1-A Hundred Years From Today 2.15*
2-Ich Bin Die
Fesche Lola (Live) 0.56**
3-Ja, Das Ist Meine Melodie 3.22***
4-Ich Tanze Mit Dir in
Den Himmel Hinein 3.30+
5-Rachel's Theme 1.28
6-The Black Book 2.18
7-Escape Through the Marshes 2.42
8-In Pursuit 3.03
9-Rachel's Plan 1.38
10-In Too Deep 1.56
11-Shot at Dawn 2.00
12-Sleeping with the Enemy 3.01
13-Escape Plans 3.01
14-The Insider 1.57
15-Falling Into the Trap 1.45
16-Confessions of the Night 3.13
17-Escape by Sea 1.33
18-A Hero of the Resistance 3.19
19-Intelligence Gathering 2.05
20-Rumours of Liberation 2.16
21-Victims of the Occupation 1.34
22-Rachel's Retribution 4.40
23-The Endless River 2.04

*Interprété par Carice Van Houten
Musique de Young Victor
Paroles de Young Joseph
& Washington Ner.
**Interprété par Carice Van Houten
Musique de Friedrich Hollaender
Paroles de Robert Liebmann
***Interprété par Carice Van Houten
Musique de Werner Bochmann
Paroles de Bruno Balz
+Interprété par Carice Van Houten
Musique de Schroder Friedrich
Paroles de Beckmann Hans Fritz.

Musique  composée par:

Anne Dudley

Editeur:

Milan Records M2-36525

Musique produite par:
Roger Dudley
Préparation de la musique:
Christina Godbold
Producteurs exécutifs de
l'album pour Milan:
Jean-Christophe Chamboredon,
Ian Hierons

Music business & Legal affairs:
Roya R.Hekmat, Esq.

Artwork and pictures (c) 2007 Sony Pictures Classics, Inc. All rights reserved.

Note: ***1/2
BLACK BOOK
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Anne Dudley
Après son départ d’Hollywood, probablement en partie motivé par le semi échec du décevant « Hollow Man » (2000), Paul Verhoeven tourne à nouveau dans son pays natal, la Hollande, et nous offre enfin son nouveau film néerlandais après six ans d’attente, « Black Book » (« Zwartboek »), inspiré de l’autobiographie d’Hélène Moszkiewiez, « Ma guerre dans la Gestapo ». L’histoire débute en 1956 en Israël. Rachel Stein (Carice Van Houten), une jeune institutrice juive, se souvient de ce qu’elle a vécu 10 ans auparavant durant l’occupation allemande à La Haye, en 1944. Alors que la ferme dans laquelle elle se cachait a été détruite accidentellement par une bombe américaine, Rachel dû s’enfuir en compagnie d’un groupe d’exfiltrés juifs qui tentaient de gagner la Hollande-Méridionale, alors libérée à ce moment-là. Avec la complicité d’un avocat nommé Mr. Smaal (Dolf de Vries), qui lui fournit l’argent de son père, et un résistant nommé Van Gein (Peter Blok), qui l’aide à franchir la rivière, Rachel et les autres juifs s’enfuient en bateau sur le delta du Biesbosch. Hélas, les fugitifs sont tombés dans un piège et sont brutalement abattus par des officiers nazis qui s’emparent alors de leurs bijoux et de leur argent. Rachel survit de justesse à l’attaque, et décide alors de changer de nom : désormais, elle s’appelle Ellis de Vries. La jeune femme rejoint ensuite un réseau de résistance à la Hague, dirigé par Gerben Kuipers (Derek de Lint), qui travaille conjointement avec un médecin nommé Hans Akkermans (Thom Hoffman). Alors que le fils de Kuipers et d’autres membres de la résistance sont capturés par les nazis et jetés en prison, Ellis accepte une mission particulièrement dangereuse : infiltrer la Gestapo en séduisant l’officier allemand Ludwig Müntze (Sebastian Koch) après s’être teinte en blonde. Travaillant comme secrétaire dans les bureaux de la Gestapo, Ellis se retrouve obligée de jouer double jeu en couchant avec Müntze tout en espionnant les SS pour le compte du réseau de résistance. Mais les nazis finissent par l’identifier secrètement, et l’opération d’évasion des prisonniers tourne à la catastrophe. Suite à une sombre manoeuvre de désinformation orchestrée de façon insidieuse par le sadique officier SS Günther Franken (Waldemar Kobus), Ellis se retrouve accusée par son propre camp de collaborer avec les allemands et se retrouve recherchée à son tour par les résistants. « Black Book » reste à ce jour l’un des plus grands succès du cinéma néerlandais, et aussi l’un des films les plus chers des Pays-Bas, qui obtint de nombreuses récompenses à sa sortie en 2006. Le film est né des retrouvailles entre Paul Verhoeven et son scénariste Gerard Soeteman, avec lequel il travailla dans les années 70 sur ses premiers grands succès néerlandais qu furent « Turkish Delight » (1973) et « Soldier of Orange » (1977). Cela faisait 15 ans que les deux hommes travaillaient régulièrement sur ce script mais ce ne fut qu’au début des années 2000 qu’ils finirent par élaborer concrètement une première ébauche du scénario.

