1-Shadow Monster 2.01
2-Juan's Nightmare 5.27
3-Intruders Titles 1.32
4-Waking Up Hollowface 3.32
5-John's Family 3.01
6-The Worker Accident 4.46
7-Entering the Story 3.34
8-Rolling Boy 3.29
9-Hollowface in Mia's Room 5.18
10-Back to the House 3.28
11-Second Attack 4.24
12-The Exorcism 4.28
13-Leaving Home 5.58
14-Mia's Notes 3.07
15-In The Farm 2.24
16-Discovering the Truth 4.03
17-It's Over 11.36
18-End Credits 3.15

Musique  composée par:

Roque Baños

Editeur:

Milan Records 399 380-2

Produit par:
Roque Baños

(c) 2011 Apaches Production. All rights reserved.

Note: ***1/2
INTRUDERS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Roque Baños
Nouveau long-métrage horrifique du cinéaste espagnol Juan Carlos Fresnadillo (à qui l’on doit l’intense « 28 Weeks Later »), « Intruders » est une énième variante sur le thème ultra usé du croquemitaine qui débarque la nuit chez d’honnêtes gens pour les terroriser, sauf qu’ici, il n’est ni question de fantôme ni de monstre mais bien d’une ombre sans visage baptisée « Hollowface » (sans visage, en V.F.), qui hante l’histoire du début jusqu’à la fin. L’histoire tourne autour de deux enfants, situés dans deux mondes culturellement et géographiquement différents. Le premier, Juan (Izán Corchero), vit en Espagne et la seconde, Mia (Ella Purnell), vit en Angleterre. Ces deux enfants reçoivent chaque nuit la visite d’un mystérieux intrus sans visage qu’ils ont baptisé « Hollowface », et qui cherche à s’emparer d’eux et de leur visage. C’est en tout cas ce qu’ils racontent dans un conte qu’ils doivent écrire pour leur école. Mia découvre d’ailleurs l’histoire de Juan lorsqu’elle met la main sur un papier caché au fond d’un arbre, et qui contient le récit du terrifiant conte de Juan. Mais où s’arrête la fiction et où commence la réalité ? L’intrus sans visage n’est-il que le fruit de leur imagination fertile ou bien un monstre bien réel apparaissant de façon angoissante toutes les nuits ? La tension monte alors d’un cran lorsque Luisa (Pilar Lopez de Ayala), la mère de Juan, et John (Clive Owen), le père de Mia, sont témoins de ces terrifiantes apparitions. Sujet devenu à la mode dans le cinéma fantastique espagnol contemporain, le film de « home invasion » (invasion domestique) est le genre idéal pour un cinéma toujours aussi énergique et prometteur, véhiculant tension, angoisse et paranoïa, comme en témoignent les récents « Malveillance » de Jaume Balaguero (2011) et « Kidnappés » de Miguel Angel Vivas (2011). Suivant un même ordre d’idée, « Intruders » évoque l’invasion d’une maison où habite une famille sans histoire et leur jeune fille ordinaire par un individu sans visage ni identité, aux motivations quelque peu étrange : s’emparer de l’enfant pour récupérer son visage. Allégorie de l’insécurité et des terreurs nocturnes de l’enfance, « Intruders » évoque aussi le sentiment de paranoïa, qui se transmet de parent à enfant comme le démontre habilement le twist final, qui nous offre quelques révélations plutôt étonnantes bien qu’un peu décevantes dans le fond (on se dit finalement « tout ça pour ça ? »). Juan Carlos Fresnadillo ménage habilement le suspense et la tension tout au long du film, sans la moindre effusion de sang, rapprochant progressivement l’histoire des deux enfants autour d’une même trame narrative (on finit par comprendre que l’un se trouve dans le passé, l’autre dans le présent). Dommage que le recours aux effets spéciaux ne soit pas toujours très convaincant, notamment pour les scènes d’apparition de Hollowface. Dommage aussi que le twist final attendu ne soit pas aussi convaincant qu’on l’aurait espéré – bien qu’il laisse le public libre d’interpréter la révélation comme il l’entend – Niveau casting, Fresnadillo s’est entouré de quelques bons talents, qu’il s’agisse de Clive Owen, Carice van Houten ou bien encore Daniel Brühl, acteur allemand d’origine espagnole vu dans « Good Bye, Lenin ! » ou bien encore « Inglourious Basterds ». Reste que « Intruders » a bien du mal à convaincre malgré quelques bons points : la lenteur monotone du film et la qualité quelconque des effets spéciaux trahissent le manque d’ampleur d’un thriller fantastique qui ne tient pas complètement ses promesses et finit par ennuyer plus qu’autre chose.

