1-Cat Trap 1.34
2-Here Kitty, Kitty 2.32
3-Night Walk 0.44
4-Cat Chase (Main Title) 2.18
5-On the Edge 2.28
6-Cat on Wheels 0.53
7-Chimney Sweep 3.05
8-For the Birds 2.27
9-Closet Case 3.00
10-Nosedive 0.57
11-Troll Fight 4.00
12-Nite, Nite 2.30

Musique  composée par:

Alan Silvestri

Editeur:

Varèse Sarabande STV 81241

Musique produite par:
Alan Silvestri
Monteur superviseur musique:
Joan Biel
Consultant musical:
Gilbert Marouani
Mixage musique:
Dennis Sands

Artwork and pictures (c) 1985 Famous Films Productions (II). All rights reserved.

Note: ***
CAT'S EYE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Alan Silvestri
« Cat’s Eye » est un film à sketches, un genre très à la mode durant les années 80 dans lequel on raconte en général plusieurs histoires différentes. Les films à sketches étaient nombreux à la même époque : « Twilight Zone The Movie », « Darkside », « Creepshow », avec toujours un même point commun : trois récits racontés dans un même film. « Cat’s Eye » ne déroge donc pas à la règle. Sorti en 1985, le film a vu le jour grâce à l’intérêt du producteur Dino De Laurentiis pour les romans de Stephen King, généralement bien adaptés au cinéma ou qui sont de gros succès (« The Shining », « Dead Zone », « Firestarter », etc.). Repéré grâce à son précédent film « Cujo » (1983), qui était déjà adapté de Stephen King, c’est le réalisateur Lewis Teague qui se vit confier la réalisation de « Cat’s Eye », adapté de deux nouvelles tirées du recueil « Night Shift » (Danse macabre) de Stephen King, le troisième récit étant une création originale de King pour arriver à trois courtes histoires pour le film. Ces trois histoires reposent sur un élément commun : un chat qui erre seul dans les rues d’une ville et a des visions d’une petite fille l’appelant à l’aide. La première histoire est celle de Richard Morrison (James Woods), un homme qui décide un jour de se rendre dans une société qui propose une méthode spéciale pour arrêter de fumer, une méthode tellement spéciale et cruelle qu’elle va pourrir la vie de Richard et faire de son existence un véritable enfer : surveillé nuit et jour par des employés cachés de l’entreprise, Morrison ne doit jamais toucher une seule cigarette, sous peine de quoi sa femme connaîtra les pires sévices. Et plus il continuera à fumer, plus il verra sa femme se faire brutaliser et torturer. La seconde histoire est celle de Johnny Norris (Robert Hays), un ex-champion de tennis, qui vit une liaison amoureuse avec l’épouse d’un sinistre gangster nommé Cressner (Kenneth McMillan). Ce dernier décide de se venger et fait enlever Johnny, que ses hommes de main emmènent alors à son appartement situé tout en haut d’un gigantesque building. Cressner soumet alors Johnny à un terrible chantage : il le laissera tranquille pour de bon, à la condition qu’il accepte de faire tout le tour du bâtiment en progressant sur une minuscule corniche qui longe l’édifice, tout en évitant de tomber dans le vide. La troisième histoire est celle d’une petite fille de 10 ans, Amanda (Drew Barrymore), qui recueille un chat (celui des trois histoires) qu’elle baptisé « General ». Tout va pour le mieux, jusqu’à ce qu’on découvre qu’au matin, sa chambre a été saccagée et que son canari a été tué. Soupçonnant le chat d’en être responsable, les parents d’Amanda décident d’emmener le chat à la fourrière. Mais pendant ce temps, les ennuis continuent pour la petite fille, régulièrement terrorisée la nuit par un lutin nocturne et sanguinaire qui vit dans les murs de sa chambre. Ce que les parents d’Amanda ignorent encore, c’est que le chat est là pour tenter de protéger la petite fille. « Cat’s Eye » est donc un film à sketches plutôt sympathique et divertissant dans son genre, qui, sans atteindre le niveau d’un classique comme « Creepshow », est un bien bel hommage aux oeuvres de Stephen King, même si la troisième histoire est de loin la moins réussie, et paradoxalement la plus étonnante d’un point de vue visuel, notamment grâce à ses effets spéciaux et à la petite créature maléfique conçue par Carlo Rambaldi (« Alien », « E.T. », « Dune », « King Kong », etc.). Le film se laisse regarder, bien qu’il n’ait pas été un grand succès à sa sortie en 1985 : il confirme néanmoins le talent de Stephen King pour écrire des histoires tordues, avec des personnages décalés, des situations abracadabrantesques et de l’humour noir à tous les étages.

