1-Pi's Lullaby 3.42*
2-Piscine Molitor Patel 3.39**
3-Pondicherry 1.12
4-Meeting Krishna 1.51***
5-Christ in the Mountains 1.13
6-Thank You Vishnu
For Introducing Me to Christ 0.55
7-Richard Parker 0.54
8-Appa's Lesson 1.06
9-Anandi 0.55
10-Leaving India 1.20
11-The Deepest Spot On Earth 0.48
12-Tsimtsum 2.49
13-Death Of The Zebra 0.33
14-First Night, First Day 3.45
15-Set Your House In Order 2.10
16-Skinny Vegetarian Boy 2.16
17-Pi and Richard Parker 2.14
18-The Whale 2.02
19-Flying Fish 0.49
20-Tiger Training 1.22
21-Orphans 1.36
22-Tiger Vision 4.31
23-God Storm 3.42
24-I'm Ready Now 3.21
25-The Island 1.59
26-Back To The World 8.20
27-The Second Story 4.02
28-Which Story Do You Prefer? 2.05

*Interprété par Bombay Jayashri
Ecrit par Mychael Danna
et Bombay Jayashri
Produit par Mychael Danna
**Contient un extrait de
"Sous le ciel de Paris"
Ecrit par Jean Dréjac et
Hubert Giraud
***Contient "Raga Ahir Bhairav"
Interprété par Pandit Jasraj.

Musique  composée par:

Mychael Danna

Editeur:

Sony Classical 88725477252

Préparation de la musique:
Mark Graham, Greg Jamrock
JoAnn Kane Music Service
Monteur score:
David Channing
Musique additionnelle de:
Rob Simonsen
Score programmé par:
Duncan Blickenstaff
Monteur musique:
Erich Stratmann
Assistant monteur:
Brett "Snacky" Pierce
Monteur preview:
Mitch Bederman
Mantras compilés par:
Divakar Bhargava
Producteur exécutif album:
Ang Lee
Direction de la musique pour
20th Century Fox:
Robert Kraft
Musique supervisée pour la
20th Century Fox par:
Danielle Diego, Amy Driscoll
Business affairs pour
20th Century Fox:
Tom Cavanaugh
Production musicale supervisée
pour la 20th Century Fox:
Rebecca Morellato
Music clearance
pour 20th Century Fox:
Ellen Ginsburg
Sony Classical
Product Development:
Isabelle Tulliez

Artwork and pictures (c) 2012 Twentieth Century Fox Film Corporation. All rights reserved.

