1-Ouverture 4.06
2-Rencontres 4.23
3-Etranges vacances 2.55
4-A bout de souffle 5.06
5-Conduite de nuit 0.48
6-La planque 4.18
7-L'étau se resserre 9.02
8-Révélation 1.59
9-Fehlen-La dernière chance 2.21
10-Final 2.53
11-Promenade 1.40*
12-Groove Manager 1.11**
13-L'escalier 1.06***

*Charles Autrand
Interprété par Charles Autrand
et Jean-Paul Hurier
**N.Javelle/S.Rouyer-Fessard/
Y.Phillippe
Interprété par 3d'Tension
***Ecrit par Jean-Paul Hurier

Musique  composée par:

Frédéric Talgorn

Editeur:

Milan Records 301 717-6

Orchestre dirigé par:
Frédéric Talgorn
Orchestrations:
Frédéric Talgorn
Enregistrée par:
Stéphane Reichart
Studios Davout, Paris, France
Préparation matériel orchestre:
Tia Linke
Montage musique:
Guadalupe Cassius

Artwork and pictures (c) 2005 Fidélité Productions/Alter Films/Canal +. All rights reserved.

Note: ***1/2
ANTHONY ZIMMER
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Frédéric Talgorn
Polar français réalisé par Jérôme Salle et sorti en 2005, « Anthony Zimmer » met en scène Sophie Marceau et Yvan Attal dans une intrigue de manipulation d’identité et de chasse à l’homme digne d’Alfred Hitchcock. L’histoire tourne autour de l’énigmatique Anthony Zimmer, un des plus grands criminels financiers du monde spécialisé dans le blanchiment d’argent, recherché activement par la police et la mafia russe (qui cherche à l’éliminer pour le faire taire). Mais depuis qu’il a subit une lourde opération de chirurgie esthétique l’ayant rendu totalement méconnaissable, plus personne ne sait à quoi il ressemble aujourd’hui, la police étant apparemment incapable de mettre la main dessus. Sa maîtresse Chiara (Sophie Marceau) est la seule capable de le retrouver. Après avoir mis une annonce dans le Herald Tribune pour tenter de retrouver Anthony Zimmer, Chiara est obligée de brouiller les pistes et de semer la police et la mafia en choisissant au hasard un inconnu dans un train ressemblant le plus possible à Anthony Zimmer. C’est alors qu’elle choisit François Taillandier (Yvan Attal), un modeste traducteur qui se retrouve alors plongé malgré lui dans une gigantesque chasse à l’homme dont il devient rapidement la proie, sans comprendre pourquoi. « Anthony Zimmer » reste un polar plutôt intense et maîtrisé, avec un suspense haletant, réalisé sans fioriture et sans temps mort. Pour son premier film, Jérôme Salle a visiblement tout compris du suspense à la Hitchcock et surfe sur les codes du thriller avec un certain talent, plutôt rare de nos jours pour un film de genre français. Le film vaut aussi pour l’interprétation solide d’Yvan Attal et Sophie Marceau, parfaite en femme fatale manipulatrice qui joue constamment double jeu (l’actrice en profite pour nous rappeler qu’elle est l’une des grandes beautés du cinéma français depuis plus de trois décennies déjà). Entre mensonge, séduction, trahison et révélation, « Anthony Zimmer » évolue ainsi jusqu’au dénouement final, un très bon thriller français qui inspirera même un remake hollywoodien en 2010, « The Tourist », avec Angelina Jolie et Johnny Depp.

La partition musicale de Frédéric Talgorn est l’atout clé du film de Jérôme Salle. Comme le réalisateur, Talgorn surfe à son tour sur les conventions du genre et renoue ici avec un style musical thriller/suspense qui doit autant à Jerry Goldsmith qu’à Bernard Herrmann. Signalons que la production de la musique de « Anthony Zimmer » fut assez chaotique, car le score était prévu à l’origine pour Bruno Coulais, qui dû finalement quitter tardivement le projet car sa musique ne convenait pas aux producteurs du film. C’est Frédéric Talgorn qui fut finalement engagé sur le film, et n’eut qu’à peine une semaine pour écrire l’intégralité de la partition de « Anthony Zimmer ». Exigence première du réalisateur : composer une musique dans la veine du « Basic Instinct » de Jerry Goldsmith. En ce sens, l’influence des temp-tracks paraît plus qu’évidente à l’écoute de la musique dans le film (tout comme la présence de l’omniprésent Edouard Dubois en tant que conseiller musical sur le projet, qui a l’habitude de travailler avec Talgorn). Talgorn élabore une partition orchestrale largement dominée par les cordes mais aussi les bois et les percussions, avec un thème principal constitué de quatre notes ascendantes et mystérieuses, évoquant dans le film l’énigme liée à Anthony Zimmer et à la séduisante (et séductrice) Chiara. De là à comparer le personnage de Sophie Marceau à celui de Sharon Stone dans « Basic Instinct », il n’y a d’ailleurs qu’un pas à faire, mais on peut supposer que Talgorn a certainement eu cette référence en tête en composant la musique du film de Jérôme Salle. Le ton est donné dans « Ouverture », qui dévoile donc le thème de cordes de la partition et développe par la même occasion une atmosphère mystérieuse, envoûtante et un brin sensuelle, qui rappelle inévitablement Goldsmith (et même Herrmann). L’écriture de l’orchestre reste classique, élégante et raffinée, jouant sur les différentes couleurs des cordes, des bois et du célesta de façon envoûtante et quasi hypnotique, avec le caractère mouvant des cordes - un balancement de deux notes répété inlassablement en accompagnement pendant que le motif de 4 notes est développé sous forme de multiples variations instrumentales, d’abord aux cordes, puis aux bois.

