1-A Body That Technically
Does Not Exist 1.21
2-A Day in the Life 1.10
3-Closing Your Loop 2.56
4-Seth's Tale 2.54
5-Run 2.49
6-A Life in the Day 2.22
7-Time Machine 2.40
8-Hunting the Past 2.55
9-Following the Loop 1.42
10-Mining for Memories 1.54
11-A New Scar 2.34
12-Her Face 2.37
13-City Sweep 0.46
14-Revelations 5.12
15-The Rainmaker 4.26
16-La Belle Aurora 1.01
17-Showdown 1.36
18-The Path Was A Circle 4.51
19-Everything Comes Around

Bonus Tracks:

20-Withdrawals 0.32
21-Closing Your Loop
(Film Mix) 2.32
22-Hobo Attack 1.36
23-Thirty-Two 1.24
24-Run (Film Mix) 3.04
25-Comundications/
City Sweep (Film Mix) 1.23
26-Theme From Looper
(Solo Piano Version) 5.28

Musique  composée par:

Nathan Johnson

Editeur:

La La Land Records LLLCD-1227

Musique produite par:
Nathan Johnson
Album produit par:
MV Gerhard, Matt Verboys

Artwork and pictures (c) 2012 Tri-Star Pictures/Film District. All rights reserved.

Note: ***
LOOPER
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Nathan Johnson
« Looper » est un thriller de science-fiction réalisé par Rian Johnson, qui s’était fait remarquer en signant en 2006 un premier film atypique culte, « Brick », avec Joseph Gordon-Levitt. Après « The Brothers Bloom » en 2008, Johnson rempile avec « Looper » en 2012, dans lequel il plonge le spectateur dans un futur lointain en 2044, en racontant l’histoire de Joe (Joseph Gordon-Levitt), un ‘looper’ confronté à un problème incommensurable. Dans ce futur, les loopers sont des tueurs à gages qui exécutent des cibles envoyées depuis le futur par une importante organisation criminelle qui décide de se débarrasser d’individus gênants en les faisant voyager dans le passé afin que ces derniers soient exécutés et que l’on ne retrouve ainsi aucune trace d’eux – la police du futur retrouve trop souvent les corps et les traces des meurtres – Tout va pour le mieux dans la vie de Joe : son boulot lui rapporte un bon pactole et il exécute des gens dont il ne voit jamais le visage et ne connaît jamais l’identité, l’idéal pour ne jamais avoir mauvaise conscience. Mais un jour, Joe se retrouve face à un problème inattendu : sa nouvelle cible n’est autre que lui-même âgé (Bruce Willis), en provenance de l’année 2074 : ce Joe avec 30 ans de plus est ainsi devenu gênant pour l’organisation criminelle qui emploie Joe, et qui a décidé de ‘boucler la boucle’ en forçant le looper à exécuter son double du futur. Mais le Joe âgé réussit à s’enfuir dans le présent de Joe jeune, en 2044, avec un seul objectif en tête : retrouver l’enfant surnommé le « rainmaker », qui deviendra dans le futur l’ennemi public numéro 1 et qui contrôlera l’ensemble des voyages dans le temps dans un but purement criminel. Joe jeune et son double âgé se retrouvent alors tous deux poursuivis par la mafia, tandis que Joe jeune trouvera refuge auprès de la jeune Sara (Emily Blunt) et son fils Cid (Pierce Gagnon), qui possède d’étranges pouvoirs télékinésiques. Se pourrait-il que l’enfant en question soit le fameux « rainmaker » que cherche à abattre Joe âgé ? Dès lors, la bataille finale paraît imminente, et chacun devra suivre sa propre destinée. Avec un script audacieux et une évocation complexe du thème du voyage dans le temps, « Looper » tente d’apporter un vent de fraîcheur au cinéma de science-fiction américain, avec le savoir-faire évident et les idées atypiques et personnelles de Rian Johnson. Malgré des moyens évidents, le cinéaste ne trahit pas son goût pour des intrigues alambiquées et non conventionnelles, élaborant une histoire construite avec une certaine intelligence et quelques effets spéciaux réussis, sans oublier le duo Joseph Gordon-Levitt/Bruce Willis qui fonctionne parfaitement, saupoudré de quelques seconds rôles de qualité (Paul Dano, Emily Blunt, Jeff Daniels). Entre boucles temporelles, flambées de violence et suspense haletant, « Looper » est un thriller d’anticipation original et inattendu qui ravira les amateurs de films hollywoodiens un peu à part, dans la continuité du « Inception » de Christopher Nolan, avec un scénario complexe et parfois difficile à suivre, mais sincèrement original et diablement déroutant.

