Disc 1 - The Score

1-A Place Calling Itself Rome 1.25
2-Citizens March 1.37
3-You Fragments 0.57
4-Souls of Geese 4.04
5-Make You A Sword of Me 2.57
6-We Hate Alike 1.09
7-And Then Men Die 1.00
8-Virgilia 0.58
9-The Deeds of Coriolanus 4.05
10-My Masters 1.16
11-Penalty of Death 2.38
12-There Is A World Elsewhere 0.56
13-Starve With Feeding 3.34
14-What Is Thy Name 1.44
15-Meneneus 1.19
16-Milk In A Male Tiger 1.30
17-Some Other Deity 1.34
18-Oh Mother 1.07
19-Cut Me To Pieces 1.24
20-Sta Pervolia 3.25*
21-Coriolanus 2.10

Disc II - Music and Dialogues
From The Film


1-A Place Calling Itself Rome 1.40
2-You Fragments 1.14
3-Souls of Geese 4.07
4-Make You A Sword of Me 2.58
5-We Hate Alike 1.18
6-And Then Men Die 0.59
7-The Deeds of Coriolanus 4.23
8-Penalty of Death 2.57
9-There Is A World Elsewhere 2.33
10-Starve With Feeding 3.47
11-What Is Thy Name 2.02
12-Milk In A Male Tiger 3.16
13-Some Other Deity 1.35
14-Oh Mother 1.44
15-Cut Me To Pieces 1.37

*Interprété par Lisa Zane.

Musique  composée par:

Ilan Eshkeri

Editeur:

Varèse Sarabande 302 067 141 2

Musique produite par:
Steve McLaughlin
Producteur exécutif:
Robert Townson
Supervision musique:
Ian Neil
Orchestrations et copies:
Jessica Dannheisser, Millie Baring
Production musicale & coordination:
Elisa Kustow, Millie Baring

Dialogue extracts by kind
permission of Ralph Fiennes,
Vanessa Redgrave, Gerard Butler,
Brian Cox.

(c) 2012 Coriolanus Films Limited. All rights reserved.

Note: ***
CORIOLANUS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Ilan Eshkeri
Acteur touche-à-tout et à l’aise dans tous les registres, Ralph Fiennes s’est imposé en quelques années comme un comédien talentueux, capable de jouer des détraqués (« Red Dragon »), des hommes psychologiquement torturés (« Spider »), des personnages romantiques et distingués (« The English Patient », « Maid in Manhattan ») sans oublier son rôle de Lord Voldemort dans la saga « Harry Potter ». Mais c’est vite oublier que Ralph Fiennes est aussi un homme de théâtre, dans la plus pure tradition britannique, et qu’il est un spécialiste de Shakespeare. C’est ainsi que le comédien joua au théâtre dans « Hamlet » mis en scène par Jonathan Kent à Londres en 1994 et connu un certain succès qui permit alors à toute la troupe de rejouer la pièce à Broadway. Fiennes joua aussi dans d’autres pièces de Shakespeare comme « Twelfth Night » en 1985, « A Midsummer Night’s Dream » en 1985 et 1986, « Romeo and Juliet » en 1986, « Much Ado About Nothing » en 1988, « King John » en 1989 ou bien encore « King Lear » en 1990, « Love’s Labour’s Lost » en 1991 ou bien encore « Hamlet » en 1995. Saisissant alors l’opportunité de réaliser son premier long-métrage, Ralph Fiennes tourna « Coriolanus » en 2011, une version modernisée d’un autre grand classique de William Shakespeare, que l’acteur/réalisateur avait déjà interprété sur les planches dans la version de Jonathan Kent en 2000 à Londres et à New York. Avec « Coriolanus » (Ennemis jurés), Fiennes souhaitait relever le défi de transposer l’intrigue de Shakespeare dans un contexte moderne, afin de souligner l’intemporalité étonnante de l’oeuvre du célèbre écrivain anglais, qui conçu cette tragédie en 1607 et la publia des années plus tard, en 1623. L’histoire du film se déroule dans une version alternée de la ville de Rome de nos jours. De nombreuses manifestations et émeutes éclatent un peu partout dans Rome, alors que les réserves de blés s’amenuisent et que la population est en train de mourir de faim, tandis que le gouvernement réduit toujours plus les libertés civiques, alors que Rome est en conflit avec le peuple voisin des Volsques. Les émeutiers accusent plus particulièrement l’ambitieux général Caius Martius (Ralph Fiennes) d’affamer la population et de faire beaucoup de tort à Rome, chose à laquelle le général répond par un fort mépris envers son peuple, rendant la situation toujours plus tendue. Pendant ce temps, Tullus Aufidius (Gerard Butler), le commandant de l’armée volsquienne et ennemi juré de Martius, organise un nouveau raid sur la ville de Corioles, affrontant Martius et son armée, mais ce dernier ressort alors triomphant du combat. Sa victoire contre les Volsques lui vaut alors le surnom de « Coriolan ». Sur insistance de sa mère Volumnia (Vanessa Redgrave), Martius décide ensuite de rentrer dans la politique en obtenant son siège au sénat romain. C’est alors que deux sénateurs, Brutus (Paul Jesson) et Sicinius (James Nesbitt), complotent dans l’ombre pour renverser Martius, craignant que ce dernier ne s’empare de tout le sénat. Accusé à tort de traîtrise, Coriolan s’emporte et ses paroles de révolte en plein plateau télévisé lui valent de devenir extrêmement impopulaire auprès de la population. Le sénat décide alors de bannir Coriolan de Rome pour trahison. Furieux et prêt à tout pour se venger, Coriolan décide finalement de rejoindre Aufidius à Antium, la capitale Volsque, avec lequel il finit par s’associer. Réconciliés, Coriolan et Aufidius préparent alors ensemble l’assaut final sur Rome, dans l’intention de la détruire.

