1-The People's House 3.41
2-The Purpose of the Amendment 3.06
3-Getting Out The Vote 2.48
4-The American Process 3.56
5-The Blue and Grey 2.59
6-"With Malice Toward None" 1.50
7-Call to Muster and
Battle Cry Of Freedom 2.17
8-The Southern Delegation
And The Dream 4.43
9-Father And Son 1.42
10-The Race To The House 2.41*
11-Equality Under The Law 3.11
12-Freedom's Call 6.06
13-Elegy 2.34
14-Remembering Willie 1.51
15-Appomattox-April 9, 1865 2.36
16-The Peterson House
And Finale 11.01
17-"With Malice Toward None"
(Piano Solo) 1.31

*Contient des extraits de:
"They Swung John Brown
To A Sour Apple Tree",
"Three Forks of Hell",
"Last of Sizemore", "Republican Spirit",
traditionnels arrangés et interprétés
par Jim Taylor.

Musique  composée par:

John Williams

Editeur:

Sony Classical 88725446852

Album produit par:
John Williams
Montage musique:
Ramiro Belgardt
Directeur musicale du
Chicago Symphony Orchestra:
Riccardo Muti
Président:
Deborah Rutter
Concertmaster:
Robert Chen
Vice président pour les opérations:
Vanessa Moss
Direction du personnel orchestre:
John Deverman
Manager de production:
Jeff Stang
Sony Classical Licensing:
Mark Cavell
Sony Classical
Product Development:
Isabelle Tulliez

Artwork and pictures (c) 2012 DreamWorks II Distribution Co. LLC & Twentieth Century Fox Film Corporation. All rights reserved.

Note: ***1/2
LINCOLN
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by John Williams
Très attendu depuis quelques années déjà, voici enfin le fameux « Lincoln » de Steven Spielberg, une adaptation du livre « Team of Rivals : The Political Genius of Abraham Lincoln » de Doris Kearns Goodwin publié en 2005. Le film a été un grand succès et s’est vu récompenser par 2 Oscars : meilleur acteur pour Daniel Day-Lewis et meilleurs décors, sans oublier une multitude de nominations et de récompenses diverses dans d’autres festivals. Avec « Lincoln », Spielberg poursuit son exploration des films historiques qu’il débuta en 1985 avec « The Color Purple », suivi de « Empire of the Sun » en 1987, « Schindler’s List » en 1993, « Amistad » en 1997, « Saving Private Ryan » en 1998 et « Munich » en 2006 (on pourrait aussi ajouter à cette liste « War Horse » sorti en 2011, bien que davantage centré sur l’aventure que sur l’Histoire). Dans « Lincoln », Spielberg s’intéresse aux derniers mois de la vie d’Abraham Lincoln, célèbre 16e président des Etats-Unis qui fut assassiné en 1865, et connu pour avoir livré un combat acharné pour faire passer le XIIIe amendement dans la Constitution américaine, qui permit de mettre fin à l’esclavage des noirs dans le pays tout en entier, tout en mettant fin par la même occasion à la guerre de Sécession (1861-1865). Le film débute en 1985. Parce qu’il sait que la fin de la « Civil War » est proche et que sa proclamation d’émancipation qu’il déclara en 1863 doit aboutir à l’abolition de l’esclavage, Lincoln entame une lutte sans merci au sein de son gouvernement et des politiciens du pays tout entier pour faire passer son 13ème amendement. C’est ainsi que Lincoln s’assure le support du fondateur du parti républicain Francis Preston Blair (Hal Holbrook) en échange de la participation du président à un projet de négociation de paix avec le gouvernement des confédérés du sud. La manoeuvre politique est dangereuse et complexe pour Lincoln, qui sait qu’une partie des voix en faveur de l’amendement proviennent des républicains radicaux. Le président s’intéresse ensuite aux voix des démocrates, et plus particulièrement d’un certain nombre de députés qui ont perdus les réélections et qui sont maintenant libres de voter ce qu’ils veulent. Pour accomplir sa tâche, Lincoln décide d’acheter les voix des indécis pour s’assurer la victoire à la chambre des représentants, et pour défendre son projet, il s’assure aussi les services de Thaddeus Stevens (Tommy Lee Jones), membre influent de la chambre des représentants et leader de l’aile radicale du parti républicain. « Lincoln » permet à l’acteur Daniel Day-Lewis de nous livrer un véritable rôle de composition comme il en a l’habitude : sa performance d’Abraham Lincoln est tout simplement confondante de vérité (d’où un Oscar pleinement mérité pour le comédien !). En revanche, le film est un peu plus mitigé. Filmé de façon extrêmement scolaire et académique, « Lincoln » est avant tout un film politique doublé d’un drame intimiste.

