Disc 1: L'Album Originale (Stereo)

1-Giù la testa 4.16
2-Amore 1.41
3-Mesa Verde 1.40
4-Marcia Degli Accattoni 4.54
5-I Figli Morti 6.05
6-Addio Messcio 0.53
7-Scherzi A Parte 2.24
8-Messico E Irlanda 4.57
9-Invenzione Per John 9.05
10-Rivoluzione Contro 6.45
11-Dopo l'Esplosione 3.22

Disc 2: Versioni Film
E Takes Alternativi (Stereo)


1-Mesa Verde (#2) 2.43
2-Giù la Testa (#2) 3.05
3-Marcia Degli Accattoni (#2) 2.36
4-Mesa Verde (#3) 1.42
5-Rivoluzione Contro (#2) 5.34
6-Giù la Testa (#3) 3.18
7-Dopo l'Esplosione (#2) 3.02
8-Scherzi A Parte (#2) 2.45
9-Messico E Irlanda (#2) 4.30
10-Invenzione Per John (#2) 7.51
11-Giù la Testa (#4) 1.42
12-Rivoluzione Contro (#3) 4.50
13-Giù la Testa (#5) 2.59
14-Dopo l'Esplosione (#3) 4.19
15-Giù la Testa (#6) 4.41

Musique  composée par:

Ennio Morricone

Editeur:

Cinevox 700 Series OST 708

Produit par:
Claudio Fuiano

(c) 2011 Bixio CEMSA. All rights reserved.

Note: *****
GIÙ LA TESTA
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Ennio Morricone
Grand classique du western italien des années 70, « Giù la testa » (Il était une fois la révolution, connu aussi sous le titre anglais « Duck, You Sucker ! ») est de loin l’un des meilleurs films de Sergio Leone, alors au sommet de son art lorsqu’il tourne cette superproduction italienne sortie en 1971. Après « C’era un volta il west » (1968), le cinéaste italien souhaitait s’éloigner quelque peu du style des westerns spaghetti de l’époque, probablement las des stéréotypes associés habituellement à ce type de film, pour réaliser un film plus personnel se déroulant en pleine époque de la révolution mexicaine de 1913, menée par les célèbres Pancho Villa et Emiliano Zapata. L’histoire débute alors que les deux personnages principaux du film se rencontrent sur une route désertique du Mexique : Juan Miranda (Rod Steiger), un bandit qui pille des diligences avec la complicité de ses nombreux enfants, et un irlandais spécialisé dans les explosifs, John Mallory (James Coburn), ancien membre de l’IRA en fuite, mais dont le véritable prénom est Sean (qui cherche à tirer un trait sur son passé et son ancienne identité). Juan réussit alors à convaincre John de s’associer pour braquer la prestigieuse banque d’Etat de Mexico. Et c’est ainsi que nos deux compères organisent avec succès le braquage, mais sans le résultat escompté : la banque cache en réalité des prisonniers politiques mais pas de lingot d’or. C’est alors que nos deux compères ressortent bredouilles de la banque, avec les prisonniers qu’ils viennent tout juste de libérer : John et Juan deviennent ainsi de véritables héros malgré eux de la révolution mexicaine, et vont se retrouver entraînés dans une longue suite de péripéties et de batailles en tout genre, en pleine guerre civile mexicaine. « Giù la testa » est un film majeur dans la filmographie de Sergio Leone, car il condense quasiment à lui tout seul toutes les caractéristiques de l’univers du cinéaste italien : décors désertiques grandioses, humour décapant, minutie des détails réalistes, direction d’acteur remarquable – avec la « gueule » burinée de Rod Steiger et le charisme de James Coburn – répliques cinglantes, séquences de bataille ahurissantes (l’explosion du pont, la bataille finale dans le train, etc.) – Le film est aussi parsemé de clins d’oeil artistiques divers (le paysage désert durant l’explosion du pont, en référence au peintre surréaliste Giorgio De Chirico, une référence au célèbre tableau « Tres de Mayo » de Francisco de Goya lors de la scène de fusillade des révolutionnaires, etc.), sans oublier un contexte historique brillamment retranscrit à l’écran, « Giù la testa » rappelant la violence incroyable de la révolution mexicaine de 1913, qui fit couler beaucoup de sang, un élément suggéré dans le film par le biais de quelques séquences plus dures, comme celle des fosses où les condamnés sont fusillés par l’armée mexicaine, en référence aux fosses des camps de concentration nazis de la 2de Guerre Mondiale, ou au massacre des fosses ardéatines de 1944. « Giù la testa » reste de bout en bout une réussite absolue et réjouissante, que ce soit dans son casting prestigieux, ses scènes de bataille, son humour irrésistible ou ses décors grandioses. Malgré sa longueur (157 minutes), le film nous maintient en haleine du début jusqu’à la fin, un film qu’il faut d’ailleurs voir absolument dans sa version européenne intégrale – la version américaine étant radicalement tronquée et ne rendant nullement justice au travail du réalisateur.

