1-Main Title 1.47
2-First Night 3.00
3-The Outhouse 2.18
4-Mr. Browman Arrives 2.35
5-News Clipping 0.34
6-Dawn 2.51
7-Outhouse at Night 2.27
8-A Proposal 3.55
9-Whispers 1.12
10-Estrangement 1.07
11-Up The Stairs 4.35
12-Trapped 1.26
13-The Offer 1.29
14-Alienation 1.50
15-Epiphany 1.33
16-Let's Have a Little Fun 1.44
17-Time to Act 0.58
18-Talking to the Dead 2.13
19-Confrontation 1.46
20-Revelation 3.26
21-Journey Back/End Credits 4.12

Musique  composée par:

Conrad Pope

Editeur:

Screamworks Records SWR-11006

Album produit par:
Conrad Pope
Producteur exécutif de l'album:
Mikael Carlsson
Musique mixée par:
Damon Tedesco
Monteur musique:
Jay Duerr

Artwork and pictures (c) 2011 Lions Gate Films Inc. All rights reserved.

Note: ****
THE PRESENCE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Conrad Pope
On se demande parfois comment certains réalisateurs et producteurs peuvent s’enthousiasmer sur des projets sans grand intérêt, qui seront de toute façon destinés à un public restreint car peu diffusés, peu vendus et finalement peu appréciés par les critiques de toute part. C’est le cas de « The Presence », modeste série-B d’épouvante signée par Tom Provost – c’est son premier long-métrage en tant que réalisateur – Pourtant, sur le papier, les intentions étaient louables : produit par Daniel Myrick (co-réalisateur du cultissime « The Blair Witch Project »), le film se déroule dans une cabane perdue au fond des bois, occupée par une jeune femme (Mira Sorvino, devenue plus rare à l’écran depuis la fin des années 90) au passé difficile, partie se réfugier seule dans cette maison où elle occupe ses journées sans faire grand chose. Ce que la jeune femme ignore, c’est que la cabane est hantée par le fantôme d’un jeune homme (Shane West) qui semble littéralement obsédé par elle et la suit partout dans la maison. Peu de temps après, le fiancé (Justin Kirk) de la jeune femme arrive et décide de passer du temps avec elle pour tenter de consolider leur relation. Le fantôme du jeune homme commence alors à s’agiter au fur est à mesure que son obsession pour la jeune femme grandit de jour en jour. Et comme si cela ne suffisait pas, un deuxième fantôme fait soudain son apparition, un esprit maléfique habillé en noir (Tony Curran) et visiblement prêt à tout pour manipuler le fantôme du jeune homme et tourmenter la jeune femme et son fiancé. Si le scénario démarrait pourtant sur de bonnes bases, le résultat est à cent lieux des promesses tenues sur papier : rythme totalement inexistant, mise en scène d’une pauvreté ahurissante, acteurs peu convaincus, manque de moyens évidents, « The Presence » est d’un ennui total, 1h20 de vide abyssal durant lequel il ne se passe quasiment rien : le fait que le film démarre sur une série de plans fixes interminables sans aucun son et que les dialogues ne démarrent enfin qu’au bout d’un quart d’heure en dit long sur le long-métrage. Pire encore, on ne réussit jamais à s’attacher aux personnages et à leurs histoires – on ne connaît même pas leurs noms ! – et les scènes s’enchaînent de façon mécanique et froide, parfois sans aucune logique particulière (on ne sait par exemple pas pourquoi 2 oiseaux viennent se suicider contre le mur de la cabane des toilettes au fond du bois !). Quand à la présence surnaturelle qui donne son nom au titre du film, le comédien se contente uniquement de froncer les sourcils pour avoir un air bêtement méchant et un visage totalement inexpressif et figé, tandis que Mira Sorvino et Justin Kirk font semblant de ne pas le voir. Le film aborde le sujet de la possession, de la manipulation, de la reconstruction de soi et du libre arbitre après la mort, mais aucun de ces thèmes n’est sérieusement traité dans le film, et l’absence de rythme et de frisson nuit gravement au scénario : rarement aura-t-on assisté à un spectacle aussi navrant et ennuyeux, idéal pour s’endormir. Prétendre que l’on ressortira de la vision du soporifique « The Presence » sans le moindre souvenir tiendrait presque de l’euphémisme : on attend donc bien mieux de Tom Provost s’il espère pouvoir sortir un tant soi peu de la masse et réussir à percer dans l’industrie cinématographique, car son premier essai n’est franchement guère convaincant !