« Coriolanus » est donc une version moderne de l’oeuvre de Shakespeare, filmée avec brio par un Ralph Fiennes qui maîtrise complètement son sujet. Le fait même que l’acteur ait joué cette pièce au théâtre en 2000 faisait de lui un candidat parfait à la réalisation de cette seconde version cinématographique de la tragédie de Shakespeare déjà portée à l’écran en 1984 avec le téléfilm « The Tragedy of Coriolanus ». Outre son casting de qualité, « Coriolanus » vaut aussi par la mise en scène nerveuse et viscérale de Fiennes, par la qualité stupéfiante de ses images et une direction d’acteur irréprochable. L’acteur/réalisateur s’empare de son personnage avec une intensité extraordinaire, tandis que le script de John Logan respecte les grandes lignes de la tragédie tout en modernisant le contenu : ainsi, les scènes de guerre au début du film rappellent certains conflits majeurs du XXe siècle (notamment la guerre en Bosnie) tout en abordant des thèmes toujours d’actualité comme les manipulations politiques ou les rapports parfois difficiles entre le peuple et ses dirigeants. Le simple fait d’avoir intégré les dialogues d’origine de la pièce de Shakespeare dans un contexte moderne est un pur challenge particulièrement osé que le cinéaste concrétise avec goût et intelligence. Intense, violent, déroutant, provoquant, « Coriolanus » est tout cela à la fois : pari réussi donc pour la toute première réalisation de Ralph Fiennes, récompensée par quelques nominations en 2011 dont celle du meilleur réalisateur débutant.

La musique du compositeur anglais Ilan Eshkeri n’est certainement pas l’élément le plus mémorable de « Coriolanus ». Néanmoins, l’impact de la musique sur les images n’est pas négligeable, car le musicien apporte une atmosphère particulière aux scènes dans sa façon de travailler le son, que ce soit dans le traitement de l’orchestre, des percussions ou des éléments électroniques habituels. Soucieux d’éviter un classicisme musical trop académique qui jurerait avec l’approche moderne voulue par Ralph Fiennes, qui souhaitait avant tout une approche musicale très différente sur la musique de son film, Ilan Eshkeri élabore une partition plus moderne très nettement orientée vers l’utilisation des percussions et de l’électronique, en plus de l’orchestre symphonique habituel (ici, le London Metropolitan Orchestra). L’enregistrement londonien de la partition elle-même a représenté un vrai challenge pour le compositeur, car la plupart des instruments ont été enregistrés un par un, ce qui reste assez inhabituel, même pour un enregistrement d’une musique de film hollywoodienne, où il est plus fréquent d’enregistrer par bloc des ensembles instrumentaux (surtout pour des questions de mixage), le but étant ici de contrôler chacune des notes et des sons instrumentaux sans jamais dévier de cette idée de modernité et d’avant-gardisme minimaliste très particulier. Au sommet du score, on trouve donc de nombreux solos de trompette interprétée par John Barclay, la trompette étant l’un des instruments-clé de « Coriolanus », des techniques particulières des cordes (archet à peine frôlé sur les cordes de l’instrument, effets de col legno, archet martelé en rebondissant brutalement sur la corde, etc.), qu’Ilan Eshkeri interprète d’ailleurs lui-même, et un ensemble de percussions incluant timbales, tambours taïkos japonais, grosse caisse, vibraphone à archet (technique particulière dans laquelle le percussionniste frotte les lames métalliques du vibraphone sur ses deux extrémités à l’aide d’un archet, en général celui d’un violoncelle ou d’une contrebasse), crotales, plaques métalliques, steel drum, glass pad, gong, pots métalliques, spring drum (instrument moderne très particulier constitué d’un cylindre évasé avec un ressort métallique qui fait vibrer la membrane du dessus en créant un son très particulier voire mystique), etc. Musique résolument atonale et expérimentale, « Coriolanus » délaisse toute approche mélodique habituelle, et s’éloigne assez souvent de la tonalité conventionnelle pour une approche clairement bruitiste et anti-hollywoodienne.