Bien que ne relatant pas une histoire vraie à proprement parler, « Black Book » s’inspire néanmoins d’événements réels que Verhoeven a lui-même bien connu durant sa jeunesse à la Hague en pleine Seconde Guerre Mondiale. Prévu à l’origine pour un budget conséquent de 12 millions d’euros, le film coûta si cher qu’il faillit ne jamais voir le jour. Le tournage, prévu au départ en 2004, ne démarra finalement qu’en août 2005 suite à plusieurs problèmes d’ordre juridiques et financiers, pour ce qui reste à ce jour le film néerlandais le plus cher de son époque (18 millions d’euros). Le résultat est à la hauteur de l’attente : Verhoeven est en pleine forme et nous offre un film de guerre/espionnage au suspense haletant, servi par un casting de qualité et l’interprétation remarquable de la belle et sensuelle Carice Van Houten, véritable révélation du film (récompensée par le Golden Calf néerlandais de la meilleure actrice en 2006). Le film reprend quelques éléments chers à Verhoeven, que ce soit dans la violence – qui reste somme toute assez ‘modeste’ ici par rapport à ses anciens films – la sexualité ou la psychologie ambiguë des personnages. Le cinéaste souhaitait ainsi faire de « Black Book » un récit dans lequel rien ne serait ni tout noir ni tout blanc, et où personne ne serait ni complètement gentil ni complètement méchant, un peu comme dans la vraie vie. Refusant ainsi toute forme de manichéisme, Paul Verhoeven renoue enfin dans « Black Book » avec son style d’antan, avec une plus grande liberté de ton, débarrassé aussi de son besoin démonstratif et outrancier de choquer le public comme il le fit régulièrement durant ses 20 années passées à Hollywood. Le cinéaste sait qu’il ne s’adresse plus au même public, et que tout ceci appartient désormais à son passé (ou presque). « Black Book », le film de maturité pour Paul Verhoeven ? Possible. Toujours est-il que, s’il ne signe pas là son plus grand chef-d’oeuvre, le ‘hollandais violent’ nous offre malgré tout un excellent film de guerre au suspense intense doublé d’une réflexion subtile sur les rapports humains en temps de guerre, un très bon thriller historique ambitieux et immersif parsemé de nombreux rebondissements.

Avec le décès de ses deux meilleurs collaborateurs, Basil Poledouris et Jerry Goldsmith, Paul Verhoeven n’eut guère le choix que de se tourner vers d’autres musiciens pour le score de « Black Book ». Après avoir écouté de nombreux albums, le cinéaste découvrit la musique de la britannique Anne Dudley et tomba sous le charme de ses compositions musicales. Dans une note du livret de l’album, Paul Verhoeven explique son choix d’Anne Dudley en raison du goût de la musicienne pour des grands maîtres tels que Stravinsky, Shostakovich, John Adams ou bien encore Ravel, goûts partagés par le réalisateur lui-même. La musicienne, connut pour ses travaux sur des films aussi divers et variés que « American History X », « The Full Monty » ou bien encore « The Crying Game », livre pour « Black Book » une partition symphonique sombre, intense, brutale et immersive, à l’image du film lui-même. Enregistrée à Londres, la partition d’Anne Dudley renoue avec le style sombre et dramatique de « American History X », la compositrice ayant d’ailleurs assuré elle-même ses propres orchestrations ainsi que la direction d’orchestre. Le score de « Black Book » repose avant tout sur un thème principal associé au personnage de Rachel, brillamment interprétée par Carice Van Houten dans le film : le « Rachel’s Theme » est une mélodie plutôt dramatique et mélancolique aux cordes sur fond d’arpèges entêtants de violoncelles, avec bois et harpe. Comme toujours chez Dudley, les orchestrations sont très soignées, révélant un classicisme d’écriture typique de la musicienne, avec, comme toujours, un lyrisme très marqué et un aspect dramatique et sombre qui rappelle clairement « American History X ». Ce caractère sombre, on le retrouve dès « The Black Book », qui souligne clairement le suspense et la tension du film, avec ses cordes et ses cuivres dissonants et agressifs, sur le point d’exploser à tout moment. La seconde partie de « The Black Book » enchaîne sur l’action avec un ensemble de percussions et des cuivres plus massifs : on retrouve ici aussi une écriture symphonique très soutenue et assez élégante, même dans les passages d’action les plus agressifs, dont le classicisme rappelle aussi bien Stravinsky que certaines musiques d’action hollywoodiennes des années 70/80 (on n’est guère loin par moment des musiques thrillers d’Arthur B. Rubinstein ou de Michael Small). La musique sait aussi se faire plus dramatique et retenue dans « Escape Through the Marshes » qui évoque le destin bien sombre des juifs qui tentent de fuir les soldats nazis à travers les marais, ainsi que la terrible mise à mort de la famille de Rachel. Dans « In Pursuit », l’écriture des cordes et des vents devient plus mystérieuse, suggérant une menace omniprésente. Ici aussi, le morceau bascule dans l’action et la terreur avec une nouvelle montée orchestrale violente et musclée pour l’attaque des nazis dans les marais. On appréciera l’apport des percussions, qui mélangent ici caisse claire, timbales, piano et toms pour un résultat assez robuste et très impressionnant. La compositrice, connut pour ses musiques souvent plus dramatiques et lyriques, se montre ici très à l’aise dans l’action, avec ce classicisme d’écriture qui rappelle parfois Michael Kamen (flagrant dans l’écriture des cuivres et de certains rythmes).

