1-Dead Already 3.18
2-Arose 1.05
3-Power of Denial 1.44
4-Lunch with the King 2.25
5-Mental Boy 1.43
6-Mr. Smarty-Man 1.11
7-Root Beer 1.05
8-American Beauty 3.05
9-Bloodless Freak 1.36
10-Choking the Bishop 1.51
11-Weirdest Home Videos 2.02
12-Structure & Discipline 3.05
13-Spartanette 0.59
14-Angela Undress 1.43
15-Marine 1.34
16-Walk Home 1.19
17-Blood Red 0.38
18-Any Other Name 4.06
19-Still Dead 2.46

Musique  composée par:

Thomas Newman

Editeur:

DreamWorks 0044-50233-2

Produit par:
Thomas Newman, Bill Bernstein
Monteur musique:
Bill Bernstein
Préparation musique:
Julian Bratolyubov
Assistant montage:
Jordan Corngold
Contrats musicaux:
Leslie Morris

Artwork and pictures (c) 1999 DreamWorks L.L.C. All rights reserved.

Note: ****
AMERICAN BEAUTY
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Thomas Newman
Considéré généralement et à juste titre comme l’un des meilleurs films du cinéma américain de 1999, « American Beauty » est le film qui lança pour de bon la carrière du réalisateur Sam Mendes, chef-d’oeuvre récompensé de 5 Oscars, 3 Golden Globes et bon nombre d’autres récompenses. Produit par DreamWorks, le studio de Steven Spielberg – qui recommanda lui-même Sam Mendes – « American Beauty » critique de façon ironique et satirique le mode de vie américain et brise ainsi l’image souvent idyllique du rêve américain à travers l’histoire d’une famille ordinaire qui va très rapidement éclater et révéler au grand jour ses dysfonctionnements. Lester Burnham (Kevin Spacey) et sa femme Carolyn (Annette Bening) habitent avec leur fille Jane (Thora Birch) dans un pavillon bourgeois d’une banlieue résidentielle américaine ordinaire, comme il en existe des milliers aux Etats-Unis. Tout semble aller pour le mieux dans cette famille paisible, mais les frustrations, les violences refoulées, les désirs inavoués et les non-dits conduiront les Burnham et leur entourage à révéler leur véritable visage : pour Lester, ce sera l’occasion d’envoyer tout promener, y compris son mariage, dans lequel il s’ennuie ferme, avec une femme qui n’a même plus envie de lui. Il quitte son travail et tombe alors amoureux d’Angela Hayes (Mena Suvari), la jolie copine de sa fille Jane. De son côté, Carolyn, qui ne supporte plus le volte-face soudain de son mari, décide de tromper Lester avec Buddy Kane (Peter Gallagher), prestigieux et richissime entrepreneur immobilier. Quand à Jane, elle est une adolescente typiquement américaine, rebelle, mal dans sa peau et paumée, qui ne parle quasiment plus à ses parents. La jeune fille sort alors avec Ricky Fitts (Wes Bentley), l’étrange fils des voisins, qui passe la plus claire partie de son temps à tout filmer avec son caméscope, voyant la beauté dans l’existence qu’il filme jour et nuit. « American Beauty », c’est donc le portrait sans concession de cette bourgeoisie américaine qui vole en éclat, où comment rompre les apparences pour mieux faire éclater au grand jour les rêves inavoués et les désirs refoulés de tout un chacun. De l’épouse en pleine adultère, en passant par le mari ex-baba cool 70’s qui fait sa crise de la quarantaine ou l’ado en plein émoi amoureux dans les bras d’un garçon pas comme les autres qui jette un regard inédit sur le monde à travers l’objectif de son caméscope – sans oublier le voisin militaire violent (Chris Cooper), caricature mordante du conservateur réactionnaire et homophobe typiquement américain – tout le monde y passe, avec un mélange détonnant d’ironie, de drame et même de philosophie. Le scénario, brillant, est construit sur trois grandes parties : l’ancienne vie de Lester, sa nouvelle vie et le dénouement final tragique, clairement annoncé par Kevin Spacey lui-même dans la voix-off de son personnage, qui commente le début et la fin du récit (il annonce dès le départ qu’il va mourir). Dès lors, pas de doute possible quand au dénouement de l’intrigue ! En revanche, « American Beauty » étonne davantage par sa complexité de ton, changeant constamment de ton sans jamais rompre avec son pitch de départ : pathétique, satirique, drôle, mélancolique, tendre, philosophique, sombre, poétique, le film de Sam Mendes est tout cela à la fois, servi par une mise en scène de grande qualité (les scènes quasi cultes des fantasmes de Lester avec Angela dans un bain de roses, les pétales de rose symbolisant ici l’idée d’un nouveau départ dans la vie de Lester) et un casting extrêmement solide – Kevin Spacey est remarquable, comme d’habitude, son rôle ayant été récompensé par l’Oscar du meilleur acteur en 2000. Mais la plus grande surprise vient surtout du jeune Wes Bentley, véritable révélation du film et personnage d’adolescent poignant, qui jette un regard extrêmement bouleversant et profond sur l’existence humaine. Enfin, le film de Sam Mendes aborde aussi plusieurs sujets tels que l’adolescence et ses complications, la routine de certains mariages bourgeois, la reconquête de la sexualité dans
des couples en crise, le manque de communication dans certaines familles américaines et l’homophobie. Le film aurait pu risquer de devenir rapidement indigeste étant donné sa complexité de ton et ses nombreux thèmes abordés, mais c’était sans compter sur le talent indéniable de Sam Mendes, qui livre là un véritable coup de maître qui marqua pour de bon le cinéma américain de la fin des années 90 : un film culte, en somme : incontournable !

