1-New Baby 3.03
2-Choking 3.19
3-A Lot to Say 1.09
4-Mummification 1.28
5-47 Days Old 3.36
6-The Park 0.50
7-Buster 2.03
8-Through the Ceiling 2.56
9-Hide and Seek 8.56
10-63 Days Old 0.44
11-Seth and Apep 1.39
12-Home Video 4.48
13-Formula 2.54
14-Textbook Abuse 1.38
15-Joshua Hiding 3.41
16-Nobody Will Ever Love You 3.53

Musique  composée par:

Nico Muhly

Editeur:

MovieScore Media MMS-08005

Producteur exécutif de l'album:
Mikael Carlsson
Musique produite par:
Dan Bora
Montage de l'album:
Mikael Carlsson

Edition limitée à 500 exemplaires.

Artwork and pictures (c) 2008 Twentieth Century Fox Film Corporation. All rights reserved.

Note: ***1/2
JOSHUA
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Nico Muhly
Premier long-métrage du réalisateur George Ratliff, « Joshua » s’est fait remarquer lors du festival de Sundance en 2007 et de Gérardmer en 2008. Le film est une énième variante autour du thème des enfants maléfiques, sauf qu’ici, point d’antéchrist ou de réincarnation du diable : le petit Joshua est un enfant ordinaire, mais doué d’une intelligence certaine et d’un goût terrifiant pour la manipulation psychologique et mentale. C’est le jeune Jacob Kogan qui interprète ici l’enfant maléfique, un rôle difficile et dérangeant qui rappelle beaucoup le personnage emblématique de Damien dans la trilogie horrifique « The Omen ». Le couple Brad (Sam Rockwell) et Abby Cairn (Vera Farmiga) mènent une existence ordinaire dans leur luxueux appartement de Manhattan avec leur fils de 9 ans Joshua, un enfant surdoué qui maîtrise le piano et possède une intelligence rare pour un gamin de son âge. Tout va pour le mieux jusqu’au jour où Abby accouche d’une petite fille, Hazel. Peu de temps après, des événements étranges surviennent dans la maison. Régulièrement, Hazel se réveille en pleurant la nuit pour une raison inconnue, et ce à tel point qu’Abby, incapable de comprendre ce qu’il se passe, finit par faire une dépression nerveuse. Quand à Joshua, ce dernier montre un comportement de plus en plus étrange et inquiétant, provoquant des tensions dans le couple et l’environnement familial. Les Cairn ignorent encore que tout ceci fait partie d’un plan diabolique imaginé par le plus pervers des enfants, à l’apparence innocente. « Joshua » est un thriller psychologique dérangeant qui évoque une manipulation insidieuse orchestrée par un enfant brillant et machiavélique, dans un style qui rappelle parfois Alfred Hitchcock. Le film est soutenu par un casting solide mettant en scène Sam Rockwell et Vera Farmiga dans la peau d’un jeune couple new-yorkais dont l’apparente solidité va très vite voler en éclat à cause d’un enfant peu commun et incroyablement pervers. Le rythme du film est volontairement lent et l’atmosphère sombre et immersive, sans aucun artifice visuel particulier. Le réalisateur privilégie avant tout le jeu des interprètes, même si Vera Farmiga finit par lasser à force d’accentuer lourdement son caractère hystérique et dépressive (‘too much’, probablement !). Quand au jeune Jacob Kogan, il reste la star incontestable du film et s’avère être un jeune et brillant comédien en passe de devenir une future vedette du cinéma hollywoodien, à condition qu’il sache faire les bons choix (on l’a aussi vu récemment dans le rôle du jeune Spock dans le « Star Trek » de J.J. Abrams en 2009). « Joshua » reste donc un bon thriller psychologique qui, à défaut de laisser un souvenir impérissable, saura vous maintenir en haleine jusqu’à son tragique final, aussi horrifiant que bouleversant. A voir, donc !