Note: *****
LIFE OF PI
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Mychael Danna
Après la comédie « Taking Woodstock » en 2009, le cinéaste taïwanais Ang Lee décide de porter à l’écran le roman « Life of Pi » de l’écrivain canadien Yann Martel publié en 2001, avec lequel Lee collabore pendant près de trois ans pour une adaptation cinématographique riche et ambitieuse. Le film sort sur nos écrans fin 2012 en 3D et rencontre un succès critique spectaculaire : la réussite incontestable du film est saluée par l’Académie qui décide de lui décerner 4 Oscars, dont celui de la meilleure réalisation en 2013. « Life of Pi » (L’Odyssée de Pi), c’est l’histoire d’un jeune indien, Piscine Molitor Patel surnommé Pi (Suraj Sharma), le fils d’un directeur de parc zoologique à Pondichéry, dans le sud-est de l’Inde. Un jour, la famille de Pi décide de déménager pour le Canada et embarque à bord d’un gigantesque cargo qui traverse l’Océan Pacifique. Mais une terrible tempête détruit le navire : unique rescapé du naufrage, Pi se retrouve à la dérive en pleine mer à bord d’un radeau de sauvetage. Il découvre à sa grande stupéfaction qu’il n’est pas seul sur le radeau, et qu’il est accompagné d’un zèbre blessé qui a fait une chute impressionnante du navire, d’une hyène, d’un orang-outan et d’un tigre du Bengale, que Pi décide de baptiser Richard Parker. Débute alors une aventure insolite et incroyable pour Pi et les animaux, qui vont lutter pour leur survie à bord du radeau de sauvetage pendant des jours, des mois et des années. Ang Lee se paie ainsi le luxe de nous offrir sur « Life of Pi » l’un de ses plus beaux films, et aussi le plus riche et le plus bouleversant de sa filmographie éclectique : « Life of Pi » est une merveille cinématographique et artistique, dans laquelle la 3D apporte une vraie immersion visuelle et sensorielle. D’une maîtrise technique ahurissante, le film est une véritable odyssée dépaysante et rafraîchissante, portée par des décors sauvages grandioses – l’immensité des océans, l’île déserte vierge et ses secrets magiques – une interprétation solide et un scénario malin : l’histoire est construite comme un conte initiatique transmis à l’oral par un Pi vieillissant (Irrfan Khan) qui décide de raconter son histoire à un écrivain anglais (Rafe Spall). Dès lors, le récit navigue entre conte philosophique, odyssée mythique et univers fantastique et onirique. L’émotion du film passe autant par la pluralité des situations (l’antagonisme déchirant entre Pi et le tigre, puis l’amitié étrange qui unit au final les deux survivants) que par la capacité du réalisateur à modifier les rythmes, à apporter des rebondissements là où on s’y attend le moins, tout comme la façon dont Ang Lee réussit à apporter quelques touches d’humour bien dosées et jamais lourdingues. Le film aurait pu tomber dans le « survival » banal mais se transforme en quête initiatique sauvage à la façon du « Cast Away » de Robert Zemeckis. Jamais monotone, toujours passionnant, « Life of Pi » est un voyage bouleversant dans l’âme humaine, un conte extraordinaire où chacun pourra croire ce qu’il le souhaite, et voir ce qu’il a envie d’y voir (comme les deux enquêteurs à la fin du film : où s’arrête la vraie histoire ? Où commencent les métaphores ?), tout cela souligné par une réflexion habile sur la naissance des mythes. D’une poésie incroyable, avec sa photographie éblouissante de beauté et d’inventivité (les jeux de lumière dans l’eau, l’éclairage surnaturel de l’île vierge, les effets visuels 3D, etc.), « Life of Pi » est peut être l’un des films les plus aboutis d’Ang Lee, et fait déjà office de chef-d’oeuvre pur dans la filmographie du cinéaste, une oeuvre personnelle, exceptionnelle et ambitieuse qui mérite son succès et ses 4 Oscars, à ne rater sous aucun prétexte : chef-d’oeuvre cinématographique majeur de l’année 2012 !

Le compositeur canadien Mychael Danna retrouve à nouveau Ang Lee avec lequel il a collaboré à plusieurs reprises sur « The Ice Storm » (1997), « Ride with the Devil » (1999) ainsi que le court-métrage « The Hire : Chosen » (2002). Le compositeur attitré d’Atom Egoyan et de Mira Nair écrit pour « Life of Pi » une partition d’une poésie et d’une beauté au moins égale à celle du très beau film d’Ang Lee. Le long-métrage du cinéaste taïwanais doit d’ailleurs une partie de son succès à la très belle partition de Mychael Danna, qui a su trouver dans ce voyage dépaysant et initiatique le meilleur de lui-même. Epaulé par la formation orchestrale traditionnelle du Hollywood Studio Symphony, Danna fait aussi appel à un ensemble d’instruments solistes incluant l’inévitable bansuri (traditionnelle flûte indienne), un gamelan, une kanjira (tambour sur cadre indien), un sarangi (vièle à archet indienne), un sitar, tanpura (luth indien), accordéon, mandoline, guitare, flûte ney, mridangam (ancien tambour en tonneau indien) et un piano ainsi qu’un choeur et la chorale de jeunes garçons du Cardinal Vaughan Memorial School. Avec comme modèles des musiciens comme la star de bollywood A.R. Rahman ou le célèbre joueur de sitar Ravi Shankar, Mychael Danna savait qu’il devrait évoquer dans « Life of Pi » l’univers musical de l’Inde traditionnelle, un genre qu’il connaît parfaitement et qu’il a déjà abordé à de nombreuses reprises dans ses anciennes partitions (« Exotica », « Kama Sutra », « Wedding », etc.), étant lui-même féru de musiques du monde et d’instruments ethniques – il faut aussi rappeler que Danna est marié à l’indienne Aparna Bhargava - Ayant disposé d’un long délai de travail plutôt rare pour un compositeur de musique de film (environ 1 an), Danna a pu développer et porter sa musique à maturité, jusqu’à obtenir le résultat époustouflant que l’on connaît désormais dans le film : le score de « Life of Pi » débute avec le thème principal, le bouleversant « Pi’s Lullaby », une magnifique berceuse écrite en langue et brillamment interprétée par la chanteuse indienne Bombay Jayashri, une spécialiste de la musique carnatique traditionnelle du sud de l’Inde. La berceuse évoque clairement l’innocence du jeune Pi qui a grandi dans un zoo, évoquant une sorte de paradis terrestre pour l’enfant, un paradis animalier bercé d’amour, de magie. Les vocalises de Jayashri sont accompagnées par les cordes, les instruments ethniques (et notamment la bansuri) et les choeurs, qui apportent une dimension quasi féerique à la musique. Evidemment, le thème de la berceuse dégage une émotion et une délicatesse rare, avec la voix sensible de Bombay Jayashri et l’instrumentation hétéroclite et remarquable de Danna : « Pi’s Lullaby » est d’ailleurs LE morceau qui a probablement favorisé la victoire de Mychael Danna à l’Oscar de la meilleure musique de film 2012 : pour le film d’Ang Lee, c’était l’introduction rêvée, un grand moment de musique, passionnant et passionné, tout simplement !