« Giù la testa » marqua en 1971 les retrouvailles entre Sergio Leone et Ennio Morricone après une série d’oeuvres magnifiques et exemplaires comme « Per un pugno di dollari » (1964), « Per qualche dollaro in piu » (1965), « Il buono, il brutto, il cattivo » (1966) et « C’era una volta il West » (1968). Pour « Giù la testa », Morricone se replongea à nouveau dans un univers musical frais et fantaisiste, nous offrant un nouveau chef-d’oeuvre à la hauteur du talent de la passion évidente de Morricone pour le cinéma de Sergio Leone. Moins lyrique et déchirante que « C’era una volta il West », la musique de « Giù la testa » se rapproche bien souvent des expérimentations du maestro italien sur les anciens westerns spaghetti de Leone pour sa « Trilogie de l’homme sans nom », avec une instrumentation riche et totalement libre, des thèmes mémorables, une émotion généreuse omniprésente et un humour incroyable et quasi constant. Comme sur les précédents films de Leone, Ennio Morricone apporte sur « Giù la testa » une atmosphère musicale quasiment unique, traversé de sifflements, de refrain fredonné en onomatopées sur le nom de l’irlandais campé par James Coburn (« Sean Sean Sean »), de guitare, de clavecin, de vocalises opératiques éthérées de la soprano italienne Edda dell’Orso, fidèle collaboratrice des musiques d’Ennio Morricone, de citations musicales humoristiques (l’allusion à la « Petite musique de nuit » de Mozart durant la libération des prisonniers politiques à la banque), etc. A l’instar du film lui-même, la partition musicale est un pur bonheur du début jusqu’à la fin, peut être même la partition la plus rafraîchissante et la plus fun de la collaboration Leone/Morricone. Le score repose avant tout sur une série de thèmes mémorables, à commencer par le thème principal « Giù la testa », célèbre mélodie sifflée qui s’apparente à une mélodie populaire joyeuse et nostalgique, soutenu par une batterie légère, des cordes et des bois doux, et les astucieuses onomatopées « Sean Sean Sean » apportant un humour et une légèreté agréable au thème. Le deuxième thème, plus lyrique et poignant, est associé dans le film au passé de John alias Sean : confié la plupart du temps aux vocalises d’Edda dell’Orso et à des cordes amples et grandioses, le thème de Sean – souvent accompagné de la mélodie sifflée évoquant aussi bien la roublardise de John que l’espièglerie de John dans le film – est d’une beauté extraordinaire, un autre grand thème lyrique bouleversant et d’une émotion palpable à chaque instant. Signalons pour finir que le thème de Sean est en réalité construit sur les deux mélodies constamment juxtaposées dans le film : la mélodie sifflée, et la mélodie lyrique d’Edda dell’Orso, comme nous le rappelle dans le film le poignant « I Figli Morti » pour la séquence où Juan retrouve ses enfants assassinés par l’armée mexicaine.

