1-Main Title 2.31
2-Tiny Stalker/A Nightmare On
Nottingham Mews 3.36
3-Made in Japan/Yes, Santa Claus,
There is a Chucky 1.57
4-Glen's Escape 2.04
5-Our Jennifer 0.46
6-Family Reunion 2.38
7-Konichiwa 0.39
8-Stark Raving Mad 1.54
9-How to Get a Head
In Hollywood 1.44
10-Inquiring Minds/Jennifer's Home/
Fingers Crossed/Visual Stimuli 2.01
11-Paparazzo's Delight/Jennifer's
Windows/Designs by Tiffany 4.38
12-Acid Trip 2.33
13-The Sweetest Voice/
Intestinal Fortitude 3.10
14-Monkey on her Back 0.38
15-Ordinary Dolls 3.24
16-Joan Gets Fired 2.26
17-Glen and Glenda 4.42
18-Chucky's Destiny 1.57
19-Pride of Chucky 5.20
20-Five Years Later/Bad Girls/
Fond Memories/Gotcha! 1.27
21-Cut It Up 2.48*

*Interprété par Fredwreck and Defari
Ecrit par Frederick Nassar
et Duane Johnson.

Musique  composée par:

Pino Donaggio

Editeur:

La La Land Records LLLCD 1033

Producteurs exécutifs pour
La-La Land Records:
MV Gerhard, Matt Verboys
Album produit par:
Pino Donaggio, Ford A. Thaxton
Coordinateur album pour
Focus Features:
Jennifer Towle
Direction de la musique pour
Universal Pictures:
Kathy Nelson
Music legal & Clearances:
Christien Bergren
Sound design et coordination musique:
Paolo Stefan
Musique orchestrée et conduite par:
Maurizio Abeni
Montage musique:
Justine Angus
Coordinateur score:
Maggie Rodford
Assistant coordinateur score:
Lucy Evans

Artwork and pictures (c) 2004/2005 Focus Features LLC. All rights reserved.