« American Beauty » marque la première collaboration entre Sam Mendes et le compositeur Thomas Newman, qui livre pour ce film l’un de ses meilleurs travaux, une partition entièrement écrite pour un petit ensemble instrumental, judicieusement choisi par le compositeur lui-même. L’équipe habituelle des musiciens solistes de Newman est de nouveau rassemblée sur « American Beauty » : on y retrouve donc Michael Fisher aux percussions (tablas, etc.), George Doering aux guitares diverses et dulcimer, Rick Cox à la tin whislte basse, banjo et ukulélé, Steve Kujala à la flûte, George Budd à la flûte basse, Chas Smith à la steel guitare, Steve Tavaglione à la flûte et à l’EWI, Bruce Dukov au violon, Bill Bernstein (aussi monteur et co-producteur de la musique) à la mandoline, et enfin Thomas Newman lui-même au piano et au saz. Pas de surprise dans l’approche instrumentale et minimaliste souhaitée par Newman sur le film, mais le rapport à l’image s’avère être plus que jamais cohérent et solide de bout en bout, avec une esthétique anti-conventionnelle et résolument non hollywoodienne, qui sied parfaitement à un film tel qu’American Beauty. Le thème principal est exposé dans « Dead Already », un motif de trois notes répétées constamment par un marimba sur fond de guitares, tablas, kimkim drums (une variante de l’udu nigérien), piano et effets sonores divers (incluant un son d’oiseau lointain). Le style est minimaliste, répétitif, dynamique, un peu envoûtant et clairement inventif. Newman renforce le contexte dramatique de cet histoire d’individus égarés et de couple en crise et bouscule les codes musicaux du mélodrame en élaborant une musique résolument personnelle, qui évoque davantage une certaine vision de la beauté et de la vie (les instruments solistes renforcent par exemple judicieusement les plans oniriques des pétales de rose ou du sac en plastique porté mystérieusement par l’air). Les sonorités introduites dans « Dead Already » se retrouvent dans « Arose » et « Power of Denial », où la musique joue aussi sur une certaine retenue et évacue d’emblée l’approche orchestrale conventionnelle au profit d’un travail autour des solistes particulièrement agréable et rafraîchissant. La musique évoque le quotidien des différents protagonistes du film tout en accentuant de façon plus pernicieuse le caractère satirique du récit avec un second degré constant mais jamais moqueur, plutôt introspectif et discret.