Le deuxième thème, plus héroïque et typiquement western, est entendu dans l’anthologique et célèbre « Marcia degli accattoni ». Il s’agit d’un thème de marche joyeux et entraînant évoquant les héros de la révolution mexicaine avec un humour et une dérision totalement irrésistible. Morceau célèbre et incontournable dans la partition de « Giù la testa », la marche est entendue lorsque John et Juan partent braquer la banque de Mesa Verde et se retrouvent finalement à libérer les prisonniers politiques. Le morceau est un grand moment de fantaisie pure pour Ennio Morricone, qui développe sa fameuse mélodie aux accents de refrain populaire – qui pourrait aussi évoquer les chants révolutionnaires entendus à Mexico durant la révolution – sur fond de caisse claire militaire et d’instrumentation débridée : ainsi, la mélodie passe d’une flûte à bec à une clarinette et aux cordes, sans oublier la mandoline, les cuivres, le clavecin, les cloches, le clavier électronique 70's aux sons graves étranges, les ponctuations étranges de « woah » répétés par une voix d’homme (qui imite de manière bizarre le croassement d’un corbeau), le synthétiseur et l’orgue quasi religieux et baroque entendu à la fin du morceau. La marche grandit au fil de la scène, alors que le nombre de prisonniers libérés augmente tout au long de cette séquence anthologique (un autre grand moment de la collaboration Leone/Morricone). La coda de « Marcia degli accattoni » se termine dans une coda grandiose accentuée par une joyeuse chorale féminine en « la la la la » sur fond d'orgue. Le morceau incorpore aussi avec humour des citations à la célèbre « Petite musique de nuit » de Mozart, pour ce qui reste à coup sûr l’un des morceaux humoristiques les plus mémorables de toute la carrière d’Ennio Morricone – et aussi un grand moment de musique de film, totalement génial. Le troisième thème de la partition de « Giù la testa » est entendu dans « Mesa Verde », mélodie plus intime et mélancolique, confiée ici à une guitare sèche sur fond de cordes. On retrouve cette très belle mélodie pour guitare, banjo et basson dans « I Figli Morti », accentuée par le sifflet et le timbre mélancolique et fragile du basson, un autre moment d’émotion pure dans la partition d’Ennio Morricone. Autre grand moment dans la partition de « Giù la testa » : « Scherzi a parte », qui utilise de manière totalement fantaisiste un clavier électronique 70’s au ton granuleux (très utilisé à l’époque dans le funk), incorporé à l’ensemble guitares/flûte à bec/hautbois/basson/tambours pour une reprise très réussie (et non dénuée d’humour) du thème principal. On appréciera aussi la reprise poignante du thème intime/mélancolique à la guitare dans « Messico e Irlanda », tandis que le thème principal revient dans « Invenzione per John » avec une série de variations remarquables, incluant même un passage quasi baroque pour clavecin avec voix et cordes. Enfin, Morricone reste fidèle à son goût pour la musique expérimentale/avant-gardiste et nous livre dans « Rivoluzione Contro » un grand moment d’atonalité pure, servi par des percussions/cloches guerrières, une trompette solitaire, des effets synthétiques étranges et des clusters de piano/clavecin et de cordes dissonantes pour la bataille finale. Morricone accentue toute la violence de la séquence finale avec son goût habituel pour les dissonances extrêmes (avec une écriture de cordes qui annonce déjà le style de « The Thing »). Avec « Rivoluzione Contro » (utilisé partiellement dans le film), Ennio Morricone retrouve ici l’esthétique expérimentale de ses musiques de giallos italiens des années 70, qu’il développera plus particulièrement sur les films de Dario Argento. A noter que la version film de ce morceau nous est présenté en réalité sur le deuxième CD du double album publié par Cinevox.

A ce sujet, il faut d’ailleurs absolument écouter la deuxième galette du double CD, qui nous présente la version film complète du score de Morricone, incluant des passages alternés et certains morceaux non présents sur la version album du premier CD – on y découvre aussi certains détails instrumentaux inédits, notamment dans l’utilisation de la guitare électrique typique des musiques western de Morricone à la fin de la piste 13 du disque 2. Avec « Giù la testa », nous sommes bel et bien en face d’un pur chef-d’oeuvre de la musique de film : Ennio Morricone se montre plus inventif que jamais sur le film de Sergio Leone, renouant avec l’émotion et le lyrisme de ses précédentes partitions pour « La Trilogie de l’homme sans nom » en apportant un humour et une fantaisie extraordinaire aux péripéties de John et Juan en pleine révolution mexicaine de 1913. Rarement aura-t-on vu un compositeur illustrer avec autant d’aisance toutes les différentes facettes d’une même histoire avec une passion et une inspiration constante, qui transparaît à chaque minute du film. Le score de Morricone est aussi une véritable leçon d’illustration musicale pour un film, avec l’anthologique et irrésistible « Marcia degli accattoni » pour la libération des prisonniers, ou la bouleversante séquence de flashback durant laquelle Sean abat son ami irlandais qui l’a trahi sur fond de vocalises poignantes d’Edda dell’Orso. Impossible de ne pas se laisser entraîner par une partition aussi agréable que bouleversante et incroyablement drôle, fantaisiste et attachante, servie par des thèmes mémorables. Après une série de partitions western et une décennie avant « Once Upon a Time in America », qui marquera en 1981 la fin de la collaboration Sergio Leone/Ennio Morricone, « Giù la testa » reste un sommet absolu dans l’univers des deux artistes italiens, un pur chef-d’oeuvre passionnant de bout en bout, à redécouvrir de toute urgence grâce au double CD publié par Cinevox en 2006, qui permet de rendre enfin hommage à cette oeuvre maîtresse dans la filmographie incroyablement vaste d’Ennio Morricone : un grand ‘must’ de la musique de film !



---Quentin Billard