1-The Car and the Radio 1.33
2-The Encounter and Main Title 2.52
3-Helvetia 7.12
4-A New Home 2.32
5-What Happens Now? 2.46
6-Voices from The Other Room 1.50
7-Observation Room 5.39
8-Victoria and Mama 2.49
9-The Painted Wall/The Doll 1.55
10-Desange Folder 2.31
11-Scare and Lucas Wake Up 3.53
12-Wilson Pass 1.23
13-Vic the Laptop Archive 2.26
14-You Guys Talk A Lot 2.15
15-Last Hypno 3.13
16-Good Night 1.54
17-Mama Fight 4.11
18-Last Reel 13.12

Musique  composée par:

Fernando Velázquez

Editeur:

Quartet Records QRSM022

Album produit par:
Fernando Velázquez
Orchestre:
The Budapest Symphony Orchestra
Orchestrateurs:
Fernando Velázquez, Johannes Vogel,
Jaime Gutiérrez

Programmation:
Jaime Gutiérrez
Consultant musical:
Mitchell Lewis

(c) 2013 Universal Pictures/De Milo/Toma 78. All rights reserved.

Note: ***1/2
MAMA
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Fernando Velázquez
C’est grâce à son court-métrage « Mama » tourné en 2008 que le jeune réalisateur argentin Andrés Muschietti fut très vite remarqué par Guillermo Del Toro, qui lui proposa alors de tourner une nouvelle version de son film dans un long-métrage pour le cinéma avec un peu plus de moyens. Dans cette production d’épouvante hispano-canadienne, on découvre l’histoire de deux petites filles, Victoria et Lilly, retrouvées dans une cabane isolée perdue au fond des bois après avoir disparues pendant près de cinq ans, et alors que leur mère a été tuée par leur père et que ce dernier a mystérieusement disparu. Devenues sauvages, les deux petites filles alors âgées respectivement de 8 ans et 4 ans partent vivre chez leur oncle Lucas (Nikolaj Coster-Waldau) et sa compagne Annabel (Jessica Chastain). Mais très vite, Annabel ressent un malaise en présence de ces deux petites filles, alors qu’elle a bien du mal à assumer sa fonction de mère. Les deux petites filles parlent souvent de « Mama », une figure maternelle constamment présente avec elles et qui veille sur les enfants, bien que les psychiatres et les autres adultes soient convaincus que Victoria et Lilly ont imaginé cette mère de substitution pour tenter de survivre dans la cabane durant toutes ces années. Pourtant, des événements effrayants commencent à se produire chez Annabel et Lucas : ce dernier est alors mystérieusement agressé par une entité maléfique qui pourrait bien être la fameuse « Mama » dont parlaient les petites filles. Alors que son compagnon est désormais plongé dans le coma, Annabel se retrouve seule à élever Victoria et Lilly et essaie de leur réapprendre à vivre normalement. A bout de nerf et totalement dépassée par la situation, Annabel va néanmoins finir par découvrir la terrifiante vérité au sujet de Mama. Le film d’Andrés Muschietti est donc un énième thriller d’épouvante, une ghost story qui rappelle énormément de productions actuelles ou passées, dans un mélange de « Ring », « The Grudge », « Darkness Falls », « Intruders » ou le récent « The Orphanage ». Entre mystère gothique et lyrisme mélancolique, « Mama » est avant tout un film d’ambiance qui joue sur le suspense, les doutes, la tension et les twists, qui réussit à nous maintenir jusqu’au final plutôt décevant et invraisemblable (à grand coup d’effets spéciaux passables), qui rompt complètement l’ambiance pesante que le réalisateur avait réussi à installer jusque là. Ainsi donc, « Mama » ne tient pas totalement ses promesses et offre un bilan en demi teinte, même si pour un premier long-métrage, le résultat est quand même à la hauteur des ambitions du jeune Andrés Muschietti, probablement boosté sur son projet par l’enthousiasme de Guillermo Del Toro, dont on reconnaît clairement l’influence tout au long du film. Del Toro a sans aucun doute apporté de sa poésie gothique au film d’Andrés Muschietti, narrant la conversion d’une rockeuse indépendante qui va apprendre à devenir une mère au contact de ces deux petites filles qui cachent un secret terrifiant. Passé le postulat habituel du film de fantôme, « Mama » est aussi une émouvante réflexion intimiste sur les enjeux de la maternité et des liens mère/enfants (l’absence de la mère, la maman de substitution, l’apprentissage du rôle de mère, etc.). Hélas, comme souvent dans ce type de film, il y a des longueurs, des clichés gonflants (bruits dans le couloir, sursauts, etc.), un fantôme en images numériques pas toujours réussi, etc. Tout ça semble avoir été déjà vu des milliers de fois, avec ce même sentiment d’ennui tout le long, et pourtant, le film reste un grand succès cinématographique de l’année 2013 : « Mama » voit ainsi la carrière de son réalisateur décoller puisqu’une suite est déjà sur les rails et que Muschietti pourrait aussi réaliser le reboot de la saga « The Mummy ». Seuls les amateurs de ghost story à la façon des films d’épouvante espagnols y trouveront leur compte, les autres risquent fort de s’ennuyer ferme !

