1-Main Title and Magic Thumb 5.40
2-Meteor Ride 2.52
3-The N.Y.C. Experience 2.42
4-Nuts and Butterflies 8.17
5-That First Kiss 3.47
6-Gus Meets Stanley 1.35
7-Waltzing 2.29
8-The Old Soft Petal 1.53
9-Ride the Sail Boat 5.40
10-Bed of Flowers 7.04
11-Gnorga In The Park 3.41
12-Wake Up! 2.40
13-The Final Battle 7.05
14-Home and Family 2.58
15-End Credits 5.32

Musique  composée par:

Robert Folk

Editeur:

Intrada Special Collection Vol. 195

Musique produite par:
Robert Folk
CD produit par:
Douglass Fake, Nick Redman
Producteur exécutif CD:
Roger Feigelson
Direction de la musique pour
Twentieth Century Fox:
Tom Cavanaugh
Monteur musique:
Douglas Lackey
Préparation musique:
Vic Fraser
Supervision scoring:
Bill Whelan

Artwork and pictures (c) 1994/2012 Twentieth Century Fox Film Corporation. All rights reserved.

Note: ****
A TROLL IN CENTRAL PARK
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Robert Folk
Don Bluth et son compère Gary Goldman s’étaient fait connaître dans les années 80 en tournant plusieurs films d’animation devenus entre temps des classiques du genre, parmi lesquels on retrouve « The Secret of NIMH » (1982), « An American Tail » (1986) et « The Land Before Time » (1988), ce dernier ayant eu la particularité d’être le premier opus d’une longue série de dessins animés avec pour principal héros le célèbre dinosaure Petit-pied, qui deviendra la star d’une douzaine de films d’animation destinés au marché de la vidéo. Mais les années 90 furent plus mouvementées pour Don Bluth : après « Rock-A-Doodle » en 1991 et « Thumbelina » en 1994, le cinéaste/dessinateur s’attaque à « A Troll in Central Park » (Le Lutin Magique), un film essentiellement destiné aux enfants, avec comme toile de fond l’histoire d’un troll au doigt magique capable de faire pousser des plantes et de la végétation sur tout ce qu’il touche, poursuivi par la méchante reine de son royaume qui a juré sa perte. L’histoire ne vole bien évidemment pas haut, mais on peut encore s’en accommoder. En revanche, le long-métrage animé de Don Bluth et Gary Goldman irrite davantage par sa naïveté incroyable et sa puérilité extrême. Le film est misérablement niais et tente trop souvent d’imiter les films Disney (les chansons, le personnage aux pouvoirs magiques, etc.). Les personnages sont inintéressants, à commencer par l’insupportable Stanley, un troll tête à claque à chevelure rouge, ou les deux enfants du film, tout aussi insupportables que le lutin au doigt magique (le garçon est un mioche trop gâté, qui parvient même à provoquer une inondation en pleurant, alors que la petite fille est bêtement irresponsable et inconsciente de ses gestes !). Quand aux méchants, ils sont purement ridicules et n’apportent même pas la noirceur ou la tension attendue, digne d’un vrai méchant de dessin animé. L’animation est à peu près correcte et les décors new-yorkais sont plutôt réussis, mais le scénario est totalement vide et aseptisé au maximum, avec des scènes quasiment incompréhensibles dans leur logique (on se demande pourquoi toute la ville se retrouve soudainement plongée dans une sorte d’apocalypse lorsque Gnorga et son époux arrivent dans le monde humain), qui perdent très vite leur crédibilité. Mais le pompon reste encore les chansons infantilisantes et gnangnan avec une morale simplette dans la lignée de « il faut protéger nos amis les plantes » ou « il faut avoir confiance en soi ». Le public ne s’y est pas trompé, puisque « A Troll in Central Park » s’est finalement littéralement vautré au box-office 1994, avec de très mauvais chiffres qui ont bien failli faire chuter le studio d’animation de Don Bluth pour de bon : l’échec financier du film est tel qu’il perdra environ 99,7% de ce qu’il coûta lors de la production, faisant de ce long-métrage l’un des films les moins rentables de toute l’histoire du cinéma. Par la suite, les choses ne se sont guère arrangés pour « A Troll in Central Park » : jamais diffusé dans les salles françaises, le film est sorti à l’époque en VHS avec un doublage canadien (il n’y eut aucun doublage français !) et est très vite devenu introuvable (aucun DVD à ce jour !). En bref, si vous cherchez un sympathique nanar d’animation des années 90, « A Troll in Central Park » est fait pour vous !

