1-L'élu 1.40
2-La rencontre 1.41
3-Le dernier roi 2.04
4-Vie de famille 1.01
5-L'enquête 3.30
6-Une journée qui commence 2.10
7-Le piège 1.29
8-Seul 2.31
9-Les secrets 3.28
10-Marshmallow 1.07
11-Mathieu et Nahema 2.12
12-Etat second 3.06
13-Mon père 6.43
14-La nuit 2.17*
15-Sur les marches 3.13**
16-In Memoriam 4.32**

*(c) & Publishing Frederic Talgorn
**(c) De De Wolfe Limited,
worldwide 2004

Musique  composée par:

Frédéric Talgorn

Editeur:

Milan Records 399 057-2

Musique dirigée et orchestrée par:
Frédéric Talgorn
Direction artistique:
Tia Linke
Ingénieur du son:
Steve Price
Régie d'orchestre:
Paul Talkington
Préparation matériel d'orchestre:
Tia Linke

(c) 2006 Cine Nomine/Alter Films/Thelma Films/France 2 Cinéma/Editions Milan Music.

Note: ***1/2
PRÉSIDENT
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Frédéric Talgorn
« Président » est un film de fiction-politique réalisé par Lionel Delplanque, réalisateur français révélé en 2000 par le thriller horrifique « Promenons-nous dans les bois ». Le long-métrage suit le quotidien d’un président de la république française brillamment incarné par Albert Dupontel, tiraillé entre son rôle de dirigeant ambitieux et celui de père de famille. « Président » se propose ainsi d’explorer les coulisses du pouvoir politique français en évoquant l’univers clos des secrets d’état, entre manipulation, journalistes inquisiteurs, convictions personnelles, disparitions suspectes et compromis impossibles. Le film débute ainsi durant la jeunesse de cet homme en passe de devenir un grand dirigeant français, en Afrique de l’ouest dans les années 70. Il est aux côtés de son mentor, celui qui lui a tout appris dans ce métier, Frédéric Saint-Guillaume (Claude Rich), résumant l’essentiel de sa pensée en citant Nietzsche : « seul le vainqueur ne croit pas au hasard ». Devenu président, le nouveau dirigeant doit désormais jouer entre ses différentes contradictions liées à l’exercice du pouvoir, préoccupé par les sondages d’opinion et la nouvelle relation amoureuse de sa fille Nahéma (Mélanie Doutey) avec le jeune et brillant Mathieu (Jérémie Renier), tellement brillant que le président finira par l’engager comme conseiller. De son côté, Mathieu, dont le père fut autrefois un anarchiste convaincu, surprend un jour une conversation qu’il n’aurait jamais dû entendre, et découvre, en fouillant dans des dossiers top secret du gouvernement français, un scandale lié à une arme expérimentale testée il y a de nombreuses années, et qui aurait provoqué énormément de problèmes de santé chez certains soldats français, soldats que le gouvernement paie aujourd’hui chaque mois afin d’acheter leur silence. « Président » est donc une retranscription plutôt fidèle de l’Elysée, s’inspirant ainsi de certains dirigeants français de la IVe et Ve République, tout en demeurant purement fictif : malgré un sujet assez sensible et rarement traité dans le cinéma français, Lionel Delplanque avance prudemment et évite toute référence directe à un quelconque parti politique français et/ou personnalité politique ancienne ou actuelle. Son film fonctionne davantage sur des clichés et des références implicites afin de mieux retranscrire son discours sur les ambiguïtés complexes liées à l’exercice du pouvoir. Le film se double aussi d’une intrigue à suspense quasi hitchcockienne bien qu’assez mal développée sur les 1h30 du film (la fin, très décevante, est par exemple trop rapidement expédiée). Niveau interprétation, Albert Dupontel campe un président extrêmement crédible, avec une force de conviction digne d’un véritable chef d’état. A ses côtés, on appréciera aussi la performance de la jolie Mélanie Doutey et du jeune Jérémie Renier, parfait dans le rôle du nouveau conseiller présidentiel idéaliste prêt à trahir son président pour faire éclater un scandale au grand jour. Enfin, c’est sans aucun doute l’inégalable Claude Rich qui s’impose ici dans le rôle du mentor et du vétéran, vieux loup d’une ancienne génération de politiciens français, un personnage complexe et ambigu entre ombre et lumière. Le résultat final reste tout à fait convaincant et plutôt immersif, « Président » restant un thriller politique de bonne facture et somme toute, pas si éloigné que cela de la réalité.

