1-As If You Said Nothing 4.40*
2-Symphony for Isabelle part 1 3.37
3-Symphony for Isabelle part 2 3.12
4-Symphony for Isabelle part 3 1.44
5-Symphony for Isabelle part 4 6.10
6-Symphony for Isabelle part 5 1.37
7-Symphony for Isabelle part 6 1.36
8-Symphony for Isabelle part 7 3.36
9-Symphony for Isabelle part 8 3.42
10-Symphony for Isabelle part 9 4.27
11-Symphony for Isabelle part 10 2.08
12-Symphony for Isabelle part 11 5.41
13-Symphony for Isabelle part 12 3.27
14-Symphony for Isabelle part 13 3.42
15-Symphony for Isabelle part 14 3.17
16-Symphony for Isabelle part 15 2.01
17-Symphony for Isabelle part 16 1.33
18-Symphony for Isabelle part 17 4.16
19-Symphony for Isabelle part 18 7.09
20-Symphony for Isabelle part 19 4.53

*Composé et produit par
Craig Armstrong pour
Melankolic Records
Arrangé par Craig Armstrong
Programmations et claviers de
Richard Norris
Orchestre: interprètes du
Conservatoire National Supérieur
de Musique de Paris
Conduit par Craig Armstrong
Parties vocales de
Lawrence Ashley et Lesley l'Anson
Guitare de Ali MacLeod.

Musique  composée par:

Craig Armstrong

Editeur:

Europa 100325

Album produit par:
Craig Armstrong

Artwork and pictures (c) 2001 Europa Corp. All rights reserved.

Note: ***
LE BAISER MORTEL DU DRAGON
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Craig Armstrong
Poursuivant dans sa lignée des séries-B d’action produites à la chaîne par le biais de sa maison de production EuropaCorp, Luc Besson produit en 2001 « Le Baiser mortel du dragon », film d’action mettant en scène Jet Li dans la peau de Liu Jiang, un agent des services secrets chinois qui débarque à Paris pour aider la police française et le commissaire corrompu Jean-Pierre Richard (Tchéky Karyo) à arrêter Mr. Big (Ric Young), un important baron de la drogue et trafiquant d’héroïne. L’opération a lieu un soir dans un hôtel parisien. Deux prostituées pénètrent alors dans la chambre de Mr. Big et l’une d’entre elle s’apprête à poignarder le trafiquant lorsque le commissaire Richard débarque subitement dans la pièce, abat le gangster et la prostituée et laisse l’arme de Liu sur le sol, le faisant ainsi accuser du meurtre des deux individus. Réalisant qu’il est tombé dans un piège, Liu parvient à s’échapper mais se retrouve entraîné dans une spirale de violence, de conspiration et de chasse à l’homme. Obligé de prouver son innocence, Liu retrouve la trace de Jessica (Bridget Fonda), l’une des deux prostituées qui se trouvait dans la chambre de Mr. Big mais qui était enfermée dans la salle de bains pendant la fusillade. Unique témoin du crime, Jessica, une ex-junkie prostituée étroitement liée au commissaire Richard, va devenir la seule alliée de Liu. Ce dernier va aider Jessica à retrouver sa fille retenue prisonnière par Richard, et va en profiter pour prouver son innocence et démasquer le commissaire véreux avant qu’il ne soit trop tard. Avec un scénario classique que l’on doit au tandem habituel Luc Besson/Robert Mark Kamen, « Le Baiser mortel du dragon » est un film d’action nerveux, violent et percutant qui offre à Jet Li des scènes de combat réalistes assez réussies qui raviront les inconditionnels de l’acteur chinois et des films d’arts martiaux. La réalisation nerveuse de Chris Nahon, qui signe là son premier film en 2001, est suffisamment intense et captivante pour nous maintenir en haleine jusqu’au bout, avec un Tchéky Karyo efficace en commissaire corrompu particulièrement violent et irascible. Bridget Fonda apporte une délicatesse féminine conséquente en prostituée au grand coeur qui cherche à décrocher de la drogue et à sauver sa fille. Quand au titre du film, il fait référence à une technique mortelle d’acupuncture que pratique Jet Li à la fin du film, au cours de l’une des scènes les plus sanguinaires du long-métrage. A ce sujet, « Le Baiser mortel du dragon » s’avère être particulièrement violent, avec une pléiade de grands moments de bravoure, de scènes d’action enragées et de chorégraphies de combat survoltées (le face-à-face entre Jet Li et Cyril Raffaelli). Hélas, la maigreur du scénario et le manque de rebondissements empêchent le film d’atteindre tout son potentiel, car on attendait beaucoup mieux de la présence de Jet Li sur une production européenne de ce calibre. Résultat des courses : « Le Baiser mortel du dragon » est une série-B violente et nerveuse à peine divertissante mais que l’on oubliera très rapidement, essentiellement destinée aux fans de Jet Li et à ceux qui ne jurent que par les films d’action abrutissants de Luc Besson tendance « Le Transporteur », « Banlieue 13 » ou « Taken » !

