1-Dartmoor, 1912 3.35
2-The Auction 3.34
3-Bringing Joey Home,
and Bonding 4.42
4-Learning the Call 3.20
5-Seeding, and Horse vs. Car 3.33
6-Plowing 5.10
7-Ruined Crop, and Going to War 3.29
8-The Charge and Capture 3.21
9-The Desertion 2.33
10-Joey's New Friends 3.30
11-Pulling the Cannon 4.11
12-The Death of Topthorn 2.45
13-No Man's Land 4.35
14-The Reunion 3.55
15-Remembering Emilie,
and Finale 5.07
16-The Homecoming 8.06

Musique  composée par:

John Williams

Editeur:

Sony Classical 88697975282

Album produit par:
John Williams
Monteur musique:
Ramiro Belgardt
Contrats musicaux:
Sandy De Crescent, Peter Rotter
Préparation musique:
Jo Ann Kane Music Service

American Federation of Musicians.

Artwork and pictures (c) 2011 DreamWorks II Distribution Co., LLC. All rights reserved.

Note: ****
WAR HORSE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by John Williams
Décidément, l’année 2011 aura été largement dominée par Steven Spielberg dans le cinéma américain, que ce soit à travers ses nombreuses productions pour DreamWorks ou ses réalisations (« Tintin »). Peu de temps après avoir terminé le film inspiré de la célèbre BD d’Hergé, Spielberg s’attela très vite à un nouveau projet intitulé « War Horse » (Cheval de Guerre), adaptation cinématographique de la pièce de théâtre de Michael Morpurgo elle-même inspirée de son propre livre pour enfants sorti en 1982 en Angleterre. « War Horse » évoque un sujet rarement abordé au cinéma, le destin souvent dramatique des chevaux durant la Première Guerre Mondiale de 14/18. L’histoire débute à Devon, en Angleterre, au début des années 1910. Un jeune homme nommé Albert Narracott (Jeremy Irvine) assiste à la naissance d’un jeune poulain dans un pré non loin de la ferme familiale et voit le cheval grandir et galoper dans les champs. Un jour, alors qu’il souhaite défier son propriétaire peu scrupuleux, Ted (Peter Mullan), le père d’Albert, réussit à acheter le jeune cheval aux enchères pour un prix excessif. Mais Ted réalise très vite que le cheval, baptisé Joey, ne parviendra jamais à labourer les champs. L’animal possède un caractère fort, sauvage et impulsif qui fait craindre le pire à la famille Narracott, endetté auprès du propriétaire Mr. Lyons (David Thewlis). Albert se propose alors de dresser l’animal, convaincu qu’il réussira à en faire un cheval de labours, et ce malgré les doutes de ses proches. Et à force de persévérance, de ténacité – et aussi de compréhension – Albert réussit enfin à dresser Joey, permettant ainsi à sa famille de labourer le champ et de faire les premières plantations. Mais la Première Guerre Mondiale éclate alors en 1914, et les hommes sont rapidement envoyés sur le front. Hélas, un malheur n’arrivant jamais seul, les récoltes de la famille Narracott sont entièrement détruites par une tempête, obligeant Ted à vendre Joey à un jeune officier britannique, le capitaine Nichols (Tom Hiddleston), et ce au grand dam d’Albert. C’est ainsi que Joey rejoint finalement le rang des nombreux chevaux envoyés au combat pour grossir les rangs de la cavalerie britannique. Joey échouera plus tard aux mains des soldats allemands, d’une famille française et connaîtra même les tranchées lors de la tristement célèbre bataille de la Somme en 1918. Albert jure alors qu’il fera tout pour retrouver son cheval. « War Horse » est une fresque épique et dramatique réalisée à la manière des grands films d’aventure hollywoodiens d’antan : l’image, parfois un peu classique et rétro, rappelle autant John Ford que David Lean. Le casting, assez éclectique et impressionnant, réuni jeunes talents (l’inconnu Jeremy Irvine) et acteurs confirmées (Emily Watson, David Thewlis, Peter Mullan, Niels Arestrup), mais la véritable star du film c’est bien évidemment Joey, magnifique cheval aussi sauvage que courageux et téméraire, offrant ainsi à Spielberg l’occasion rêvée de rendre hommage aux huit millions de chevaux qui furent sacrifiés durant la guerre de 14/18. Rarement aura-t-on été aussi ému par le destin d’un animal dans un film de ce genre, constamment malmené tout au long du conflit mais conservant malgré tout son impétuosité et sa fougue exceptionnelle, nous offrant d’ailleurs une scène quasi anthologique durant laquelle l’animal fonce tête baissée dans des fils barbelés lors de la guerre des tranchées en 1918. Certes, le film n’est pas exempt de défauts, on pourra toujours reprocher quelques longueurs ou quelques bons sentiments un peu faciles (l’amitié improbable entre le soldat anglais et allemand dans le no man’s land où se retrouve piégé Joey, qui rappelle d’ailleurs le film français « Joyeux Noël »), mais « War Horse » reste malgré tout une belle réussite de bout en bout, rappelant encore une fois le génie de Spielberg pour les grandes fresques d’aventure et son goût pour les drames historiques – le film nous offre d’ailleurs quelques scènes de bataille absolument époustouflantes, sans la violence éprouvante de « Saving Private Ryan ». A plus
de 65 ans, le cinéaste américain s’impose encore une fois comme le maître incontesté des grands spectacles hollywoodiens, épiques et émouvants !