Après une période hollywoodienne relativement courte, Frédéric Talgorn est redevenu en l’espace de quelques années une valeur sûre dans le cinéma français, composant régulièrement pour des comédies, des drames ou des polars frenchy. C’est d’ailleurs grâce à son expérience passée à Hollywood que Talgorn a été engagé par Lionel Delplanque sur « Président ». Dans une note du livret de l’album, le réalisateur s’explique à ce sujet :

« Lorsque j’ai décidé de contacter Frédéric Talgorn pour écrire la musique de mon film PRESIDENT, je connaissais son travail … j’avais été séduit par cette faculté, rare en France, qu’il a de concevoir la musique à l’image dans une tradition plus spécifiquement américaine par son efficacité et son lyrisme, tout en conservant une touche très européenne, plus psychologique. Un peu dans la lignée de compositeurs français comme Georges Delerue ou de certains musiciens italiens comme Ennio Morricone. »

Le réalisateur précise par la suite qu’il souhaitait d’ailleurs à l’origine une approche purement électro pour la musique de son film. Mais sachant que cette approche allait dater irrémédiablement son film, le cinéaste décida alors qu’un style plus orchestral serait plus approprié, afin d’apporter une dimension intemporelle et « historique » à son récit. La musique composée par Frédéric Talgorn retranscrit donc le parcours mouvementé de ce président fictif de la république française brillamment interprété à l’écran par Albert Dupontel. L’enjeu principal pour Talgorn était de trouver le ton juste, en accentuant les différentes ambiguïtés de ce président plein de contradictions, sans jamais tomber dans la diabolisation systématique ni la solennité trop facile. Il était donc par conséquent avant tout question d’émotions nuancées pour Talgorn, afin de mieux retranscrire de façon dense et immersive cette sensation de l’exercice du pouvoir et tout ce que cela implique, en bien comme en mal. Narrative et émotionnelle, tels étaient les deux maîtres mots de Frédéric Talgorn pour la conception de sa musique sur « Président ». Confiée au Philharmonia Orchestra et enregistrée à Londres, la musique de « Président » apporte une émotion et une tension nuancée tout au long du film. Le thème principal est exposé dans « L’élu » est associé au président tout au long du film, thème un brin mystérieux mélangeant cordes et bois avec une écriture orchestrale à la fois classique et élégante. Mathieu se voit confier son propre motif dans « La rencontre », thème plus mouvant partagé entre cordes staccatos, harpe et piano sur des rythmes plus syncopés. « Le dernier roi » évoque la partie plus humaine du dirigeant entre la chaleur des bois et des cordes lyriques. « Vie de famille » s’apparente quand à lui à une sorte de valse élégante et enjouée confiée au piano, à la harpe et aux cordes. Le morceau rythme d’ailleurs habilement l’une des scènes de vie de famille du président et de sa fille.

