1-Main Title 3.47
2-Who Is Jack Reacher? 3.10
3-The Investigation 3.19
4-Barr and Helen 4.37
5-Farrier and The Zec 4.36
6-The Riverwalk 4.02
7-Helen's Story 3.10
8-Evidence 8.30
9-Helen In Jeopardy 4.56
10-The Quarry Sequence 3.55
11-Showdown 4.33
12-Finale and End Credits 7.25

Bonus Track:

13-Prisoner Human Being 4.37

Musique  composée par:

Joe Kraemer

Editeur:

La La Land Records LLLCD-1240

Musique conduite par:
Joe Kraemer
Orchestrations:
Tim Davies, Zack Ryan,
Carl Rydlund

Montage musique:
John Finklea
Album produit par:
Joe Kraemer, Dan Goldwasser,
Matt Verboys, MV Gerhard

Artwork and pictures (c) 2012 Paramount Pictures. All rights reserved.

Note: ***1/2
JACK REACHER
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Joe Kraemer
A l’origine, « Jack Reacher » est une série de romans policiers de l’écrivain anglais Jim Grant (sous le pseudonyme Lee Child) évoquant les diverses enquêtes d’un ancien policier de l’armée américaine. Pour la première adaptation cinématographique de « Jack Reacher » sortie en 2012, le réalisateur Christopher McQuarrie (scénariste oscarisé du « Usual Suspects » de Bryan Singer) s’est penché sur le roman « One Shot » sorti en 2005, en confiant le rôle principal de Jack Reacher à Tom Cruise, producteur du film. A la suite d’une fusillade ayant entraîné la mort de cinq personnes, un ancien militaire sniper, James Barr (Joseph Sikora), est arrêté par la police de Pittsburgh en Pennsylvanie et interrogé par le détective Emerson (David Oyelowo), qui le soupçonne d’avoir commis la tuerie après avoir retrouvé son van et ses armes. Alors que l’interrogatoire est mené par Emerson et le procureur de district Alex Rodin (Richard Jenkins), Barr écrit sur un bout de papier « trouvez Jack Reacher ». Peu de temps après, Reacher se présente de lui-même au bureau d’Emerson et décide de mener sa propre enquête au sujet de James Barr, avec l’aide de l’avocate Helen Rodin (Rosamund Pike), la fille du procureur Rodin, qui tente d’éviter à Barr la peine capitale. Helen s’arrange alors pour que Jack jette un oeil sur les preuves et les diverses pièces à conviction relevées sur la scène de crime en échange de sa coopération dans l’enquête. Très vite, Reacher comprend que quelque chose ne tourne pas rond et que Barr n’est peut être pas le meurtrier de la tuerie du PNC Park. Ils vont devoir affronter ensemble de nombreuses épreuves afin de découvrir la vérité. « Jack Reacher » est un thriller réalisé à la manière des polars des années 70/80 : on y retrouve un rythme assez similaire et une mise en scène très classique qui renvoie clairement aux thrillers paranoïaques et conspirationnistes des « seventies », à ceci près que Christopher McQuarrie est suffisamment intelligent pour éviter le piège des suspenses indigents qu’Hollywood nous balance à longueur de temps ces dernières années, en élaborant une énigme policière complexe et sophistiquée (avec de solides rebondissements), le tout mâtiné d’un zest d’humour noir (séquence hilarante où Reacher est attaqué dans une salle de bains par deux individus stupides et incroyablement maladroits), de violence et d’une atmosphère de ‘vigilante movie’ tendance Charles Bronson. Quand à Tom Cruise, il campe un excellent Jack Reacher dans la lignée de ces héros revanchards des 70’s qui se font justice eux-mêmes. Le casting est lui aussi excellent, car en dehors de Tom Cruise, « Jack Reacher » réunit le trop rare Robert Duvall et l’excellent Richard Jenkins, sans oublier Rosamund Pike ou Werner Herzog, célèbre réalisateur allemand qui campe ici le bad guy du film dans l’un de ses rares rôles devant la caméra. On retrouve aussi des acteurs de la nouvelle génération comme Alexia Fast ou Jai Courntey, aperçu récemment dans « A Good Day to Die Hard » aux côtés de Bruce Willis. Malgré sa longueur parfois fastidieuse (2h11), « Jack Reacher » est une pure réussite dans son genre, un excellent thriller 70’s réalisé avec intelligence et conviction, idéal pour oublier la médiocrité ambiante de la plupart des polars hollywoodiens actuels.