La musique n’hésite pas à rentrer dans l’esprit des personnages comme le confirme le très beau thème intime et mélancolique de « Mental Boy », où l’énergie du début cède la place à une retenue plus poignante et mélancolique. Les notes hésitantes du piano sont accompagnées ici de quelques cordes et de nappes synthétiques discrètes, un très beau thème que l’on retrouvera aussi lors des moments plus tragiques du film. Puis, très vite, « Mr. Smarty-Man » reprend le style plus ironique et léger du début en mélangeant le marimba avec tablas, udu, synthé et cordes. Newman n’hésite pas à basculer dans l’expérimental avec « Root Beer », qui accentue les fantasmes de Lester à base de percussions orientales diverses et de sonorités ethniques un peu étranges. Cette idée de fantasme est accentuée dans « American Beauty » où la musique devient plus onirique et planante, avec un très beau thème de piano répétitif et délicat, typique du compositeur. « American Beauty » est, à l’instar de « Mental Boy », une autre belle réussite de la partition de Thomas Newman et l’expression évidente de la sensibilité d’un musicien décidément à l’aise dans les drames intimistes et l’évocation des sentiments humains, le tout avec une vraie économie de moyens et une retenue parfois bouleversante à l’écran. A noter les effets étranges de guitares dans « Choking the Bishop », où Newman nous fait clairement comprendre que quelque chose ne va pas, que tout semble aller de travers pour ce petit monde. Le marimba revient en force dans « Weirdest Home Videos » tout comme le piano intime et délicat de « Structure & Discipline », qui semble aller à l’encontre du titre du morceau - là où on se serait attendu à un style strict et agressif, Newman répond encore une fois par une musique d’une douceur émouvante, extrêmement retenue et résolument personnelle dans sa façon de jouer des notes vaporeuses et éthérées, mais non dénuées d’un sentiment dramatique sous-jacent. Le thème mélancolique de « Mental Boy » revient dans « Angela Undress » pour la scène où Lester s’apprête à faire l’amour à Angela, avant que cette dernière lui avoue qu’elle est toujours vierge. Ici aussi, l’émotion prime avant tout malgré une retenue constante. Force est de constater que ce très beau thème de piano est une réussite incontestable à l’écran, apportant une émotion assez intense sans en faire de trop : un tour de force en somme. L’émotion se concrétise dans « Walk Home » et « Blood Red », où les notes de piano et les cordes apportent cette touche dramatique aux 10 dernières minutes du film, nous amenant avec douceur à l’issue tragique attendue et clairement annoncée dès le début du film par Lester Burnham lui-même. On retrouve le thème planant de piano pour Ricky et Jane dans « Any Other Name » qui concrétise clairement l’idée philosophique de la beauté de l’existence humaine avec une approche onirique et planante tout simplement poignante. Et c’est sans surprise que la boucle est enfin bouclée dans « Still Dead », qui reprend le motif répétitif introductif du marimba de « Dead Already » en guise de coda.

Vous l’aurez donc compris, nous sommes bel et bien ici en face de l’une des meilleures partitions de Thomas Newman pour le cinéma de Sam Mendes, un très beau score qui eut par la suite un certain succès et reste encore aujourd’hui une partition culte du cinéma américain de la fin des années 90, constamment citée par les professionnels de l’industrie et les fans de Thomas Newman. La musique de « American Beauty » devient ici l’écho de la pensée des personnages et de leurs agissements, entre les doutes, les remords, l’exaltation, la détermination ou les sentiments refoulés. A cette illustration musicale très humaniste (et satirique) des différents personnages, Newman ajoute un passionnant travail d’instrument soliste assez remarquable – largement dominé par le marimba – et aussi typique de son style musical habituel. C’est pourquoi il n’est guère rare de reconnaître dans quelques mesures de « American Beauty » des réminiscences de ses précédentes partitions : on pense parfois à « Meet Joe Black », « Fried Green Tomatoes », « The Green Mile » ou bien encore « The Shawshank Redemption ». L’approche musicale voulue par Thomas Newman sur « American Beauty » n’est donc pas si originale en soi puisqu’elle reprend des formules musicales déjà établies dans les précédents travaux du compositeur, bien que le rapport image/musique soit encore une fois remarquable en tout point de la part du musicien américain. Rappelons aussi que la partition de « American Beauty » fut nominée aux Oscars en 2000 mais n’obtint finalement pas la statuette de la meilleure musique de film, qui fut attribuée cette année à John Corigliano pour « The Red Violin ». Mais qu’importe, le public ne s’y est pas trompé, et la partition de « American Beauty » reste encore aujourd’hui l’un des plus fameux travaux de Thomas Newman pour le cinéma et aussi une partition-clé dans sa filmographie, au même titre que le très populaire « The Shawshank Redemption ». Au final, « American Beauty » représente la quintessence même de la personnalité musicale si singulière de Thomas Newman, compositeur décidément à part dans l’industrie hollywoodienne, toujours en marge des productions plus calibrées, un musicien qui semble s’être totalement investi dans son exploration des instruments solistes et de l’émotion toute en finesse à fleur de peau, arborant un style à la fois répétitif, minimaliste et expérimental qui doit beaucoup à certains compositeurs américains contemporains du 20ème et 21ème siècle. Une très belle réussite - aussi bien musicale que cinématographique - incontournable dans la filmographie de Thomas Newman !




---Quentin Billard