On y découvre les différentes facettes du célèbre président américain : l’homme politique déterminé prêt à tout pour son précieux amendement (quitte à corrompre des députés pour arriver à ses fins), le stratège prêt aux compromis, le père de famille dont la vie privée fut particulièrement chaotique et tragique (trois de ses quatre enfants sont morts jeune, le dernier, Robert Todd Lincoln, vivra des relations tendues avec son père. Quand à son épouse Mary Todd Lincoln (Sally Field), elle devint physiquement et psychiquement très fragile vers la fin de sa vie), et aussi le fabuleux orateur, qui aimait raconter des anecdotes et des histoires dans la tradition populaire. – il faut se souvenir que Lincoln provenait de la classe ouvrière et n’a jamais été issu de l’élite intellectuelle américaine de l’époque – Là dessus, le film de Spielberg est on ne peut plus juste, même si on a reproché au cinéaste d’avoir pris quelques libertés par rapport à l’histoire. Mais le plus gênant vient surtout de l’ennui étonnant que procure le film : trop de scènes politiques, trop de discours rhétoriques, trop de dialogues bavards, etc. A force de vouloir faire de son oeuvre un film d’auteur (ou un film à « Oscar ») en évitant systématiquement toute forme de spectaculaire (l’assassinat de Lincoln n’est pas montré et expédié à la va-vite à la fin du film, la Guerre de Sécession n’est quasiment jamais représentée à l’écran, etc.), Spielberg passe à côté de son sujet, et s’enlise dans une réflexion philosophico politique sur l’esclavagisme qui aurait pu s’avérer efficace avec un film plus court et surtout plus concis. Le problème vient surtout du manque d’audace de la réalisation de Spielberg : malgré un casting ahurissant et une photographie de qualité (le plan où Lincoln et Mary Todd sont devant les rideaux de leurs fenêtres, avec un éclairage mi-obscur saisissant et symbolique), le réalisateur ne parvient jamais à apporter le moindre souffle épique et dramatique à son oeuvre : l’histoire ne décolle jamais et semble s’enliser dans une série de dialogues interminables tout en reléguant au second plan des aspects majeurs du récit : pourquoi ne pas avoir montré davantage la Guerre de Sécession et les ravages que firent ce conflit parmi la population américaine ? Pourquoi se limiter aux hommes politiques et ne pas montrer le reste du peuple américain ? Pourquoi ne pas avoir montré les origines de la conspiration sudiste qui fut à l’origine de l’assassinat de Lincoln ? Spielberg rêvait depuis longtemps de faire ce film, mais force est de constater que le résultat est bien dessous de ce que l’on était en droit d’attendre d’un tel sujet : trop scolaire, trop bavard, trop long, « Lincoln » est une semi déception frustrante, pourtant pleine de promesses (superbe Daniel Day-Lewis, casting incroyable, de bons dialogues malgré leurs longueurs éprouvantes, une solide réflexion sur la condition des noirs aux Etats-Unis avant 1865 et sur l’esclavage, sujet injustement peu abordé dans les médias d’aujourd’hui), mais qui reste bien en dessous du réel potentiel de son scénario : dans le genre du film historique, on est ici à des années lumière du choc de « Munich » ou de « Empire of the Sun » !