Le reste du score de « Life of Pi » est du même acabit : dans « Piscine Molitor Patel », Danna évoque l’enfance de Pi à la piscine olympique de Paris, morceau qui mélangeant plusieurs cultures musicales, et notamment la musique française et indienne. Le morceau débute ainsi sur une reprise instrumentale de la célèbre chanson « Sous le ciel de Paris » d’Edith Piaf arrangée ici pour accordéon, célesta, piano, quatuor à cordes, mandoline et choeur. Le morceau évite la caricature et présente un vrai hommage à un pan de la musique française d’autrefois. La seconde partie de « Piscine Molitor Patel » introduit les sonorités indiennes avec l’apparition des percussions ethniques, du sitar et de la bansuri, l’occasion pour Danna d’introduire le deuxième thème du score à la bansuri, thème plus majestueux qui évoquera l’aventure initiatique/philosophique de Pi. La dernière partie du morceau se prolonge d’ailleurs sur un bref raga indien à base d’onomatopées à 2:24, suivant la tradition de la musique carnatique traditionnelle. Ce passage imite les improvisations solfègiques dans les kalpanâ svaras des ragas traditionnels du sud de l’Inde, suivant lequel un musicien déclame sa phrase rythmique improvisée en syllabes rythmiques (un exercice difficile qui demande une grande discipline et une concentration maximale). Dans « Pondicherry », Danna prolonge ses allusions à la musique européenne en mettant ici l’accent sur le mélange accordéon/mandoline/piano et le reste des instruments indiens et de l’orchestre dans une valse délicate et rêveuse. « Meeting Krishna » développe une phrase mélodique secondaire du « Pi’s Lullaby » dans une ambiance indienne rêveuse, accompagnée du thème du voyage de Pi. Si « Meeting Krishna » évoque la spiritualité hindoue, « Thank You Vishnu for Introducing Me to Christ » et « Christ in the Mountains » suggère l’apprentissage spirituel de Pi qui décide de partir à la découverte du christianisme. On notera ici le mélange judicieux entre les sonorités indiennes et celles plus classiques de l’orchestre ou même de la chorale aux consonances plus religieuses. « Richard Parker » introduit quand à lui la mélodie associée dans le film au tigre qui suivra Pi tout au long de son aventure sur le radeau perdu en plein milieu de l’océan. Richard Parker se voit ainsi attribuer de sonorités plus sombres et menaçantes, qui suggèrent alors la férocité et la menace de l’animal. L’émotion n’est pas en reste, avec notamment une très belle reprise du thème initiatique de Pi dans le poignant « Appa’s Lesson » ou « Leaving India », ou dans le spirituel et relaxant « Anandi ».