Encore une fois, seule la musique originale du film parvient à se distinguer un tant soi peu grâce aux efforts louables du compositeur Conrad Pope, et ce malgré un manque de moyens évident. Plus connu en tant qu’orchestrateur chez James Newton Howard, Danny Elfman, John Williams, James Horner, Alan Silvestri ou Alexandre Desplat, Conrad Pope s’est aussi distingué en tant que compositeur sur des films tels que « My Week with Marilyn », « In My Sleep » ou bien encore « Pavilion of Women ». Pour « The Presence », Pope fait appel à un ensemble symphonique habituel agrémenté de quelques nappes synthétiques et samples orchestraux (sans aucun doute pour des questions de budget serré). Dans une note du livret de l’album publié par Screamworks Records, le réalisateur Tom Provost explique que son film nécessitait dès le début une utilisation particulière de la musique, étant donné l’absence de dialogues durant le premier acte du film ou le côté lent de l’histoire. Le score de Conrad Pope ne devait donc pas se contenter d’accompagner l’action mais devait créer une atmosphère particulière, un monde sonore original dans lequel le public rentrerait très vite dès le début du film, un véritable personnage à part entière dans l’histoire. Très vite, on remarque d’ailleurs que le score de Pope ne tombe jamais dans le piège de l’épouvante ou du suspense horrifique mais préfère se concentrer sur l’aspect plus romantique, poétique et mystérieux de l’histoire. Même le fantôme incarné par Shane West dans le film n’est jamais évoqué comme dans les musiques horrifiques hollywoodiennes habituelles : cette volonté d’opter pour un lyrisme orchestral plus prononcé est flagrant dès le générique de début (« Main Title »), où des tenues de contrebasses amorcent le récit avec un motif principal de basson associé au fantôme. Conrad Pope utilise ici le basson comme un personnage à part entière dans le film, n’hésitant pas à pousser l’instrument dans un registre médium/aigu plus complexe pour le bassoniste, qui apporte une étrange mélancolie mystérieuse au son de cet instrument-clé dans le film.

Autre élément majeur ici : la présence d’une série de notes rapides et répétées de harpe et de flûtes en staccatos secs et rapides (à noter ce son particulier des flûtes obtenu en soufflant à moitié dans l’embouchure de l’instrument avec les lèvres placées un peu plus sur le côté, ce qui permet d’obtenir un souffle plus sec et particulier), un élément qui rappelle beaucoup la musique de « Signs » de James Newton Howard (dont l’influence reste évidente dans certains passages du score de « The Presence »). Dans « First Night », l’approche émotionnelle et intime voulue par le compositeur porte ses fruits avec une utilisation remarquable des différents solistes de l’orchestre : piano, harpe, flûte, clarinette, basson, etc. Pope dévoile par la même occasion un goût évident pour un classicisme élégant et un lyrisme raffiné qui rappelle certaines oeuvres d’antan – difficile de ne pas penser au lyrisme exacerbé et torturé de « Vertigo » de Bernard Herrmann durant les 30 premières secondes du morceau – On pourrait aussi presque percevoir un peu de Ravel et de Debussy dans le jeu quasi impressionniste de la flûte et de la harpe entre 0:56 et 1:17, ou même du Jerry Goldsmith dans le passage romantique des cordes entre 1:18 et 1:37. Avec une expérience musicale solide dans l’orchestration, Conrad Pope confirme par la même occasion qu’il est aussi un grand compositeur avec une culture musicale forte, ce qu’il parvient à confirmer en seulement quelques minutes. Le thème de basson du fantôme revient à 2:23 (joué mystérieusement dans l’aigu, dans un registre relativement inhabituel pour cet instrument), tout comme le fameux motif en notes rapides et sèches des flûtes. Cet élément-clé du score revient aussi au début de « The Outhouse », créant un sentiment d’urgence, apportant une réelle personnalité à la composition de Conrad Pope. « The Outhouse » utilise de façon judicieuse quelques cordes solistes et des pizzicati avec l’orchestre, ces étranges notes rapides et hypnotiques des flûtes, la harpe et bien évidemment le basson soliste pour le fantôme du jeune homme. Ces éléments culminent dans « Mr. Browman Arrives » où l’on retrouve l’influence évidente du « Signs » de James Newton Howard, tout comme au début de « Dawn », qui utilise les solistes de façon habile (incluant un célesta).