Dans « Rencontre », Talgorn confirme l’orientation mystérieuse et sensuelle de sa musique en reprenant l’omniprésent thème de quatre notes lors de la première rencontre entre Chiara et François dans le train au début du film. Le compositeur joue constamment tout au long de la première partie du film sur le caractère ambigu et étrangement séductrice du personnage de Sophie Marceau : ange ou démon ? Telle semble être la question soulevée par la musique de Frédéric Talgorn, à travers cet énigmatique thème ascendant de quatre notes, aussi obsédant que la beauté envoûtante de Chiara dans le film (encore une fois, on comprend mieux le parallèle évident fait avec « Basic Instinct »). Dommage que Talgorn tombe parfois dans un mimétisme musical trop évident, comme à partir de 1:52, où l’on ressent clairement un emprunt trop évident au style, aux sonorités et aux harmonies habituelles de Jerry Goldsmith. A noter la façon dont Talgorn inclut ici le piano dans ses orchestrations pour ponctuer la sensation de mystère, tandis que les cordes jouent parfois sur des effets d’harmoniques aigues et glaciales assez représentatives de l’atmosphère générale du score de « Anthony Zimmer ». L’ambiguïté domine largement dans « Etranges vacances », toujours dominé par des cordes aigues, des bois et un piano aux notes hésitantes et énigmatiques. Ici aussi, le thème de quatre notes est omniprésent, passant des violons aux violoncelles ou aux bois avec une fluidité élégante. Les choses évoluent enfin dans l’impressionnant « A bout de souffle », premier tour de force orchestral de la partition et premier morceau d’action accompagnant la poursuite dans la rue. Talgorn utilise ici le registre grave et martelé du piano sur fond de cordes, de timbales et de martèlement secs de col legno des cordes. La tension reste palpable du début jusqu’à la fin de « A bout de souffle », nous plongeant pendant plus de 5 minutes dans une atmosphère à suspense assez sinistre et immersive, où le danger semble être partout (dommage qu’à 4:09, on retombe dans un emprunt facile à « Basic Instinct »). A noter l’écriture répétitive et mécanique des cordes dans « Conduite de nuit », qui rappellerait presque par son aspect répétitif la musique de Philip Glass. Dans « L’étau se resserre », Talgorn prolonge cette atmosphère de suspense et de tension pour ce qui reste l’un des meilleurs morceaux du score de « Anthony Zimmer » : pendant plus de 9 minutes, le compositeur fait monter la tension jusqu’au final bref mais explosif.

Dans « Révélation », les harmonies, jusqu’ici dominées par des tonalités mineures, deviennent étrangement majeures, comme pour évoquer un jour nouveau après le twist final à la fin du film : les solistes (violon, alto, violoncelle) reprennent ici le motif de quatre notes, sous une forme plus lyrique et passionné, assez impressionnante, morceau au classicisme brillant et indéniablement riche, que ce soit musicalement ou narrativement, la musique suggérant cette sensation de libération mais aussi d’accomplissement. « Final » aboutit à une ultime reprise vigoureuse du thème principal dans un style rappelant « Ouverture » mais en plus rythmé et plus emphatique. Frédéric Talgorn signe donc une excellente partition symphonique oscillant entre mystère et suspense tout au long du film, une musique immersive qui, malgré ses références évidentes (« Basic Instinct », certes, mais aussi parfois Bernard Herrmann), n’en demeure pas moins très réussie et assez intense à l’écran. Le résultat est celui d’un compositeur professionnel au savoir-faire plus qu’évident, qui a réussi à composer une musique de qualité en seulement une semaine, un exploit qui rappelle aussi que Frédéric Talgorn est non seulement l’un des meilleurs musiciens du cinéma français et aussi un talent trop rarement exploité en France, qui mériterait qu’on lui confie des projets plus ambitieux et personnels, sur lesquels il pourrait s’exprimer encore plus librement. « Anthony Zimmer » fait en tout cas partie de ses partitions de qualité, que l’on ne pourra que recommander aux fans du compositeur et à ceux qui apprécient les musiques à suspense envoûtantes et hypnotiques, du très bel ouvrage, en somme !



---Quentin Billard