Note: ***1/2
SEED OF CHUCKY
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Pino Donaggio
Après trois épisodes de qualité inégale (connus sous le titre « Child’s Play »), Chucky, la célèbre poupée maléfique hantée par l’âme du serial killer Charles Lee Ray (Brad Dourif) revint ainsi dans le déjanté « Bride of Chucky » de Ronny Yu, dans lequel Chucky se voyait réuni avec sa fiancée Tiffany (Jennifer Tilly), elle aussi devenue une poupée dans laquelle son âme était enfermée. Cet épisode est un tournant dans la franchise, puisqu’il introduit une dimension humoristique/parodique judicieuse aux aventures sanglantes de Chucky, une dimension que le réalisateur Don Mancini décide de concrétiser avec « Seed of Chucky » (Le fils de Chucky), cinquième volet de la saga, sorti en 2004. Rappelons que Mancini est le scénariste d’origine de tous les « Child’s Play » et a aussi officié en tant que scénariste et producteur exécutif sur « Bride of Chucky ». Pour son premier passage à la réalisation, Don Mancini signe un « Seed of Chucky » véritablement orienté vers la comédie horrifique, prolongeant ainsi l’approche de Ronny Yu du quatrième opus. L’histoire débute alors que Glen (Billy Boyd), une poupée qui vit avec un ventriloque tyrannique et violent, est hanté par un cauchemar terrible dans lequel il assassine une famille. Persuadé qu’il est né au Japon à cause de l’inscription « made in japan » sous son bras, Glen aperçoit un jour ses parents à la télévision : Chucky et Tiffany, qui se trouvent à Hollywood (mais sont morts à la fin du quatrième film). Glen réussit alors à s’échapper et fonce en Amérique, où il retrouve son père et sa mère, qui sont devenus des marionnettes animés pour un film d’horreur avec l’actrice Jennifer Tilly. Glen utilise alors une amulette vaudou qui lui permet de ramener Chucky et Tiffany à la vie. C’est alors que commence une cavale macabre pour la famille à nouveau réunie, Chucky et Tiffany débattant régulièrement du sexe de leur enfant pour savoir s’ils vont l’appeler Glen ou Glenda. Mais alors qu’ils sont devenus parents, Tiffany demande à Chucky d’arrêter de commettre des meurtres, un voeu pieu qu’elle a elle-même bien du mal à respecter. Quand à Glen/Glenda, alors en pleine crise d’identité sexuelle, il cherche à savoir qui il est réellement et espère ne pas avoir hérité des gènes criminels de ses parents. Quand à Tiffany, elle organise un plan diabolique visant à retrouver forme humaine en s’emparant du corps de l’actrice Jennifer Tilly après lui avoir inséminé du sperme de Chucky, son but étant de donner naissance à un enfant humain dont Chucky sera le géniteur. « Seed of Chucky » plonge donc sans compromis dans l’humour noir, l’autodérision et la parodie en multipliant les clins d’oeil cinématographiques : le plan où Chucky abat la porte à coup de hache et passe sa tête par le trou est un hommage évident au « Shining » (1980) de Kubrick, tandis que le générique de début est calqué sur celui de « Look Who’s Talking » (1989), sans oublier le prologue du film qui se conclut sur un meurtre dans une douche, imitant une scène célèbre du « Psycho » d’Hitchcock (1960). Niveau casting, Jennifer Tilly est de retour dans ce cinquième opus en jouant cette fois-ci son propre rôle (en plus d’être la voix de la poupée Tiffany) : exit la cohérence avec l’opus précédent, puisque l’actrice y interprétait alors Tiffany lorsqu’elle était humaine (ce qui du coup ne colle plus avec ce cinquième film !), mais place à une bonne dose d’autodérision, Tilly se caricaturant elle-même dans des situations loufoques et décalées, voire dégradantes (elle joue le rôle d’une actrice prête à coucher avec le rappeur Redman, réalisateur d’un film hollywoodien sur l’histoire modernisée de la Vierge Marie, rien que ça !). N’ayant visiblement pas peur du ridicule, Jennifer Tilly apporte un humour décalé au film – entre temps, l’actrice est aussi devenue une star du poker – Et Don Mancini ne s’arrête pas là, puisqu’il nous offre même une petite apparition surprise de Britney Spears qui double la voiture de Chucky lors d’une scène du film et finit par se crasher dans un fossé, sans oublier un second rôle brillamment campé par John
Waters, réalisateur trash et très controversé aux Etats-Unis. Mais malgré quelques bons points et un humour noir redoutable, « Seed of Chucky » déçoit par son côté excessivement délirant et la faiblesse de l’aspect gore/horrifique. La franchise a perdu de son souffle, et le film décevra énormément les fans de la saga et les critiques, et ce à tel point que le sixième opus nommé « Curse of Chucky » sortira directement en DVD en 2013.