« Lincoln » marque les retrouvailles entre Steven Spielberg et John Williams, qui signe une partition orchestrale à l’image du film : une musique intimiste, mélodique, touchante, mais à l’échelle humaine. Ici comme pour le film, Williams se refuse à tout excès symphonique et rejette en bloc le mélodrame au profit d’une musique plus simple, parfois solennelle, parfois plus légère. Utilisée avec parcimonie dans le film, la musique de Williams reste très discrète sur les images, chose plutôt rare chez Spielberg, et qui rappelle un peu l’utilisation non moins discrète de la musique dans « Saving Private Ryan ». Confiée au Chicago Symphony Orchestra and Chorus, la musique de « Lincoln » permet à John Williams d’écrire une musique empreinte de noblesse, de majestuosité et d’intimité, avec un thème très solennel et américain associé à Lincoln, et dévoilé dans « The People’s House » : ce thème noble et très ‘americana’ rappelle inévitablement Aaron Copland (on a beaucoup comparé les premières notes du thème principal à l’ouverture du « Appalachian String » de Copland) et fait appel aux cuivres, aux bois, aux cordes et à quelques timbales. Williams a particulièrement travaillé tout au long du film sur l’aspect américain dans sa musique, quitte à utiliser des harmonies ou des sonorités qui rappellent clairement la musique américaine du début du XXe siècle (celle de Copland et de ses contemporains de l’époque). Quelques solos de trompette permettent d’apporter cette noblesse d’âme touchante et cérémoniale au thème de Lincoln dans « The People’s House ». Dans « The Purpose of the Amendment », Williams suggère la réflexion de Lincoln autour du 13e amendement en utilisant un ensemble de bois – flûtes, hautbois, clarinettes, bassons – auxquels viennent s’ajouter les cordes, sur fond d’harmonies solennelles là aussi empruntes d’une certaine noblesse, associé dans le film à l’amendement qui mettra fin à la Guerre de Sécession et à l’esclavage dans le pays. « The Purpose of the Amendment » nous permet par la même occasion de découvrir le deuxième thème majeur du score, le thème majestueux et solennel du 13e amendement. Ecrit à la manière des hymnes américains du 19e et 20e siècle, la musique de Williams explore donc avec respect et retenue l’esthétique de la musique symphonique/classique américaine, comme il le fit sur « Born on the Fourth of July », « Amistad », « The Patriot » et même « Saving Private Ryan » et son célèbre « Hymn to the Fallen », quitte à écrire à la manière des hymnes populaires traditionnels comme au début de « The American Process » et sa clarinette. Le piano intervient à 2 :11 et entame une mélodie aux accents populaires, simple et retenue, qui rappellerait presque les musiques de Louis Moreau Gottschalk, une façon pour Williams de rappeler aussi les origines sociales modestes d’Abraham Lincoln.

Le caractère mélodique simple et populaire de la musique de Williams transparaît clairement dans le piano intime de « The Blue and Grey », avec son thème familial pour Lincoln et Mary Todd, aux harmonies classiques simples et aérées. Le maestro introduit ici quelques notes plus sombres pour rappeler que le vote du 13e amendement ne s’est guère fait sans heurt ni souffrance pour Lincoln et ses proches. A contrario, « Getting Out The Vote » illustre la scène où les complices de Lincoln tentent d’acheter les voix pour le vote final de l’amendement : le morceau est entièrement construit sur une instrumentation très ‘americana’ et pastorale à base de fiddle, de banjo et petites percussions, une musique enjouée et légère plus pétillante, qui rappelle certains passages du score pour « War Horse » (2011). Comme dans le traditionnel et dansant « The Race To The House » et son banjo soliste, on nage en pleine musique américaine populaire traditionnelle, apportant un petit plus aux images tout en rompant avec l’approche symphonique classique voulue par John Williams sur le film. « With Malice Toward None » affirme quand à lui un lyrisme plus poignant et raffiné aux cordes, avec une écriture contrapuntique et soutenue typique du maestro. Variant les ambiances davantage que dans le film, Williams nous offre un hymne américain guerrier dans « Call to Muster & Battle Cry of Freedom », dans lequel le choeur entame un chant de bataille pour la paix, dans l’esprit des chants de bataille que l’on pouvait entendre durant la Guerre de Sécession américaine (incluant le traditionnel fifre soliste et le tambour militaire). La musique est aussi plus sombre dans « The Southern Delegation and the Dream » dans laquelle Williams utilise exceptionnellement une tenue de synthétiseur discrète en arrière-plan sonore. Il s’agit aussi de l’unique morceau du score dans lequel la musique s’avère être dissonante et agressive, avec un passage atonal typique des musiques thrillers/suspense de John Williams (passage non utilisé dans le film), évoquant le conflit qui ronge le nord et le sud des Etats-Unis. Williams suggère aussi avec retenue et minimalisme la relation difficile entre Lincoln et son fils Robert dans « Father and Son », en utilisant là aussi quelques solistes – basson, cor – dont les notes retenues apportent une émotion délicate aux images du film. « Equality Under the Law » reprend le thème americana de « The American Process » à la clarinette et aux cordes, ainsi que le thème solennel de Lincoln, notamment lors d’un final triomphant et imposant.

