1-Opening 2.12
2-Shark Bait 2.30
3-Secret World 2.07
4-Gunshots 1.42
5-Remembering Rory 2.00
6-Cluster 1.28
7-Get Out of the Water 3.05
8-Conflict 2.35
9-Shark Encounter 1.56
10-The Dead-Human Connection 2.33
11-Crabs 2.08
12-Chit Chat 3.00
13-Hammerhead 2.13
14-Fishing for Sharks 2.24
15-Back Upstairs 1.36
16-Go After Her 1.08
17-Shotgun and Electric Shark 3.04
18-Getting Out 2.45
19-Bait 3.05
20-Requiem 2.11

Musique  composée par:

Joe Ng/Alex Oh

Editeur:

Screamworks Records SWD0004

Producteur du score:
Jason Fernandez
Programmation score:
Jason Fernandez
Monteur musique:
Craig Beckett, James Ezra
Coordinateur score:
Elaine Beckett
Orchestrations:
Daniel Baker, Geri Green,
Natan Kuchar, Angus O'Sullivan

Orchestrateur principal:
Jessica Wells

(c) 2012 Bait Productions/Blackmagic Design Films/Story Bridge Films. All rights reserved.

Note: ***
BAIT 3D
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Joe Ng/Alex Oh
Assez peu connu dans nos contrées, « Bait 3D » (Shark) est un film d’épouvante australo-singapourien qui a connu un certain succès en Europe et notamment en Italie, où il a remporté près de 2 millions de dollars sur un budget total de 20 millions, ce qui est déjà une somme assez rondelette rien que dans ce pays. Tourné en 3D par le réalisateur Kimble Rendall en 2012, « Bait 3D » raconte les péripéties d’un groupe d’une dizaine de personnes coincées dans un supermarché d’une ville côtière australienne, entièrement dévasté et inondé par un gigantesque tsunami. Très vite, les survivants se retrouvent pris au piège par deux requins blancs qui traînent dans les eaux troubles du supermarché. Mélange détonnant entre « Jaws », « Deep Blue Sea » (pour les requins survoltés), « The Mist » (pour les décors claustros du supermarché) et « The Poseidon Adventure » (pour l’inondation), « Bait 3D » est un énième film de requin dont l’unique originalité est de planter le décor dans un supermarché submergé par les eaux suite à une catastrophe naturelle. Surfant sur la vague du « shark movie », remis au goût du jour par le pourtant très décevant « Shark 3D » de David R. Ellis, « Bait 3D » nous montre les attaques des requins à travers une 3D qui joue largement sur les effets de relief pour susciter l’angoisse et la terreur, un peu comme le fit « Jaws 3D » de Joe Alves en 1983. Malgré son budget modeste, le film de Kimble Rendall contient suffisamment d’action et de frisson pour maintenir l’intérêt, mélangeant film catastrophe et film d’épouvante dans un cocktail plutôt efficace bien que sans grande originalité particulière. Le film se laisse regarder, malgré son scénario totalement vide et un casting australien sympa sans plus : on retrouve ici quelques têtes connues, à commencer par Julian McMahon, vu dans « Fantastic Four », Xavier Samuel, vu dans « Twilight 3 », ou bien encore Phoebe Tonkin, actrice plus connue pour sa participation aux séries TV « The Secret Circle » ou « Vampire Diaries ». A noter que le film a été co-écrit et co-produit par Russell Mulcahy, autre australien bien connu du cinéma puisqu’on lui doit entre autre « Razorback » (1984), « Highlander » (1986) ou bien encore « Resident Evil Extinction » (2007). « Bait 3D » nous offre donc quelques bons moments, avec les traditionnelles scènes d’attaque des requins, quelques effets gores, une galerie de personnages ultra stéréotypés (le jeune gars courageux, le salaud qui cache bien son jeu, le faux méchant qui cache lui aussi bien son jeu, la fille amoureuse du héros, etc.) et même un peu d’humour, sans oublier les deux requins blancs visiblement très affamés, qui sont les véritables vedettes du film et restent plutôt bien filmés et très convaincants malgré la modestie des moyens mis en oeuvre à l’écran.

La musique originale de « Bait 3D » est l’oeuvre de deux jeunes compositeurs singapouriens, Joe Ng et Alex Oh, plus connus pour les musiques de films tels que « The Maid » (grand succès au box-office singapourien en 2005) ou « Rule Number One » (grand gagnant du 22ème festival international du film de Singapoure en 2008). Avec « Bait 3D », les deux compositeurs se retrouvent à nouveau pour un score qui a l’intelligence de se démarquer d’entrée de l’incontournable « Jaws » de John Williams. Moyens modestes oblige, les deux compositeurs ont recours à un orchestre de taille réduite et de nombreux samples synthétiques pour parvenir à leurs fins, mais non sans un certain savoir-faire qui rend leur musique rapidement appréciable. A l’inverse de bon nombre de musiques horrifiques actuelles, le score de « Bait 3D » ne délaisse pas l’aspect mélodique, comme le confirme le sympathique « Opening » qui débute sur un premier morceau de cordes/vents assez aérien et optimiste, avec ses accords majeurs assez lumineux. Dans « Shark Bait », Ng et Oh privilégient davantage les sonorités sombres de l’orchestre et instaurent un climat plus menaçant à l’aide de violoncelles, de cors graves, de roulements de timbales, de trombones et de trémolos inquiétants des contrebasses. A noter l’inclusion de nappes synthétiques inquiétantes et de quelques notes de piano martelées dans le grave, autant d’éléments qui permettent de suggérer clairement la présence menaçante des requins dans le film. Les montées dissonantes et stridentes des cordes permettent ici d’accentuer les montées de terreur du film, sans jamais verser pour autant dans la cacophonie. L’écriture orchestrale des deux musiciens reste assez limpide et contrôlée, même dans les moments plus anarchiques. Mais l’aspect le plus intéressant du score de « Bait 3D » réside avant tout dans la volonté évidente qu’ont eu les deux musiciens de varier les ambiances à loisir : ainsi, après une ouverture plutôt optimiste (« Opening ») et une montée de terreur (« Shark Bait »), la peur cède le pas à la mélancolie dans l’intime « Secret World », avec ses quelques notes de piano plus rêveuses et délicates, rendues plus ambiguës par des tenues inquiétantes de cordes et une note grave du piano répétée à plusieurs reprises. Bien évidemment, c’est le suspense et l’angoisse qui dominent ici, comme le rappelle le dissonant « Gunshots » et son atonalité chaotique.