Lorsqu’il est choisi pour composer la musique de « Cat’s Eye », Alan Silvestri n’était pas encore véritablement connu du grand public : pourtant, le compositeur qui s’était fait remarquer un an auparavant sur « Romancing the Stone » de Robert Zemeckis (1984) allait connaître un très vif succès la même année que « Cat’s Eye » avec le « Back to the Future » de Zemeckis. Pour « Cat’s Eye », Alan Silvestri revoit néanmoins ses ambitions à la baisse et délaisse l’artillerie orchestrale habituelle pour une approche purement synthétique, dans la continuité de ses précédents travaux électroniques du tout début des années 80. Malgré le peu de moyens évidents du compositeur sur « Cat’s Eye », Alan Silvestri utilise ses claviers analogiques Yamaha (à la pointe du progrès en 1985) et son fidèle Synclavier pour mélanger des sons oppressants, des atmosphères sonores planantes ou des rythmes nerveux associés à chacune des trois histoires du film. « Cat’s Eye » s’ouvre au son d’un motif récurrent, le thème du chat, entendu dès « Cat Chase (Main Title) ». Il s’agit d’un motif espiègle en notes rapides qui évoquent le caractère furtif et malicieux de l’animal qui déambule dans les rues de la ville, à la recherche de la petite fille qu’il aperçoit dans des visions, et qu’il doit protéger. Silvestri s’arrange d’ailleurs pour que l’on devine le côté inoffensif du chat dès le début du film en utilisant une série de notes rapides plutôt insouciantes, pleines de malice et d’espièglerie. Ce motif débouche d’ailleurs sur la phrase B du thème, une mélodie héroïque qui traduit clairement l’idée du chat prêt à sauver la situation – le thème annonce clairement par son héroïsme débridé la mélodie de « Back to the Future », que Silvestri compose la même année pour le film de Robert Zemeckis - Jouant autour de ce thème avec brio, Silvestri lui adjoint une ligne de basse rythmique rapide et nerveuse, traduisant un sentiment de traque, de poursuite, une ligne de basse entêtante et purement mécanique, que l’on retrouvera à plusieurs reprises dans le film. Evidemment, la musique accentue parfaitement le suspense du long-métrage de Lewis Teague, comme le rappelle « Cat Trap » ou l’obscur « Here Kitty, Kitty », qui sont dominés par des nappes sonores brumeuses, des notes planantes/cristallines et des sonorités dissonantes et menaçantes, typiques des musiques de films d’horreur des années 80.

