1-Seeing Through Ghosts
(Theme from The Awakening) 1.46
2-The Seance 2.07
3-'Oh, Coccinelle'*/Deep Breaths 2.22
4-High Over Cumbria 0.56
5-Empty Classrooms 2.15
6-Florence Cathcart 1.55
7-Arrival At Rookford 1.18
8-Semper Veritas 1.32
9-Preparations 1.49
10-Chasing Footprints 3.22
11-Lock The House 1.26
12-The Hallway 1.04
13-Scars 1.07
14-There Is Nothing 0.58
15-Don't Go Away 1.00
16-The Dollshouse 2.31
17-No Walls or Floors 1.43
18-Damaged People 1.08
19-Patience 3.08
20-Florence Vanishing 1.29
21-The East Bedroom 3.33
22-Don't Tell Tom 2.39
23-Chorus de Susticatio
(Chorus from The Awakening) 1.57
24-A Death Remembered 1.18
25-Be Still My Soul 4.16**
26-Florence Is Free 2.57
27-The Awakening (Credits) 3.20
28-Reprise (Theme from The Awakening) 2.31

*Composé et interprété par
Nick Murphy
**Composé par Jean Sibelius,
Katharina A. von Schlegel
Interprété par Michael Csanyi-Wills,
Jeff Moore et Andrew Skeet.

Musique  composée par:

Daniel Pemberton

Editeur:

Screamworks Records SWR11008

Score produit par:
Daniel Pemberton
Album produit par:
Mikael Carlsson
Coordinateur musique:
Darrell Alexander,
Garteh Griffiths

Assistant musique:
Gordon Davidson
Producteur exécutif musique:
Phil Hope
Supervision musique:
Alison Wright

(c) 2011 StudioCanal/BBC Films/Creative Scotland/Lipsync Productions/Origin Pictures/Eagle Pictures/Scottish Screen. All rights reserved.

Note: ****
THE AWAKENING
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Daniel Pemberton
« The Awakening » (La maison des ombres) est un thriller d’épouvante britannique réalisé par Nick Murphy (auteur de téléfilms anglais et de séries TV) et sorti directement en DVD en 2011. Le film se déroule dans l’Angleterre de 1921 et raconte l’histoire de Florence Cathcart (Rebecca Hall), une jeune femme qui est devenue l’auteur de livres sur le spiritisme et les phénomènes paranormaux, et ce peu de temps après la mort de son fiancé durant la Première Guerre Mondiale. Les activités de Florence l’amènent à démasquer régulièrement les supercheries et les canulars autour du spiritisme. Un jour, un enseignant nommé Robert Mallory (Dominic West) la contacte afin d’enquêter sur le décès mystérieux d’un de ses élèves d’un internat, Walter Portman, qui serait lié selon plusieurs témoins à la présence de l’esprit maléfique d’un enfant qui rôderait quelque part dans l’école. Sceptique au premier abord, Florence accepte d’enquêter sur cette étrange affaire et fait la rencontre du personnel de l’internat, à commencer par Maud Hill (Imelda Staunton), la domestique et l’étrange jardinier Edward Judd (Joseph Mawle) au comportement inquiétant. Déterminée à prouver que cette histoire de fantôme n’est que supercherie, Florence va rapidement se retrouver confrontée à d’étranges visions, à des malaises à répétition et des phénomènes inexpliqués qui vont bouleverser ses convictions personnelles et révéler une vérité oubliée, enfouie en elle depuis très longtemps. Si dans le fond, « The Awakening » n’a rien de vraiment original en soi, le film tire son épingle du jeu grâce à une mise en scène classique et très soignée de Nick Murphy, réalisateur qui a avoué dans une interview ne rien connaître dans le domaine du cinéma d’épouvante, considérant davantage son film comme un drame psychologique qu’un véritable film d’horreur à proprement parler. A l’origine, le scénario de Stephen Volk allait pourtant bien plus loin dans l’épouvante, mais Nick Murphy décida finalement de le remanier afin de mettre davantage l’accent sur les personnages et leurs sentiments. Et c’est là que le film marque des points, car il nous présente une galerie de personnages qui semblent déambuler de façon étrange dans cet immense internat froid et glacial (renforcée par la couleur bleutée et grise de la photographie), et ce même si le film n’évite pas les traditionnels scare jumps indispensables à tout bon film de fantôme qui se respecte. Mais derrière le suspense surnaturel de « The Awakening », il y a surtout une évocation plus subtile du spectre de la Première Guerre Mondiale (l’histoire se passe en 1921), qui semble encore hanter bon nombre d’individus, à commencer par l’héroïne superbement interprétée par Rebecca Hall, toute en nuances et en profondeur, dans le rôle d’une enquêtrice cartésienne qui cherche à démasquer toutes les supercheries des prétendus médiums mais qui cache elle-même de très lourds secrets qu’elle semble avoir oublié. Si à l’origine le réalisateur ne voulait pas faire de « The Awakening » un film d’épouvante, c’est pourtant ce qu’il parvient à faire au final car le film respecte tous les codes du genre avec un savoir-faire évident : des bruits dans un couloir, une apparition spectrale inattendue, des sursauts, des rebondissements, des personnages à la souffrance intériorisée et aux lourds secrets, et un twist final surprenant : le résultat est un thriller psychologique et gothique tout à fait classique dans sa forme et particulièrement soignée, qui joue davantage sur l’ambiance que sur le gore ou les effets spéciaux, une réussite qui rappelle aussi le « El Orfanato » (2007) de l’espagnol Juan Antonio Bayona qui opérait déjà sur un registre similaire. A noter que « The Awakening » sera récompensé en 2012 par de nombreux prix dont celui du meilleur film au Festival de Bruxelles ainsi que trois prix remportés au Festival de Gérardmer.