C’est le maestro italien Pino Donaggio qui se voit confier la musique de « Seed of Chucky », un choix plutôt audacieux dans le sens où Donaggio n’avait presque plus travaillé sur une production hollywoodienne depuis la fin des années 2000, hormis « The Order » en 2001, nanar d’action avec Jean-Claude Van Damme. Le passage aux années 2000 aura ainsi permis à Pino Donaggio de renouer avec le cinéma italien en signant toute une série de partitions pour des téléfilms ou des direct-to-video italiens. Celui qui fut dans les années 70/80 l’un des compositeurs de prédilection de Brian De Palma (« Blow Out », « Raising Cain », « Body Double », « Carrie », « Dressed to Kill », « Home Movies », etc.) revient sur « Seed of Chucky » dans un genre qu’il connaît bien : le cinéma horrifique. Rappelons que Donaggio signa ainsi quelques partitions pour des classiques du genre comme « Carrie » (1976), « Piranha » (1978) ou « The Howling » (1981). Très à l’aise dans le registre des musiques d’épouvante et fort d’une longue expérience de compositeur pour le cinéma, Pino Donaggio était donc le choix rêvé sur « Seed of Chucky ». Dans une note du livret de l’album publié par La La Land, le maestro explique que la composition de « Seed of Chucky » représenta pour lui l’un des plus grands challenges de sa carrière, car il s’agissait de trouver avant tout le ton juste dans la musique, entre le côté décalé et excessif du film, l’aspect gore et les thèmes qu’il aborde (la parentalité et les responsabilités que cela implique). Suivant les recommandations du réalisateur, Donaggio n’hésita pas à s’autoparodier dans sa propre musique, une première pour le compositeur, qui collabore aussi pour la toute première fois de sa carrière avec les prestigieux musiciens du London Symphony Orchestra. Don Mancini explique dans le livret de l’album que Pino Donaggio a toujours été l’un de ses compositeurs préférés, et qu’il souhaitait vivement travailler sur son film en renouant avec le style de ses musiques horrifiques/suspense lyriques des années 70/80, auquel le compositeur fait quelques références musicales dans son score, tout en renouant avec son style orchestral/électro de l’époque. Dès les premières minutes du « Main Title », on devine le caractère rétro de la composition de Donaggio, dévoilant le thème principal du score, un ostinato hypnotisant et entêtant de 8 notes répétées aux synthétiseurs, et associé aux méfaits de Chucky et Tiffany dans le film. Le motif est interprété ici par des synthétiseurs analogiques qui flirtent clairement avec les années 80 et renvoient aux sons des musiques horrifiques synthétiques des eighties. Le motif évolue tout au long du « Main Title » alors que l’on aperçoit dans le générique de début une animation de spermatozoïdes suivant leur trajet vers les ovules de Tiffany : le motif suit clairement le trajet des spermatozoïdes, tandis que les cordes de l’orchestre, les synthés, la guitare électrique et quelques percussions viennent renforcer ce motif inquiétant, débouchant sur une superbe reprise du thème chanté en « la la la la » par les quatre choristes du London Children’s Choir. Le « Main Title » s’avère être non seulement une parfaite réussite dans son genre, mais parvient aussi à renouer avec l’esprit musical de la franchise « Chucky » (le lien entre les voix d’enfants et la poupée) tout en permettant à Donaggio de retrouver un style très proche de ses anciens travaux des années 70/80.

Optant ainsi pour une approche résolument rétro et pleine de références, Pino Donaggio nous offre un premier passage de terreur/suspense dans « Tiny Stalker/A Nightmare on Nottingham Mews », avec le mélange de synthétiseurs kitsch, de claviers et d’orchestre dominé ici par les cordes et les percussions, une voix d’enfant, des cordes staccatos et aigues qui rappellent indéniablement Bernard Herrmann et certaines musiques de Donaggio pour De Palma. De l’humour, le score de « Seed of Chucky » n’en manque pas, comme lorsque le compositeur utilise malicieusement le cliché de la flûte asiatique lorsqu’il est question des origines japonaises de Glen (au début de « Made in Japan » et « Konichiwa »), ou lorsqu’il emploie une grande envolée chorale d’enfants dans « Glen’s Escape » qui rappelle beaucoup Danny Elfman. Niveau thématique, hormis le thème de 8 notes, on trouve aussi un motif de 6 notes associé à Glen entendu aux synthés au début de « Tiny Stalker » et surtout repris dans « Made in Japan » par des synthétiseurs aigus et cristallins évoquant le son d’une boîte à musique mécanique – un élément caractéristique du score de « Seed of Chucky », encore en référence au monde de l’enfance et des jouets – Motif protéiforme et aisément malléable, le thème de Glen sera constamment varié tout au long du film, parfois sous des formes discrètes, parfois dans des variantes plus agressives. Jennifer Tilly a droit à son propre thème, introduit dans « Our Jennifer » par un saxophone jazzy et langoureux aux contours mélodiques indéniablement sexy. Donaggio se fait plaisir et compose une sorte de slow jazzy rétro pour l’actrice, une magnifique réussite nostalgique qui rappelle les musiques pour les femmes fatales des polars américains des années 40/50. Dans « Family Reunion », Donaggio replonge à nouveau dans les années 80 à grand renfort de synthétiseurs kitsch aux sons étranges et d’orchestrations plus généreuses et inventives, le morceau apportant une noirceur et un suspense remarquable au film (avec le retour de l’entêtant ostinato de 8 notes de Chucky). Le maestro italien a d’ailleurs l’occasion d’expérimenter autour des sonorités électroniques dans plusieurs passages du film, et notamment dans « Stark Raving Mad » où il parvient à créer ces sons à la fois kitsch et étranges sur fond de basse analogique. Un nouveau thème fait son apparition dans « Konichiwa », le thème de la famille qui marque les retrouvailles entre le fils et ses parents, magnifique thème lyrique de cordes classique et passionné à la manière des grands Love Themes du Golden Age hollywoodien, repris aussi à la fin de « Stark Raving Mad » dès 1:22.