Unique point positif du film de Don Bluth : l’excellente partition symphonique de Robert Folk, qui signa aussi quelques autres musiques de film animé comme « Rock-A-Doodle » (1991) ou le maudit « Arabian Knight » (1993). C’est d’ailleurs grâce à sa partition pour « Rock-A-Doodle » que Robert Folk rejoignit à nouveau Don Bluth sur « A Troll in Central Park », pour lequel il composa non seulement le score orchestral mais écrivit également deux chansons du film, « Welcome to My World » et « Queen of Mean », avec le parolier Norman Gimbel. Folk orchestra aussi la chanson « Absolutely Green », composée par Barry Mann et Cynthia Weil. Selon les propres dires de Gary Goldman dans le livret de l’album d’Intrada, il était hors de question d’avoir une approche mickey-mousing sur ce film : Bluth et Goldman préférèrent ainsi un style plus classique à base de couleurs sonores et instrumentales, une musique aussi colorée que le film lui-même, dans laquelle les chansons se mélangeraient au score et inversement (à la manière des musiques d’Alan Menken pour les films Disney). Enregistrée à Dublin avec le Irish Film Orchestra (orchestre avec lequel Robert Folk avait déjà travaillé sur la musique du film « Toy Soldiers » en 1991), la musique de « A Troll in Central Park » fait ainsi appel à une formation conséquente de 80 musiciens, accompagnés par la chorale du Irish National Chamber Choir et celle de la St. Patrick’s Cathedral Choir. Le film réclamait ainsi énormément de musique, presque quasiment en continu tout au long du film, afin de conserver un rythme et une énergie constante. L’aventure débute avec le somptueux « Main Title » qui dévoile le thème principal, mélodie majestueuse et grandiose en tutti orchestral/choral richement orchestré, à la manière des grandes ouvertures traditionnelles d’antan. Le choeur apporte une dimension magique et féerique à la musique, tandis que les orchestrations s’avèrent être d’une richesse impressionnante, notamment dans le jeu et le mélange des couleurs instrumentales. Le thème principal évoque les pouvoirs magiques de Stanley et la grande aventure qu’il va vivre à Central Park, thème repris en réalité de la chanson-clé du film « Welcome to My World ». Ce thème évoque non seulement la naïveté optimiste de Stanley mais aussi son amitié avec Rosie et Gus. La seconde partie du « Main Title », « Magic Thumb », introduit le deuxième thème du score, repris de la chanson « Absolutely Green », thème féerique et poétique associé aux pouvoirs magiques de Stanley (à la flûte dès 3:03). Le final de « Magic Thumb » introduit des choeurs masculins et des percussions plus guerrières évoquant l’aspect plus sombre du royaume de la reine Gnorga. Enfin, la reine maléfique a droit à son propre thème, mélodie plus ironique et espiègle évoquant l’aspect comique et grotesque de la méchante reine (à 3:23) : on reconnaît le thème à son utilisation sautillante des vents, de trompettes en sourdine et d’un clavecin.

Avec « Main Title and Magic Thumb », la musique de Robert Folk introduit clairement les points fondamentaux du score de « A Troll in Central Park » : thèmes poétiques et charmeurs, moments plus légers et sautillants, orchestrations riches et vivement colorées, poésie et humour, aventure, etc. « Meteor Ride » reprend le motif de la reine Gnorga avec ses trilles, ses quelques notes de clavecin et ses bois espiègles et sautillants. Ici aussi, on notera la richesse impressionnante des orchestrations et le caractère très soutenu et éminemment classique de l’écriture orchestrale de Robert Folk (inspiré ici de Prokofiev), sans oublier un goût très prononcé pour les musiques d’action/aventure, et notamment lors de l’envolée symphonique épique alors que Stanley embarque dans un météore en direction de Central Park. « The N.Y. Experience » introduit d’ailleurs Stanley à la ville de New York, qu’il découvre pour la première fois : le morceau est un hommage évident aux musiques orchestrales/jazzy rétro de George Gershwin ou des musiques de Broadway, flagrant dans le rythme dansant instauré par la batterie et les orchestrations privilégiant ici les cuivres un brin jazzy. L’humour de la scène permet à Folk d’accompagner les gags loufoques de Stanley par une série de danses orchestrales d’une énergie communicative et totalement débridée. L’allusion à Gershwin devient plus flagrante dans « Nuts and Butterflies », alors que Robert Folk cite explicitement des phrases mélodiques et des harmonies de « Rhapsody in Blue » de Gershwin (1924), pour évoquer l’univers musical rétro de New York dans les années 20/30. « Nuts and Butterflies » permet par la même occasion à Robert Folk de prouver à quel point il maîtrise le langage musical des grands maîtres, de Prokofiev à Gershwin, alors que la suite du morceau permet au compositeur de développer ses thèmes (celui de Stanley et de ses pouvoirs magiques), notamment sur un rythme festif à trois temps dès 6:18. La musique demeure riche, vive et colorée, avec quelques passages mickey-mousing extrêmement classiques, et une certaine densité dans le jeu de l’orchestre (typique du compositeur). Dans « That First Kiss », la musique rebascule à nouveau dans la magie avec un choeur qui apporte une dimension féerique évidente à la musique, non dénuée d’un enthousiasme rafraîchissant, comme dans la reprise dansante et festive du thème des pouvoirs magiques de Stanley sous la forme d’une polka joyeuse à partir de 1:04. La fin de « That First Kiss » nous introduit à une atmosphère d’aventure avec une très belle reprise du thème principal aux bois et aux cordes.