Qui dit Spielberg dit bien évidemment John Williams à la musique, qui retrouve ainsi son cinéaste de prédilection après le récent « Tintin », pour lequel le maestro américain avait signé une partition riche et colorée. Changement de cap dans « War Horse », puisque John Williams s’oriente désormais vers une partition plus ample, lyrique et dramatique, ponctuée de thèmes mémorables et d’orchestrations riches et élaborées. Comme toujours chez Spielberg, la musique s’avère être très présente, et ce dès les premières minutes du film dans l’introduction « Dartmoor, 1912 », où John Williams plante le décor avec une flûte pastorale, des cordes lyriques et une harpe, ainsi qu’une première mélodie aux consonances vaguement celtiques (on pense parfois à l’ouverture de « Far and Away »). L’orchestre devient alors plus emphatique et mouvementé avec l’apparition d’un nouveau thème dynamique symbolisant le cheval et un autre thème associé ensuite à l’idée de l’aventure. On retrouve le style si personnel de John Williams, visiblement très inspiré par son sujet, que ce soit dans la vitalité de son écriture orchestrale, restée intacte au fil des ans, ou son don incroyable pour les mélodies mémorables et les orchestrations toujours savamment dosées et réfléchies, que ce soit en terme de rapport à l’image ou à l’émotion d’une scène. La mélodie celtique revient dans la scène de la vente aux enchères (« The Auction ») mais c’est « Bringing Joey Home, and Bonding » qui s’avère être ici plus captivant, avec son mélange curieux d’humour – le motif roublard des cordes qui souligne les embûches d’Albert pour tenter d’apprivoiser son cheval – et d’intimité plus poétique. A ce sujet, la partie plus humoristique s’avère parfois de trop à l’écran et mal amenée : on préféra cent fois plus les développements mélodiques associés par la suite à l’amitié naissante entre Albert et Joey dans le film. Place dès lors à un style plus pastoral et champêtre évoquant la vie à la ferme et l’apprentissage de Joey dans les tâches paysannes. Le thème principal est enfin introduit par un cor à partir de 3:17 dans « Bringing Joey Home, and Bonding », un très beau thème touchant et lyrique comme seul John Williams en possède le secret : mais encore une fois, on regrettera que la fin du morceau soit gâché par un passage comique plutôt grotesque et sans grande envergure (le hautbois ironique et goguenard associé à l’oie : difficile de faire plus cliché !).

La musique prend une toute autre tournure avec le départ à la guerre dans « Learning the Call ». En premier lieu, la composition de John Williams s’avère être plus énergique, vive et emphatique, avec une jovialité contrôlée mais rafraîchissante comme le rappelle l’enthousiasme de « Learning the Call » et ses quelques développements mélodiques. Avec « Seeding, and Horse vs. Car », c’est l’arrivée de sentiments plus contrastés alors qu’Albert a bien du mal à domestiquer Joey. Le thème introductif de Dartmoor revient ici avec ses cordes lyriques qui rappellent parfois la mélodie principale du score de « Born on the 4th of July ». La musique devient plus nuancée dans l’utilisation des instruments, privilégiant la chaleur des bois (hautbois, clarinette, flûte), des cordes et d’un cor soliste, puis le thème énergique de Joey est repris en grande pompe pour un bref passage quasi chevaleresque alors qu’Albert tente de chevaucher (maladroitement) son cheval, un bref passage d’aventure et d’héroïsme extrêmement grisant et jouissif mais hélas bien trop court. Le thème est repris ensuite de façon plus sombre au début de « Plowing » alors qu’Albert tente de labourer difficilement la terre avec son cheval. L’espoir grandit tout au long du morceau, à l’image de la détermination du jeune homme et sa bête. C’est l’occasion pour Williams de développer pleinement ses thèmes repris de « Dartmoor, 1912 » tout au long de la séquence du labour. Puis la guerre pointe enfin le bout de son nez dans « Ruined Crop, and Going to War », Williams instaurant alors un climat plus sombre et dramatique dans sa musique à l’écran. Le thème de l’amitié entre Albert et Joey est repris de façon poignante lorsque le jeune homme doit se séparer de Joey, confié aux soins d’un officier britannique. Une trompette solitaire annonce d’ailleurs clairement le départ à la guerre avec l’introduction d’un nouveau thème, plus solennel et amer, symbole de tragédie à venir et drame humain. Cette impression se confirme lors de la charge guerrière meurtrière de « The Charge and Capture » avec ses rythmes martiaux frénétiques et ses cuivres massifs, intenses et déchaînés. Williams nous offre même un bref passage élégiaque poignant pour la mort de l’officier britannique sous les balles allemandes, reprenant le thème solennel de trompette qui prend ici une tournure résolument funèbre. Dès lors, la musique bascule dans la fureur et le drame. L’action a encore son mot à dire dans « Pulling the Cannon » pour la séquence du canon hissé en haut de la colline par les chevaux et les soldats allemands. Le morceau s’articule sur un ostinato entêtant des violoncelles/contrebasses et le retour de la trompette soliste, le tout enveloppé dans un crescendo sombre et dramatique d’une force saisissante à l’écran : le morceau évoque autant le travail pénible et cruel des chevaux que la menace représentée par l’armée allemande.