Dans « How to Get a Head in Hollywood », Pino Donaggio accompagne la scène du meurtre du technicien hollywoodien avec une bonne dose d’humour noir, le compositeur n’hésitant pas à accompagner une partie de la scène avec quelques rythmes latino inattendus, sur fond de samples de guitare électrique/synthés et cordes. Le final étrange de « How to Get a Head in Hollywood » renforce le caractère bizarre et décalée de la musique de Donaggio, un petit bijou d’inventivité kitsch et de dérision. Idem pour « Inquiring Minds/Jennifer’s Home/Finger’s Crossed/Visual Stimuli » qui frôle même la musique de mickey-mousing avec sa reprise sautillante aux bassons du motif de 8 notes vers le début de « Inquiring Minds ». On retrouve aussi le thème sexy de saxophone de Jennifer Tilly que le compositeur cite brièvement, sans jamais perdre de vue le second degré parodique de sa musique et du film de Don Mancini. Dans « Paparazzo’s Delight/Jennifer’s Windows/Designs by Tiffany », Pino Donaggio cite son travail sur le film « Body Double » de Brian De Palma (1984) en ayant recours à des synthétiseurs kitsch de l’époque, pour un autre passage oscillant entre parodie et suspense macabre (on notera quelques passages de cordes dissonantes particulièrement agressifs). Donaggio développe ici un motif de clavier associé au paparazzi Pete Peters (John Waters). Dans « Acid Trip », on retrouve le motif synthétique du paparazzi avec une part plus importante accordée à l’orchestre, durant la scène où Pete Peters meurt en recevant de l’acide sur son visage, pour un passage de terreur/suspense qui ne se prend jamais trop au sérieux mais n’oublie pas pour autant de mettre l’accent sur les dissonances des cordes herrmanniennes ou les sonorités obscures des synthétiseurs – à noter que le morceau parodie la musique de Pino Donaggio pour le film « Carrie » de De Palma (1976). On notera le retour de la voix d’enfant au début de « The Sweetest Voice/Intestinal Fortitude », autre passage d’épouvante/suspense durant la scène gore de la mort de Redman, l’utilisation de synthés eighties ultra kitsch nous renvoyant clairement au style de certains travaux orchestraux/électroniques composés à la même époque par Jerry Goldmsith sur des films fantastiques/d’épouvante. « Glen and Glenda » évoque la folie de Glen qui ne sait plus vraiment où il en est ni qui il est réellement. C’est l’occasion pour le maestro d’expérimenter encore une fois autour de l’électronique avec une certaine liberté de ton évidente (et le retour du motif de boîte à musique de Glen et du thème lyrique de la famille, au choeur d’enfants à 3:24). « Chucky’s Destiny » prolonge le travail autour du motif principal de 8 notes juxtaposé à celui de Glen, les idées semblant ici fusionner de façon plus rapide, tandis que « Pride of Chucky » reprend en 5 minutes les principales idées mélodiques et sonores de la partition.

Pino Donaggio signe donc une partition étonnante et singulière pour « Seed of Chucky », qui nous permet de revenir de nombreuses décennies en arrière, à l’époque des synthétiseurs analogiques des années 80 et des musiques horrifiques écrites sur ordinateur et claviers. Visiblement très à l’aise sur le film, Donaggio a finalement réussi à trouver le ton juste de sa partition en mélangeant suspense glauque, thèmes, cordes stridentes à la Bernard Herrmann et synthés kitsch pour les besoins du film, le tout sur fond de parodie et d’humour noir omniprésent. Difficile de croire que le score a été composé pour un film de 2004, la partition semblant surgir tout droit de l’époque aux premiers films de Joe Dante ou de Brian De Palma. Aussi appréciable dans le film que sur l’album, la musique de « Seed of Chucky » marque ainsi le retour de Pino Donaggio au cinéma américain, un retour qui devrait satisfaire tous les fans du maestro italien, qui auraient tort de passer à côté de cette excellente partition nostalgique pleine d’humour noir !




---Quentin Billard