Le compositeur espagnol Fernando Velazquez signe pour « Mama » une superbe partition symphonique lyrique, mystérieuse et élégante, typique des productions Del Toro. Lentement mais sûrement, la musique de Velazquez impose un ton noir élégant aux images, à la manière des thrillers d’antan façon Bernard Herrmann, bien qu’une première écoute nous permette clairement de ressentir d’autres influences (Christopher Young, John Ottman, Marco Beltrami, etc.), le tout parfaitement interprété par le Budapest Symphony Orchestra & Chorus dirigé par le compositeur lui-même. Si « The Car and the Radio » nous plonge d’emblée dans un univers noir et suffocant à base de larges dissonances de cordes stridentes et menaçantes, le superbe « The Encounter and Main Title » dévoile le très beau thème principal du score (à 1:10), une berceuse à trois temps brillamment interprétée ici par des choeurs d’enfants mystérieux sur fond de cordes, glockenspiel, célesta, piano et vents (on pense à l’ouverture de « Hide and Seek » de John Ottman ou à la fameuse berceuse de « Poltergeist » de Jerry Goldsmith). On remarque très vite ici la qualité des orchestrations, extrêmement soignées et détaillées, Fernando Velazquez renouant avec un classicisme d’écriture symphonique typique de sa personnalité musicale plus ‘européenne’ et remarquable. Le mélange entre les chœurs et l’orchestre fonctionne ici à merveille pour le générique de début du film : la musique traduit clairement ici l’innocence des deux fillettes et le mystère qui entoure l’énigmatique ‘mama’ qui les accompagne tout au long du récit. Dans « Helvetia », Velazquez cède la place à un nouveau thème de piano intime sur fond de cordes associé à Annabel et les petites filles. Ce thème familial un brin mélancolique reste assez présent tout au long du score, tout comme le thème de la berceuse de mama ou le troisième thème associé aux petites filles et entendu au début de « A New Home ». Mais la tension reste pourtant permanente, notamment dans l’emploi de quelques roulements de timbales ou de trémolos en glissandi de cordes dissonantes. Le suspense semble être le principal mot d’ordre du musicien qui reste un habitué du genre (cf. ses scores pour « Devil » ou « El Orfanato »), le tout avec des orchestrations plutôt riches et soutenues, notamment dans l’emploi très herrmannien des bois graves lors des scènes de tension (bassons, contrebasson, clarinette basse) ou du mystère qu’apportent la harpe, le piano, le célesta ou le glockenspiel. L’écriture complexe de l’orchestre permet au compositeur de développer une atmosphère atonale à base d’effets avant-gardistes habituels (clusters de cordes, glissandi, effets de pizzicati aléatoires des cordes, etc.), notamment lors du terrifiant sursaut incroyablement violent à 3:34 dans « Helvetia », qui devrait faire bondir n’importe quel amateur de musique horrifique.

Certes, Fernando Velazquez reste très proche ici des codes traditionnels des musiques d’épouvante hollywoodiennes, mais la qualité de ses idées musicales et la richesse de ses orchestrations plus classiques incite un respect et un intérêt évident, à des années lumières des bouillies électroniques ou du sound design appauvrissant que l’on entend à longueur de journée dans la plupart des thrillers horrifiques hollywoodiens de maintenant. Le compositeur parvient aussi à dépasser les simples montées de tension ou explosions orchestrales de terreur pour apporter une mélancolie plus mystérieuse au film comme dans « A New Home », alors que les deux fillettes s’installent dans leur nouvelle maison avec leurs parents adoptifs. Ici aussi, comme au début de « Helvetia », le piano reste l’instrument clé, constamment accompagné par les cordes et les bois. Le compositeur dévoile dès le début de « A New House » le troisième thème de la partition, un motif plus intimiste basé sur une cellule de 6 notes évoquant Annabel et son rapport avec Victoria et Lilly (aux bois dès 0:12 puis au piano à 0:17 et aux cordes à 0:50). Le thème est repris ensuite au début de « What Happens Now ? », avec, comme pour une bonne partie du score, une juxtaposition entre ces passages intimes et mélancoliques et des sursauts de terreur surpuissants, alors que la mélodie des fillettes est brusquement interrompue à 0:26 par un cluster strident des cordes et extrêmement agressif, pour une autre scène d’apparition fantomatique dans la maison. La musique oscille ainsi constamment entre suspense gothique et mélancolie élégante, l’aspect gothique/fantomatique étant parfaitement assumée avec l’emploi d’une voix féminine pour une allusion au thème de la berceuse de mama à 1:49. Dans un même ordre d’idée, « Voices from the Other Room » nous plonge dans une atmosphère surréaliste avec l’emploi de sonorités synthétiques mystérieuses et d’orchestrations complexes pour évoquer la présence d’esprits dans la maison. Place aux dissonances ici, dans un style résolument avant-gardiste que n’aurait certainement pas renié un Penderecki ou un Ligeti.