Dans « Gus Meets Stanley », Folk renoue avec un style coloré et classique plus proche de Prokofiev, pour illustrer la rencontre entre Gus et Stanley dans le film, tandis que « Waltzing » reprend le thème principal sous la forme d’une joyeuse valse insouciante et rafraîchissante, richement orchestrée, avec un contrepoint dense et des harmonies très classiques dans leur conception. Un élément que l’on remarque très vite dans la partition de « A Troll in Central Park » : la richesse des harmonies, Folk ayant opté pour une approche extrêmement tonale, évacuant toute forme de dissonance ou d’harmonies ambiguës, même dans les passages d’action plus sombres, qui réussissent à conserver une approche mélodique classique. Le compositeur se fait plaisir et cela se sent, comme le confirme le joyeux « The Old Soft Petal » qui imite à nouveau Gershwin, les musiques de Broadway ou même les ragtimes de Scott Joplin. La scène du bateau permet à Folk de développer une atmosphère plus mystérieuse dans « Ride the Sail Boat », incluant des reprises du matériau instrumental/thématique de la reine Gnorga. Le compositeur reste soumis ici à quelques influences classiques, avec notamment Prokofiev (flagrant à partir de 1:02), Smetana (le motif ondulant et impressionniste des cordes à 1:40 rappelle « La Moldau ») ou même Danny Elfman (le passage de cuivres à 2:07, calqué sur « Batman »), des influences que Folk parvient à maîtriser et à digérer pleinement, même si l’on regrettera le côté souvent trop dense de la composition, qui manque parfois d’aération, de respiration, de pause. Un morceau d’action comme « Ride the Sail Boat » est en tout cas un pur ravissement pour les fans des musiques d’aventure/action de Robert Folk, avec ici aussi la présence du thème principal, qui rappelle l’amitié qui unit Stanley et les deux enfants. L’aventure continue dans l’agité « Bed of Flowers », dans lequel on remarquera la présence des synthétiseurs cristallins, souvent présents dans les scores de Robert Folk et qui apportent ici une couleur particulière aux passages plus magiques/poétiques du film. On remarquera aussi une plus grande présence du motif espiègle/baroque de Gnorga, qui devient ici plus intense, alors que la reine maléfique et son époux arrivent à New York pour éliminer Stanley et ses deux nouveaux amis. Le motif de Gnorga est largement développé dans « Gnorga In The Park », avec ses rythmes bondissants espiègles et comiques, notamment dans le jeu du clavecin et des vents (trilles, sourdines, etc.). La musique devient alors plus sombre dans « Wake Up ! », alors que Gnorga plonge Central Park dans les ténèbres. L’action reprend ici le dessus avec des cuivres massifs, des percussions imposantes, des bois virevoltants et des cordes agitées. Idem pour la confrontation finale dans « The Final Battle », 7 minutes d’action pure et dure entrecoupées de passages plus humoristiques et héroïques.

Le film se termine sur le joli « Home and Family » qui introduit un son plus contemporain à travers le jeu des claviers lorsque Gus et Rosie retournent enfin chez eux à la fin du film. Folk reprend ici la mélodie de l’une des chansons du film pour un final émouvant et nostalgique, notamment lors de l’envolée thématique à la trompette et aux cordes sur fond de clavier, et le retour des choeurs alors que Stanley reprend vie et s’anime à nouveau. Et c’est ainsi que Robert Folk conclut sa brillante partition pour « A Troll in Central Park » avec le somptueux « End Credits », qui s’avère être un assemblage de plusieurs passages du score pour le générique de fin du film. Vous l’aurez donc compris, la partition de Robert Folk pour « A Troll in Central Park » est un pur régal auditif pour les mélomanes et les amateurs de partitions symphoniques classiques à la manière des grands maîtres d’antan : avec ses grandes mélodies, sa poésie, son sens incomparable du rythme, des harmonies et des orchestrations, Folk élabore un score haut en couleur pour « A Troll in Central Park », une musique teintée de magie, d’aventure et de poésie, à recommander aux fans du compositeur et à tous ceux qui aiment les musiques riches, vives et colorées pour le cinéma d’animation. Si le film de Don Bluth est une déception évidente, on ne pourra donc pas en dire autant du travail impressionnant de Robert Folk sur ce film, s’autorisant un détour du côté de quelques grands maîtres classiques du XXe siècle (Prokofiev notamment, mais aussi Gershwin) afin de créer pour le film une musique riche et cohérente, assurant son rôle narratif de bout en bout tout en accentuant la cohésion entre le score et les chansons (malheureusement absentes de l’album, car non enregistrées sur les masters originaux de la musique !). Dommage que la musique s’avère être parfois trop dense et un peu indigeste pour pouvoir être écoutée d’une traite : le manque de respiration de la partition se fait cruellement ressentir à plusieurs reprises, un fait regrettable mais malheureusement fréquent chez Robert Folk, qui reste un compositeur talentueux mais dont les scores sont souvent difficiles à écouter d’une traite. Reste que le score de « A Troll in Central Park » est une superbe réussite, une très belle partition symphonique classique indissociable de l’univers magique et poétique du film de Don Bluth, et un faire-valoir du talent d’un compositeur américain malheureusement trop peu présent de nos jours sur la scène hollywoodienne.




---Quentin Billard