L’action prend ici le dessus avec une utilisation de loops électros étrangement saturés (bizarrement surmixés par dessus l’orchestre), des cordes agitées et des cuivres imposants. La partie finale de « Gunshots » entame par ailleurs un crescendo dramatique assez impressionnant dans le film, mais malheureusement abrégé trop rapidement. La mélancolie reprend ensuite le dessus dans le poignant « Remembering Rory », après la mort de Rory et la tristesse des survivants (cf. dans le même genre « Chit Chat »). Ici aussi, Joe Ng et Alex Oh parviennent à installer un climat morose et mélancolique en mélangeant quelques touches plus menaçantes et inquiétantes, comme pour rappeler que, malgré l’émotion ressentie et la parte d’un être, les requins sont toujours présents et rodent dans les eaux du supermarché inondé. Les compositeurs s’essaient aussi à la musique d’action synthético-orchestrale très en vogue ces derniers temps grâce à l’usine Remote Control d’Hans Zimmer, mélangeant grosse basse synthétique et orchestre partagé entre cordes et cuivres. Les dissonances chaotiques reprennent ici le dessus, avec l’inclusion de quelques samples orchestraux (issus en partie de la banque de son EWQLSO), probablement utilisés par manque de moyens. Plus intéressant, « Get Out of the Water » suggère la fuite des survivants qui tentent de quitter les eaux envahies par les requins avec des glissandi de cordes stridentes (issus là aussi de la même banque de son citée plus haut) qui suggèrent sans équivoque l’arrivée des squales affamés. Ng et Oh font ici appel aux recettes habituelles des musiques d’épouvante : clusters stridents, glissandi de cordes, atonalité angoissante, sonorités extrêmes, nappes synthétiques, etc. Le suspense reste omniprésent dans le film avec « Conflict » ou le cacophonique « Shark Encounter », tandis que « The Dead-Human Connection » apporte un espoir soudain avec ses accords plus solennels de cordes quasi héroïques et son mélange de vocalises féminines éthérées, d’alto soliste et de loops électro.

En revanche, dommage que la musique verse trop souvent dans la cacophonie pure durant les passages d’attaque des requins (« Crabs », « Hammerhead », « Shotgun »), alors que « Shark Bait » arrivait pourtant au début du film à conserver une approche plus écrite et mieux équilibrée. On appréciera le lyrisme mélancolique de « Fishing for Sharks » et « Go After Her », utilisant des cordes dans un style quasi romantique qui jurerait presque avec le reste de la partition, mais qui apporte une vraie émotion au film, comme pour le final triomphante et plein d’espoir de « Getting Out » alors que les survivants parviennent enfin à sortir du supermarché et découvrent le chaos à l’extérieur. Les deux musiciens se font plaisir et nous offrent un moment plus élégiaque avec l’orchestre et les choeurs dans « Requiem », qui prend une dimension religieuse et funèbre assez impressionnante, idéal pour clore l’album en beauté avec émotion. Joe Ng et Alex Oh réussissent donc le tour de force d’écrire pour « Bait 3D » une musique qui épouse aussi bien l’aspect terrifiant et sanguinolent du film de Kimble Rendall que la partie plus humaine et dramatique du récit, que ce soit dans le jeu souvent plus nuancé des cordes, des solistes (piano, guitare, etc.) ou même des voix dans « Requiem » ou « The Dead-Human Connection ». Le mélange des ambiances et des émotions fait de « Bait 3D » un score horrifique guère original en soi mais assez agréable dans sa diversité et son souci d’émotion, même si l’on regrettera le côté souvent cacophonique des morceaux d’action/terreur ou l’utilisation passe-partout des banques de son orchestrales utilisées un peu par tout le monde de nos jours au cinéma, à la télévision ou dans la publicité. Quoiqu’il en soit, malgré quelques défauts évidents, « Bait 3D » est un score au capital sympathie certain, qui devrait emporter l’adhésion des fans hardcore de musiques horrifiques et de ceux qui ont apprécié le film de Kimble Rendall et son atmosphère de survival claustrophobique, à découvrir grâce à l’excellente édition du jeune label Screamworks Records.




---Quentin Billard