« Observation Room » développe l’atmosphère mélancolique pour suggérer le lien difficile entre Annabel et les petites Victoria et Lilly. Ici aussi, Velazquez condense sur plus de 5 minutes une brillante juxtaposition entre piano/cordes intimes, passages poignants et orchestrations plus amples apportant une touche de mystère au film. Le thème de la berceuse de mama est repris au piano au début de « Victoria and Mama » pour rappeler le lien entre la petite fille et le fantôme qui suit constamment les deux enfants, mais plutôt que de souligner la tension ou le climat horrifique, Velazquez préfère rappeler que mama a une présence rassurante pour les deux fillettes en manque de repère familial, d’où le caractère plus intime et mélancolique du début. Le thème familial est ici présent, mais développé de façon plus sombre et discrète, comme pour rappeler les difficultés d’Annabel et assumer son nouveau rôle de mère auprès de Victoria et Lilly. C’est ainsi que le motif est brièvement suggéré par les contrebasses et les bassons à 1:09 et 1:36, tandis que le thème de mama est repris de façon plus agressive, parfois avec sa figure d’arpèges aux cordes/bois, qui se juxtapose en contrepoint de la mélodie principale. Ce mystérieux motif d’arpège est d’ailleurs très souvent repris dans le score, comme c’est le cas dans « The Painted Wall/The Doll », où il vient là aussi se superposer à la mélodie de la berceuse interprétée de façon plus sombre et énigmatique par des cordes en harmoniques et un mélange de bois graves, harpe et célesta. Le motif de 6 notes d’Annabel est repris de façon plus mystérieuse dans « Desange Folder », avec l’apparition des choeurs gothiques qui renforcent le climat plus surréaliste du film, tout comme le motif de la berceuse/mama, qui s’avère être plus présent sur la fin du film. La terreur est ensuite au rendez-vous dans « Scare and Lucas Wake Up » tandis que le suspense reste de mise dans « You Guys Talk A Lot ! » et le lugubre « Last Hypno », qui se conclut par une partie chorale/vocale superbement gothique et très prenante. La douce mélancolie de « Good Night » se veut ici plus rassurante, alors que le motif d’Annabel est brillamment interprété par un quatuor à cordes et une harpe, alors que la jeune maman réussit enfin à lien un lien affectif avec ses petites filles (sans aucun doute le morceau le plus poignant du score de « Mama »).

Mais alors que l’on pensait que tout irait pour le mieux, le surpuissant « Mama Fight » ramène tension et terreur sur le devant de la scène, jusqu’au 13 minutes conclusives de l’intense « Last Reel » où le thème de la berceuse est développé intégralement sur fond de rythmes agressifs, de cuivres massifs, de cordes stridentes et d’orchestrations complexes, ainsi que de parties chorales dissonantes et fantomatiques pour la confrontation finale sur le bord de la falaise avec mama. Le final de « Last Reel » ramène d’ailleurs une émotion et un lyrisme bouleversant à la conclusion dramatique du récit, une coda incroyablement grandiose, saisissante et puissante pour choeur et orchestre. « Mama » reste au final un travail de qualité de la part de Fernando Velazquez, visiblement très inspiré par son sujet, un score horrifique élégant, gothique et poignant, évoquant un mélange judicieux d’innocence, de mélancolie, de frissons et de suspense fantomatique. Avec une nouvelle partition symphonique de qualité, Fernando Velazquez en profite pour nous rappeler qu’il est l’un des compositeurs espagnols les plus prometteurs de sa génération (aux côtés de Roque Banos, Javier Navarrete ou Alberto Iglesias), et qui, à défaut de posséder une personnalité musicale encore très reconnaissable – ses musiques restent encore pas mal soumises à de nombreuses influences – n’en demeure pas moins un excellent compositeur avec un savoir-faire remarquable qui devrait lui permettre d’avoir une brillante carrière dans la musique de film. Quoiqu’il en soit, les amateurs de grandes partitions orchestrales gothiques/horrifiques devraient jeter une oreille attentive sur « Mama » : sans être particulièrement originale ou innovante, la musique apporte quand même une tension intense et un mystère mélancolique saisissant au film d’Andrés Muschietti : succès et intérêt garantis !




---Quentin Billard