La musique devient plus sombre et énigmatique dans « L’enquête », où la partie suspense/thriller devient plus présente et plus radicale : Talgorn met ici l’accent sur les cordes à la fois aigues (tenues froides de violons) et graves (contrebasses/violoncelles très présents). Le motif de Mathieu est repris de manière plus lente, rappelant l’idée de la détermination du jeune conseiller, décidé à mener sa propre enquête sur un dossier top secret du gouvernement. A noter que l’on retrouve au milieu du morceau une reprise très lente du thème principal interprété par des violons aigus qui semblent curieusement en suspend, créant un sentiment d’attente plus tendu à l’écran. On retrouve d’ailleurs les rythmes syncopés et agités du motif de Mathieu à la fin de « L’enquête », rappelant l’idée que le jeune conseiller est constamment surveillé à son insu. Le motif rythmé du jeune homme est repris dans « Une journée qui commence », illustrant le quotidien de Mathieu à l’Elysée, et une tension sous-jacente suggéré par le côté staccato et sec de l’accompagnement des cordes. On notera d’ailleurs la manière astucieuse dont Frédéric Talgorn superpose à la fin du morceau le motif de piano de Mathieu et celui du président à la flûte : le message est clair : quand Mathieu est quelque part, l’entourage du président n’est jamais loin, d’une façon ou d’une autre, et inversement. La musique devient même plus dramatique et résignée dans « Le piège », tandis que « Seul » suggère la solitude du président face à ses propres contradictions et ses choix parfois difficiles. Le piano devient ici l’instrument de l’intimité, avec ses notes plus fragiles et hésitantes et ses cordes lentes. Le mystère s’épaissit dans le sombre et tendu « Les secrets », évoquant l’univers de manipulations et de secrets d’état entourant le gouvernement du président. « Mathieu et Nahena » tente d’apporter un peu de chaleur et d’émotion avec un très beau passage romantique émouvant pour cordes et piano, illustrant la romance entre le jeune conseiller et la fille du président, mais avec une retenue touchante et minimaliste. Le morceau se conclut d’ailleurs sur un crescendo de tension plus sinistre et agressif, révélant la partie plus sombre du récit. Cet élément se confirme dans le glauque « Etat second », probablement le morceau le plus sinistre du score de « Président » : le morceau accompagne une scène où le président et ses gardes du corps l’accompagnent pour son speech vers la fin du film. Les cordes deviennent ici curieusement plus dissonantes et glaciales, avec ses effets de glissandi aigus qui évoquent la musique contemporaine du XXe siècle. « Etat second » suggère clairement ici la facette plus noire du président, et son côté manipulateur et dangereux. « Mon père » utilise quand à lui brillamment un petit ensemble de cordes solistes (alto, violon, violoncelle) avec le reste de l’orchestre, reprenant une dernière fois les thèmes principaux de la partition pour une conclusion plus dramatique et agitée. L’album nous propose pour finir trois morceaux utilisés dans le film, mais que Talgorn a composé quelques années auparavant, morceaux réutilisés par le réalisateur pour les besoins du film et de sa musique - à noter le très mahlérien et poignant « In Memoriam ».

Particularité assez intéressante dans le score de « Président » : en plus d’accompagner les images de manière traditionnelle, le réalisateur joue aussi à quelques reprises dans son film sur une véritable interaction montage/son, comme pour la scène où le président déjeune dans sa serre tout en écoutant une composition de type ‘classique’ diffusée sur une radio (musique diégétique), qui se transforme alors en élément narratif du score dans la scène suivante où Mathieu marche au ralenti dans les couloirs de l’Élysée (musique extradiégétique). Une autre scène intéressante débute de manière exactement inverse, lors d’une séquence où le président se trouve à bord de sa voiture la nuit, accompagné d’une musique plutôt dramatique composée par Talgorn quelques années avant le film (« la nuit »). Ce que l’on perçoit au départ comme une musique extradiégétique bascule rapidement dans le statut de musique diégétique lorsque le président demande soudainement à son chauffeur de couper la radio, prétextant que « l’émotion, ça m’épuise ! ». Cette interaction intéressante entre les différentes utilisations de la musique est non seulement judicieuse mais témoigne aussi d’une vraie réflexion sur l’utilisation de la musique dans un film – ici, le but était de représenter une sorte de retour à la réalité pour le président, perdu dans ses pensées durant son trajet nocturne en voiture. La musique de « Président » conserve donc une approche émotionnelle et narrative assez impressionnante à l’écran, Frédéric Talgorn signant probablement là l’un de ses meilleurs travaux pour le cinéma français récent, bien que l’ensemble n’ait rien de follement original ou de particulièrement novateur en soi. La musique reste malgré tout assez inspirée et brillamment exécutée sur les images, parfaitement en adéquation avec l’ambiance du film et de ses personnages. Voilà la preuve incontestable que Frédéric Talgorn est plus que jamais une valeur sûre de la musique de film française actuelle, qui mériterait qu’on lui offre plus souvent l’occasion de s’exprimer sur des projets ambitieux et personnels, qui lui permettraient alors de donner le meilleur de lui-même, un peu comme il l’a fait sur « Président ». Recommandé, donc !



---Quentin Billard