Révélé en 2000 pour sa musique du film « The Way of the Gun », le compositeur Joe Kraemer travaille activement depuis le début des années 2000 sur des films et des téléfilms divers incluant « Open House » (2004), « Somewhere » (2004), « Room 6 » (2006) ou bien encore des DTV comme « Joy Ride 2 » (2008) ou le téléfilm « House of the Dead 2 : Dead Aim » (2005). Après « The Way of the Gun », Joe Kraemer retrouve à nouveau Christopher McQuarrie sur « Jack Reacher », pour lequel le compositeur signe une partition orchestrale un brin rétro et assez classique dans sa conception, très orientée vers les musiques de thriller des années 70/80, entre les musiques de Michael Small, David Shire ou celles d’Howard Shore – on pense parfois aux musiques de « Se7en » ou de « The Game » - Dès les premières minutes du « Main Title », l’influence d’Howard Shore paraît incontestable : un premier thème confié à un cor sur fond de cordes fait son apparition à 0:06, thème plutôt solennel associé à l’enquête et la découverte de la vérité. La seconde partie du « Main Title » met en avant un thème rythmique sous la forme d’un ostinato rythmique de cordes/bois staccato, et quelques ponctuations rythmiques plus présentes et affirmées, motif associé à Jack Reacher dans le film. Ici aussi, on pense au Shore de « Panic Room », « Silence of the Lambs » ou « Se7en » dans le choix de l’écriture et de certaines couleurs instrumentales (flagrant dans les gammes ascendantes à 2:23 qui rappellent beaucoup Shore). A noter que le compositeur a décidé de n’utiliser que les sonorités les plus graves de l’orchestre et a donc supprimé certains instruments comme les trompette ou les hautbois, totalement absents ici de l’orchestre (pour les bois, Kraemer a conservé clarinette basse/contrebasson). Dans « Who is Jack Reacher ? », Joe Kraemer prolonge son approche orchestrale à l’ancienne en suggérant à plusieurs reprises le motif de Jack Reacher lorsque ce dernier se présente de lui-même à la police pour mener son enquêter sur James Barr. Le thème de l’enquête/vérité est repris ici aussi, sur fond de cordes en trémolos plutôt agitées et bouillonnantes, et de quelques dissonances agressives annonçant le suspense à venir. C’est dans cette approche orchestrale très classique du suspense que le score de Joe Kraemer témoigne d’un héritage musical évident, notamment dans « The Investigation ». Alors que Jack Reacher débute son enquête, le jeu des cordes s’intensifie, avec un motif de bois/cuivres graves pesant et sombre, déjà entendu dans le « Main Title ». Les dissonances deviennent ici plus présentes, dans un style qui rappelle encore une fois le Shore de « Se7en » mais aussi le style des partitions thriller de Christopher Young (on pense à « Jennifer 8 » ou « Copycat » par moment). Quelques éléments électroniques font ici leur apparition pour renforcer l’atmosphère sombre, mystérieuse et tendue de la musique à l’écran, des éléments qui savent rester discrets, relégués au second plan.