« Freedom’s Call » fait partie quand à lui de ces quelques passages non utilisés dans le film, mais qui apportent une vraie émotion sur l’écoute de l’album : le morceau est écrit à la manière d’un concerto pour violon et orchestre, accompagné de quelques notes de guitare. Pendant plus de 6 minutes, Williams développe une écriture concertiste qu’il maîtrise parfaitement, avec ses harmonies solennelles très américaines des cordes et la reprise du thème américain populaire de « The American Process » à la clarinette et au basson dès 2:30. « Elegy » développe un motif plus dramatique déjà entendu dans « The Purpose of the Amendment » dans un duo introductif pour deux trompettes, très classique d’esprit. A cela viennent s’ajoutent des cordes plus froides et torturées à la résonance tragique et quasi funèbre (annonçant une fin éminemment dramatique). A noter que le très beau thème mélancolique et familial de « The Blue and Grey » est repris au piano dans le non moins délicat « Remembering Willie », alors que Mary et Lincoln se souviennent de leur enfant disparu. Le piano est accompagné ici par un violoncelle soliste chaleureux, un violon et une guitare. A noter l’emploi du choeur dans « Appomattox-April 9, 1865 », dans lequel les voix apportent une dimension quasi mystique et religieuse assez impressionnante, voire quasi onirique et surréaliste, probablement l’un des plus beaux passages de la partition de « Lincoln ». Enfin, le climax de la partition est atteint avec les 11 minutes bouleversantes de « The Peterson House and Finale », durant lesquelles John Williams développe ses principaux thèmes pour une coda poignante, d’une rare beauté : on y retrouve ainsi le thème solennel de Lincoln qui rappelle Aaron Copland, le thème américain, le thème familial et le thème de l’amendement. Bilan final positif donc pour John Williams qui, à quasiment 80 ans, n’a de toute façon plus grand chose à prouver, et qui semble se diriger avec « Lincoln » vers une musique plus introvertie, minimaliste et retenue, mais qui n’en demeure pas moins brillante, émouvante, lyrique et écrite avec une certaine passion, mais si l’on pourra toujours regretter le caractère très sage et académique de cette musique très inspirée du répertoire américain classique du XIXe et XXe siècle. On regrettera le fait que la musique soit finalement peu présente dans le film, alors qu’elle aurait gagnée à être davantage valorisée sur les images (d’autant qu’elle aurait aussi permis de mieux rythmer le film, qui reste trop long et trop lent). Au final, Williams n’apporte rien de nouveau donc au film de Spielberg, car sa musique est plutôt accessoire à l’écran, et prend tout son sens sur l’album, qui contient davantage de musique que dans le film. C’est un choix étonnant de la part de Spielberg, qui confirme encore une fois l’idée initiale du réalisateur de faire de « Lincoln » un film d’auteur débarrassé de tout artifice hollywoodien, d’où la quasi absence de musique sur les images, pour un rendu plus réaliste. Le problème, c’est que l’on a parfois l’impression que Spielberg ne savait pas vraiment comment utiliser la musique de son fidèle compositeur, car ses rares apparitions dans le film sont plutôt anecdotiques, hormis trois ou quatre passages plus mémorables (notamment vers la fin). Toujours est-il que le score de « Lincoln », bien loin de faire partie des chefs-d’oeuvre de John Williams, a quand même de quoi ravir ses fans, car le maestro est encore là et n’a pas dit son dernier mot : l’émotion, l’élégance, la simplicité, le raffinement, la retenue et le minimalisme lyrique de sa musique apporte à l’histoire de Lincoln une tournure plus humaine et aussi plus artistique, une très belle partition qui, sans rester dans les annales, confirme encore une fois l’incroyable diversité et la passion unique d’une collaboration sans faille entre Spielberg et Williams, même au bout de 40 ans !





---Quentin Billard