La partition orchestrale/chorale du musicien britannique Daniel Pemberton est de loin l’élément le plus intéressant de « The Awakening ». Enregistrée à Londres, la partition regroupe un grand orchestre symphonique composé d’un peu plus d’une cinquantaine de musiciens avec la chorale du Crouch End Festival Chorus et un ensemble d’instruments solistes incluant un groupe de flûtes à bec, une cithare, une soprano et une flûte à coulisse, instrument-clé du score de « The Awakening », sans oublier quelques éléments synthétiques discrets. A la première écoute de la musique dans le film, on est frappé par l’ampleur sonore de la musique, par la puissance gothique des choeurs et par l’inventivité de certaines trouvailles sonores, dont les flûtes à bec associés à l’univers de l’internat et des enfants dans le film, ou la fameuse flûte à coulisse, traditionnellement utilisée dans les cartoons et détournée ici par Daniel Pemberton pour obtenir un son plus inquiétant et déroutant, plus fantomatique. Dans une récente interview, le compositeur avoua que parfois, les idées les plus simples sont tout bonnement les meilleures lorsqu’on travaille sur la musique d’un film : c’est ainsi que la flûte à coulisse est devenue LE son de l’univers spectral et surnaturel du film de Nick Murphy, un son que le compositeur n’hésite pas à retravailler par ordinateur, en le ralentissant et en le transposant de quelques tons pour le rendre plus intense et inquiétant sur les images – et très souvent accompagné de sonorités de piano préparé, consistant à frapper à l’aide de différentes baguettes sur les cordes du piano - Pemberton pose immédiatement le ton du score dans « Seeing Through Ghosts (Theme from The Awakening » où il introduit sans attendre le thème principal, un motif de 6 notes constitué d’un arpège ascendant puis descendant à l’alto brillamment interprété par Helen Kaminga – à noter que l’alto sera d’ailleurs un autre instrument-clé du score - Ce motif entêtant et mélancolique est associé à Florence Cathcart tout au long du film, et se distingue par son aspect envoûtant et mystérieux qui suggère par la même occasion cette mélancolie associée aux souffrances oubliées de Florence (certains ont parfois comparé ce thème à celui de « Signs » de James Newton Howard, bien que le travail autour du motif de l’alto soliste rappelle davantage le score de « The Village »). Très vite, Pemberton ajoute quelques cordes, une harpe et une flûte à bec à un thème qui reste l’idée majeure du score de « The Awakening ». Le deuxième thème du score est introduit dans « High Over Cumbria », brillamment interprété ici par la soprano Jennifer Bern et l’impressionnante chorale gothique sur fond de cordes agitées et un brin dissonantes, lors de l’arrivée de Florence à l’internat. Ce thème de l’école est associé à l’enquête sur la mort du jeune garçon, et apporte à son tour un soupçon de mystère et de mélancolie au film à travers chacune de ses apparitions.