Le thème de Pi devient alors omniprésent tout au long du score de Mychael Danna, le compositeur développant sa mélodie sous différentes formes, passant d’un instrument à un autre, qu’il s’agisse de la bansuri, ou des instruments de l’orchestre. A noter la façon dont le compositeur parvient même à juxtaposer cette mélodie avec le thème secondaire de la « Pi’s Lullaby », comme c’est le cas dans la seconde moitié de l’émouvant « Leaving India », où l’on retrouve cette phrase mélodique de la « Lullaby » à la flûte à 0:43. Mais l’émotion et l’intimité du début cèdent rapidement le pas à une atmosphère plus dramatique et sombre dans « The Deepest Spot on Earth », alors que le radeau de Pi dérive sur les océans suite au naufrage de son navire. On notera le rôle indispensable des choeurs dans « Tsimtsum » aux résonances religieuses sublimes, un autre grand moment de musique et d’émotion dans la partition de « Life of Pi » qui suggère parfaitement les thèmes du film (la foi, la lutte pour la survie, le rapport à l’autre, etc.). La partie chorale de « Tsimtsum » s’apparente d’ailleurs, dans son écriture et ses harmonies, à un véritable mouvement de requiem traditionnel, élégiaque, poétique et bouleversant, notamment dans l’emploi de la langue latine, offrant l’occasion à Danna de revenir vers la culture musicale occidentale. Toute la seconde partie du film s’oriente d’ailleurs vers ce style dramatique plus sombre, comme dans « Death of the Zebra » ou « First Night, First Day », où l’on devine une tension dramatique plus imposante et aussi radicalement plus sombre, alors que chacun tente de survivre sur le bateau aux profits de l’autre. On retrouve aussi l’aspect contemplatif de la musique dans « The Whale », dans lequel Danna évoque le caractère plus métaphysique de l’aventure de Pi avec des tenues envoûtantes des cordes, des sonorités plus distillées et une utilisation spirituelle du gamelan traditionnel javanais. On appréciera aussi les rythmes orchestraux survoltés de « Flying Fish » pour la séquence des poissons volants, tandis que « Tiger Vision » développe pendant 4min30 une atmosphère à la fois mélancolique, contemplative et rêveuse d’une poésie incroyable, à l’instar du film d’Ang Lee. L’aspect religieux du film transparaît plus clairement dans l’imposant « God Storm » pour la scène de la tempête en pleine mer, avec les vocalises du jeune Thomas Fetherstonhaugh, un choeur majestueux et un orchestre puissant, « God Storm » étant de loin le moment le plus tragique, le plus élégiaque et le plus grandiose du score de « Life of Pi » - un autre grand moment dans la partition de Mychael Danna – L’atmosphère devient ensuite plus étrange et inquiétante dans « I’m Ready Now », alors que Pi agonise et que sa destinée est incertaine. Ici aussi, les voix et les instruments apportent une spiritualité bouleversante aux images, tout comme dans le magique « The Island » pour la scène où Pi débarque sur l’île aux couleurs étranges. Le drame aboutit au climax tragique de « Back to the World », alors que Pi et le tigre se séparent pour toujours, Danna nous offrant 8 minutes d’émotion pure, d’une beauté incroyable, avec l’idée que l’aventure de Pi s’arrête mais que sa quête spirituelle commence (d’où la présence des choeurs religieux poignants), d’où une ambiguïté harmonique étonnante à la fin de « Back to the World » dans le jeu des cordes, qui alternent étrangement entre accords majeurs et mineurs de façon hésitante. L’émotion se prolonge à la fin du film dans « The Second Story » et « Which Story Do You Prefer ? », sous un angle plus intime et réservé, à base de piano, bois et cordes.

Rares sont les musiques de film à faire appel à autant de sentiments, d’ambiances et d’émotions diverses : c’est pourtant bel et bien le cas avec la partition bouleversante de « Life of Pi », qui, en plus d’être la meilleure musique de film de l’année 2012, s’avère être d’une richesse rare et d’une émotion qui semble infinie. A l’humanité et la réflexion existentielle/philosophique/religieuse du film d’Ang Lee, Mychael Danna fait appel à sa sensibilité et sa culture musicale pour prolonger l’expérience unique du jeune Pi dans sa partition, un pur bijou musical qui va bien au-delà du simple support visuel et qui contribue à renforcer l’univers du film et de l’oeuvre originale de Yann Martel, tout en apportant un regard musical singulier sur cette aventure humaine inoubliable. Entre le mélange des cultures indiennes/occidentales, l’émotion des thèmes, de la « Pi’s Lullaby » et les moments plus tragiques et religieux, la partition de « Life of Pi » est un véritable accomplissement artistique pour Mychael Danna, qui, non content de gagner l’Oscar de la meilleure musique de film 2012, se paie aussi le luxe d’avoir écrit à ce jour LE chef-d’oeuvre de sa filmographie, une partition en passe de devenir une référence du genre, un score à des années lumières du marasme musical hollywoodien actuel, un grand moment de musique (et de vie), à découvrir sans plus tarder. En un mot : passionnant !



---Quentin Billard