilise même quelques sonorités électroniques plus étranges et mystérieuses à la fin de « Paris-Berlin », dont les sonorités cristallines ne sont pas sans rappeler le fameux harmonica de verre mystique du « Locataire ». Dans « Echec et Mat », Sarde prolonge son exploration d’harmonies atonales et ponctue sa partition de sonorités synthétiques cristalines et étranges, reprises de « Paris-Berlin ». Les choeurs sont aussi de retour dans « Echec et Mat », avec toujours cette même dimension mystérieuse et plaintive, le tout sur fond d’harmonies de cordes inquiétantes. Le thème juif mélancolique de Sam Bellamy revient dans « Kaddisch » avec son magnifique duo de clarinette et violon sur fond de quatuor à cordes et harpe, Sarde ayant arrangé sa pièce à la manière de la musique de chambre classique d’antan. « Killer » accentue quand à lui le suspense avec le retour d’harmonies dissonantes des cordes et des percussions ethniques action de « Le Mur », tandis que « Les enfants trahis » reprend le thème mélancolique de Sam et prolonge les passages avant-gardistes d’atonalité pure en mélangeant voix d’outre-tombe, cordes dissonantes, synthétiseur et roulements discrets de caisse claire évoquant les souvenirs tragiques et horrifiants des camps de concentration nazis. « Les enfants trahis » développe un thème mystérieux et sinistre joué par deux trompettes sur fond de tenue dissonante des cordes et des voix, tandis que la partie électronique, plus expérimentale, vient ponctuer mystérieusement la coda du morceau, qui reste un moment-clé de la partition de « K ». On appréciera aussi la reprise du thème aux consonances tziganes dans la chanson « Father », avec son très beau mélange d’accordéon, guitare et clarinette. Les percussions ethniques sont de retour dans « La Maison des Stein » qui reprend le motif mystérieux de trompette avec les voix fantomatiques et les synthétiseurs expérimentaux, motif que l’on retrouve enfin dans « Oh Jérusalem » et le lugubre « Topographie des Erreurs ». Philippe Sarde signe donc une partition impressionnante pour « K », probablement l’un de ses meilleurs travaux pour Alexandre Arcady. La musique reste riche, immersive et prenante grâce à son magnifique thème principal juif mélancolique à souhait et son atmosphère à la fois dramatique et dissonante, voire parfois un brin expérimentale. Sarde mélange ces différents axes dans sa musique afin d’évoquer cette sombre traque au nazi sur fond de manipulation et de trahison, une partition remarquable mais injustement tombée dans l’oubli au fil des années, à redécouvrir sans tarder !



---Quentin Billard