On est subjugué ici par la qualité des orchestrations et de l’écriture instrumentale et chorale du compositeur, témoignage évident du savoir-faire remarquable du musicien anglais, comme c’est le cas dans l’impressionnant crescendo choral terrifiant de « The Seance », éminemment gothique et particulièrement prenant – ici aussi, l’influence de James Newton Howard semble quelque peu manifeste, et notamment de la partition de « Devil’s Advocate » pour le caractère gothique des choeurs – Si l’aspect fantomatique est excellent dans « Empty Classrooms », brillamment relayé par les notes vaporeuses de la cithare, de la flûte à bec et de la flûte à coulisse (agrémentée de quelques nappes synthétiques obscures), on est davantage impressionné par la puissance chorale/orchestrale de « High Over Cumbria » ou « Arrival At Rookford » dans le film. « Semper Veritas » offre à nouveau un rôle majeur à la chorale pour représenter l’institution scolaire du film et les mystères qui entourent l’internat. Florence s’active et installe tout son matériel dans « Preparations », où l’on ressent la détermination de l’héroïne tandis que les sonorités orchestrales s’affolent, et notamment avec des effets intéressants de flûte au début du morceau et une utilisation remarquable de la cithare et même d’une guitare électrique discrète ajoutée à un orchestre ample dominé ici par les cordes. L’aspect épouvante du film est alors suggéré dans « Chasing Footprints », pour l’une des premières scènes d’apparition fantomatique du film. Daniel Pemberton lorgne ici vers un style plus atonal et avant-gardiste à base de cordes dissonantes, clusters, trémolos, glissandi, etc. Toutes les techniques instrumentales habituelles de la musique symphonique avant-gardiste du XXe siècle sont utilisées ici, avec son lot de dissonances et de sursauts orchestraux intenses. Pemberton instaure un suspense glauque à l’aide des cordes, mais aussi de la cithare, des nappes synthétiques, des notes de flûte à bec ou de la flûte à coulisse. On retrouve les étranges effets de flûte traversière aléatoires au début de « Lock the House » alors que le thème de l’école est repris par quelques vocalises féminines mystérieuses. Les effets de flûte sont aussi repris au début de « The Hallway » tandis que « There Is Nothing » renforce l’atmosphère sombre et pesante du film avec un renfort de cordes dissonantes, de flûte à bec et de sursaut orchestral terrifiant, ambiance décuplée dans le brutal et chaotique « The Dollshouse ». A noter l’emploi réussi de la guitare basse dans l’agité « No Walls Or Floors », dans lequel le compositeur manie ses différentes sonorités avec une inventivité agréable.

La musique de « The Awakening » nous offre aussi quelques moments de lyrisme et d’émotion pure, comme le mélancolique « Don’t Go Away » ou le tragique « Damaged People », qui reprend le thème d’alto de Florence de façon remarquable, tout en finesse dans le film. Ici, le message est évident : la musique révèle les souffrances enfouies de la jeune femme, mais sans jamais céder au mélodrame. Pemberton conserve ici une approche plus intimiste et humaine tout à fait poignante, qui apporte un intérêt supplémentaire à un score bien loin de se limiter aux traditionnels sursauts cacophoniques (« The East Bedroom ») et au suspense fantomatique d’usage façon « Patience » ou « Florence Vanishing ». La tension monte malgré tout d’un cran dans l’intense « The East Bedroom », alors que l’on se rapproche enfin du twist final, tension amplifiée dans le film avec le puissant « Don’t Tell Tom » qui marque le retour des choeurs, dominant l’excellent « Chorus De Susticatio », morceau majeur de la partition de « The Awakening » dans lequel Pemberton superpose judicieusement en contrepoint le thème de Florence avec le thème de l’école, l’un ne faisant plus qu’un avec l’autre. Avec sa puissante envolée gothique très opératique d’esprit, « Chorus De Susticatio » s’avère être non seulement très classique d’esprit et digne des grands choeurs d’opéra du XIXe ou XXe siècle, mais il apporte aussi une émotion remarquable à la révélation finale du film. Du coup, les choses semblent s’apaiser dans le mélancolique « A Death Remembered », entièrement porté par les vocalises délicates de la soprano, tout comme « Florence Is Free », dont les vocalises funèbres semblent errer de manière fantomatique avec l’orchestre, concluant le film sur une touche dramatique saisissante. Le compositeur se fait alors plaisir et récapitule ses différentes idées pour le générique de fin, « The Awakening (Credits) », autre grand moment de musique de la partition de « The Awakening ». Pari réussi donc pour Daniel Pemberton qui signe sur le film de Nick Murphy l’un de ses meilleurs travaux pour le cinéma, une grande partition orchestrale/chorale d’une puissance dramatique et gothique saisissante, non dénuée d’influence (on pense parfois à James Newton Howard ou à Christopher Young pour les passages à suspense) mais particulièrement prenante dans le film et écrite avec une intelligence et un savoir-faire rare. Pour ceux qui souhaiteraient ainsi aborder l’univers musical de Daniel Pemberton, il semble évident de recommander chaleureusement le score de « The Awakening » : un très bon score, en somme !





---Quentin Billard