Inattendu sur un film d’action de ce genre, le compositeur Craig Armstrong, qui s’avère être un véritable touche-à-tout, se voit confier la musique du « Baiser mortel du dragon » alors qu’il est habituellement cantonné aux musiques de comédies dramatiques, de thrillers ou de drames en tout genre. Qu’à cela ne tienne, Armstrong relève le défi avec panache et signe une partition d’action tour à tour sombre, dramatique et musclée, avec son lot de rythmes synthétiques/électro modernes, de sonorités asiatiques pour le personnage de Jet Li et de cordes élégiaques chères au musicien écossais. L’album, curieusement séquencé, débute avec la chanson-clé « As If You Said Nothing », dans un style pop/électro/orchestral typique de Craig Armstrong et plutôt réussi dans son genre. Concernant le score du film, il faudra se contenter d’une série de 19 mouvements musicaux répartis sous le titre fédérateur de « Symphony for Isabelle » : ainsi, aucune information ne permet de relier les morceaux aux scènes du film, un choix décidément très surprenant et forcément discutable (on ne sait d’ailleurs pas à qui fait référence Armstrong avec le nom « Isabelle », hormis peut être le personnage nommé Isabel dans le film). Le compositeur pose les bases de sa partition dans le premier mouvement, qui mélange sonorités électroniques sombres, percussions synthétiques et un mélange de cordes graves et de cuivres latents typiques du compositeur : Armstrong crée dès le début du film une atmosphère de suspense et de danger adéquate bien que sans réelle originalité particulière. L’ajout de flûte en bambou asiatique à la fin du premier mouvement apporte la touche asiatique/chinoise nécessaire au film, dans un style qui rappelle parfois certaines musiques de films d’action hongkongais. Les percussions synthétiques et les cordes agitées du troisième mouvement confirment quand à eux l’orientation action du score du « Baiser mortel du dragon », avec l’apport des cuivres qui permettent d’intensifier les rythmes et le tempo, plus pressant. Les 6 minutes du quatrième mouvement développent les effets sonores aléatoires de la flûte chinoise pour le personnage de Liu Jiang, tandis que le mélange samples/loops électro entêtants et orchestre permet d’illustrer le piège qui semble se refermer sur l’agent secret chinois à Paris.

Le problème est surtout qu’ici, hormis quelques sons électroniques typiques et quelques harmonies orchestrales représentatives, rien ne permet vraiment de reconnaître le style habituel de Craig Armstrong, qui se prête ici à l’exercice de style de la musique d’action synthético-orchestrale typique des scores d’action contemporains hérités d’Hans Zimmer et compagnie. Les amateurs de rythmes modernes apprécieront par exemple les loops dance/techno du quatrième mouvement, utilisés de manière continue et monotone bien qu’apportant un beat tenace et intense à l’écran. Dans le film, la musique fait souvent office de tapissage sonore sans grand relief, même si le score reste suffisamment intense et énergique, en plus d’être relativement bien valorisée dans le mixage du film. Plus intéressant, le cinquième mouvement de « Symphony for Isabelle » permet à Craig Armstrong de développer les sonorités asiatiques pour le personnage de Jet Li sur fond d’expérimentations sonores assez intéressantes, tandis que la tension reprend de plus belle dans le sixième mouvement, avec ses tenues de cordes graves typiques du musicien (et qui rappellent clairement son travail sur le film « Bone Collector »). Fort heureusement, que ne serait un score de Craig Armstrong sans un vrai thème de qualité ? Ainsi, le thème, qui tardait à se faire entendre, est enfin dévoilé dans le septième mouvement : il s’agit du « Jessica’s Theme », mélodie de piano et de cordes intime et émouvante associée à la prostituée incarnée par Bridget Fonda dans le film, et que Liu va chercher à protéger tout au long de l’histoire. Ce thème plutôt touchant et délicat apporte un soupçon d’émotion et de romantisme à un score somme toute particulièrement sombre et rythmée, même si l’on a déjà entendu des mélodies bien plus mémorables de la part du compositeur. Le « Jessica’s Theme » du septième mouvement traduit clairement la fragilité du personnage de Jessica, avec un final dramatique et intense qui rappelle là aussi l’aspect tragique et immersif de « Bone Collector » (1999). Cette approche dramatique typique de Craig Armstrong paraît plus distincte encore dans le huitième mouvement, alors que Liu prend Jessica sous ses ailes et décide de l’aider à sauver son fils. Ici aussi, le compositeur conserve l’approche piano/cordes avec l’ajout de quelques vents (flûtes, cors) pour intensifier la noirceur dramatique du score à l’écran.