Un morceau comme « In Pursuit » apporte d’ailleurs une force considérable aux images, accentuant la violence du film et la puissance dramatique de certaines scènes de « Black Book ». Dans « Rachel’s Plan », la musique devient plus mystérieuse et envoûtante, avec le retour du thème de Rachel dominé ici par les cordes et les vents. La musique véhicule clairement à l’écran cette sensation de noirceur, de conspiration et de faux-semblants, avec la sensualité de Rachel, que cette dernière va utiliser comme une arme pour piéger et espionner les nazis. Le « Rachel’s Theme », très présent, sera développé tout au long du récit comme un véritable leitmotiv dramatique qui exprimera tour à tour les convictions de l’héroïne, son courage (ou sa folie) pour mener à bien une mission aussi dangereuse, et bien sûr, la menace qui pèse sur elle, sur le point d’être démasquée à tout moment. Le score d’Anne Dudley devient bien plus narratif dans les passages d’action d’une virtuosité redoutable, comme la séquence de la fusillade dans la matinée de « Shot At Down », durant lequel l’orchestre se lance dans une véritable sarabande frénétique de brutalité orchestrale assez impressionnante de la part de la musicienne. Ici aussi, on notera le rôle primordial du pupitre des percussions et des cuivres, très sollicités, parfois dans les extrêmes (trompettes stridentes en flatterzunge à 0:55). Le climat d’incertitude revient dans « Sleeping With the Enemy », lorsque Rachel séduit l’officiel Müntze pour parvenir à ses fins. On notera ici aussi le rôle des cordes, à la fois lyriques et mystérieusement sensuelles, dans un style qui rappelle parfois le « Basic Instinct » de Jerry Goldsmith (référence volontaire de la part de Paul Verhoeven à son film ?). Faut-il d’ailleurs voir dans le balancement introductif de deux notes des flûtes et de la harpe au début de « Escape Plans » une autre référence subtile à Goldsmith (et notamment à un motif vaguement similaire dans « Alien ») ? Possible, certainement, car même le motif entêtant des cordes entendu à plusieurs reprises dans le dramatique « Escape by Sea » rappelle aussi un autre motif de « Basic Instinct ». « A Hero Of The Resistance » reprend le motif de deux notes au piano à 1:47, auquel vient se superposer peu de temps après un violon soliste sur fond de trémolos tendus des cordes. La musique devient enfin plus élégiaque et plaintive dans le tragique « Victims of the Occupation », évoquant le sort bien sombre des victimes de l’Allemagne nazie en pleine occupation de l’Europe. Quand à « Rachel’s Retribution », il s’agit d’une superbe conclusion de plus de 4 minutes récapitulant les principaux motifs de « Black Book », à commencer par le motif de la fuite de « Escape By Sea », développé pleinement ici par les cordes et les bois, ainsi que le motif entêtant de deux notes et le thème de Rachel, une conclusion plus énergique soulignant la détermination de l’héroïne, prête à aller jusqu’au bout pour finir sa mission et se venger de ceux qui ont assassiné sa famille. Anne Dudley nous livre donc une composition symphonique plutôt classique et élégante pour « Black Book », bien que sans originalité particulière. La musique se limite bien souvent à son statut purement narratif à l’écran et manque un peu de psychologie voire de profondeur, que l’on retrouvait pourtant dans certaines anciennes partitions musicales des films de Paul Verhoeven. En revanche, force est de constater que le cinéaste sait toujours autant inspirer ses compositeurs, avec un résultat musical constamment soutenu et indéniablement recherché, reflétant les exigences du réalisateur quand au contenu musical de ses films (même à l’extérieur d’Hollywood !). « Black Book » vient d’ailleurs confirmer ce fait avec brio, Anne Dudley signant là l’un de ses meilleurs travaux pour le cinéma, sans être pour autant un chef-d’œuvre du genre (on préfèrera davantage l’intensité dramatique et bouleversante de « American History X »). Recommandé, donc !




---Quentin Billard