Alan Silvestri reste fidèle ici à certaines recettes qui peuvent paraître bien kitsch pour un auditeur de 2013, mais qui faisaient pourtant leur petit effet dans un film d’épouvante de 1985. On retrouve par exemple l’entêtante ligne de basse rythmique du « Main Title » dans « Here Kitty, Kitty », toujours dominée par ce côté purement mécanique et artificiel qui apporte une atmosphère particulière à la musique du film. Le choix des sonorités sur la fin de « Here Kitty, Kitty » sont tout à fait représentatifs de l’univers électronique de certaines musiques écrites par Alan Silvestri au début et vers la fin des années 80 : il n’est pas rare d’entendre à plusieurs reprises les prémisses de « Flight of the Navigator », « Clan of the Cave Bear », « No Mercy », « Delta Force » ou même « The Abyss ». Le motif menaçant des sons cristallins de « Here Kitty, Kitty » revient ensuite dans « Night Walk » pour intensifier la sensation de menace et de danger, renforcé ici par l’utilisation judicieuse de battements de coeur plutôt angoissants. Silvestri se montre relativement à l’aise dans la manipulation des sons électroniques, comme le rappelle l’oppressant « On the Edge », pour le segment où Johnny Norris se retrouve forcé de parcourir une minuscule corniche longeant le dernier étage d’un gigantesque immeuble. Ici aussi, Silvestri traduit la tension et le suspense à l’aide de nappes brumeuses obscures et de sons dissonants et terrifiants. Pourtant, le chat est là pour veiller sur les victimes, comme le suggère sans équivoque la reprise amusante du thème espiègle/héroïque du chat dans « Cat on Wheels ». La ligne de basse entêtante est elle aussi très présente, avec ce tempo rapide constamment nerveux et froidement mécanique (« Chimney Sweep »). Dommage que l’envolée héroïque et grandiose du thème du chat à la fin de « Chimney Sweep » (du Silvestri à 100% !) ait tendance à tomber à plat à cause d’un choix de sons synthétiques totalement kitsch, artificiels et sans réelles envergures (cela aurait mérité un vrai traitement orchestral !).

Dans « For the Birds », Silvestri entame le dernier segment du film en reprenant le thème du chat sur des harmonies et des tournures mélodiques décidément très proches de « Back to the Future ». Le score prend ici une tournure plus mystérieuse dans l’utilisation d’arpèges ascendants/descendants plus énigmatiques, pour ce qui reste l’un des passages les plus longs et les plus intenses du score, notamment dans l’utilisation plus chaotique des notes aigues vers 2:24, toujours accompagnées de cette entêtante ligne de basse artificielle et nerveuse. La menace du redoutable lutin se fait alors ressentir dans l’oppressant « Closet Case », tandis que le motif du chat et la ligne de basse survoltée reviennent en duo dans « Nosedive », sans oublier la sinistre confrontation finale avec le lutin dans « Troll Fight » et « Nite, Nite ». Vous l’aurez donc compris, c’est un Alan Silvestri assez particulier que l’on découvre sur « Cat’s Eye », pour un score mineur et anecdotique dans la filmographie du compositeur, mais qui a au moins le mérite de prouver à quel point Silvestri a toujours été à l’aise dans la musique électronique, et ce bien avant qu’il ne se mette quasiment pour de bon aux musiques orchestrales. On devine aussi dans « Cat’s Eye » le style à venir de certains scores que Silvestri écrira par la suite (le thème héroïque du chat a clairement des airs de « Back to the Future » !), que ce soit dans la manipulation des sons électroniques ou des atmosphères à suspense. Certes, les acharnés du musicien risquent fort d’être rebutés par les sons kitsch et démodés de cette partition atmosphérique, mais force est de reconnaître que le travail d’Alan Silvestri sur « Cat’s Eye » s’avère être incroyablement cohérent de bout en bout, que ce soit dans l’utilisation de la thématique, le choix des sonorités ou de certains éléments-clé (l’omniprésente et obsédante ligne de basse mécanique), qui renforcent la tension et le suspense du film de Lewis Teague. Sans casser trois pattes à un canard, le résultat est somme toute assez intéressant et plutôt curieux, dans le film comme sur l’album, surtout pour ceux qui ne connaissent que le Silvestri des grandes musiques orchestrales de l’après « Back to the Future ». Un score mineur donc, à réserver surtout aux ‘complétistes’ d’Alan Silvestri, et à ceux qui apprécient ses musiques électroniques des années 80 !




---Quentin Billard