Dans « Jack Reacher », priorité à l’orchestre, d’où la discrétion des éléments électroniques, finalement peu présents dans le score. Désireux de suivre un schéma orchestral classique à l’ancienne, Kraemer prolonge son concept dans « Barr and Helen », où il introduit un duduk arménien pour les scènes de flashback de Barr en Irak. La tension et le suspense deviennent ici plus présents, notamment dans le jeu dissonant du piano qui multiplie les clusters graves discrets mais efficaces, porteurs d’une réelle tension à l’écran. Le thème patriotique de la vérité revient à 2:22 au cor, pour rappeler l’idée que Jack Reacher est un ancien militaire ayant servi son pays avec brio. D’un point de vue esthétique, on retrouve ici plusieurs éléments-clé du score de Joe Kraemer, à commencer par le jeu de trémolos des cordes, omniprésent tout au long du film, mais aussi dans les couleurs instrumentales graves de l’orchestre, notamment à travers les notes discrètes mais tendues du piano dans le grave, la harpe, la flûte basse, les bois (clarinette basse/contrebasson), les violoncelles ou les cors. Les amateurs de suspense à l’ancienne apprécieront à n’en point douter « Farrier and the Zec », qui introduit les bad guys du film sur fond de nappe synthétique obscure et de sonorités dissonantes de l’orchestre : trémolos, clusters cordes/piano, glissandi de cordes et même flatterzunge de flûte : Kraemer n’hésite pas à avoir recours aux techniques instrumentales avant-gardistes habituelles pour suggérer ici le suspense et l’émotion. L’influence de Chris Young, Michael Small ou Howard Shore paraît incontestable (on pense aussi à certaines musiques thriller de Jerry Goldsmith, notamment dans le jeu grave du piano). Dans « The Riverwalk », Jack tente de comprendre le déroulement de la tuerie près de la rivière. On retrouve ici le motif ascendant grave très « Shorien » des cuivres du « Main Title » pour la reconstitution de la scène. Les auditeurs les plus attentifs remarqueront la présence d’un motif sombre de quatre notes qui se ballade tout au long du score, motif de suspense présent dans « The Riverwalk » et une bonne partie du reste du score. La musique devient plus mélancolique dans « Helen’s Story », alors qu’Helen Rodin raconte son histoire à Jack, entre deux scènes d’enquête. Joe Kraemer n’hésite pas à utiliser ici les cordes, la harpe et le piano de façon plus mélancolique et apaisée, même si la couleur orchestrale grave continue de dominer la musique dans cette scène. « Evidence » développe le motif de 3 notes de Jack Reacher de façon plus entêtante, avec les trémolos de cordes, pour ce qui reste l’un des passages les plus longs de la partition (plus de 8 minutes). On retrouve ici aussi les sonorités atmosphériques électroniques brumeuses associées au Zec et à ses complices dans le film, sonorités inquiétantes et menaçantes discrètes et pourtant très impressionnantes dans le score, apportant une couleur particulière à la musique.

Les trois premières notes du motif de Jack Reacher sont particulièrement utilisées dans les passages d’enquête/suspense, notamment pour suggérer que le danger est omniprésent et bien réel, pour Jack et Helen. Dans « Helen in Jeopardy », ce motif de 3 notes est aussi constamment repris, tandis que « The Quarry Sequence » développe un nouveau thème rythmique des cordes (à la John Williams) sur fond de développements de l’entêtant motif de 3 notes à la clarinette basse/contrebasson/contrebasses. Les sonorités électroniques menaçantes des bad guys sont ici reprises, alors que Jack et Cash (Robert Duvall) se rendent sur le chantier pour y traquer le Zec et ses complices et sauver Helen. Ici, comme pour le reste du score, on remarque rapidement l’absence de passages d’action et la suprématie du suspense et des montées de tension. Point d’envolées orchestrales ou de surenchère symphonique : Joe Kraemer privilégie le suspense avec une dextérité rare et une utilisation intelligente de l’orchestre, notamment dans certains choix instrumentaux (absence de hautbois et de trompettes entre autre). Même la confrontation finale (« Showdown ») conserve un ton lent et retenu, hormis quelques vagues crescendos de cuivres et de timbales pour la fusillade finale. Ici, les accords pesants et sombres de l’orchestre rappellent beaucoup le « Se7en » d’Howard Shore, avec une reprise du motif ascendant dramatique des cuivres (à partir de1:58), sans oublier un final plus triomphant reprenant le thème patriotique de Jack Reacher. Le suspense touche à sa fin avec « Prisoner Human Being », pour l’ultime confrontation avec le Zec (Werner Herzog). On appréciera le retour des différents thèmes et motifs dans « Finale & End Credits », qui reprend l’ostinato rythmique de cordes du « Main Title », la boucle étant bouclée. Joe Kraemer nous offre donc une superbe partition à suspense pour « Jack Reacher », écrite de façon tout à fait classique, inspirée des musiques thriller d’antan, celles d’Howard Shore, Chris Young, Michael Small ou même Jerry Goldsmith. Avec un goût prononcé pour des motifs envoûtants et hypnotiques, des couleurs instrumentales obscures et une retenue inquiétante de l’orchestre, Joe Kraemer nous offre une partition thriller impressionnante et très réussie, dont le minimalisme n’a d’égale que sa noirceur et son sens impressionnant du suspense et de la tension. A une époque où certains compositeurs sombrent trop souvent dans les facilités du sound design et de la bouillie sonore, une partition orchestrale aussi riche et sophistiquée que celle de « Jack Reacher » est un pur régal pour les mélomanes et les fans de musique de film. Discrète tout en étant très présente à l’écran, la musique de Joe Kraemer apporte une tension incroyable aux images du film de Christopher McQuarrie, sûr de ses choix avec son compositeur, délaissant l’action pour privilégier le suspense à l’ancienne : un score thriller un peu impersonnel certes, mais une belle surprise, en somme !




---Quentin Billard