L’émotion n’est pas en reste dans le poignant et funèbre « The Death of Topthorn » (probablement l’un des passages les plus bouleversants du film, pour la mort du cheval compagnon de Joey), adagio de cordes/vents poignant qui joue sur une retenue remarquable, d’une mélancolie pleine de justesse. La musique évoque dans cette partie du film l’existence et le destin cruel des chevaux de guerre, avec un lyrisme et une émotion toujours constante, jusqu’à l’explosion tragique finale de « The Death of Topthorn » ou le climax brutal, dissonant et chaotique de « No Man’s Land », pour cette autre séquence anthologique durant laquelle Joey fonce tête baissée dans les fils barbelés du No Man’s Land, coincé entre les lignes alliées et allemandes. Williams souligne ici l’incroyable panache de la bête et sa détermination stupéfiante à base de rythmes martiaux repris de « The Charge » et de cuivres syncopés et aventureux tout en développant le thème de trompette solennel repris cette fois-ci par l’ensemble des cuivres et des bois en contrepoint – encore une fois, on saluera les efforts de John Williams pour développer de façon élégante et intelligente ses nombreux thèmes en fonction du récit et des images. « No Man’s Land » évolue ainsi rapidement de l’agressivité et du chaos vers une forme de détermination insouciante et aveugle, chacune des blessures infligées par les fils barbelés à l’animal permettant à Williams d’assombrir progressivement son intrépide chevauchée musicale : un superbe morceau, tout simplement ! Le très beau thème principal revient au cor et aux cordes dans « The Reunion », alors qu’Albert retrouve enfin Joey à la fin du film. Puis, c’est l’occasion pour John Williams de se souvenir aussi des victimes de la guerre dans le tendre et élégiaque « Remembering Emilie, and Finale » (dommage que le titre du morceau ‘spoile’ clairement la scène en question !), avec son piano nostalgique et ses cordes élégamment lyriques et passionnées, et cette reprise solide du thème principal et du thème de trompette solennel associé à la guerre, qui n’est plus qu’un lointain souvenir à la fin du film. En guise de bonus, John Williams nous offre une belle suite de 8 minutes dans « The Homecoming », réunissant la plupart de ses idées thématiques, avec le retour du thème pastoral de Joey au début du film, du thème de Dartmoor et sa flûte champêtre, du thème celtique, et bien sûr de l’inévitable thème principal symbolisant l’amitié indéfectible entre le jeune héros et son étalon.

Rien de bien neuf au final de la part d’un John Williams extrêmement classique, qui ne prend aucun risque particulier sur « War Horse ». Et pourtant, la magie opère à nouveau et la musique apporte un souffle lyrique et dramatique saisissant aux images de Steven Spielberg, une très belle composition symphonique d’une richesse constante, avec un mélange d’émotions nuancées, des thèmes maîtrisés et une écoute aussi agréable sur l’album que dans le film. Force est de constater qu’à 80 ans, John Williams n’a rien perdu de sa superbe et confirme encore une fois son statut de maître absolu de la musique de film, un travail d’orfèvre d’une qualité rare de nos jours, et que seul un maître de la trempe à John Williams pouvait concrétiser sur un film d’une telle envergure. Du grand art, en somme !



---Quentin Billard