Le film de George Ratliff doit incontestablement beaucoup à la ténébreuse partition symphonique du jeune compositeur américain Nico Mulhy, un musicien qui navigue depuis ses débuts dans le monde de la musique contemporaine et plus particulièrement dans l’école de la musique répétitive américaine, suivant ses confrères Philip Glass et Steve Reich. Cet ancien élève de John Corigliano et Christopher Rouse travailla à ses débuts avec Philip Glass mais aussi avec la chanteuse Björk, puis enchaîna très vite les projets les plus divers, avec entre autre une composition pour le ballet « From Here on Out » en 2007 (sur une chorégraphie de Benjamin Millepied) et « Two Hearts » en 2012, des arrangements instrumentaux pour des groupes en tout genre (Antony and the Johnsons, Grizzly Bear, etc.), sans oublier de nombreuses oeuvres orchestrales dont « Wish You Were Here » et « Step Team », toutes deux créées par le Boston Pop et l’orchestre symphonique de Chicago en 2007. Parmi le répertoire de Nico Muhly, on trouve donc des pièces pour choeur, pour percussions, des musiques d’ensemble, deux opéras, des pièces pour orchestre, pour piano, pour instrument solo, pour voix solo et, bien entendu, quelques compositions pour le cinéma. A l’instar de ses confrères John Corigliano, Elliot Goldenthal, Philip Glass ou Don Davis, Nico Muhly fait partie de cette génération de musiciens américains qui ont franchi le cap de la grande toile et ont décidé d’oeuvrer à leur tour pour le cinéma. Usant de son savoir-faire incontestable et de sa science musicale, Muhly livre avec « Joshua » sa seconde partition pour le cinéma après « Choking Man » écrite en 2006 pour le film de Steve Barron. Le compositeur nous livre un score claustrophobique, sombre et envoûtant qui s’inscrit dans la continuité des précédents travaux répétitifs de Muhly, influencé par Philip Glass. « New Baby » pose ainsi le ton particulier du score avec une série de notes hésitantes passant d’un instrument à un autre, dans un registre plutôt minimaliste. Nico Muhly développe ici une instrumentation particulière, incluant piano, célesta, harpe, un petit ensemble à cordes et quelques bois. A noter que le piano reste l’instrument clé du score de « Joshua », un choix plus qu’évident étant donné que le jeune enfant joue lui-même du piano durant certaines scènes du film. On notera aussi la présence du violon soliste de Caroline Plizska, dont le jeu souvent lyrique, doux et ambigu apporte à la partition du compositeur une série de nuances plutôt intéressantes et particulières. L’atmosphère se veut encore idyllique et paisible, bien que le caractère hésitant et fragmenté des notes confère à « New Baby » un caractère intriguant et un peu ambigu, une sorte de calme avant la tempête. « Choking » confirme d’ailleurs l’orientation thriller du film avec une série de dissonances lentes et calmes aux violons dans le registre aigu, tandis que le piano, la harpe et le célesta multiplient les ponctuations hésitantes à la manière de « New Baby ». Puis, très vite, les contrebasses et les violoncelles font leur entrée pour renforcer la tension de « Choking », alors qu’Abby est en train de sombrer dans une très grave dépression post-partum. « Choking » reste ainsi très proche de l’écriture de « New Baby », avec un soupçon de dissonances en plus, tandis que « A Lot to Say » installe un faux climat de douceur et de nostalgie avec son hautbois soliste faussement apaisé sur fond d’harmonies dissonantes et ambiguës des cordes, le tout avec une retenue et une pudeur et un minimalisme extrême : aucune agressivité ni sursaut horrifique dans la musique.

A contrario, Nico Muhly joue davantage sur le sentiment de trouble psychologique, d’ambiguïté, de faux semblant, en développant une musique perdue entre tonalité paisible et atonalité discrète, afin de coller au mieux à la personnalité complexe et ombragée du jeune Joshua à l’écran, tout en suggérant clairement et de façon sournoise la fausse innocence de l’enfant. Si « Mummification » évoque les troubles et le malaise grandissant d’Abby, « 47 Days Old » nous transporte clairement dans la facette plus sombre et lugubre de la partition de « Joshua » avec une série d’accords plus agressifs de piano et des cordes lentes et dissonantes, qui créent un sentiment de tension et d’angoisse à l’écran, le tout en privilégiant la retenue et l’hésitation. Le morceau reste donc calme, traversé de trémolos inquiétants des cordes et de quelques ponctuations instrumentales minimalistes. Le doute persiste avec le léger « The Park », dans lequel les vents, les cordes et le glockenspiel prennent une tournure quasi enfantine et innocente. Mais avec « Buster », il n’est plus vraiment question de doute : l’introduction brutale et brusque du morceau nous fait clairement comprendre que quelque chose ne va pas : la musique devient plus atonale, plus sombre et plus inquiétante au fur et à mesure que l’intrigue avance et que le jeune Joshua dévoile sa manipulation diabolique. Le suspense est alors de mise dans « Hide and Seek », qui suggère clairement la perversion de l’enfant à grand renfort de cordes dissonantes, de clusters stridents, de glissandi, d’effets instrumentaux aléatoires du hautbois et de la flûte, et de registres extrêmes – Muhly empruntant clairement ici l’esthétique de la musique bruitiste du XXe siècle – L’écriture du compositeur reste résolument personnelle et singulière, très éloignée du style hollywoodien habituel, bien qu’un passage à suspense comme « Hide and Seek » s’avère être moins singulier et plus conventionnel dans son approche. Néanmoins, on reconnaît ici une patte, un style proche de la musique contemporaine américaine, ce qui s’avère être assez rafraîchissant pour nos oreilles de béophiles parfois blasés par la musique de film hollywoodienne. Cette approche se confirme largement dans l’agité « 63 Days Old » et ses sursauts instrumentaux brefs, tout comme l’angoissant « Joshua Hiding » dominé par le violon soliste de Caroline Plizska et le diabolique « Nobody Will Ever Love You », qui laisse exploser toute la perversité monstrueuse de l’enfant lors d’un final particulièrement dérangeant.

Nico Muhly signe donc pour « Joshua » une solide partition de thriller psychologique en utilisant un effectif orchestral complet – incluant le piano, instrument-clé du score associé à Joshua, et le violon soliste - mais sans aucune démesure ni surenchère hollywoodienne : fidèle à son esthétique musicale empruntée à la musique contemporaine répétitive américaine – avec un soupçon de minimalisme – Muhly élabore une partition lente, immersive et claustrophobique qui joue sur l’idée des faux-semblants et de l’ambiguïté, pour finalement basculer lentement mais sûrement dans l’angoisse et la tension, à l’image de l’évolution de Joshua dans le film. Le score délaisse quelque peu l’approche mélodique habituelle pour se concentrer sur un travail autour du son et des couleurs instrumentales assez riche et singulier, bien que l’aspect athématique du score risque fort d’en rebuter plus d’un. Si vous recherchez donc un score à suspense plutôt original, personnel et singulier, « Joshua » pourrait vous plaire aisément, car Nico Muhly ne sombre jamais dans les clichés des musiques de thriller hollywoodienne et reste fidèle à sa personnalité musicale héritée de la musique contemporaine du XXe et XXIe siècle. Une partition thriller très intéressante et particulière, à découvrir grâce à l’édition limitée publiée par MovieScore Media !




---Quentin Billard