La traque avec les hommes de main du commissaire Richard débute dans le neuvième mouvement, morceau d’action survolté typique du score, à grand renfort de loops électro/techno entêtants, et de cordes agitées. On notera l’emploi particulier de chœurs masculins synthétiques dans le dixième mouvement, qui apportent un peu de relief aux images du film. Le reste du score se poursuit de façon ordinaire et prévisible, entre moments mélodiques intimes avec piano et cordes (le onzième mouvement, la fin poignante du douzième mouvement), passages d’action percussifs et bourrés de loops électro/techno déchaînés (le douzième mouvement, à la limite de l’expérimental électronique ou le quinzième mouvement) ou morceaux de suspense purs sombres et dissonants (le treizième mouvement et quatorzième mouvement), sans oublier la longue confrontation finale dans le commissariat du 18ème mouvement, avec son mélange de samples synthétiques et d’orchestre intense et imposant. La coda du film débouche sur le superbe 19ème mouvement, dans lequel Craig Armstrong introduit des chœurs féminins élégiaques et quasi religieux avec l’orchestre, un morceau plus typique du style lyrique/mélancolique si cher au musicien, avec un ultime rappel du « Jessica’s Theme ». Craig Armstrong signe donc un score d’action ordinaire pour le « Baiser mortel du dragon », qui n’apporte pas grand chose de neuf à sa filmographie mais confirme que, s’il maîtrise relativement bien les rythmes synthétiques, le compositeur n’est jamais autant à l’aise que dans le registre du drame et de l’intimité, car malgré le caractère rapide et violent du film de Chris Nahon, Armstrong aborde aussi l’histoire d’un point de vue émotionnel et humain, avec le thème de Jessica et l’apport du piano soliste et de cordes élégiaques et dramatiques. C’est donc avec un lyrisme généreux et personnel qu’Armstrong aborde le « Baiser mortel du dragon », même si ce sont surtout les morceaux d’action et de suspense qui dominent ici l’essentiel de sa partition, avec, hélas, une série de morceaux atmosphériques aux loops électro paresseux et sans imagination, que le compositeur répète ad libitum voire ad nauseum, une utilisation passe-partout et souvent agaçante des rythmes synthétiques dans le film qui déçoivent quand au réel potentiel du compositeur dans le domaine de la musique électronique – on sait le compositeur capable de faire bien mieux dans le genre – Toujours est-il que le résultat est là, car, sans casser trois pattes à un canard, la partition du « Baiser mortel du dragon » assure pleinement son statut de musique d’action moderne et nerveuse dans le film, mais trahit le manque d’originalité et d’inspiration d’un musicien obliger d’aligner les loops électro paresseux les uns à la suite des autres, sur fond d’orchestrations efficaces mais parfois noyées sous les effets synthétiques. Restent quelques passages plus dramatiques touchants et personnels dans le film (notamment pour le personnage de Bridget Fonda), qui permettent de contrebalancer la déception des passages d’action/suspense, même si dans un registre similaire, « Bone Collector » paraissait 100 fois plus abouti et personnel : pour les fans du film et ceux de Craig Armstrong, uniquement !




---Quentin Billard