En revanche, Juan Carlos Fresnadillo ne s’est pas trompé en engageant Roque Baños à la musique de « Intruders ». Le célèbre compositeur, incontournable musicien du cinéma espagnol, signe pour ce film une partition sombre, lugubre et oppressante, avec un savoir-faire indiscutable et un sens inné du suspense et de la tension. Enregistrée à Londres, la partition orchestrale de Roque Baños fait la part belle aux cordes dissonantes et à toutes les techniques avant-gardistes habituelles des musiques horrifiques hollywoodiennes, proche ici de l’esthétique de Krzysztof Penderecki, sans oublier un recours à quelques sonorités électroniques brumeuses et inquiétantes pour illustrer les apparitions d’Hollowface. Le compositeur utilise aussi un piano pour apporter un sentiment plus délicat et chaleureux à sa musique, et quelques vocalises du jeune garçon soprano Ralph Skan, illustrant l’innocence de l’enfance face aux apparitions démoniaques de l’intrus sans visage. « Shadow Monster » introduit ainsi le thème principal du score, mélodie mélancolique confiée à un piano, mais précédée d’une section de cordes sombre et inquiétante. Mais si « Shadow Monster » n’est qu’une mise en bouche un peu concise, « Juan’s Nightmare » rentre dans le vif du sujet avec un premier déchaînement de terreur angoissant et intense, dans lequel l’orchestre londonien s’en donne à coeur joie en exécutant une véritable sarabande de sursauts orchestraux, de brutalité symphonique assez extrême et d’effets instrumentaux avant-gardistes qui rappellent indiscutablement les grandes partitions thriller de Christopher Young, influence majeure de Roque Baños sur « Intruders » (on pense parfois aussi à « The Descent » de David Julyan). « Juan’s Nightmare » introduit aussi les sonorités électroniques fantomatiques et ténébreuses qui hantent une partie de la partition et suggère une présence maléfique impalpable, un mauvais esprit tapis dans l’obscurité. Enfin, ce morceau développe pendant plus de 5 minutes un climat de suspense glauque par le biais de cordes dissonantes, stridentes et glaciales, de boîte à musique/piano évoquant une comptine d’enfant, d’effets instrumentaux aléatoires aux cordes et aux vents (cf. les glissandi impressionnants des bois à 2:25), et bien entendu, de sursauts orchestraux et de clusters divers d’une agressivité impressionnante, surtout dans la dernière minute, plutôt extrême et assez virtuose en terme de puissance sonore.

Mais comme souvent chez Baños, on remarque rapidement les influences évidentes du compositeur espagnol, à commencer par Christopher Young, mais aussi Brian Tyler (les effets aléatoires de trompettes à 4:49 rappellent « Aliens vs. Predator Requiem ») voire Marco Beltrami ou John Ottman. Le thème principal, associé aux deux enfants du film, est développé dans son intégralité dans le mystérieux et élégant « Intruders Titles », dans lequel la mélodie fragile et un brin mélancolique est cette fois-ci confiée à la voix du jeune garçon soprano, sur des paroles anglaises évoquant l’intrus sans visage. Quoiqu’il en soit, le ton est donné, et « Waking Up Hollowface » enfonce le clou en prolongeant le travail d’effets instrumentaux avant-gardistes et de vocalises mystérieuses du jeune garçon soprano. La musique dévoile même un lyrisme plus chaleureux dans « John’s Family », où le thème est repris cette fois-ci par une trompette sur fond de contrebasses/violoncelles martelées à travers une série de staccatos secs et brutaux, évoquant la marche inexorable d’Hollowface. A noter que ces cordes en staccatos reviendront à plusieurs reprises dans le score pour évoquer les manifestations de l’intrus sans visage. Et si vous aimez les musiques dissonantes et agressives façon Penderecki, vous adorerez à coup sûr l’oppressant et brutal « The Worker Accident », ou l’intense et violent « Hollowface in Mia’s Room », qui reprend les formules orchestrales avant-gardistes et terrifiantes de « Juan’s Nightmare », une pure symphonie du cauchemar d’une virtuosité impressionnante (à noter les martèlements d’enclumes à partir de 2:27 sur fond d’effets aléatoires du piano et des bois), sur les images comme sur l’album. Il règne dans la musique de Roque Baños une agressivité et une virtuosité incroyable dans les déchaînements de terreur, aussi intenses que certaines scènes d’apparition du film, même si l’ensemble n’a rien de follement original et ressemble déjà à tout ce qui a été fait dans le registre des musiques d’horreur/suspense hollywoodiennes. La terreur culmine dans le film avec « Second Attack », le grandiose « The Exorcism » tandis que « Leaving Home » est l’un des rares moments plus lyrique et émotionnel, avec des cordes touchantes et plus élégantes, alors que le cauchemar semble être enfin terminé. Mais c’est sans compter sur « Mia’s Notes » et « In The Farm » qui ramènent l’angoisse et la sauvagerie orchestrale au devant de la scène pour les dernières apparitions de l’intrus (à noter l’emploi de la voix de l’enfant au milieu de la cacophonie cauchemardesque de « In The Farm »). Quand à « It’s Over », il s’agit d’une conclusion plutôt ample, dramatique et imposante (11 minutes 36 !), alors que Mia découvre la vérité au sujet de l’intrus à travers le récit final de son père.

Bilan très positif donc pour cette ténébreuse composition symphonique signée Roque Baños, visiblement assez inspiré par son sujet bien que n’apportant rien de bien nouveau au genre de la musique horrifique. Le compositeur espagnol applique ici toutes les recettes orchestrales habituelles pour un résultat certes convenu mais ô combien impressionnant par son degré de brutalité et sa puissance orchestrale redoutable. Tour à tour mystérieuse, poétique, angoissante et violente, la musique de « Intruders » est une réussite incontestable, apportant une véritable intensité et une noirceur accrue au film de Juan Carlos Fresnadillo, à réserver néanmoins aux amateurs de musiques horrifiques façon Christopher Young ou Marco Beltrami : à une époque où certains compositeurs sombrent trop facilement dans du sound design basique et du tapissage sonore simpliste, il est bon d’entendre une musique horrifique orchestrale aussi élégante, intelligente, complexe et bien écrite !




---Quentin Billard