« A Place Calling Itself Rome » introduit dès le début du film le ton du score en présentant les principaux éléments de la musique de « Coriolanus » : rythmes scandés et syncopés aux percussions, trompette véhémente et imposante, et effets sonores des cordes (remixées ensuite sur ordinateur pour obtenir un son plus particulier). Ces rythmes agressifs et métalliques des percussions évoquent clairement le climat de guerre du film, et créent une tension permanente comme le rappelle « Citizens March », alors que le peuple se met en marche pour protester violemment contre la tyrannie du gouvernement romain. Ici aussi, on retrouve ces motifs particulier des percussions (mélange de timbales, taïkos, pots métalliques, gong, plaques, etc.) toujours accompagnées de ces étranges effets de cordes bruitistes, et plus particulièrement un son de trémolos crée en sul ponticello (jeu de l’archet placé très près du chevalet de l’instrument). Les effets filtrés des cordes renforcent la froideur des instruments qu’Ilan Eshkeri détourne complètement pour les besoins du film, quitte à les rendre parfois méconnaissables. Ces rythmes de percussions et sonorités expérimentales des cordes reviennent quasiment à l’identique dans « You Fragments » et « Souls of Geese », qui introduit quand à lui de nouvelles nappes sonores de violoncelle conçues en effleurant délicatement l’archet sur les cordes de l’instrument, ce qui crée un son proche des harmoniques, filtré ensuite par ordinateur et rendu quasi méconnaissable. Ces sons étranges parcours d’ailleurs une bonne partie de la musique de « Coriolanus », instaurant une atmosphère expérimentale très particulière dans le film, comme c’est le cas dans « Souls of Geese » entre 1:49 et 2:08 où l’on frôle la musique de thriller/d’épouvante pure, notamment avec ces étranges clusters en glissandi du violoncelle. Eshkeri assume totalement son approche expérimentale/anti-conventionnelle et confirme ses intentions dans le sombre « Make You A Sword of Me » et « We Hate Alike », tandis que « And Then Men Die » dévoile un thème de trompette associé à Coriolan dans le film, thème de 5 notes solennelles suggérant les exploits militaires du général.

Le problème du score vient essentiellement du caractère ultra répétitif des compositions d’Ilan Eshkeri. Désireux de plonger en pleine expérimentation, le compositeur oublie la qualité d’écoute et se cantonne à répéter les mêmes formules sonores et instrumentales tout au long du score, quitte à lasser sur la longueur. Ainsi, si l’on apprécie le minimalisme étrange de « My Masters » et ses cordes staccatos étranges et entêtantes, on regrettera le fait que « Penalty of Death » se contente de reproduire les formules rythmiques de « A Place Calling Itself Rome » sans rien apporter de neuf, à tel point que l’on finit par se demander si l’on est pas en train d’écouter le même morceau qui tourne en boucle tout au long du film. C’est la preuve que l’approche musicale expérimentale d’Eshkeri fonctionne dans le film mais parvint plus difficilement à convaincre sur l’album à cause de son côté très limité ou du manque de renouvellement de la musique, qui, débarrassée de la surprise intrigante des premières minutes, tombe rapidement dans la monotonie en raison d’une mécanique bien huilée mais lassante : « mécanique » est bien le mot le plus adapté à cette musique, car en écoutant « Starve With Feeding » ou « Meneneus », on ressent clairement toute l’aigreur, l’ambition et la noirceur de Coriolan, tandis que les sonorités cristallines et new age du glass pad de « Milk In A Male Tiger » tentent de calmer le jeu, avant d’être rattrapé par la violence rythmique et belliqueuse de « Some Other Deity ». Au final, difficile de s’enthousiasmer particulièrement pour un score aussi monotone et répétitif que « Coriolanus », car si les ambitions initiales d’Ilan Eshkeri sont fort louables, il est regrettable que le compositeur se perde en cours de route, obligé de répéter constamment les mêmes formules musicales du début jusqu’à la fin sans jamais parvenir à se renouveler ni à s’écarter temporairement d’une ligne de conduite érigée comme un dogme, bien trop stricte et limitée pour assurer une qualité d’écoute satisfaisante sur la longueur. A force de faire du copié/collé d’un morceau à un autre, les pièces s’enchaînent avec monotonie dans le film alors que tout finit par se ressembler dangereusement, et ce malgré les qualités évidentes du score (recherches de timbres, explorations sonores étranges, atonalité moderne et expérimentale, etc.). C’est d’autant plus regrettable que l’on se serait attendu à une écoute plus fascinante et plus passionnante par rapport à ce que nous donnait à entendre la musique dans les premières minutes du film. Pour conclure : de très bons points pour un score expérimental particulier et anti-conventionnel, mais aussi très lassant à écouter sur la longueur !




---Quentin Billard