« Outhouse at Night » rompt le climat lyrique et romantique du début avec un sursaut orchestral plus prononcé à base de cuivres en sourdine samplés (et un brin cheap, surtout au milieu d’un vrai orchestre !) annonçant l’arrivée de l’esprit maléfique venu torturer la jeune femme et son fiancé. Fort heureusement, on retrouve le climat passionné du début dans le magnifique « A Proposal », où le motif de notes rapides des flûtes prend une tournure plus urgente, plus emphatique aussi, alors que la jeune femme tente de reprendre goût à la vie avec son fiancé en allant se balader en forêt. La musique évoque d’ailleurs clairement la beauté des paysages et de la nature sauvage avec des sonorités quasi impressionnistes très réussies. La musique évolue dans « Up The Stairs », alors que le basson se voit cette fois-ci rejoint par une flûte alto et des contrebasses plus inquiétantes, alors que le fantôme est manipulé par l’esprit maléfique. Les contrebasses et les violoncelles développent clairement ici une série de notes plus sombres et menaçantes, sans jamais en faire de trop ni basculer dans l’horrifique ou l’épouvante. Les cordes sont alors mises en avant vers le dernier acte du film, dans « Trapped » ou le torturé et très Herrmannien « Alienation », sans oublier le magnifique et élégiaque « Epiphany ». « Let’s Have A Little Fun » développe le motif de basson du fantôme avec quelques éléments instrumentaux samplés (notamment dans les percussions provenant des banques de son de EWQLSO Gold), éléments que l’on retrouve aussi dans le sombre « Time To Act ». On regrettera d’ailleurs ce recours aux samples orchestraux, alors que Pope avait pourtant à sa disposition un ensemble orchestral (on peut s’imaginer que l’utilisation de banques de sons est surtout due à des problèmes de restriction budgétaire). Néanmoins, cela n’enlève en rien aux qualités de la musique de « The Presence », qui atteint un climax de suspense saisissant dans « Talking To The Dead » et ses voix fantomatiques inquiétantes, ou un « Confrontation » malheureusement plus quelconque et moins intéressant, car beaucoup plus conventionnel et stéréotypé dans son recours aux cordes dissonantes et stridentes horrifiques lors de la confrontation finale. « Revelation » et « Journey Back/End Credits » ramènent alors le calme pour la fin du film et le générique de fin, idéal pour conclure la partition de « The Presence » en beauté.

Avec une culture musicale solide et un savoir-faire évident, Conrad Pope parvient à écrire pour le film de Tom Provost une partition remarquable de bout en bout malgré quelques défauts mineurs, une musique au lyrisme épatant, qui devient un personnage à part entière à l’écran et s’écoute de façon fluide et agréable sur l’album. Certes, on pourra toujours reconnaître quelques influences parfois trop évidentes (James Newton Howard, Bernard Herrmann, etc.), mais force est de constater que Pope est décidément aussi doué en tant qu’orchestrateur que comme compositeur, et sa partition pour « The Presence » possède une personnalité certaine qui apporte une émotion particulière au film et qui confirme le talent sûr du musicien. Grâce à l’album publié par Screamworks Records, les auditeurs peuvent apprécier le travail du compositeur à sa juste valeur, aussi satisfaisant sur l’album que dans le film – ce qui n’est pas si fréquent dans ce domaine – Une jolie réussite musicale à découvrir sans hésiter !



---Quentin Billard