Rian Johnson en profite pour confier à nouveau la musique de « Looper » à Nathan Johnson, qui n’est autre que le cousin du réalisateur, avec lequel il collabore depuis ses débuts sur « Brick » en 2006. Dès ses débuts, Johnson s’est rapidement fait remarquer pour son goût pour les sonorités expérimentales et les trouvailles sonores à bases d’instruments trafiqués ou fabriqués sur mesure pour les besoins des films (comme dans la bande originale du film « Brick »). En plus de son travail pour le cinéma, Johnson a aussi fondé le « Cinematic Underground », un groupe de rock alternatif qualifié de ‘collectif artistique’, très inspiré de la pop-art américaine, et avec lequel Johnson participe activement sur ses musiques de film. Pour « Looper », le compositeur a opté pour une musique résolument moderne voire expérimentale, notamment dans l’utilisation de sons électroniques manipulés par le compositeur, comme c’est le cas dès le début du film dans l’étrange « A Body That Technically Does Not Exist », dont l’approche expérimentale et organique est ici assez particulière. A noter ces effets de trémolos métalliques samplés que Nathan Johnson utilisera ainsi tout au long du film, comme c’est le cas dans « A Day in the Life », où il mélange ses loops électro tonitruants, ses samples manipulés et un orchestre essentiellement dominé par des cordes staccatos agités et des cors agressifs. L’atmosphère d’action et de tension de la musique est l’un des éléments-clés du score de Johnson pour « Looper ». Son approche électronique expérimentale se prolonge dans « Closing Your Loop », dominé par un entêtant ostinato de cordes staccato et un ensemble de rythmes synthétiques et de samples en tout genre. L’approche électronique parfois abstraite respecte parfaitement l’ambiance futuriste particulière du film de Rian Johnson, tout en reflétant l’inventivité des idées musicales du compositeur, visiblement très à l’aise dans la manipulation de sons. En revanche, l’aspect mélodique est ici relégué au second plan, privilégiant davantage le sound design ou les effets parfois avant-gardistes de l’orchestre, comme c’est le cas à la fin de l’agressif « Closing Your Loop ». Dans « Seth’s Tale », le compositeur amplifie la tension voulue dans le film à base de cordes glaciales et de nappes synthétiques inquiétantes.

On retrouve ces fameux trémolos de cordes métalliques qui reviennent ainsi tout au long du film, à la manière d’un étrange bourdonnement sonore rappelant l’idée du voyage dans le temps sous la forme d’un effet sonore qui résonne au loin. Cette idée, on la retrouve notamment au début de « Run », avec ses rythmes synthétiques étranges et l’emploi réussi d’un célesta (instrument récurrent du score), d’un cymbalum, de percussions diverses en plus de l’orchestre. Ici aussi, l’action et la tension dominent avec des élans orchestraux/percussifs agités et violents, comme dans « A Life in a Day », où Nathan Johnson dévoile un thème mélancolique de clavier sur fond de trémolos et d’effets sonores divers. La mélancolie de « A Life in a Day » résume parfaitement l’état d’esprit de Joe dans le film, qui jette un regard désabusé sur sa vie suite à son expérience désastreuse avec son double venu du futur. Dans « Time Machine », le voyage dans le temps est suggéré ici aussi à travers une approche musicale expérimentale totalement abstraite, résolument orientée vers la musique électro pure et le sound design habituel, notamment dans l’emploi de filtres, de saturation, de fréquences retouchées, etc. On notera la façon dont Johnson se limite aux cordes et aux cuivres de l’orchestre dans « Hunting the Past », où il résume la tension de la traque entre Joe et son double à l’aide de rythmes synthétiques toujours assez étranges. Idem pour « Following the Loop », qui suit un même ordre d’idée, ou « Mining for Memories », dans lequel on devine un semblant de mélancolie dramatique entre deux passages électroniques/percussifs. On plonge aussi dans la dissonance et l’atonalité avec le très avant-gardiste « A New Scar », pour lequel Johnson emploie les cordes de façon percussive, à base de col legnos et de pizzicato Bartok (technique qui se rapproche du ‘slap’ de la basse).

On appréciera aussi le climat mystérieux et mélancolique de « Her Face », davantage dominé par des cordes lyriques et amples, le célesta, le piano et les entêtants effets étranges de trémolos. La musique dévoile ici son aspect plus humain et émotionnel pour les souvenirs de Joe et sa rencontre avec la jeune Sara (comme dans l’intime « Revelations »). L’action n’est pas en reste, avec notamment les explosifs « City Sweep », la seconde partie nerveuse de « Revelations » et ses rythmes orchestraux/percussifs syncopés, ou le sombre « The Rainmaker » évoquant la rencontre avec le jeune enfant de Sara soupçonné d’être le futur ‘rainmaker’ qui imposera sa dictature dans le futur. On pourra aussi souligner l’intensité impressionnante des derniers morceaux du score, plus dramatique et dense, comme « Showdown », « The Path Was A Circle » ou bien encore « Everything Comes Around ». Signalons pour finir une initiative rare de la part de Nathan Johnson, qui, dans un réel souci de pédagogie (et aussi de passion), a décidé de partager avec son public toutes les informations concernant la création de sa musique pour « Looper » : ainsi, son site internet contient une série de vidéos et d’interviews sur la fabrication du film et de sa musique, qui nous apprennent bon nombre d’anecdotes et de trucs sur la composition et la création de l’univers sonore particulier du score (on y apprend notamment que Johnson a crée un sample en enregistrant le son d'un pistolet!). Mais malgré toutes ses bonnes idées, Nathan Johnson livre une composition synthético-orchestrale certes dense et inventive, mais aussi parfois un brin brouillonne dans son assemblage de sons, et pas toujours suffisamment abouti. Il manque ici des motifs ou des idées thématiques mémorables pour faire de la partition de « Looper » un must du genre. Du coup, le score, pourtant très présent dans le film, parvient paradoxalement à apporter une intensité réelle au film tout en restant peu mémorable pour l’auditeur/spectateur. L’équilibre entre l’orchestre et la partie électronique est l’un des points noirs de la partition de Nathan Johnson, qui nous assène son lot d’effets synthétiques sonores mais délaisse trop souvent la partie orchestrale, plus faible et visiblement peu aboutie (les orchestrations sont pauvres et très limitées). Peut-être aurait-il été plus judicieux de ne conserver ici qu’une approche 100% électronique ? Malgré ses défauts et son caractère parfois fouillis et inabouti, la partition de « Looper » témoigne d’un réel souci d’invention et d’expérimentation de la part du jeune Nathan Johnson, un compositeur prometteur qui, s’il sait saisir les bonnes opportunités au cinéma, devrait à coup sûr refaire parler de lui sous peu !



---Quentin Billard